Université populaire de Caen | |
Contexte général | |
Fiche d’identité | |
Fondateur | Michel Onfray |
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Fondation | 2002 |
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L'université populaire de Caen est une association loi 1901 proposant des conférences suivies, ouvertes à tous.
L'« université populaire » a été créée de caen par l'abbé Chevrier, pour donner la parole aux pauvres vivant en bidonvilles. Il pensait qu'en ayant accès à la culture ils auraient accès à la parole et pourraient également se défendre.. Si les conférences qu'elle offre sont regroupées par thème sur le modèle d'une véritable université, elle n'est pas reconnue par le ministère de l'Enseignement supérieur, ne demande pas d'inscription aux auditeurs et ne délivre aucun diplôme. Les conférenciers ne sont pas non plus tenus de posséder les titres nécessaires à l'enseignement supérieur.
Les conférences ont lieu dans plusieurs endroits de Caen et de sa banlieue : CDN de Normandie au théâtre d'Hérouville-Saint-Clair, Musée des Beaux-arts de Caen, Panta Théâtre, Café Mancel et Espace Puzzle.
Elles sont gratuites et ouvertes à tous.
La naissance des UP
Les Universités populaires apparurent en France, à la fin du 19ème siècle, dans un quadruple contexte : celui de l’instauration, récente, de la République celui du mouvement ouvrier celui du mouvement positiviste celui de l’Affaire Dreyfus
La Troisième République à ses débuts, après 1875, était un régime fragile. Cette fragilité de naissance fait que les Républicains eurent pour premier souci de consolider la République face aux monarchistes… et face à l’Eglise catholique. Cela supposait une éducation appropriée des enfants (Instauration d’une école laïque, gratuite et obligatoire), mais aussi des adultes, pour les plus démunis desquels, culturellement, il fallait une structure appropriée.
Cela rejoignait les préoccupations du mouvement ouvrier. Après le désastreux épisode de la révolution ouvrière appelée « Commune de Paris » (1871), le mouvement ouvrier avait besoin de se restructurer, et de constituer « une élite prolétarienne, noyau vivant de la future société » , selon les termes de George DEHERME. Celui-ci pensait nécessaire de gommer les différences sociales par l’éducation. Cela allait dans le sens des préoccupations de la bourgeoisie libérale, qui tenait, pour des raisons d’efficacité économique, à la pacification sociale et à la solidarité nationale, dans une France qui n’avait pas oublié la Révolution française et ses aspects sanglants. Il y avait là un enjeu politique important, conforté par le désir des catholiques de reconquérir le monde ouvrier (Encyclique « Rerum - novarum », mai 1891, LEON XIII).
Pour cette éducation du peuple, Georges DEHERME et ses amis croyaient en la création d’un enseignement supérieur populaire dont le but ne serait pas essentiellement utilitaire (l’instruction), mais plutôt tourné vers l’émancipation sociale et le travail sur les principes et les valeurs. G. DEHERME envisageait une méthode (l’éducation mutuelle, basée sur le désir de partage de tous les champs de la connaissance, de l’hygiène à la philosophie) et un cadre de référence universitaire, celui des sciences sociales. Celles-ci avaient alors en effet gagné droit de cité, à la suite des travaux d’Auguste COMTE ( 1857), qui ont conduit au mouvement positiviste.
Et l’Affaire DREYFUS, dans tout cela ? On en a peut-être un peu exagéré le rôle. Incontestablement, elle a pesé dans la naissance des U.P., mais comme facteur déclenchant ou comme élément conjoncturel venant renforcer des causes plus profondes. La crise autour de la condamnation de DREYFUS a en effet servi de révélateur, amenant ce constat : l’opinion publique est la proie de préjugés et le peuple n’est guère capable d’esprit critique. Pour beaucoup, il était donc urgent d’éduquer le peuple, et pour se faire, de mettre en place des Universités populaires.
Ce fut chose faite en 1899. En effet, en inaugurant le 9 octobre 1899, La Coopération des Idées, George DEHERME créait la première université populaire et lançait un mouvement consacrant la rencontre des intellectuels et des militants ouvriers. Le phénomène n’était pas que parisien. Montpellier, Lorient, Tours, Bourges, bien d’autres villes encore, ouvrirent des universités populaires. Le phénomène était en effet urbain : grandes villes et villes préfectures étaient concernées, le lien université populaire-ville ouvrière était avéré. (Concernant Bourges, on peut relever que sa première Université populaire, due à une initiative de la Bourse du travail dès 1899, fut inaugurée le 15 novembre 1900, avec l’appui de la municipalité. Cette « Education mutuelle » de Bourges comptait 1000 adhérents en 1908).
Un peu partout en France, des initiatives semblables eurent lieu, qui se poursuivirent jusque dans les années 1910, mais le règlement de l’Affaire DREYFUS, les réticences que soulevait le lien Bourses du travail-UP, puis la Première guerre mondiale affaiblirent ou interrompirent souvent ce mouvement.
Le contexte politique de la période 1934-1935, qui amena la victoire du Front populaire, se révéla favorable à un sursaut du mouvement des UP. Ainsi à Bourges, à l’appel de la philosophe Simone WEIL, professeure agrégée au lycée de jeunes filles, une Université ouvrière fut créée en janvier 1936, mais son existence fut éphémère, la participation à la politique (Front populaire) et le problème du rapport entre intellectuels et syndicalistes ouvriers contribuant à la fin de cette seconde expérience. Malgré ce sursaut, bien peu des UP de première génération parvinrent à poursuivre leur activité comme à Limoges ou à Lille. Au moment de la déclaration de guerre, en 1939, les UP ne font plus guère partie des préoccupations. Le renouveau des UP en France, après la 2nde guerre mondiale.
Ce renouveau n’est pas dû aux vieilles UP survivantes, et n’est pas le résultat d’un projet concerté au plan national. Il s’agit plutôt d’initiatives sans lien au départ, sans modèle unique, et, dans un premier temps, sans référence aux UP de la première génération. Ce renouveau s’explique donc plutôt par un contexte général renforcé ici et là par des conditions locales.
Quel fut ce contexte général ? Après la Seconde guerre mondiale, la croissance démographique fit que rapidement l’Université au sens traditionnel fut débordée par les effectifs à accueillir, en même temps que sa rigidité était remise en cause (cf. Mai 68). La société de la période des « Trente Glorieuses », c’est-à-dire du fort développement économique de la France (1945-1975) était de plus en plus une société de consommation, y compris consommation de culture, alors même que l’université traditionnelle ne répondait pas à ce besoin. La croissance du besoin culturel, l’insuffisance des réponses, les réflexions d’intellectuels comme Ivan ILLICH ont formé un terreau favorable à l’émergence de nouvelles formes d’éducation des adultes.
Dans un premier temps, dans les années 1960, la réponse au besoin se logea dans le concept d’animation, celui-ci évitant toute connotation scolaire. On a alors une vision militante, mais aussi professionnelle, de l’éducation populaire. Des UP naissent alors : en 1963, à Mulhouse, puis ensuite Châlon-sur-Saône, Chenove, qui rejoignent les UP de Strasbourg et Rosny-sous-Bois (près de Paris) nées juste après la Libération.
En 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir réconcilia la France et ses enseignants (G. POUJOL), et une idéologie du partage du savoir se développa (Le titre de la revue nationale des U.P. de France, imaginé par l’UP du Berry, à Bourges, est « Le savoir partagé »). C’est ainsi qu’apparurent d’autres UP, comme l’UP du Berry à Bourges (1981) et bien d’autres, ou des UQ (Universités de quartier), le mouvement des UP se propageant encore actuellement.
Il est remarquable de constater que les conditions d’émergence des nouvelles UP diffèrent considérablement. Souvent, les UP sont le prolongement d’activités antérieures (à Clermont, on trouve le mouvement « Peuple et culture » à l’origine de l’UP, à Châlon, l’UP était un appendice de la Maison de la Culture), mais pas toujours : à Bourges, l’UP est née de l’initiative d’universitaires qui avaient entendu parler de l’UP de Mulhouse et se sont inspirés de cet exemple…sans le copier ; dans d’autres cas, ce put être le désir de revivifier le milieu rural ou tout autre cause. Parfois les UP se firent le relais de partis politiques, alors que d’autres revendiquaient leur indépendance à cet égard. Dans tout cela, point de référence aux UP de l’époque de DREYFUS, du moins au départ. Et point d’unité, on vient de le voir. On assiste donc à une nébuleuse faite d’initiatives isolées, copiant parfois sans le savoir les « vieilles » UP, mais évoluant dans une espèce d’absence de mémoire des origines. C’est curieux, et intéressant, car il y a dans ce foisonnement qui s’ignore une vraie richesse. Les années 80 et le début d’une histoire collective
Il faut attendre 1982 pour que, comme l’a écrit Jean-Louis HOFFET, ancien directeur de l’UP du Rhin (Mulhouse), « l’histoire collective des universités populaires françaises recommence » . A effet, en mars 1982 eut lieu, à l’initiative de l’UP du Rhin, un premier colloque qui rassembla 10 UP et UQ. Cette première rencontre fut suivie, en 1983, d’un nouveau colloque, international, toujours à Mulhouse. Ce colloque de 1983, auquel participaient des UP du Jura suisse, des Volkshocheschulen allemandes, la ministre française du Temps libre (Mme AVICE) et Ivan ILLICH, ouvrit une réflexion forte sur les UP, avec, d’ailleurs, des prises de position parfois très antagonistes. Depuis, les colloques internationaux ont pris un rythme annuel, et sont devenus un moment fort de la vie de nos UP françaises.
Il est clair que les premiers colloques ont été le prélude à l’organisation collective des UP en France. Cette organisation ne s’est pas faite sans mal, car il y eut des désaccords sur l’idéologie du mouvement des UP, chacune d’entre elles tenant énormément à son indépendance, et il y eut aussi des heurts de personnalités. Bref, malgré le nombre restreint d’UP lors de cette phase d’ébauche d’organisation, les enjeux de pouvoir étaient bien présents. C’est dans ce contexte que Michel MARC, se retrouva, bien que non candidat, Président national des UP, avec pour tâche d’empêcher la mort prématurée du mouvement de structuration des UP. Comme la volonté d’organisation au plan national existait, malgré tout, bel et bien, cela déboucha sur une structure qui connut des appellations diverses, Fédération des UP de France, Fondation pour l’Université populaire, avant de devenir ce qu’elle est actuellement, i.e. l’Association des UP de France (AUPF). Les colloques ont aussi permis aux UP de se comprendre comme les héritières des UP de première génération, et donc de s’inscrire dans une histoire, y compris européenne, avec la référence au pasteur danois GRUNDVIG, et de s’inscrire dans une géographie, européenne elle aussi : en fréquentant les UP d’autres pays, en découvrant leurs problématiques et leurs fonctionnements.
Cette AUPF a connu un véritable essor sous la houlette du président national actuel, Denis RAMBAUD, qui a amené l’effectif des UP adhérentes aux alentours de la soixantaine, la progression se poursuivant actuellement. On ne saurait oublier qu’il existe des structures nationales différentes de l’AUPF, qui font un travail similaire (U3A, UTL, etc.), et que des initiatives adossées aux Universités au sens classique du terme existent, proposant des conférences suivies en général par un public déjà cultivé. Les participants que rassemblent les UP de France sont de l’ordre de 100.000 auxquels s’ajoutent des milliers d’intervenants. C’est significatif, mais fort loin de ce qui se passe dans des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche. Mais le dynamisme est là, qui explique d’ailleurs l’élection du président national de l’ AUPF à la structure dirigeante de l’EAEA. Où en sont donc les UP françaises actuellement ?
* les objectifs des UP:
- on pourrait dire que le 1er objectif des UP est le partage du savoir, non dans une simple perspective d’acquisition de connaissances, mais parce que le savoir est facteur de liberté, de libre-arbitre. Il y a donc derrière ce 1er objectif une finalité humaniste. Il faut remarquer que cette acquisition de connaissances doit permettre aux uns et aux autres de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent, et donc d’y mieux agir, ou en tout cas d’y agir en connaissance de cause. Cela suppose des échelles différentes d’appréhension des choses : s’intéresser au local, au niveau national, à l’Europe, au monde globalisé, et s’intéresser aussi au va-et-vient entre ces différentes échelles. - Le 2e objectif est la création ou la refondation de lien social, dans une société où l’individualisme semble l’emporter. Lien entre des catégories sociales, des classes d’âge et des participants de niveau de formation différents. Refonder des relations sociales, c’est aussi réinsérer dans la société des personnes qui risquent d’être ou qui sont déjà marginalisées. - Le 3e objectif est de proposer une éducation à la citoyenneté afin de faire face au déficit démocratique observé, cet objectif recoupant les deux autres. On peut remarquer une forte filiation entre les objectifs actuels et ceux des UP d’origine. Par contre, la géographie actuelle des UP diffère de celle des UP de 1re génération.
* La géographie (voir carte ci- dessous) des UP du réseau de l’Association des Universités Populaires de France:
Celles-ci sont plus nombreuses au sud d’une ligne Mont-de-Marsan-Strasbourg qu’au nord de cette ligne, mais de nouvelles UP se créent dans l’ouest et dans la région parisienne. Par ailleurs, les UP de France sont plutôt installées dans des villes petites ou moyennes, ce qui correspond d’ailleurs à l’armature urbaine de notre pays. Toutefois, je l’ai dit, la région parisienne, dans les banlieues, connaît un essor actuel des UP. Par rapport à cette géographie spontanée, l’AUPF s’est attachée à mettre en place une stratégie d’organisation régionale : - tout d’abord en identifiant des UP-ressource, comme les UP d’Albi, de Bourges, de Mulhouse, de Romans - puis, depuis trois ans, en suscitant la naissance de structures régionales rassemblant les UP d’une même région administrative, afin de peser d’un poids plus lourd face aux pouvoirs publics et de donner une cohérence régionale à l’action des UP, dans le respect de leur indépendance.
* La diversité des UP:
diversité des contextes locaux : . UP dépendant des collectivités territoriales ou non . UP se développant dans un environnement concurrentiel ou non . taille et profil social de la ville . etc.
diversité des activités : . UP se consacrant exclusivement à la « culture loisir » . UP assurant des formations diplômantes ou prenant place dans des dispositifs d’Etat . UP tournées vers une culture académique . UP ayant de fortes préoccupations sociales ... On peut remarquer que : certaines UP mêlent des différents genres plusieurs UP ont des activités qui leur confèrent une certaine originalité (informatique pour aveugles à Romans, œnologie à Bourges, travail sur le livre à Ruelle, etc.) sans qu’elles soient exclusives d’autres activités.
diversité des modes de fonctionnement : . UP très « professionnalisées », avec une forte structure salariée . UP fonctionnant uniquement grâce au bénévolat . UP mêlant bénévolat et salariat . UP où la direction est collégiale, et souvent renouvelée . etc. Les préoccupations présentes des UP
Au cours des 20 dernières années, on a assisté à une évolution des préoccupations des UP, même si certaines de ces préoccupations restent permanentes. Parmi celles qui sont pérennes se posent des questions que l’on peut qualifier de techniques : se conformer au cadre légal, gérer, financer, savoir éventuellement s’insérer dans les dispositifs que l’Etat met en place (DIF, etc...). Si ces questions continuent à se poser, alors que l’on pourrait penser qu’elles sont désormais résolues, c’est parce que les choses bougent : ainsi, le rapport à l’Etat a changé, de même que les relations avec les collectivités territoriales (décentralisation, par exemple). La préoccupation gestionnaire est donc importante, et chaque année, les effectifs de fréquentation des UP restent pour leurs dirigeants une donnée à laquelle ils sont attentifs. Du coup, on a plus tendance à raisonner en termes d’attractivité et de marketing qu’auparavant. On peut se demander si cette évolution permettra de rester fidèle à l’éthique du mouvement, thème qui fut d’ailleurs abordé lors de certains colloques.
En dehors de cela, voici quelques années, la réflexion portait beaucoup sur les contenus, comme en témoignent les colloques sur « UP et langues », « UP et santé », « UP et histoire », etc. L’interrogation sur les contenus reste d’actualité, notamment sur la place des formations tournées vers les « basic skills » (« besoins élémentaires »), en raison de l’accueil de populations immigrées, mais aussi en raison d’une paupérisation économique et culturelle d’une partie de la population française. Mais on constate que d’autres thématiques sont venues interpeler les UP, qui renvoient plus à notre système de valeurs ou à une appréhension des évolutions sociétales, et donc plus à une réflexion de fond. On peut citer quelques exemples : - Université populaire et lien social : le choix d’agir ! (1995, Uzès) - Le temps du sens (2000, Vichy) - Le lien social à l’épreuve des nouvelles technologies : quelle place pour l’éducation des adultes ? (2001, Bourges) - Altérité-Identités (2002, Moulins) - Comment l’éducation populaire permet-elle de dépasser incivisme ou individualisme ? (2003, Bonneville) - Construire l’autonomie dans une société de l’incertitude (2006, Bobigny)
Cela ne signifie pas que la question des connaissances est évacuée, comme le montre le thème du colloque de Romans, novembre 2007 : « Cultures, culture : quels savoirs à partager ? L’originalité d’un projet ».
Par ailleurs, il faut souligner que ces thématiques sont abordées lors des colloques à travers plusieurs démarches (café philo, carrefour européen, ateliers) qui permettent aux différentes UP de se positionner dans un mouvement commun, celui d’associations d’éducation populaire promouvant l’apprentissage tout au long de la vie, tout en conservant leur identité propre.
Ces thématiques de colloque ne sont pas les seules préoccupations des UP, puisque l’on s’interroge aussi actuellement sur des questions du genre : - comment gérer la relation aux pouvoirs publics ? - rapports entre militantisme et consumérisme au sein des UP - comment gérer la cohabitation et la rencontre de publics différents au sein des UP Conclusion.
Ce tableau des UP de France est extrêmement succinct. Il mériterait d’être à la fois développé et nuancé, mais on peut en retenir l’image d’un mouvement riche et actif qui, sans atteindre à la puissance des UP d’autres pays d’Europe, tient une place incontournable dans l’éducation des adultes en France.