S’il est par excellence un secteur d’activités industrielles où l’innovation est le maître mot, c’est bien le secteur spatial. L’Espace est bel et bien le lieu d’expression de la matière grise. Rien d’étonnant à ce que le développement de systèmes spatiaux se traduise par l’avènement de nouvelles technologies, de produits et de services de grande qualité et qui si, certes, ne sont pas des plus nombreux, ont une haute valeur ajoutée.
Au temps des pionniers, tout était à inventer. Il fallait bien sûr imaginer, mettre au point, concevoir, qualifier un ensemble de technologies performantes pour un nouveau monde : des systèmes de propulsion performants et fiables pour s’affranchir de l’attraction terrestre, des vaisseaux à l’épreuve de terribles accélérations et d’incroyables écarts de températures, des satellites et des charges utiles aptes à fonctionner dans un environnement extrême baignant dans une microgravité permanente…
Mais à chaque fois, on retrouvait et on retrouve toujours au cahier des charges, diverses contraintes : celle de la fiabilité du système tout d’abord. Il est en effet difficile d’aller réparer un satellite une fois celui-ci placé en orbite. Celle du poids ensuite, du fait des coûts de lancement élevés et des limites de puissance du lanceur.
Performance, fiabilité et chasse aux kilos superflus : les concepteurs d’engins spatiaux ont toujours en tête cette triple contrainte. Un leitmotiv qui a qui a poussé les chercheurs et l’industrie à concevoir sans cesse de nouveaux matériaux, de nouveaux systèmes.
D’autres techniques proviennent des vols habités. Pour eux s’ajoutent d’autres contraintes liées au effet sur l’organisme du milieu spatial – l’impesanteur et le niveau élevé de radiations. Les effets de l’impesanteur se font surtout ressentir au niveau des muscles (atrophie), des os (décalcification) et du système sanguin (afflux de sang à la tête, …). Des « remèdes » ont donc dû être élaborés pour contrer ces problèmes.
Développées à coup d’investissements importants, ces techniques spatiales trouvent aujourd’hui une nouvelle vie.
La Station spatiale internationale (ISS) a d’abord été créée dans un but scientifique. Les applications des vols habités touchent donc essentiellement les domaines des sciences fondamentales de la chimie, de la physique et de la biologie qui ont besoin de l’impesanteur pour effectuer certaines expériences. Ces dernières sont préparées sur Terre et effectuées dans l’Espace. Les scientifiques interprètent alors les résultats de ces expériences. Ainsi, grâce à l’impesanteur, des échantillons de cristaux plus purs ont pu être produits. Ces cristaux sont semi-conducteurs ou supraconducteurs et ont des applications dans de multiples domaines de l’électronique (grâce à eux, plus de données peuvent être envoyées en même temps). Toutefois, il faut préciser que l’ISS n’est pas une usine spatiale et que donc les produits élaborés ne sont pas commercialisés, ni même commercialisables à cause de leur prix.
Si l’ISS aide aujourd’hui principalement les sciences fondamentales, il n’en reste pas moins que certaines technologies développées pour aider les astronautes à affronter l’environnement spatial sont parfois aujourd’hui utilisées ailleurs. Par exemple, les couches culottes jetables ont été inventées pour les premiers spationautes, qui avaient besoin de matériaux absorbants à l’intérieur de leur combinaison… Plus sérieusement, les mesures prises pour permettre aux spationautes d’évoluer dans un milieu hostile profitent aujourd’hui aux pompiers. Dans un autre domaine, les travaux réalisés pour assurer la protection des spationautes contre l’intoxication alimentaire ont permis d’aller plus loin dans le conditionnement et l’hygiène des aliments. La technologie spatiale d’abord conçue pour stériliser l’eau grâce à deux électrodes lors des missions spatiales de longues durées est aujourd’hui utilisée dans certaines piscines pour éviter l’utilisation du chlore. Une autre application qui peut sauver des vies et qui trouve son origine dans le cadre du programme Apollo est le radeau de secours qui peut se gonfler en 12 secondes.
Les vols habités trouvent surtout des applications dans le domaine de la médecine. Comme dit dans l’introduction, plusieurs remèdes et techniques ont été développés pour contrer les effets indésirables du « mal de l’Espace ». Ainsi, la téléassistance ou télétraitement, nés pour les besoins du vol spatial, servent à la surveillance et au soin de personnes à mobilité réduite ou vivant dans des lieux isolés. Cette technique est surtout utilisée aux États-Unis. Comme la télésurveillance, le holter a été développé pour pouvoir suivre le rythme cardiaque des astronautes pendant le vol. Cet électrocardiogramme équipe aujourd’hui tous les cabinets de cardiologie. Pour faire face au phénomène de décalcification des os, des techniques d’évaluation de la densité osseuse ont contribué au développement d’instruments utilisés pour étudier l’ostéoporose. Toujours dans les techniques importées des vols habités, des appareils robotiques d’aide aux astronautes sont aujourd’hui utilisés pour aider les handicapés. Une dernière découverte dans l’étude des échanges gazeux dans les poumons lors de long séjour dans l’Espace par le professeur Païva, physicien à la faculté de médecine à l’hôpital Erasme de l’ULB, a permis l’élaboration de vêtements spéciaux (dont le nom est Mamagoose) pour lutter contre la mort subite du nourrisson.
Outre les applications des vols habités, nous allons voir maintenant un aperçu de technologies et de matériaux transférés de la recherche spatiale vers d’autres domaines, classés dans « divers » parce qu’ils sont très hétéroclites et il est par conséquent impossible d’opérer une classification logique. Il ne s’agit ici nullement d’une liste complète mais de simples exemples.
Certains freins en composite réfractaires sont dérivés de la technique spatiale dans ce domaine. Toujours dans le domaine automobile, ce sont les accéléromètres et la technologie des boulons pyrotechnique mis au point pour les lanceurs qui déclenchent aujourd’hui les airbags. Les alliages à mémoire de forme sont dorénavant utilisés dans les hôpitaux non pour faire pivoter les panneaux solaires de satellites mais pour maintenir en place deux morceaux d’un os fracturé.
En 1960, est lancé le satellite passif de télécommunication Echo. L’enveloppe de ce cet énorme ballon, de plus de 30 mètres de diamètre, consiste en une feuille de plastique rendue réfléchissante par les ondes radioélectriques grâce à une fine couche de particules d’aluminium. C’est la firme King-Seeley Thermos qui a repris les propriétés de ce composite pour en faire les bouteilles thermos : légèreté et réflexion des ondes infrarouges par lesquels se dissipe la chaleur.
Enfin, on compte parmi ces matériaux dérivés de la recherche spatiale nombre de composites ignifugés ou des tissus traités chimiquement qui entrent dans la fabrication des draps, des meubles, des parois intérieures des submersibles, des uniformes des personnes qui manipulent des matières dangereuses et des vêtements des coureurs automobiles.
Des milliers d’autres applications sont en cours d’élaboration ou déjà utilisées dans notre vie quotidienne, comme des chaussures athlétiques, des panneaux solaires ultra performants, l’imagerie médicale, le thermomètre auriculaire, l’antenne parabolique...
Consciente de ce pouvoir d’innovation, l’ESA a lancé le TTP (Technology Transfert Programme). Il s’agit de mettre les acquis de la recherche spatiale à la portée d’autres secteurs d’activités, au service des besoins de la société. En un peu plus de 10 ans, les transferts de technologies spatiales européennes ont débouché sur près de 150 nouvelles applications terrestres.
L’ESA estime qu’au sein de ses membres, le secteur spatial emploie directement 40 000 personnes mais qu’il génère indirectement également 250 000 jobs supplémentaires. Statistiquement, 30% des travailleurs directs sont ingénieurs, 40% ont une formation scientifique, 15% ont des emplois administratifs et il y a 15% de collaborateurs d’ateliers.