Par la porte du Milieu, le visiteur entre dans la seconde cour (II. Avlu), ou place du Conseil (Divan Meydanı), lieu de rassemblement des courtisans. Seul le sultan pouvait la traverser à cheval, sur les allées de galets noirs conduisant à la troisième cour.
La seconde cour a dû être achevée vers 1465, sous le règne de Mehmed II, mais n'a pris son aspect définitif que vers 1525-1529.
Cette cour est entourée de l'ancien hôpital du palais, de la boulangerie, des quartiers des janissaires, des écuries, du harem impérial et du Conseil (Divan) au nord, et par les cuisines au sud. Au fond se trouve la troisième porte ou porte de la Félicité qui conduit à la troisième cour. L'ensemble trouve son unité dans une colonnade de marbre ininterrompue.
Les fouilles récentes ont révélé une quantité d'objets des périodes romaine et byzantine : un sarcophage, des fonts baptismaux, des pilastres et des plaques de parapet, ainsi que des chapiteaux, exposés devant les cuisines. La citerne située sous la seconde cour remonte à l'époque byzantine. Elle est normalement fermée au public.
La seconde cour était essentiellement utilisée par le sultan pour rendre la justice. Elle était donc conçue pour impressionner les visiteurs. Des ambassadeurs autrichiens, vénitiens, français ont laissé le récit de leurs visites. L'ambassadeur Philippe du Fresne-Canaye, reçu par le sultan en 1573, raconte l'alignement des janissaires le long du mur, leurs turbans comme des épis de maïs, les mains jointes devant eux, comme des moines, restant immobiles et silencieux durant plus de sept heures, comme des statues.
Cette discipline et ce protocole sévère concouraient à l'aspect majestueux de cette seconde cour.
Un musée des voitures impériales est aménagé au nord-est, dans les anciennes écuries. C'est un bâtiment de faible hauteur, couvert d'un toit, et non d'une coupole comme presque partout ailleurs dans le palais. Beaucoup des voitures ont été détruites dans un incendie à la fin du XIXe siècle. On y voit encore des carrosses et des voitures légères ayant appartenu aux sultans, aux reines mères et aux personnages de la cour. Certaines de ces voitures ont été importées de l'étranger.
Les immenses cuisines sont un des éléments essentiels du palais. Certaines d'entre elles furent construites dès le XVe siècle, en même temps que le palais lui-même, sur le modèle de celles du palais du sultan à Andrinople (Edirne). Elles furent agrandies sous le règne du sultan Soliman le Magnifique, mais brûlèrent en 1574. Elle furent relevées et mises au goût du jour par l'architecte de la cour Mimar Sinan.
Restaurées selon les plans de Sinan, elles sont organisées en deux rangées et hérissées de vingt larges et hautes cheminées octogonales, ajoutées par Sinan. Les cuisines sont desservies par les ruelles qui sillonnent l'espace compris entre la seconde cour et la mer de Marmara. L'entrée de cette section se fait par les trois portes du portique de la seconde cour : la porte du Commissariat impérial, celle des cuisines impériales et celle de la pâtisserie.
Les cuisines étaient composées de dix sections spécialisées couvertes de coupoles : cuisine impériale, école du palais (Enderûn), quartier des femmes (Harem), services extérieurs au palais (Birûn), cuisines, préparation des boissons, pâtisserie, crémerie, entrepôts et salles réservées aux cuisiniers. Elles étaient les plus grandes de tout l'Empire ottoman.
Les repas pour le sultan, les habitants du harem, les membres des service intérieurs et extérieurs au palais (Enderûn et Birûn) y étaient préparés : on y faisait donc la cuisine pour environ 4 000 personnes. Elles n'employaient pas moins de huit cents personnes, et un bon millier les jours de fêtes.
Le service du sultan était réglé par un protocole très strict. Selon le témoignage du baron Wenceslas Wratislaw, ambassadeur d'Autriche, invité par le sultan à un banquet privé en 1599, on ne comptait pas moins de cinq cents serviteurs en livrée de soie rouge, qui portaient des couvre-chefs semblables à ceux des janissaires. Quand vint le moment du dîner, le surintendant apporta un plat de porcelaine et un autre plat couvert, qu'il passa au serveur plus proche, celui-ci à un troisième, et ainsi de suite jusqu'à celui qui était le plus près de l'appartement du sultan. Là, encore, d'autres chambellans découpaient prestement les viandes qui étaient portées au plus vite, sans aucun bruit ni parole, jusqu'à la table de l'empereur.
Les cuisines comptaient aussi des dortoirs, des bains et des mosquées pour les employés. Ces installations ont maintenant disparu.
En plus d'une intéressante exposition d'ustensiles de cuisine, les bâtiments abritent aujourd'hui des collections d'argenterie, et surtout de porcelaines chinoises bleu et blanc, blanc et céladon.
La céramique chinoise arrivait par caravanes ou encore par mer. Les 10 700 pièces exposées ici, chinoises, japonaises, turques, sont parmi les plus rares et les plus précieuses. Elles représentent toutes les époques depuis le Moyen-Âge : fin de la période Song (XIIIe s.), puis Yuan (1280-1368), Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912). Le musée conserve aussi une des plus riches collections au monde de céladons Longquan (XIVe s.), comprenant aussi 3 000 pièces de céladons Yuan et Ming. Ces céladons étaient particulièrement appréciés du sultan et de la sultane Validé (reine mère), car ils étaient réputés changer de couleur si la nourriture et les boissons qu'ils contenaient étaient empoisonnées.
La porcelaine japonaise est essentiellement de la porcelaine d'Imari, datant du XVIIe au XIXe siècle. Certaines parties de la collection présentent aussi de la porcelaine blanche du début du XVe siècle, des « imitations » de bleu et blanc, ainsi que des porcelaines Imari provenant d'Annam, Thaïlande et Perse.
Situées de l'autre côté de la cour, à environ 5 ou 6 mètres au-dessous du niveau du sol, les écuries impériales (Istabl-ı Âmire) comprennent les écuries privées (Has Ahir) où sont conservées de vastes collections de harnachements (Raht Hazinesi). Elles ont été construites sous Mehmed II et rénovées sous Soliman. On y voit aussi la petite mosquée du XVIIIe siècle et les bains de Beşir Ağa (Beşir Ağa Camii ve Hamamı), le chef des eunuques noirs de Mahmud Ier.
À la suite des écuries impériales se trouvent les dortoirs des hallebardiers à tresses (Zülüflü Baltacılar Koğušu). Ces quartiers étaient utilisés par un corps de métier chargé de multiples tâches de la vie quotidienne : approvisionnement en bois des chambres du palais, nettoyage et service du harem et du quartier des serviteurs masculins, arrangement du mobilier ; ils avaient aussi des fonctions de maîtres des cérémonies. Les hallebardiers portaient de longues tresses pour bien marquer leur haute position. La première mention de ce corps date de 1527, lorsqu'il fut établi afin de dégager les routes devant l'armée en campagne.
Le dortoir a été créé au XVe siècle et agrandi par l'architecte en chef Davud Ağa en 1587, sous le règne du sultan Murad III. Les dortoirs sont construits autour d'une cour dans la disposition traditionnelle d'une maison ottomane, avec des bains et une mosquée, ainsi que des salles de loisirs, dont un fumoir. À l'extérieur comme à l'intérieur du complexe, on a retrouvé de pieuses inscriptions sur les différentes fonctions des hallebardiers et sur l'entretien des divers quartiers. Contrairement au reste du palais, le quartier des hallebardiers est construit en bois, peint en rouge et vert.
Le Conseil impérial ou salle du Divan (Dîvân-ı Hümâyûn) est la chambre dans laquelle se réunissaient les ministres d'État, le conseil des ministres (Dîvân Heyeti), le Conseil impérial, composé du grand vizir (Paşa Kapısı), des vizirs et d'autres fonctionnaires de l'État ottoman. Il est aussi appelé Kubbealtı, qui signifie « sous la coupole », en référence à la coupole qui couvre la salle principale du conseil. Il est situé au nord-ouest de la cour, à côté de la porte de la Félicité.
La première salle du Conseil remonte au règne de Mehmed II, mais le bâtiment actuel a été construit par Alseddin, architecte en chef de Soliman le Magnifique. Il a subi des modifications après les dommages causés par l'incendie du harem en 1665. Il a été et restauré sous les sultans Selim III et Mahmud II.
Le lieu commença à perdre de son importance au XVIIIe siècle, lorsque l'administration de l'État a été progressivement transférée à la Sublime Porte (Bab-ı Âli), c'est-à-dire au grand vizirat, distinct du palais, un peu plus à l'ouest. La dernière réunion du Conseil dans le palais s'est tenue le 30 août 1876, lorsque le cabinet (Vükela Heyeti) s'est réuni pour évoquer l'état de santé de Murad V.
La salle du Conseil a de multiples entrées, de l'intérieur du palais ou depuis la cour. Le portique extérieur est constitué de piliers de marbre et de porphyre, avec un plafond vert et blanc en bois doré. Le sol est dallé de marbre. Les entrées dans la salle depuis l'extérieur sont dans le style rococo, avec des grilles dorées qui laissent passer la lumière. Alors que les piliers sont de style ottoman ancien, les peintures murales et les décorations sont de la dernière période rococo. L'intérieur du bâtiment du Conseil impérial se compose de trois pièces adjacentes. Deux des trois salles à coupole de ce bâtiment ouvrent sur le porche et la cour. Le Divanhane, construit en bois avec un portique à l'angle de la place du Divan (Divan Meydani) au XVe siècle, a ensuite été utilisé comme mosquée du conseil, mais il a été démoli en 1916.
Sur la façade sont inscrits des versets mentionnant les travaux de restauration effectués en 1792 et 1819, sous Selim III et Mahmud II. Les décorations rococo sur la façade et à l'intérieur de la salle du Conseil datent de cette époque. La salle principale du Kubbealtı est décorée de tuiles ottomanes Kütahya. Les trois longs sofas, sur les côtés, étaient les sièges réservés aux fonctionnaires, avec un petit foyer au milieu. La petite boule dorée qui pend au plafond représente la terre. Elle est placée face à la fenêtre du sultan et symbolise la justice qu'il doit rendre au monde, ainsi que la vigilance qu'il doit garder envers ses vizirs.
Les débats, au Conseil impérial, portaient sur les affaires politiques, religieuses et administratives. Les séances avaient lieu le samedi, le dimanche, le lundi et le mardi, après la prière matinale. Elles étaient réglées selon un protocole immuable.
Les membres du Conseil, comme le grand vizir, les vizirs, les chefs militaires de la justice musulmane (Kazaskers) de Roumélie et d'Anatolie, le ministre des finances et les chefs du trésor (Defterdar), le ministre des affaires étrangères (Reis-ül-Küttab) et parfois le grand Mufti (Sheikh ül-Islam) se réunissaient ici pour discuter et décider des affaires de l'État.
Les autres fonctionnaires autorisés étaient les secrétaires du Conseil impérial (Nişancilar), les détenteurs du sceau impérial (tuğra), les fonctionnaires chargés de la rédaction des protocoles officiels (Tezkereciler) et les greffiers qui enregistraient les décisions.
De la fenêtre à la grille d'or, mentionnée pour la première fois en 1527, le sultan ou la sultane Validé pouvaient suivre les délibérations du Conseil sans être remarqué. La fenêtre pouvait être atteinte à partir des appartements impériaux par la tour de Justice (Adalet Kulesi). Lorsque le sultan donnait un coup sec sur la grille ou tirait un rideau rouge, la séance prenait fin et les vizirs venaient un à un dans la salle d'audience (Arz Odası) rendre compte des débats au souverain.
Tous les hommes d'État, à l'exception du grand vizir, accomplissaient leur prière matinale à Sainte-Sophie et pénétraient par la porte impériale en fonction de leur rang, passant ensuite par la porte du Salut dans la chambre du Divan, où ils attendaient l'arrivée du grand vizir.
Le grand vizir accomplissait ses prières à la maison, et était accompagné au palais par ses propres assistants. À son arrivée, on procédait à une cérémonie de bienvenue : avant d'ouvrir les débats du Divan impérial, il s'approchait de la porte de la Félicité et la saluait, exprimant ainsi ses respects à la porte de la demeure du sultan. Il entrait dans la chambre et prenait place directement sous la fenêtre d'or du sultan ; alors le Conseil commençait. Les affaires de l'État étaient généralement examinées jusqu'à midi, puis les membres du Conseil dînaient dans les chambres avant d'entendre les différentes requêtes.
Tous les membres de la société ottomane, les hommes et les femmes de toutes croyances pouvaient se voir accorder une audience. Une importante cérémonie était organisée pour marquer le premier Conseil impérial de chaque nouveau grand vizir, et aussi pour marquer sa présentation avec le Sceau impérial (Mühr-ü Hümayûn). La plus importante cérémonie avait lieu tous les trois mois au cours de la distribution des traitements (ulûfe) des janissaires. La réception de dignitaires étrangers était normalement organisée le même jour, créant une occasion de refléter la richesse et la puissance de l'État. Les ambassadeurs étaient ensuite reçus par le grand vizir dans la salle du Conseil, où un banquet était organisé en leur honneur.
La tour de Justice (Adalet Kulesi) est située entre la salle du conseil et le harem. Haute de plusieurs étages, elle est la plus haute structure du palais et domine l'ensemble du paysage depuis le Bosphore. Son origine remonte probablement à Mehmet II. Elle a été rénovée et agrandie par Soliman Ier en 1527-1529.
Le sultan Mahmud II a refait la lanterne en 1825 en conservant la structure existante. Les larges fenêtres à colonnes engagées et le fronton Renaissance évoquent l'architecture palladienne.
La tour symbolisait l'éternelle vigilance du sultan contre l'injustice. Visible de loin, elle rappelait à tous la présence du souverain. Elle était aussi pour ce dernier un point d'observation d'où il pouvait voir toute la ville et ses détroits. Les fenêtres grillagées garantissaient le principe de l'isolement impérial. La tour donnait accès à la fenêtre d'or de la salle du conseil, ajoutant encore au symbolisme de la justice.
Le bâtiment dans lequel sont exposées les armes et armures était l'un des trésors du palais (Divan-I Humayun Hazinesi / Hazine-ý Âmire). Étant donné qu'il existait un autre trésor « intérieur » dans la troisième cour, celui-ci est également appelé trésor « extérieur » (dış hazine). On ne connaît pas exactement la date de sa construction, mais son plan et sa technique de construction indiquent qu'il remonte probablement à la fin du XVe siècle et au règne de Soliman. Il a ensuite subi de nombreux aménagements et rénovations. Il est constitué d'une grande salle de pierre et de brique couverte de huit coupoles, chacune de 5 x 11,40 m. Ce trésor était utilisé pour les finances de l'administration de l'État. Les kaftans donnés en cadeaux aux vizirs, ambassadeurs et résidents du palais par le service financier et le sultan, ainsi que d'autres objets de valeur, y étaient également conservés. C'est aussi sur ce trésor que les janissaires recevaient leur salaire trimestriel appelé uluefe. Le trésor était fermé par le sceau impérial confié au grand vizir.
L'exposition de la collection d'armes et d'armures a été mise en place dans ce bâtiment en 1928, soit quatre ans après que le palais de Topkapı eut été converti en musée.
Des fouilles, en 1937, ont révélé, en face de ce bâtiment, des vestiges d'un édifice religieux byzantin du Ve siècle. Il n'a pu être identifié comme aucune des églises connues sur le site. On le désigne par les noms de « basilique du palais de Topkapı » ou « basilique du palais ».
À l'extérieur du bâtiment du trésor se trouve également une cible de pierre (Nişan Taşı) haute de plus de deux mètres, érigée en commémoration d'un concours de tir organisé sous Selim III en 1790.
La collection d'armes (Sila Seksiyonu Sergi Salonu), qui se compose principalement d'armes restées dans le palais au moment de sa conversion, est l'un des plus riches ensembles d'armes islamiques au monde, avec des pièces s'étalant sur une période de 1 300 ans, du VIIe au XXe siècle. La collection d'armes et armures est constituée d'objets d'origine ottomane, ou issus de conquêtes, ou encore reçus en cadeaux.
Les armes ottomanes constituent le gros de la collection. Mais celle-ci comporte aussi de nombreuses armes omeyyades et abbassides, ainsi que des armes, armures, casques, épées et haches d'origine perse et mamelouk. Un nombre moins élevé d'armes provenant d'Europe et d'Asie constitue le reste de la collection. Actuellement, l'exposition compte quelque quatre cents armes, dont la plupart portent des inscriptions.
La porte de la Félicité (Bâbüssaâde ou Bab-üs Saadet) est l'entrée de la cour intérieure (Enderûn), ou troisième cour, où commencent les appartements privés du sultan. La porte est coiffée d'une coupole soutenue par de minces piliers de marbre. Elle marque la présence du sultan dans le palais : nul ne peut passer cette porte sans l'autorisation du sultan. Même le grand vizir n'était autorisé à franchir la porte que selon des horaires et à des conditions bien spécifiées.
La porte a probablement été construite sous Mehmed II, au cours du XVe siècle. Elle a été redécorée dans le style rococo en 1774 par Mustafa III, puis Mahmud II. On peut lire au-dessus la porte des versets du Coran, ainsi que des tuğras. Le plafond est en partie décoré à la feuille d'or, avec une bulle d'or suspendue au centre. Les côtés sont ornés d'éléments décoratifs baroques et de miniatures de paysages.
Le sultan ne paraissait à cette porte et sur la place du Divan Meydani que lors de cérémonies particulières. Le sultan se tenait assis devant la porte sur son trône Bayram les jours de fêtes religieuses, tandis que sujets et fonctionnaires restaient debout. Les funérailles des sultans se tenaient également devant cette porte.
De chaque côté de ce passage à colonnes contrôlé par le chef des eunuques du harem, appelé Bâbüssaâde Ağası, et le personnel placé sous sa responsabilité s'étendaient les quartiers des eunuques, ainsi que les salles, grandes et petites, de l'école du palais.
La petite dalle, en retrait dans le sol devant la porte, marque le lieu où la bannière du prophète de l'islam Mahomet était déployée. Cette bannière était confiée en une cérémonie solennelle au grand vizir ou au commandant des armées partant en guerre.