Magnétisme animal - Définition

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Les principaux courants du magnétisme

Lorsque Mesmer quitte Paris en 1785, la pratique du magnétisme animal, en plein essor malgré les interdits de la faculté, est représentée par trois courants principaux:

  • Les mesmériens proprement dits, qui expliquent les modifications physiologiques et psychiques suscitées par la magnétisation en mettant l'accent sur la circulation du fluide. Leur conception dominante, résolument physicaliste et matérialiste, est proche de celles de médecins qui, tel Désiré Pététin, préfèrent parler d'« électricité vitale ».
  • Les psychofluidistes, qui considèrent la volonté comme l'agent véritable de l'action magnétique mais gardent l'hypothèse d'un fluide comme vecteur de cette volonté. Les théoriciens de ce courant, qui se réclament de la raison, estiment que le somnambulisme dévoile les puissances latentes de l'âme.
  • Les spiritualistes, apparentés à une branche mystique de la franc-maçonnerie. Les uns pensent agir sur leurs malades directement par la volonté et la prière, d'autres considèrent que lors de leurs transes, les magnétisés entrent en contact avec des anges, des esprits.

Après la Restauration émerge le courant de ceux que l'on a appelé les imaginationnistes, pour qui ni la volonté du magnétiseur, ni un quelconque fluide n'interviennent. Pour eux, le magnétisme ne fait que libérer des puissances internes au sujet, les puissances de l'imagination, qui sont susceptibles de modifier de façon impressionnante la totalité psycho-organique de ce dernier.

Les Psychofluidistes

Armand Marie Jacques de Chastenet de Puységur

Les psychofluidistes admettent l'hypothèse d'un fluide universel, mais insistent surtout sur la volonté du magnétiseur et sur sa croyance dans le magnétisme pour soigner le patient. En outre, pour eux, la volonté de l'opérateur, loin de s'imposer à la volonté du patient, vient s'ajouter à elle, collaborer avec elle.

Leur chef de file est l'officier d'artillerie Armand Marie Jacques de Chastenet, alias le marquis de Puységur, qui est un des premiers, poussé par ses deux frères cadets, à s'inscrire à la Société de l'Harmonie Universelle pour suivre les enseignements de Mesmer. Le marquis pratique notamment le magnétisme dans le cadre de son régiment à Strasbourg pour soigner de jeunes soldats malades. Homme des Lumières, le marquis est en outre soucieux de la santé de ses vassaux et désireux d'œuvrer sur ses terres à l'avènement du progrès. Le 4 mai 1784, au repos dans son domaine de Buzancy dans le Soissonnais, alors qu'il tente de soulager par le magnétisme un jeune paysan, Victor Race, alors âgé de 24 ans, Puységur constate, au lieu des convulsions de la crise mesmérienne qu'il attend, que Victor tombe dans un sommeil calme et profond. À son grand étonnement, Victor, bien qu'apparemment endormi, manifeste une activité mentale intense, s'exprime sans son patois et sur des sujets qui excèdent ses préoccupations habituelles.

Alors qu'il reproduit ces expériences les jours suivants, une autre chose étonne le Marquis : lors de ses accès que Puységur qualifie de « somnambulisme provoqué » ou « sommeil magnétique », Victor semble capter ses pensées et ses désirs sans qu'il ait besoin de les formuler. Il suffit que Puységur formule un ordre, un désir silencieux et Victor l'exécute, comme s'il avait accès direct à ce qui se passe dans son esprit. Par ailleurs, lorsqu'il est en transe, Victor aide Puységur à diagnostiquer les maux des autres malades et lui explique la conduite à tenir envers eux. On parle de « lucidité magnétique » pour qualifier la clairvoyance des somnambules sur leur propre maladie, sur celle des autres et sur les remèdes qui leur conviennent. Puységur découvre en outre « qu'un somnambule peut voir à l'intérieur de son corps pendant qu'il est magnétisé, qu'il peut diagnostiquer sa maladie, prédire le jour de sa guérison et même communiquer avec les morts et les absents ». Au réveil, Puységur remarque que les somnambules ont oublié tout ce qui s'est produit alors qu'ils étaient magnétisés.

Les phénomènes de « lucidité magnétique » défient la rationalité des Lumières en ce qu'ils semblent impliquer que « la conscience humaine peut s'affranchir, dans certaines circonstances, des bornes du sujet et des contraintes spacio-temporelles qui semblaient encadrer inéluctablement son exercice. Cette fermeture du sujet était pour la pensée des Lumières de type axiomatique ». Face aux faits qu'il découvre et qui semblent étayer l'idée d'une interconnexion virtuelle des consciences, Puységur abandonne l'axiome de la fermeture de la conscience. Pour lui, ces phénomènes de lucidité doivent être étudiés comme le sont toutes les autres facultés humaines.

Très vite, les malades affluent à Buzancy et Puységur organise des traitements collectifs autour d'un grand orme. Le 17 mai, Puységur écrit à son frère : « Ils affluent autour de mon arbre, il y en avait ce matin plus de 130 ». Un témoin décrit la scène : « On a établi autour de l'arbre mystérieux, plusieurs bancs circulaires, en pierre, sur lesquels sont assis tous les malades, qui tous enlacent de la corde les parties souffrantes de leur corps. Alors l'opération commence, tout le monde formant la chaîne, et se tenant par le pouce. […] M. Puységur […] choisit entre ses malades plusieurs sujets que par attouchement de ses mains et présentation de sa baguette (verge de fer de 15 pouces environ), il fait tomber en crise parfaite […] Ces malades en crise, qu'on nomme médecins, ont le pouvoir surnaturel par lequel en touchant un malade qui leur est présenté, […] ils sentent quel est le viscère affecté, la partie souffrante ; ils indiquent à peu près les remèdes convenables ».

Selon certains auteurs, les expériences de Puységur auraient réactivé les croyances populaires de ses paysans, croyances liées aux guérisseurs, aux voyants et aux plantes médicinales. Puységur aurait également contribué à restructurer ces croyances, influencé notamment par ses lectures de Rousseau. La manière dont certains somnambules, après avoir diagnostiqué un malade, se portent en extase en forêt vers la plante susceptible de le guérir, et décrivent l'endroit où on la trouvera, n'est pas sans rappeler les textes dans lesquels le philosophe herborise dans un état proche de l'extase, notamment dans Les Rêveries du promeneur solitaire.

En 1785, Puységur amène Victor Race à Paris pour faire une démonstration de ses découvertes devant Mesmer. La même année, il reprend le commandement de son régiment d'artillerie à Strasbourg et crée dans cette ville la Société harmonique des amis réunis au sein de laquelle il forme plus de 150 magnétiseurs et institue de nombreux centres de traitements. Cette société continue à exister jusqu'en 1789 et publie de nombreux articles sur les différents cas traités par magnétisme. Homme des Lumières, Puységur commence par suivre les idées nouvelles du courant révolutionnaire, puis est dépassé par la tournure que prennent les événements. Nommé général d'artillerie en 1791, il démissionne en mai 1792. Alors que ses deux frères se réfugient à l'étranger, il refuse de les suivre. Sous la Terreur, Puységur passe deux années en prison avec sa femme et ses enfants mais évite le pire et n'est pas spolié de ses biens. Sous l'Empire, de 1800 à 1805, il est maire de Soissons.

Entre 1807 et 1813, Puységur publie plusieurs ouvrages en faveur du magnétisme et effectue des démonstrations avec le jeune paysan Hébert devant de nombreuses sommités médicales, dont le médecin Franz Joseph Gall et en 1815, il fait renaître la Société de l'harmonie de Mesmer sous le nom de Société du magnétisme.

En 1814, l'intérêt pour les écrits d'un autre partisan du magnétisme animal, le naturaliste Joseph Philippe François Deleuze, collaborateur d'Antoine-Laurent de Jussieu au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, donnent lieu à la publication d'une revue, les Annales du magnétisme, dans laquelle on expose les expériences conduites par les magnétiseurs à travers l'Europe. Cette revue prendra le nom de Bibliothèque du magnétisme animal à partir de 1818. Deleuze défend le magnétisme contre les positivistes de l'académie mais aussi contre l'aile droite de l'église catholique, représentée notamment par l'abbé Fustier, l'abbé Wurtz ou l'abbé Fiard, qui voient dans le magnétisme une conspiration maçonnique visant à saper les fondements de la Chrétienté et derrière laquelle se profile Satan en personne.

On trouve également parmi les psychofluidistes Charles de Villers, Auguste Leroux, A.A. Tardy de Montravel, Louis Joseph Charpignon, Casimir Chardel, Charles Lafontaine et le médecin Alphonse Teste. Les membres de ce courant publient la plus grande partie de leurs écrits dans la Revue du magnétisme.

Les Spiritualistes

Les spiritualistes s'inscrivent dans un courant chrétien issu de l'illuminisme, lié à une branche mystique de la franc-maçonnerie. Leur chef de file est le théosophe Louis-Claude de Saint-Martin dont l'initiateur fut Martines de Pasqually et qui fut très influencé par les travaux d'Emanuel Swedenborg. Saint-Martin devient le vingt-septième membre de la Société de l'Harmonie le 4 février 1784 mais s'éloigne progressivement de Mesmer dont il regrette l'insistance matérialiste sur l'action du fluide. Certains spiritualistes prétendent agir directement sur le patient, sans l'influence d'un fluide, par la volonté et la prière. D'autres considèrent que les magnétisés entrent en contact avec des entités supra-humaines. Ces théosophes magnétiseurs lyonnais travaillent avec des femmes somnambules qui sont censées avoir un contact privilégié aux mystères célestes. Parmi ces femmes, on trouve Jeanne Rochette ou Marie-Louise de Vallière de Montspey.

Au-delà des polémiques avec les psychofluidistes, on sait que Puységur a fréquenté ces milieux, notamment par l'intermédiaire de la loge maçonnique « La Candeur de Strasbourg » à laquelle il appartenait avec ses frères et dont le rituel s'inspirait de celui qu'avait insitué Jean-Baptiste Willermoz, un autre disciple de Pasqually. En outre, Pasqually mettait comme Puységur l'accent sur l'importance de la volonté dans la cure magnétique.

On compte également parmi les spiritualistes plus tardifs Louis Alphonse Cahagnet et Henry Delaage.

Les Imaginationnistes

Les imaginationnistes rejettent la notion de fluide et celle de volonté. Ils n'en pratiquent pas moins le magnétisme en utilisant les effets de l'imagination.

À partir d'août 1813, l'abbé Faria donne à Paris un cours sur le somnambulisme magnétique, qu'il préfère appeler sommeil lucide. Un témoin de l'époque, le médecin Alexandre Bertrand, nous décrit sa méthode: « Il faisait placer sur un fauteuil la personne qui voulait se soumettre à son action, et l'engageait à fermer les yeux en se recueillant; puis, tout à coup, il prononçait d'une voix forte et impérative le mot Dormez, qui faisait ordinairement sur le patient une impression assez vive pour produire en lui une légère secousse de tout le corps, de la chaleur, de la transpiration, et quelquefois le somnambulisme ». Faria conteste aussi bien la théorie fluidique de Mesmer que la théorie de Puységur sur le rôle décisif de la volonté du thérapeute dans l'introduction de la transe magnétique. Il refuse en outre à la personnalité de l'hypnotiseur tout pouvoir effectif sur le patient et conteste les théories populaires sur les pouvoirs supranormaux des magnétiseurs. Pour lui, le sommeil lucide ne fait que libérer les pouvoirs cachés de l'âme, qui s'expriment de façon voilée et fragmentaire dans les rêves. Le magnétiseur ne fait qu'aider son patient à accéder à ses ressources intérieures.

Faria est ridiculisé dans la presse, notamment dans une série d'articles impitoyables d’Étienne de Jouy puis, à partir de 1816 dans une pièce de vaudeville de Jules Vernet, La magnétismomanie. Critiqué par les psychofluidistes, qui ne lui pardonnent pas son rejet du fluide, et par ses collègues ecclésiastiques, qui l'accusent de pactiser avec des forces démoniaques, il doit fermer son salon de conférences et se retire dans un pensionnat de jeunes filles en tant qu'aumonier.

Du 23 août 1819 à janvier 1820, le médecin Alexandre Bertrand, polytechnicien et futur chroniqueur scientifique au journal Le Globe, donne un cours public sur le magnétisme animal. D'abord partisan des thèses psychofluidistes, Bertrand devient un des maîtres à penser du courant imaginationniste. Parmi les auditeurs de Bertrand, on trouve un certain nombre de médecins qui portent le magnétisme en milieu hospitalier. Progressivement, plusieurs médecins de renom initialement sceptiques tels Husson, Léon Rostan, François Broussais, Pierre Fouquier ou Étienne-Jean Georget, assistent à des expériences qui les rallient à la cause du magnétisme.

On trouve également parmi eux le baron Étienne Félix d'Henin de Cuvillers, éditeur des Archives du magnétisme animal à partir de 1819, le philosophe Maine de Biran, le général François Joseph Noizet ainsi que Jules Denis, alias baron Jules Dupotet de Sennevoy, qui publie le Journal du magnétisme de 1845 à 1861.

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