Réacteur nucléaire à sels fondus - Définition

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Introduction

Schéma de principe d'un réacteur à sel fondu

Un réacteur nucléaire à sels fondus (RSF) (en anglais, molten salt reactor : MSR) est un type de réacteur nucléaire dans lequel le combustible nucléaire se présente sous forme de sel à bas point de fusion. Le sel fondu joue à la fois le rôle de combustible et de caloporteur. Le réacteur est modéré par du graphite.

Le concept a été évalué et retenu au sein du Forum International Génération IV. Il fait l'objet d'études et de recherches en vue d'un déploiement comme réacteur de quatrième génération avec cependant une date prévisionnelle d'industrialisation plus éloignée que les autres concepts étudiés. De nombreuses propositions de conception de centrale nucléaire sont fondées sur ce type de réacteur, mais il y a eu peu de prototypes construits.

Théorie

Les réacteurs à sels fondus ont un cœur en graphite percé de canaux dans lesquels circule un sel de matières fissiles et fertiles, par exemple tétrafluorure d'uranium (UF4). Le liquide devient critique quand il passe dans le coeur graphite qui sert de modérateur.

Le concept associe au réacteur une usine de traitement du combustible usé en ligne, chargée de séparer les produits de fission (ainsi qu'éventuellement les actinides mineurs) au fur et à mesure de leur production en réacteur.

Bilan technologique

Weinberg et ses collaborateurs du Laboratoire national d'Oak Ridge ont souligné les avantages suivants:

Avantages liés aux sels fondus

  • C'est un fonctionnement sûr, et d'entretien facile. Les sels de fluor sont chimiquement et mécaniquement stable, à la pression athmosphérique, malgré une forte température et une radioactivité intense. Le fluor se combine ioniquement avec pratiquement tous les produits de fission, ce qui permet de les évacuer facilement. Même des gaz rares - notamment le xénon-135, un important poison neutronique - sort de manière prévisible et maîtrisable au niveau de la pompe, où le carburant est à plus faible température. Même en cas d'accident, la dispersion dans la biosphère est peu probable. Les sels ne brûlent pas dans l'air ou l'eau, et les sels et de fluorure ne se dissolvent pas dans l'eau.
  • Il n'y a pas de vapeur à haute pression dans le cœur, mais simplement des sels fondus à basse pression. Cela signifie que cette filière ne peut pas conduire à une explosion due à la vapeur, et n'exige donc pas une cuve de réacteur résistant à la haute pression, la partie la plus chère d'un réacteur à eau pressurisée. À la place, une cuve résistante à faible pression suffit pour contenir les sels fondus. Pour résister à la chaleur et à la corrosion, le métal de la cuve est un alliage exotique (Hastelloy-N) à base de nickel, mais il y en a beaucoup moins que pour une cuve de réacteur à eau pressurisée, et ce métal est moins coûteux à mettre en forme et à souder.
  • Le réacteur fonctionne en spectre neutronique thermique (comme les réacteurs à eau légère) ou épithermique (entre thermique et rapide). Ce régime de fonctionnement permet de réduire drastiquement les fuites neutroniques par rapport à un spectre rapide. Le coeur est ainsi beaucoup plus compact que ceux des réacteurs à neutrons rapides avec une masse de métaux lourds réduite d'un facteur 10 environ. Le pilotage du coeur est également facilité.
  • Il permet d'utiliser facilement le cycle de combustible nucléaire fondé sur le thorium, qui n'est guère pratique dans d'autres filières.
  • La forme de sel fondu permet (voire impose) le traitement en ligne.
  • Le réacteur à sel fondu fonctionne à une température beaucoup plus élevée que les réacteurs à eau légère, de l'ordre de 650°C dans des conception conservatrice, jusqu'à 950°C dans les réacteurs à très haute température. Ils sont donc des générateurs très efficaces pour le cycle de Brayton (turbines à gaz). Ce grand rendement thermique est un des objectif de "réacteurs de génération IV".
  • Un SPTD peut fonctionner aussi bien en petites tailles qu'en grandes, de sorte qu'une installation pourrait facilement construire plusieurs petits réacteurs (par exemple de 100 MWe), réduisant les risques opérationnels et financiers.
  • Comme toutes les centrales nucléaires, un tel réacteur a peu d'effet sur la biosphère. Il ne requiert qu'une faible surface, des constructions relativement peu importantes, et les déchets sont gérés de manière séparée, contrairement aux centrales à combustibles fossiles et aux projets d'énergie renouvelable.

Avantages liés au retraitement en ligne

Le combustible nucléaire d'un réacteur à sels fondus peut être retraité par une petite installation chimique annexe. Weinberg (au Laboratoire national d'Oak Ridge) a pu constater qu'une installation réduite peut assurer le retraitement nécessaire pour un réacteur de grande puissance de 1 GW: Tout le sel doit être retraité, mais seulement tous les dix jours. Le bilan en déchets d'un tel réacteur est donc beaucoup moins lourds que dans un réacteur conventionnel à eau légère, qui transfère les cœurs entiers aux usines de recyclage. En outre, tout, sauf le carburant et les déchets, reste sur place dans l'usine.

Le processus de retraitement utilisé est le suivant:

  • Un traitement au fluor pour éliminer l'uranium-233 du sel. Cela doit être fait avant l'étape suivante.
  • Une colonne de séparation de 4 mètres de haut au bismuth fondu sépare le protactinium du sel combustible.
  • Une cuve de stockage intermédiaire permet de laisser reposer le protactinium provenant de la colonne, le temps qu'il se transforme en uranium-233. Avec une demi-vie de 27 jours, dix mois de stockage assure une transformation à 99,9% en uranium.
  • Une petite installation de distillation en phase vapeur des sels de fluorure. Chaque sel a une température d'évaporation. Les sels légers s'évaporent à basse température, et forment la plus grande partie du sel. Les sels de thorium doivent être séparés des déchets de fission à des températures plus élevées.

Les quantités en jeu sont d'environ 800 kg de déchets par an et par GW généré, ce qui implique un équipement assez faible. Les sels de transuraniens à longue durée peuvent être séparés, ou revenir dans le réacteur et servir de combustible.

Avantages liés au cycle du thorium

Quand on le combine avec le retraitement du combustible, le cycle du thorium ne produit que 0,1% des déchets hautement radioactifs à vie longue que produit sans retraitement un réacteur à eau légère (filière de tous les réacteurs modernes aux États-Unis ou en France).

Lorsque le thorium-232 capture un neutron, il se transforme en Th233, qui se désintègre rapidement en protactinium (Pa233). Pa233 se désintègre à son tour en U233 avec une demi-vie de 27 jours. L'uranium-233 est un isotope fortement radioactif de l'uranium (demi-vie de 159 200 ans), mais il ne sort pas du réacteur. Cet uranium 233, qui n'existe pas dans la nature, est un excellent isotope fissile. C'est le combustible nucléaire essentiellement exploité par ce cycle. Quand U233 est bombardé par des neutrons thermiques, les neutrons conduit le plus souvent à une fission.

Un atome d'uranium-233 peut aussi absorber le neutron (avec une probabilité d'environ 1/7 ou moins) pour produire de l'uranium-234 (deux fois moins radioactif que l'U-233). Ce produit d'activation va généralement finir par absorber un autre neutron pour de devenir l'uranium 235, fissible, qui fissione dans des conditions similaires à celles de l'U233, et contribue donc au fonctionnement du réacteur comme combustible nucléaire. Il peut également (avec une probabilité d'environ 1/6) se transformer en uranium-236, très faiblement radioactif (demi-vie de 23 million d'années), qui circulera avec le reste de l'uranium et finira par absorber un neutron supplémentaire le transformant en uranium-237 (demi-vie de 6,75 jours) puis en neptunium-237 relativement stable (demi-vie de 2,2 millions d'années).

Le neptunium peuvent être séparés chimiquement du sel fondu par retraitement, et éliminé comme déchet. Ce neptunium-237 est normalement le seul déchet radioactif transuranien de haute radioactivité à vie longue (HAVL), il représente environ 2 à 3% de la quantité initialement produite d'uranium-233.

Si le neptunium reste dans la circulation du réacteur, il subit une troisième capture neutronique qui le transforme en neptunium 238, instable de demi-vie 2,1 jours, qui se transforme en plutonium 238, fortement radioactif (une demi-vie de 86,41 ans). De même que le neptunium, le plutonium peut être séparé chimiquement, et forme cette fois-ci un déchet radioactif à haute activité et vie courte. Ce plutonium-238 est spécifique à la filière du thorium: n'étant pas fissible il n'est pas proliférant (contrairement au plutonium de retraitement des autres filières), et sa vie relativement courte permet une gestion des déchets à échelle historique. (En outre, il présente des applications industrielles comme générateur de chaleur).

Si le plutonium est à son tour laissé dans le flux du réacteur, il continuera à absorber les neutrons, créant successivement tous les isotopes du plutonium entre 238 et 242 (suivant les mêmes réactions que celles rencontrées dans la filière uranium-plutonium, qui passe directement de l'U-238 au Pu-239). Dans cette progression, une majorité d'atome disparaîtra lors des étapes fissibles, le plutonium-239 et le plutonium-241. Le reste finira avec une probabilité encore plus faible probabilité comme isotopes de la série des actinides mineurs, américium et le curium.

Le cycle du combustible thorium combine donc à la fois les avantages d'une sécurité intrinsèque des réacteurs, une source de combustible abondante à long terme, et l'absence de coûteuse installations d'enrichissement isotopique du carburant nucléaire.

Le retraitement continu permet à un réacteur à sel fondu d'utiliser plus de 97% de son carburant nucléaire. C'est beaucoup plus efficace que ce qui est obtenu par n'importe quelle autre filière. A titre de comparaison, les réacteurs à eau légère ne consomment qu'environ 2% de leur carburant dans le cycle ouvert. De plus, avec le sel de distillation, un MSFR peut brûler du plutonium, ou même des déchets nucléaires fluorés provenant de réacteurs à eau légère.

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