Historique
Classification des malocclusions (Edward Hartley ANGLE, 1898)
- Bien avant la découverte et la compréhension des mécanismes biologiques des réflexes (1917), puis des mécanismes biochimiques dans la cellule musculaire (1953), E. H. Angle (1855-1930) établit une Classification des malocclusions dès 1898. Ce sont les modèles en plâtre des mâchoires d'un millier de ses patients qui lui servent de support. La Classification n'a qu'un seul but : faciliter le "diagnostic" des pathologies de l'occlusion statique. dans l'esprit d'E. H. Angle, toutes ces malocclusions n'ont donc pas la vocation de devenir le moindre but thérapeutique.
- Dans son ouvrage de 1900, E. H. Angle cite expressément : "In the begining we wish to throroughly impress the necessity for complete separation of diagnosis from treatment (...) all cases of malocclusion may be readily arranged in well-defined classes as plants, animals, or the elements, and having a thourough knowledge of distinguishing characteristics of occlusion and of facial lines peculiar to each class, the diagnosis of any given case is greatly simplified" (p.34-35).
- E. H. Angle postulait que la Classification correspondait aussi "à une répartition sociale entre les riches et les pauvres, voire à une distinction raciale entre les blancs, les colorés et les noirs. Celles-ci sont dictées par notre mère Nature qui ne se trompe jamais" (sic).
- Dans sa préface de 1906, E. H. Angle, alors âgé de 51 ans, vante les mérites de l'occlusion de la première molaire supérieure. La dévotion pour cette dent est, pour lui, le nombril sacralisé du développement de toute la face.
- De 1898 (6th edition) à 1907 (7th edition), E. H. Angle écrivait : "Out of several thousand cases of malocclusion examined, the proportion per thousand belonging to each class was as follow :
| Class I | | 692 | |
| | | | |
| Class II | | | |
| | Division 1 | 90 | |
| | Subdivision | 34 | |
| | Division 2 | 42 | |
| | Subdivision | 100 | |
| | | | |
| Classe III | | | |
| | Division | 34 | |
| | Subdivision | 8 | |
| | | | |
| | | 1.000 | |
(p.58-59)
- Conclusion.
- Toutes les classes d'E. H. Angle, en ce compris la Classe I (692 patients sur 1000), sont des classes de malocclusions. La seule erreur d'E. H. Angle est d'être né 150 ans trop tôt, mais l'erreur contemporaine ne serait-elle pas de vouloir créer, à tout prix, une "Classe I d'E. H. Angle" lors des traitements iatrogènes ?
- "Classification of Malocclusion
- As we have seen, there are seven distinct positions wich teeth in malocclusion may occupy, indicated by their deviation from the line of occlusion. This different malpositions form combinations in cases of malocclusion wich are pratically limitless in their variations (...) These classes are based on the mesio-distal relations of the teeth, dental arches, and jaws, wich depend primarily upon the positions mesio-distally assumed by the first permanent molars on their erupting and locking. Hence in diagnosing cases of malocclusion we must consider, first, the mesio-distal relations of the jaws and dental arches, as indicated by the relation of the lower first molars with the upper first molars - the keys of occlusion ; and second, the positions of the individual teeth, carefully noting their relations to the line of occlusion" (p.35-36).
- "In other words, it would not classify with any definiteness and would necessitate a lengthy description in order to convey to the listener's mind its true condition : while under the author's classification, if a case be spoken of as belonging to a certain Class, Division, or Subdivision, there is at once created in the mind a quite perfect understanding of the case - not only the peculiarities of the occlusion, and the relations of the jaws, but also the art relations, condition of the throat and nose, habits of the patient, etc., and nothing further is needed to complete the picture except minor individuals peculiarities".
Gnathologie (Beverly B. McCOLLUM, 1924)
- C'est la plus ancienne des sciences de l'occlusion dentaire. Elle est née avant les bases fondamentales de la médecine. Donc, cette philosophie est, le plus souvent, empirique. La gnathologie de B.B. McCollum (1924) a été quasi la seule "Science de l'occlusion" enseignée universellement à tous les dentistes durant le XXème siècle.
- La gnathologie se fonde sur l’existence présumée d’un « Hinge Axis », ou axe bi condylien (axe charnière) de la mâchoire inférieure. Or, depuis 1924, l’existence de cet axe imaginaire n’a jamais été confirmée, ni scientifiquement, ni cliniquement. La gnathologie repose sur une mise en articulateur d'une reproduction en plâtre ("modèles") des deux mâchoires du patients, modèles disposés en occlusion d'injonction iatrogène via deux cires occlusales, ou occlusion volontaire statique. Outre l'instabilité et la non reproductibilité de cette position volontaire, cette approche iatrogène diverge radicalement des réflexes naturels, associés à toute fonction manducatrice physiologique. Ensuite, cette mise en articulateur est comparées aux canevas de la Classification des malocclusions, qu'E.H. Angle a établi sur des modèles en plâtre (1898), diposés en occlusion iatrogène. Et non sur l'occlusion naturelle présentée par ces patients. L'emprisme, ajouté par cette classification de 1898, est toujours d'actualité en dentisterie générale, en orthodontie (ODF) et en chirurgie maxillo-faciale (CMF).
- L'analyse céphalométrique (ODF, CMF), quantifiée sur téléradiographie latérale du visage disposée en bouche fermée, à la demande du médecin radiologue, est du même empirisme : aucun respect de tout caractère dynamique, physiologique ou biochimique, de la fonction manducatrice naturelle. La gouttière occlusale est le fruit expérimental essentiel de la gnathologie. Malheureusement, cette philosophie ne répond jamais aux critères universels de la physique, ni aux impératifs de la physiologie manducatrice. De ce fait, il ne conduit jamais au moindre traitement efficace. Tout est réversible, temporaire et sans aucune finalité thérapeutique. Le plus souvent, le patient est abandonné à lui-même, sa gouttière occlusale restant dans sa main.
- In fine : la Gnathologie est plus la science des articulateurs dentaires, outils très utiles aux techniciens dentaires, qu’une « science dentaire » au bénéfice des patients. N’est-il pas étonnant que la Classification des malocclusions (1898) et la gnathologie (1924) n’aient jamais obtenu le moindre Prix Nobel depuis 1901 ? Si l'occlusion neuromusculaire est une branche de la gnathologie fonctionnaliste, alors elle a aussi été balayée en 1996 (voir ci-dessous), en même temps que l’enseignement de la gnathologie.
- Pour A. JEANMONOD (1988) : « L'Ecole gnathologique est en train de rejoindre l'Ecole fonctionnaliste ». Pour l’International Academy of Gnathology (IAG), American Section :
- « Gnathology is the Science that treats the biologics of the masticating mechanisms ». Or, l’appareil manducateur a bien d’autres fonctions que la mastication des aliments.
- « (…) The “Science of Occlusion” is considered one of the most complex and difficult subjects in dentistry. Therefore it is seldom taught in dental schools to the degree that it should be and most graduates leave school with a very limited understanding of occlusion (…) ». La gnathologie reconnaîtrait-elle ses propres limites ?
- Conclusion.
- Comparée à l'enseignement donné au futur garagiste, la formation en dentisterie "moderne" est très complète en carrosserie (esthétique), mais néglige totalement toute la mécanique du véhicule (fonction manducatrice). Rien d'étonnant, dès lors, que le praticien (dentiste généraliste, ODF ou CMF) a tendance à faire l'autruche ou à prendre leurs jambes à leur cou devant toute dysfonction occlusale de l'un de ses patients.
Occlusion neuromusculaire ou EMG-KNG (Bernard JANKELSON, 1969).
- Synonyme : Electromyographie ("EMG") et Kinésiographie ("KNG") crâniomandibulaires, ou EMG-KNG (Dottore Lorenzo BAZZOTTI, Turino (Italia), ULG, 1998).
- Principes :
- Au niveau de l'échancrure sigmoïde de la mandibule (branche motrice du nerf V, nerf VII et tissus voisins), application, pendant 45 minutes, d'une stimulation électrique procurant un mouvement mandibulaire de 0,2 mm d'amplitude : 30-60 volts, 10 mA et 40 spikes/minute (1,5 hertz ou 1,5 Hz). Il s'agit de créer un recrutement spatial des fibres en contractions simultanées : un reflet des contractions isotoniques réflexes des muscles. Cette Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation (T.E.N.S.) est censée mettre au repos physiologique les fibres musculaires des muscles masticateurs.
- Après 45 minutes de T.E.N.S. (0,2 mm déflexion mandibulaire), Un aimant, collé sur les incisives centrales inférieures, et un casque énorme, munis de deux solénoïdes gauche et droit, ou cadre d'analyse kinésiographique, permet de reproduire des positions particulières et les mouvements mandibulaires via l'écran d'un kinésiographe, ou Myomonitor. Par principe, une électro-stimulation plus intense (1 mm déflexion mandibulaire), ou « spike », permet de déterminer le « point X », ou « myocentrique », ainsi que la direction et le sens de l'alternance ouverture/fermeture de la mâchoire inférieure. Le point X sera censé représenter la position d'intercuspidation "physiologique" de la mandibule. Sur la trajectoire d'ouverture et de fermeture de la mandibule durant le spike à 1,5 Hz, la myocentrique, ou position d'intercuspidation maximale, réputée idéale, est arbitrairement déterminée de 1,4 à 2,4 millimètres au-dessus de la position de repos "physiologique" procurée par les 45 minutes de T.E.N.S.
- Toute interférence dentaire proprioceptive contrarie les précédents principes arbitraires. Par conséquent, la pratique de meulages dits « sélectifs » est monnaie courante en EMG-KNG. Ces soustractions de tissus dentaire résultent également d’une « mode » issue d’un siècle d’enseignement de la gnathologie.
- Pour L. BAZZOTTI : « A cause de la "mémoire proprioceptive", il est impossible de faire confiance aux mouvements volontaires du patient (...) Il n'existe aucune corrélation entre la qualité du mouvement et la position condylienne. Il y a donc bien prépondérance du système neuromusculaire sur le système condylien (...) L'occlusion neuromusculaire est une branche de la gnathologie fonctionnaliste » (D.E.S. EMG-KNG, ULG, 1998).
- « L’occlusion neuromusculaire pèche encore par le manque de validation scientifique » (BAC en sciences médicales, ULG, 2003).
- Malheureusement, le caractère commercial enveloppant l'occlusion neuromusculaire est bien trop flagrant, pour que la technique EMG-KNG puisse être suffisamment scientifique à tous les instants : Myotronics.
- Conclusion.
- Pour les différentes raisons qui précèdent, l'occlusion neuromusculaire (syn. EMG-KNG, K2) n'a jamais pu faire partie de l'enseignement obligatoire dans les universités.
Moniteur Belge : Jurisprudence (1992)
Jurisprudence relative à l’obligation de moyens en ce qui concerne la "Science de l'occlusion" :
« Commet une faute le dentiste qui ne rééquilibre pas l'articulé dentaire de son client (...)
Le praticien, qui a conçu une prothèse qui devait nécessairement se briser à brève échéance
en raison de l'occlusion défectueuse dont souffrait son patient, engage sa responsabilité ».
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- Conclusion.
- Cette jurisprudence est valable pour toute intervention iatrogène dans la bouche d'un patient et dans toute la Communauté européenne.
18th Technology Assessment Conference Statement (N.I.H., 1996)
- Historiquement, la Classification des malocclusions (E.H. Angle, 1898), la gnathologie (B.B. McCollum, 1924) et l'occlusion neuromusculaire (B. Jankelson, 1972) ont été balayées d'un seul coup par le 18th Technology Assessment Conference Statement de l'U.S. National Institutes of Health (N.I.H.) ou Management of Temporomandibular Disorders (April 29 & May 1, 1996). En effet, une « evidence based » est apparue : le XXème siècle a classé et reclassé des symptômes, objectifs ou subjectifs, des dysfonctions manducatrices, mais il n’a jamais cherché leurs étiologies (syn. causes). De même, le manque de validation scientifique ne peut plus être toléré en médecine.
- Ainsi depuis 1996, les universités ont fortement réduit le nombre d’heures consacrées à l’enseignement de la gnathologie (5 ECTS ; Processus de Bologne), voire supprimé carrément cette technique de leurs grilles horaires. Actuellement, les écoles dentaires n’offrent aucune autre matière en remplacement de la gnathologie.
- Ajouté au faible niveau de formation des futurs dentistes dans les branches fondamentales de la médecine, le jeune diplômé est de plus en plus démuni face à la dysfonction manducatrice de ses futurs patients.
- Conclusion.
- A ce régime, la dentisterie du IIIème millénaire risque de ne plus pouvoir s'occuper de la mécanique des mâchoires, et alors qu'aucune autre branche médicale ne peut la suppléer.