Théories de la Terre creuse - Définition

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Introduction

L'expression Terre creuse fait référence à des théories selon lesquelles la planète Terre serait creuse, ces théories étant presque toujours associées à l'idée que la Terre possède une surface interne habitable. Bien que des romans d'aventure les aient un temps rendues populaires, elles reçoivent peu de soutien au XXIe siècle ; des preuves géodésiques solides les contredisent, et la communauté scientifique les rejette, considérant qu'il s'agit de théories pseudo-scientifiques.

Les diverses théories

Terres creuses conventionnelles

Dans l'histoire ancienne

Théorie de la Terre creuse de Edmund Halley
La Terre creuse envisagée par Euler dans une expérience de pensée, avec deux ouvertures aux pôles, et un soleil intérieur

Dans les temps anciens, l'existence de « royaumes souterrains » était partie intégrante de nombreuses croyances religieuses, comme les Enfers de la mythologie grecque, le Svartalfheim de la mythologie nordique, le Sheol du judaïsme, ou l'Enfer du christianisme.

Edmund Halley émit en 1692 l'idée que la Terre était constituée d'une coquille creuse d'environ 800 km d'épaisseur, de deux coquilles concentriques intérieures, et d'un noyau central, ayant respectivement les diamètres approximatifs des planètes Vénus, Mars et Mercure. Ces coquilles seraient séparées par une couche atmosphérique, chacune d'elles aurait ses propres pôles magnétiques, et elles tourneraient à des vitesses différentes. Halley a proposé ce modèle pour expliquer des anomalies dans l'affichage des boussoles. Il émit l'hypothèse de l'existence d'une atmosphère lumineuse à l'intérieur de la Terre, celle-ci produisant les aurores boréales en s'échappant à l'extérieur. Il émit également l'hypothèse que les mondes intérieurs pourraient être habités.

Certains ont prétendu que Leonhard Euler avait également émis l'idée d'une Terre creuse, éliminant les coquilles multiples pour postuler l'existence d'un soleil intérieur qui fournirait de la lumière à une civilisation avancée. Cette conception pourrait provenir de la mauvaise interprétation d'un écrit dans lequel Euler relatait une simple expérience de pensée. Sir John Leslie développa plus tard cette idée, suggérant deux soleils centraux, qu'il nomma Pluton et Proserpine.

Au XIXe siècle

En 1818, John Cleves Symmes, Jr. suggéra que la Terre était constituée d'une coquille d'environ 1 300 km d'épaisseur, avec des ouvertures d'environ 2 300 km au niveau des deux pôles, et de quatre coquilles intérieures, chacune d'elles étant également ouverte aux pôles. Symmes devint le plus célèbre parmi les premiers partisans de la terre creuse. Il prépara même une expédition au pôle nord, grâce aux efforts de l'un de ses disciples, James McBride, mais le nouveau président des États-Unis, Andrew Jackson (en fonction de 1829 à 1837), mit fin à la tentative. Symmes mourut en 1829 sans avoir pu mener à bien son projet.

Cependant, un autre de ses disciples, Jeremiah Reynolds, qui organisait des conférences sur la « Terre creuse », suggéra également une expédition au pôle. Il semble qu'il ait tenté d'en organiser une par lui-même, mais l'issue en demeure obscure. Les informations disponibles sur Reynolds restent fragmentaires et contradictoires ; nous ne possédons même pas de portrait de lui. Certains affirment qu'il n'avait que des intérêts pécuniaires, et que l'« expédition » qu'il proposait n'était en fait qu'une tentative de fraude, et qu'il disparut ensuite. Pour d'autres, il essaya réellement de mener à bien son expédition mais échoua, puis tenta en vain de rejoindre l'expédition de Charles Wilkes en 1838-1842, la suite de sa vie nous étant inconnue.

Symmes lui-même n'écrivit aucun livre sur ses idées, mais d'autres le firent. McBride écrivit La théorie des sphères concentriques de Symmes en 1826. Il semble que Reynolds ait rédigé un article qui parut sous forme de brochure séparée en 1827 : Commentaires sur la théorie de Symmes parue dans l'American Quarterly Review. En 1868, un professeur du nom de W.F. Lyons présenta dans Le Globe creux une théorie proche de celle de Symmes, mais ne mentionna pas ce dernier. Le fils de Symmes, Americus, publia alors La théorie des sphères concentriques de Symmes pour remettre les choses en place.

Histoire récente

Un partisan de la Terre creuse du début du XXe siècle, William Reed, écrivit Le fantôme des pôles en 1906. Il proposa l'idée d'une Terre creuse, mais sans coquilles ni soleils intérieurs.

Vint ensuite Marshall Gardner (à ne pas confondre avec l'écrivain scientifique Martin Gardner), qui écrivit Un voyage vers l'intérieur de la Terre en 1913, puis une édition enrichie en 1920. Il plaça un soleil intérieur dans sa Terre creuse. Il en bâtit ensuite un modèle fonctionnel qu'il breveta (#1096102). Gardner ne fit pas mention de Reed, mais prit Symmes à partie pour ses idées.

D'autres écrivains ont suggéré que des êtres supérieurs possédant une sagesse ésotérique habitaient les cavernes souterraines d'une Terre creuse. Les thèses selon lesquelles l'Antarctique, le Pôle Nord, le Tibet, le Pérou ou le Mont Shasta en Californie (États-Unis), sont l'entrée d'un royaume souterrain connu sous le nom d'Agartha, ont toutes des avocats pour les défendre. Certains prétendent même que les OVNIs y ont leurs bases secrètes.

Un livre publié sous le pseudonyme de Raymond Bernard, paru en 1969, La Terre creuse, illustre cette idée. Le livre reprend les idées de Reed et Gardner, oubliant totalement Symmes. Bernard ajoute également ses propres idées : les OVNIs viennent de l'intérieur de la Terre, la Nébuleuse de la Lyre prouve l'existence des mondes souterrains, etc. Un article de Martin Gardner a révélé que le pseudonyme « Bernard » a parfois été utilisé par Walter Siegmeister.

Les pages du magazine de science-fiction Amazing Stories ont assuré la promotion de telles idées de 1945 à 1949 avec « The Shaver Mystery ». L'éditeur du magazine, Ray Palmer, publia une série de récits de Richard Sharpe Shaver, présentés comme véridiques bien que placés dans un contexte de fiction. Shaver prétendait qu'une race supérieure préhistorique avait bâti un dédale de cavernes dans les profondeurs de la Terre, et que leurs descendants dégénérés, connus sous le nom de « Dero », y vivaient encore, et utilisaient les fantastiques machines abandonnées par les anciennes races pour tourmenter ceux d'entre nous qui vivent à la surface. Comme particularité de ces tourments, Shaver décrivait des « voix » qui, selon lui, ne provenaient d'aucune source explicable. Des milliers de lecteurs écrivirent pour affirmer qu'eux aussi avaient entendu les voix sataniques provenant de l'intérieur de la Terre.

Des histoires surprenantes (qui ont peut-être été acceptées comme véridiques dans certains cercles marginaux) ont aussi circulé selon lesquelles Adolf Hitler et certains de ses partisans se sont échappés vers des régions souterraines à l'intérieur de la Terre après la Seconde Guerre mondiale, en empruntant une entrée située dans l'Antarctique. (Voir également l'adhésion supposée de Hitler aux théories de la Terre creuse concave, ci-dessous).

En 2001 Kevin et Matthew Taylor (équipe australienne père-fils) publièrent le livre La Terre sans horizon, dans lequel ils proposent une théorie pour le moins originale dans laquelle la Terre est creuse, et dans une phase d'expansion qui doit conduire à un état final d'équilibre. Dans leur théorie, la présence d'un soleil central de petite taille, alimenté par des radiations provenant de la surface intérieure de la coquille terrestre, explique notamment le magnétisme terrestre.

Quelques écrivains ont proposé la construction de mégastructures qui présentent des similarités avec un monde creux. Voir Sphère de Dyson et Globus Cassus.

Le 4 juillet 2007, un navire aurait dû quitter Mourmansk en Russie, avec à son bord une centaine de scientifiques, ingénieurs, cinéastes, photographes, experts en communications et « exopoliticiens ». Selon les organisateurs, la Terre pourrait être pleine dans notre univers tridimensionnel mais creuse dans la quatrième ou la cinquième dimension, ce qui sous-entendrait qu'il « ... faudra établir et maintenir un état de conscience à bord du navire au niveau le plus haut possible pendant les 13 jours. », un seul membre de l’équipage n’arrivant pas à « s’élever » vers les autres dimensions pouvant gâcher l’expérience. Ce qui suffirait à justifier a priori tout échec. De toute manière, le voyagiste a annulé ce voyage.

Terres creuses concaves

Exemple de terre creuse concave : les hommes vivent à l'intérieur, et le centre contient l'univers ou une simple illusion de celui-ci.

Au lieu de considérer que nous vivons sur la surface extérieure d'une planète creuse, ce que l'on nomme parfois théorie de la Terre creuse « convexe », certains théoriciens sont partisans d'une théorie de la Terre creuse « concave ». Selon l'une de ces théories, nous vivons à l'intérieur d'un monde creux dans lequel c'est la force centrifuge et non la gravité qui nous maintient au sol, et l'univers que nous voyons n'est qu'une illusion qui pourrait être produite par des déviations de la lumière. La surface de la Terre, dans une telle conception, pourrait ressembler à la coquille interne d'une sphère de Dyson. De telles spéculations n'ont cependant jamais été prises au sérieux par la communauté scientifique. Selon d'autres théories, l'univers visible serait aussi réel que dans la cosmologie classique.

Cyrus Teed, médecin et alchimiste, eut en 1869 l'intuition mystique (illumination) d'un tel modèle de Terre creuse concave, qu'il appela « Cosmogonie cellulaire ». À partir de cette vision du monde, il fonda la secte Koreshan Unity (Koresh est la version hébraïque de son prénom Cyrus), et créa en 1894 avec ses disciples une communauté utopiste à Estero en Floride, aujourd'hui parc historique. Les disciples de Teed effectuèrent en 1897 des mesures sur la côte de Floride, près de la ville de Naples, à l'aide d'un équipement technique approprié dit « rectiligneur » (rectilineator); selon eux, les résultats obtenus apportaient la preuve expérimentale de la concavité de la courbure de la Terre; l'origine des (probables) erreurs expérimentales commises n'a pas encore été précisément décrite à ce jour.

Plusieurs écrivains allemands du XXe siècle, dont Peter Bender, Johannes Lang, Karl Neupert et Fritz Braun, publièrent des travaux défendant la théorie de la Terre creuse concave (Hohlweltlehre). Selon certains, Adolf Hitler, dont quelques membres de l'entourage, et peut-être lui-même, étaient influencés par cette idéologie, aurait ordonné une opération destinée à espionner la Flotte britannique à partir de l'île de Rügen en mer Baltique ; il s'agissait d'obtenir des images des forces ennemies en dirigeant des téléscopes vers le ciel, ce qui s'est conclu par un échec. Dans une variante, l'opération aurait été menée de l'Île de Man dans le but d'espionner les États-Unis. Certains partisans de la théorie de la Terre creuse concave considèrent que la mise en avant d'Hitler est une opération de désinformation destinée à la discréditer. Il est cependant établi, depuis la parution en 1960 du Matin des magiciens, que des liens forts relient nazisme et mysticisme, le nazisme ayant notamment fondé l'essentiel de son idéologie sur les thèses mystiques développées par l'Ordre de Thulé.

L'un au moins des théoriciens contemporains de la Terre creuse concave, le mathématicien égyptien Mostafa Abdelkader, a étudié les adaptations des lois de la physique qui en sont la conséquence, notamment dans les domaines de la gravitation et de l'optique. Divers articles scientifiques dont il est l'auteur décrivent en détail son modèle de Terre concave.

Dans l'un des chapitres de son livre On the Wild Side (1992), Martin Gardner examine le modèle développé par Abdelkader. Selon Gardner, cette théorie pose comme principe que les rayons lumineux se déplacent selon des trajets circulaires, et ralentissent lorsqu'ils se rapprochent du centre de la caverne remplie d'étoiles. Aucune énergie ne peut atteindre le centre de la caverne, qui ne correspond à aucun point situé à distance finie de la Terre dans la cosmologie couramment acceptée par la communauté scientifique. En outre, les dimensions des objets varient selon leur distance au centre de la caverne. Aucune expérimentation ne permettrait de conclure à la validité de l'une quelconque des deux cosmologies. Martin Gardner note que « la plupart des mathématiciens croient qu'un univers inversé, avec des lois physiques correctement adaptées, est empiriquement irréfutable ». Cependant, Gardner rejette la théorie de la Terre creuse concave, non parce que sa fausseté serait démontrée, mais en vertu du « principe de simplicité » couramment appelé rasoir d'Ockham.

Il est bien sûr toujours possible de définir une transformation mathématique des coordonnées telle que l'intérieur de la Terre devient l'extérieur, et réciproquement. Par exemple, dans un système de coordonnées sphériques, la transformation (appelée inversion) dans laquelle le rayon r deviendrait R²/r (où R est le rayon de la Terre) laisserait inchangés les points à la surface de la Terre, mais placerait au centre de la caverne les points à l'infini de l'univers classique. De telles transformations demanderaient que les lois physiques soient modifiées en conséquence. Le consensus scientifique suggère que de telles théories tendent au sophisme.

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