Corne de licorne - Définition

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Introduction

Dent de narval présentée comme une corne de licorne

La corne de licorne est un objet que l'on supposait être, au Moyen Âge et à la Renaissance, la corne unique ornant le front de la licorne, auquel furent attribués de nombreux pouvoirs de guérison et surtout des vertus de contrepoison dès le XIIIe siècle, ce qui en fit l'un des remèdes les plus chers et les plus réputés au cours de la Renaissance. Des objets présentés comme d'authentiques « cornes de licorne » s'échangèrent et pouvaient être acquis chez les apothicaires comme contrepoison universel ou exposés dans des cabinets de curiosités, du Moyen Âge jusqu'au XVIIIe siècle, époque où la découverte du narval, animal porteur véritable de cette « corne » qui s'avéra être en réalité une dent particulière, fut connue. La croyance aux pouvoirs de la « corne de licorne » a notamment influencé l'alchimie à travers la médecine spagyrique, mais est également à l'origine d'une série de tests sur ses propriétés de purification relatés dans des ouvrages qui annoncèrent les prémices de la méthode expérimentale, comme celui d'Ambroise Paré. La corne de licorne est désormais considérée comme un objet légendaire, et continue à être fréquemment mentionnée dans les œuvres de la fantasy, les jeux de rôle et les jeux vidéo.

Nature et propriétés de la corne

La licorne est l'animal imaginaire le plus important et le plus fréquemment mentionné du Moyen Âge à la Renaissance. Certaines parties de son corps se virent attribuer très tôt des vertus médicinales. Au XIIe siècle, l’abbesse Hildegarde de Bingen préconisait déjà un onguent à base de foie de licorne et de jaune d’œuf contre la lèpre, le port d’une ceinture en cuir de licorne était censé protéger de la peste et de la fièvre tandis que les chaussures en cuir de cet animal éloignaient les maladies des pieds. La principale utilisation médicinale de la licorne est cependant liée à sa corne et à son pouvoir de purification, qui fut mentionné pour la première fois au XIIIe siècle. Les légendes sur les propriétés de la corne de licorne circulant dès le Moyen Âge sont à l’origine du commerce florissant de ces objets qui devinrent de plus en plus communs jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, où leur origine réelle fut connue. La licorne n'ayant jamais existé telle qu'elle est représentée du Moyen Âge à la Renaissance, ce sont des dents de narval que l'on nommait « cornes de licornes ».

Purification des eaux

Licorne purifiant l’eau du poison. Détails du panneau gauche du Jardin des délices de Jérôme Bosch (1503-1504).

La première mention du pouvoir purificateur de la licorne figure dans une interprétation du Physiologus où il est question d’un grand lac près duquel les animaux se rassemblent pour boire, « mais avant qu’ils ne soient rassemblés, le serpent vient et lance son poison dans l’eau. Alors les animaux remarquent bien le poison et n’osent pas boire, et ils attendent la licorne. Elle vient et elle se dirige immédiatement vers le lac et, faisant avec sa corne le signe de la croix, elle rend le poison inoffensif. Tous les autres animaux boivent alors. » Le thème devient vite populaire et la scène de purification des eaux par une licorne est reprise en 1389 par le père Johann van Hesse, qui affirme avoir vu une licorne sortir de la mer pour nettoyer des eaux impures afin que des animaux puissent boire. Symboliquement, le serpent qui empoisonne l’eau est le diable et la licorne est le Christ rédempteur. L’origine de cette légende semble indienne, à travers les textes grecs mentionnant le fait que les nobles indiens boiraient dans des cornes de licornes pour se protéger des maladies et des poisons.

La licorne est généralement représentée au bord d’une rivière, d’un lac ou d’une fontaine tandis que les animaux attendent qu’elle ait fini son œuvre de purification pour boire. Cette scène est très fréquente dans l’art des XVIe et XVIIe siècles.

Des études et des traductions de ces dessins et ces récits ajoutèrent que le pouvoir de purification vient de la corne de licorne, qui élimine les poisons dès qu’elle touche un liquide. La purification des eaux forge la légende sur les propriétés de la « corne de licorne » et justifie l’usage de la « corne de licorne » comme antidote.

Propriétés médicinales et expériences alchimiques

Dent de narval présentée comme une corne de Licorne.

La « corne de licorne » se vit très vite attribuer des propriétés médicinales et au fil du temps, son usage fut préconisé contre la rubéole, la rougeole, les fièvres et les douleurs. Elle faisait office d’antidote et sous forme de poudre, était réputée faciliter la guérison des blessures, permettre de purifier les eaux et de neutraliser les poisons (comme le venin du scorpion ou de la vipère), voire lutter contre la peste. Elle suerait en présence du venin et aurait aussi un pouvoir aphrodisiaque. Broyée en poudre et mélangée à de la bave de dragon, elle aurait pu redonner vigueur au lit à un chevalier épuisé et lui garantir que sa femme lui reste fidèle. Ces légendes sur les propriétés de la corne étaient si répandues qu'elles furent parodiées dans le cinquième livre de Pantagruel en 1562.

L'une de ces cornes de licorne était censée être utilisée à la cour du roi de France pour déceler la présence de poison dans les plats et les boissons : si la corne se mettait à fumer, c'est que le met était empoisonné. Il y avait aussi diverses méthodes pour reconnaître une vraie « corne de licorne », mentionnées à partir du milieu du XVIe siècle :

« La vraye licorne, estant mise en l'eau, se prend à bouillonner, faisant eslever petites bulles d'eau comme perles »

— Ambroise Paré, Discours de la licorne

Une autre expérience décrite par Conrad Gesner consistait à donner du poison à deux pigeons ou deux chiots, puis à faire avaler à l’un d’eux un peu de corne réduite en poudre. Si la corne était authentique, l’animal qui prenait le remède devait survivre et l’autre mourir. Le maréchal de Brissac possédait vers 1560 une « corne de licorne » qui fut authentifiée par ce procédé. En 1566, le Discorso della falsa opinione dell’alicorno s'opposa à l’usage médical de cette corne, lequel aurait été introduit par les médecins arabes, tout comme le Discours de la licorne d'Ambroise Paré en 1582.

En 1587, David Pomis recommandait de « mettre trois ou quatre grands scorpions dans un récipient fermé avec un fragment de corne. Si trois ou quatre heures plus tard les scorpions sont morts, la licorne est authentique ». Ulysse Aldrovandi mentionna une expérience à Venise : Il s'agissait de tracer un cercle sur une table avec la pointe de la corne, puis de mettre dans le cercle un scorpion et une araignée. Les animaux ne pourraient franchir le cercle et se seraient trainés un quart d’heure avant de mourir d’épuisement. Cette expérience connut plusieurs variantes. Une araignée placée à l’intérieur d'une corne creuse était aussi censée y mourir sans parvenir à s’échapper.

Le traité de médecine alchimique (spagyrie) du pseudo-Basile Valentin Le char triomphal de l'antimoine, en 1604, explique l'action médicinale de la corne de licorne dans le cadre de la théorie paracelsienne de la sympathie selon laquelle les semblables s’attirent et les contraires se repoussent : la pureté de la licorne repousserait du poison placé dans une coupelle flottant sur l'eau, alors qu'elle attirerait un morceau de mie de pain pur.

La corne était aussi consommée de plusieurs façons, en donnant sa raclure en substance ou en infusion.

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