Le harem impérial (Harem-i Hümayûn) est un vaste ensemble de pièces faisant partie des appartements privés du sultan. Le harem était la résidence de la mère du sultan, la sultane Validé, des concubines et femmes du sultan, du reste de sa famille, y compris les enfants, et de leurs serviteurs. Il consiste en une série d'immeubles et de structures reliés par des couloirs et de petites cours. Chaque noyau hiérarchique ou groupe de service résidant dans le harem avait son propre espace de vie regroupé autour d'une cour. Le harem comprend plus de 300 pièces, dont seule une faible partie est ouverte au public. Ces appartements (Daires) étaient occupés respectivement par les eunuques, le chef des eunuques du harem (Darüssaade Ağası), les concubines, la reine-mère, les épouses du sultan, les princes et les favorites. Il était interdit d'entrer dans le harem.
Le harem n'a été construit qu'à la fin du XVIe siècle. La plupart des éléments du harem ont été conçus par Mimar Sinan. Cette partie du palais s'ouvre dans la seconde cour (Divan Meydanı) par la porte des carrosses (Arabalar Kapısı). Il s'est agrandi au fil du temps le long de la Corne d'Or. Il est devenu un immense complexe. Les immeubles qui y furent construits entre son érection au XVIe siècle et le début du XIXe siècle sont représentatifs des développements stylistiques de l'art des palais. Suite à un incendie important en 1665, certaines parties ont été redécorées sous Osman III et Mahmud II dans un style ottoman baroque inspiré du baroque italien. Ces décorations contrastent avec celles de l'âge classique ottoman.
La porte d'entrée depuis la seconde cour est la porte des carrosses (Arabalar Kapısı) qui conduit dans le dôme des placards (Dolaplı Kubbe). Ce vestibule a été construit en 1587 par Murad III. Le trésor du harem y était installé. Dans les armoires étaient rangés des actes notariés gérés par l'eunuque en chef. L'argent provenant des fondations pieuses du harem ou d'autres fondations, et la comptabilité du sultan et de la famille impériale y étaient aussi rangés.
La salle de la fontaine des ablutions, nommée aussi vestibule avec Şadırvan (Şadırvanlı Sofa) a été rénovée après l'incendie du harem du 24 juillet 1665. Cet espace servait de hall d'entrée pour le harem ; il était gardé par les eunuques. Le Büyük Biniş, et le Şal Kapısı, qui relient le harem, le jardin privé, la mosquée des eunuques du harem et la tour de justice mènent à cet endroit. Les murs sont couverts de céramiques de Kütahya du XVIIe siècle. La stalle d'écurie devant la mosquée servait au sultan quand il allait à cheval ; les bancs servaient aux gardes. La fontaine qui donne son nom à cette pièce a été déplacée dans la piscine de la chambre de Murad III.
Sur le côté gauche, on trouve la petite mosquée des eunuques noirs. Les carrelages vert d'eau, blanc cassé et bleu médian datent du règne de Mehmed IV (XVIIe siècle). Leur dessin est d'un haut niveau artistique, mais la réalisation est assez commune en comparaison des précédentes.
Une autre porte mène à la cour des eunuques noirs (Harem Ağaları Taşlığı), avec sur la gauche leurs appartements. Au fond de la cour se trouve l'appartement du chef des eunuques noirs (Kızlar Ağası), le quatrième plus important personnage du protocole officiel. Dans l'intervalle se trouve l'école des princes impériaux avec des tuiles précieuses des XVIIe et XVIIIe siècles et des lambris dorés. À l'autre bout de la cour se trouve la porte principale du harem (Cümle Kapısi). Le couloir étroit sur la gauche mène aux appartements des odalisques (des esclaves blanches données en cadeau au sultan).
Beaucoup d'appartements des eunuques donnent sur cette cour, la première du harem, parce qu'ils étaient aussi des gardes sous le commandement du chef des eunuques. Les espaces entourant cette cour ont été reconstruits après le grand incendie de 1665. Le complexe comprend le dortoir des eunuques derrière le portique, les quartiers du chef des eunuques du harem (Darüssaade Ağası), l'école des princes et des fonctionnaires du palais (Musahipler Dairesi) et une guérite de garde. La porte principale du harem et la porte de Kuşhane sur la cour d'Enderûn, sont reliées à cette cour.
Les dortoirs des eunuques du harem (Harem Ağaları Koğuşu) datent du XVIe siècle. Ils sont organisés autour d'une cour intérieure sur trois étages. L'inscription de la façade du dortoir cite les actes de fondation des sultan Mustafa IV, Mahmud II et Abdülmecid I, remontant au XIXe siècle. Les pièces des étages supérieurs étaient destinées aux novices et celles regardant la cour étaient occupées par les eunuques ayant des fonctions administratives. Au fond se trouve une cheminée monumentale recouverte de tuiles de Kütahya du XVIIIe siècle.
Les appartements du chef des eunuques noirs du harem (Darüssaade Ağasi Dairesi) adjacents au dortoir contiennent un bain, des pièces de vie et une chambre.
La salle d'école des princes, sous le contrôle du chef des eunuques, était à l'étage supérieur. Les murs étaient recouverts de céramiques européennes au décor baroque.
L'entrée principale (Cümle Kapisi) sépare le harem, dans lequel vivaient la famille et les concubines du sultan, de la cour des eunuques. La porte mène au poste de garde (Nöbet Yeri) auquel sont reliées les trois principales sections du harem. La porte à gauche du poste de garde mène par le passage des concubines à la cour des concubines (Kadınefendiler Taşlığı). La porte du milieu mène à la cour de la sultane validé (Valide Taşlığı) et la porte de droite conduit à la route dorée (Altınyol) et au-delà aux quartiers du sultan. Le grand miroir de cette pièce date du XVIIIe siècle.
Après l'entrée principale et avant de tourner vers le passage des concubines se trouve la cour de la sultane validé.
Le passage des concubines (Cariye Koridoru) mène à la cour des concubines et des épouses. Sur les consoles, le long du passage, les eunuques posaient les plats qu'ils amenaient des cuisines dans le palais.
La cour des concubines et des épouses (Kadın Efendiler Taşlığı / Cariye Taşlığı) a été construite à la même époque que la cour des eunuques, au milieu du XVIe siècle. Restaurée après l'incendie de 1665, elle est la plus petite cour du harem. La cour, entourée d'arcades, comporte un hammam (Cariye Hamamı), une fontaine de lavage, une blanchisserie, des dortoirs, l'appartement du chef de la famille et les appartements des hôtesses (Kalfalar Dairesi).
Les trois appartements indépendants, qui ont vue sur la Corne d'Or, décorés de tuiles et avec cheminée, étaient les logements de la famille du sultan. Ces constructions couvraient le site de la cour à la fin du XVIe siècle. À l'entrée du quartier de la sultane validé, des fresques murales de la fin du XVIIIe siècle, d'influence européenne, représentent des paysages. L'escalier dit des « quarante marches » (Kirkmerdiven) permet d'accéder à l'hôpital du harem (Harem Hastanesi), aux dortoirs des concubines, à la terrasse du harem et à ses jardins.
Les appartements de la sultane validé (Valide Sultan Dairesi) constituent, avec les appartements du sultan, la plus grande et la plus importante section du harem. Ils ont été construits après le déménagement de la sultane validé, qui a quitté le vieux palais (Eski Saray) pour Topkapı à la fin du XVIe siècle. Ces appartements ont dû être reconstruits après l'incendie de 1665, entre 1666 et 1668. Certaines pièces, comme la petite pièce de musique, ont été ajoutées au XVIIIe siècle.
Seules deux pièces sont ouvertes au public : la salle à manger avec, dans la galerie supérieure, la salle de réception, et la chambre avec, derrière un treillis, une petite pièce pour la prière. Le rez-de-chaussée accueille les appartements des quartiers des concubines, tandis qu'à l'étage se trouvent les quartiers de la sultane validé et de ses accompagnatrices (kalfas). Un passage mène, à travers les bains de la sultane validé, aux quartiers du sultan.
Ces pièces sont toutes recouvertes de tuiles bleu-blanc et jaune-vert à motifs floraux, ainsi que de porcelaine d'İznik du XVIIe siècle. Le panneau représentant la Mecque, signé d'Osman İznikli Mehmetoğlu, constitue une innovation de style pour la porcelaine d'İznik. Les peintures panoramiques des salles supérieures sont de style européen occidental des XVIIIe et XIXe siècles.
Au-dessus des quartiers de la sultane validé se trouvent les appartements de Mihirisah, de style rococo. Le passage en direction des bains donne accès à l'appartement d'Abdülhamid Ier. À proximité se trouve la chambre d'amour de Selim III, construite en 1790. Un corridor étroit relie cette pièce au pavillon d'Osman III daté de 1754.
L'ensemble suivant constitue les hammams du sultan et de la sultane validé (Hünkâr ve Vâlide Hamamları). Ces doubles bains, qui datent de la fin du XVIe siècle, sont constitués de plusieurs pièces. Elles ont été redécorées dans un style rococo au milieu du XVIIIe siècle. Les deux hammams présentent la même structure, constituée d'un caldarium, d'un tepidarium et d'un frigidarium. Chaque pièce est éclairée soit par une coupole, soit par une structure en nid d'abeilles avec des parties vitrées. Le sol est revêtu de marbre blanc et gris. La baignoire de marbre avec sa fontaine ornementale et sa grille métallique dorée qui se trouve dans le caldarium est un élément caractéristique. Le treillage doré était destiné à protéger le baigneur des tentatives d'assassinat. Les hammams du sultan ont été autrefois décorés de tuiles d'İznik de haute qualité par Sinan. Mais l'essentiel de la décoration du harem, provenant des structures endommagées par le feu de 1574, a été recyclé par le sultan Ahmet Ier pour décorer sa nouvelle Mosquée du sultan Ahmed à Istanbul. Les murs sont aujourd'hui soit recouverts de marbre, soit délavés de blanc.
La Salle impériale (Hünkâr Sofası), ou Salle du trône intérieure dite aussi Salle des diversions est une salle à coupole qui aurait été construite à la fin du XVIe siècle. Elle a le plus grand dôme du palais. Elle servait de salle de réception officielle, ainsi qu'aux divertissements du harem. Le sultan y recevait ses confidents, ses invités, sa mère, sa première femme (Hasseki), ses accompagnateurs et ses enfants. Des spectacles, des actes de soumission durant les fêtes religieuses et des mariages avaient lieu ici en présence des membres de la dynastie.
Après le grand incendie de 1666, la salle a été rénovée dans un style rococo sous le règne d'Osman III. La ceinture de faïence avec des inscriptions calligraphiques qui faisait le tour des murs a été recouverte au XVIIIe siècle de porcelaine de Delft bleue et blanche et de miroirs en verre vénitien. L'arche du dôme et les pendants portent toujours des peintures classiques datant de la construction originale.
Le trône du sultan est au centre de la pièce. La galerie était occupée par les accompagnateurs du sultan, dirigés par la sultane validé. Les chaises dorées sont un cadeau de l'empereur Guillaume II d'Allemagne, et l'horloge un cadeau de Victoria du Royaume-Uni. Un office où sont exposés des instruments de musique et certaines autres pièces s'ouvre sur la salle impériale et donne accès aux appartements du sultan.
Une porte secrète derrière un miroir permet une entrée discrète du sultan. Une porte s'ouvre sur l'appartement de la sultane validé, l'autre sur le hammam du sultan. La porte opposée mène à une petite salle à manger (reconstruite par Ahmet III) et sur la grande chambre à coucher, tandis qu'une autre ouvre sur une série d'antichambres, dont la salle à la fontaine (Çeşmeli Sofa), toutes redécorées au XVIIe siècle.
La chambre privée de Murad III (III. Murad Has Odası), qui a conservé son intérieur d'origine, est la plus ancienne et la plus belle chambre du harem. Elle a été dessinée par le maître architecte Sinan, et date du XVIe siècle. Son dôme est légèrement plus petit que celui de la salle impériale. La porte est l'une des plus belles du palais. Elle s'ouvre sur le couloir qui longe l'aile des princes de la couronne (Kafes). Elle est décorée de faïences d'İznik bleu, blanc et rouge corail. Les motifs floraux sont renforcés par des bordures orange datant des années 1570. Un bandeau de céramiques calligraphiques fait le tour de la pièce au niveau du plateau et de la porte. Les motifs en arabesques du dôme ont été redorés et repeints en noir et rouge. La grande cheminée à la hotte dorée (ocak) fait face à une fontaine à deux niveaux (çeşme), soigneusement ornée de marbre coloré. Le bruit de l'écoulement devait empêcher toute écoute, tout en produisant une atmosphère relaxante. Les deux baldaquins dorés datent du XVIIIe siècle.
De l'autre côté par rapport à la grande chambre à coucher se trouvent deux pièces plus petites. La première est la chambre privée d'Ahmet Ier (I. Ahmed Has Odası), richement décorée de carreaux d'émail d'İznik. La porte de la pièce, les armatures de fenêtre, une petite table et un lutrin sont décorés de nacre et d'ivoire.
À côté se trouve la chambre privée d'Ahmet III (III. Ahmed Has Odası), petite, mais très colorée, avec des murs peints de dessins floraux et de coupes de fruits entremêlés dans les carreaux qui couvrent la cheminée (ocak). Pour cette raison, la pièce porte aussi le nom de salle aux fruits (Yemis Odası). Elle était probablement utilisée pour des repas.
Le pavillon double, nommé aussi appartements des princes de la Couronne (Çifte Kasırlar / Veliahd Dairesi), consiste en deux chambres construites au cours du XVIe siècle. L'immeuble, relié au palais, est constitué d'un rez-de-chaussée construit sur une plate-forme élevée qui procure une bonne vue sur l'extérieur, tout en étant protégée des regards.
L'intérieur comporte deux grandes pièces, datant soit du règne de Murad III, soit, plus probablement, du règne d'Ahmet Ier. Le plafond n'est pas plat, mais conique, dans le style du kiosque. Il évoque les tentes traditionnelles des premiers Ottomans. Dans ces tentes, il n'y avait pas de meubles en hauteur, mais des divans disposés le long des murs. Le sol est recouvert de tapis. Ces pièces présentent tous les caractères du style classique, utilisé dans d'autres parties du palais.
Le pavillon a été entièrement redécoré et la plupart des boiseries baroques ont été retirées. Les tuiles décoratives, reflétant la grande qualité des fabriques d'İznik du XVIIe siècle, ont été remplacées par des copies modernes, en accord avec le concept d'origine. La fresque du dôme de bois est d'origine, et est un exemple des riches travaux de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. La cheminée de la seconde pièce, avec sa grande hotte dorée, a été restaurée dans son apparence d'origine. Les fenêtres proches de la cheminée sont décorées d'intarsio de nacre. Les fenêtres de verre coloré donnent sur la haute terrasse et le jardin de la piscine située en dessous. Les robinets de ces fenêtres sont entourés de fresques en rouge, noir et doré.
Les princes de la Couronne (Şehzadeler) vivaient reclus dans ces pièces, qui sont connues sous le nom de kafes (cage). Les princes y étaient éduqués dans la discipline du harem jusqu'à l'âge adulte. Ils étaient ensuite nommés gouverneurs de provinces d'Anatolie, où ils étaient entraînés à la gestion des affaires d'État. À partir du début du XVIIe siècle, les princes vécurent dans le harem, qui commença à jouer un rôle dans l'administration du palais. Le pavillon double a été utilisé comme chambre privée des princes de la couronne à partir du XVIIIe siècle.
La cour des favorites (Gözdeler / Mabeyn Taşlığı ve Dairesi) est la dernière partie du harem. Elle domine une grande piscine et le jardin de buis (Şimşirlik Bahçesi). La cour a été constituée au XVIIIe siècle par l'ajout des appartements intermédiaires ((Mabeyn) et des appartements des favorites (İkballer). Les appartements des dames de compagnie des favorites et la partie Mabeyn, au rez-de-chaussée, incluent aussi la salle des miroirs. C'était le lieu où Abdülhamid Ier vivait avec son harem. L'appartement est décoré de boiseries rococo.
Les favorites du sultan (Gözdeler / İkballer) étaient considérées comme les instruments de la perpétuation de la dynastie selon l'organisation du harem. Quand les favorites tombaient enceintes, elles assumaient les titres et les pouvoirs de l'accompagnatrice officielle du sultan (Kadınefendi).
La route dorée (Altınyol) est un étroit passage remontant au XVe siècle, qui forme l'axe du harem. Il s'étend entre la cour des eunuques du harem (Harem Ağaları Taşlığı) et la chambre privée (Has Oda). Le sultan utilisait ce passage pour rejoindre le harem, la chambre privée et le Sofa-i Hümâyûn, la terrasse impériale.
La cour de la sultane validé (Valide Sultan Taşlığı), la cour des concubines et des épouses (Baş Haseki), les appartements des princes (Şehzadegân Daireleri), et les appartements du sultan (Hünkâr Dairesi) s'ouvrent sur ce passage. Les murs sont peints en blanc.
La dénomination dorée serait peut-être due au fait que le sultan avait l'habitude d'y jeter des pièces d'or pour les concubines durant les fêtes, mais cela est contesté.
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, une petite cour intérieure, dans ce coin de la cour d'Enderûn, permettait d'accéder au harem par la porte Kuşhane. C'est aujourd'hui la porte par laquelle les visiteurs sortent du harem. Des oiseaux étaient élevés pour la table du sultan dans les bâtiments entourant la porte. L'une des inscriptions au-dessus de la porte Kuşhane indique que Mahmud Ier a fait réparer les cuisines de Kuşhane. Le balcon de la volière face à la porte a été construit lors d'une réparation en 1916. La façade du bâtiment rappelle les volières traditionnelles.