Le syndrome d'irradiation aiguë (ou, anciennement, maladie des rayons) désigne un ensemble de symptômes potentiellement mortels qui résultent d'une exposition ponctuelle des tissus biologiques d'une partie importante du corps à une forte dose de rayonnements ionisants, en particulier à une radioactivité intense.
Il se manifeste généralement par une phase prodromique non létale dans les minutes ou heures qui suivent l'irradiation. Elle dure quelques heures à quelques jours et se manifeste le plus souvent par les symptômes suivants : diarrhée, nausée, vomissements, anorexie (manque d'appétit), érythème (rougeurs de peau). S'ensuit une période de latence dite Walking Ghost Phase, d'apparente guérison, d'autant plus courte que l'irradiation est sévère ; elle dure quelques heures à quelques semaines. Enfin, survient la phase aiguë, potentiellement mortelle, qui se manifeste par un vaste spectre de symptômes possibles, dont les plus fréquents sont liés à des troubles hématopoïétiques (production des cellules sanguines), gastro-intestinaux, cutanés, respiratoires et cérébro-vasculaires.
Les sources de rayonnement naturelles ne sont généralement pas assez puissantes pour provoquer le syndrome, de sorte qu'il résulte le plus souvent d'activités humaines : accident nucléaire grave dans un laboratoire ou une centrale nucléaire (accident de criticité par exemple), exposition à une source radioactive puissante (source médicale ou d'instrumentation) ou explosion atomique.
Si les effets de l'irradiation chronique commençaient à être connus chez les pionniers de la radioactivité (ex. Marie Curie) et certains travailleurs du nucléaire (programme nucléaire soviétique), ce n'est que lors des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki que les effets d'une irradiation aiguë ont été découverts : le drame des hibakusha (« victimes des bombardements ») a vite été connu du grand public et a fait l'objet d'études médicales.
Par la suite, quelques accidents nucléaires et radiologiques provoquèrent des victimes : accident de criticité lors d'expériences (le cas de Louis Slotin est le plus connu) ou dans des réacteurs nucléaires (catastrophe de Tchernobyl) ; retombées de l'essai nucléaire Castle Bravo du programme américain ; exposition accidentelle à des sources radioactives de stérilisation, radiothérapie ou génération de chaleur.
Dans le cas de Tchernobyl et d'après les documents de L'Agence internationale de l'énergie atomique le nombre de morts suite à un syndrome d'irradiation aigue serait d'environ 28.
Nonobstant, le syndrome a été largement étudié par les puissances nucléaires à des fins militaires offensives et défensives. Pour l'attaque, la bombe à neutrons est destinée à rendre les personnels immédiatement inaptes au combat par irradiation aiguë ; les bombes salées (à fortes retombées) à contaminer des terrains comme technique d'area denial (interdiction de zone). La défense face à une menace nucléaire majeure a motivé des études sur la prévention et le traitement de la maladie.
Le syndrome est déterministe et à effet de seuil : il est systématiquement observé au-delà d'une certaine dose (plus de 2 Gy sur l'ensemble du corps) et ne se manifeste pas en deçà d'un certain seuil (moins de 0,5 Gy). L'irradiation est d'autant plus grave qu'une dose donnée est administrée rapidement, car les tissus n'ont pas le temps de faire intervenir les mécanismes de réparation cellulaire.
Pour que le syndrome se déclare, il faut ou bien qu'une grande partie du corps soit affectée, ou bien que l'un des organes suivants soient touchés : intestin, moelle osseuse, poumons, cerveau ou peau. À l'exception des affections cutanées et respiratoires, l'irradiation doit être interne, c'est-à-dire délivrée par des rayonnements pénétrants tels que les rayons X ou les neutrons.
Aux très fortes doses (> 20–50 Gy) le système nerveux est touché ; désorientation, ataxie (incoordination des mouvements volontaires), délire, coma, convulsions, puis mort surviennent quelques minutes à quelques heures après l'exposition. Une période de récupération partielle des capacités de quelques heures peut être observée.
Pour des doses moindres (1–20 Gy), le syndrome se déroule en trois phases :
La survenue de la phase prodromale est d'autant plus rapide que l'irradiation est sévère ; la durée de la période de latence diminue avec l'importance de la radio-exposition.
débit de dose | 0,2 Gy/h | 1 Gy/h | 10 Gy/h | 100 Gy/h |
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soins minimaux | 4,5 | 3,7 | 3,3 | 3,3 |
soins intensifs | 6,4 | 5,8 | 5,3 | 5,2 |
+ facteurs de croissance | 7,8 | 7,3 | 6,5 | 6,1 |
Pour une irradiation interne, le décès a généralement lieu dans les deux mois suivant l'irradiation, par infection ou hémorragie interne (1,5–10 Gy) ou par diarrhée de type dysentrique. Il est attesté à partir de 1,5 Gy (exposition rapide, sans soins) et est quasi-certain au-delà de 10 Gy. Pour des doses intermédiaires, la survie dépend de soins intensifs. Dans le cas d'une irradiation externe, par des rayonnements peu pénétrants, la peau et les voies respiratoires peuvent être spécifiquement touchées ; la mort peut alors survenir pour des doses élevées (> 8–10 Gy) dans les semaines ou mois suivant l'exposition.
En cas de survie, la survenue de maladies cardio-vasculaires, digestives, et respiratoires dans les années suivantes est fréquente. La stérilité féminine définitive est possible à partir de 2 Gy. La stérilité masculine temporaire est fréquente, y compris à des doses ne provoquant pas de symptômes (à partir de 0,15 Gy).
Les personnes âgées et les enfants sont particulièrement sensibles à une radio-exposition aiguë.