Star Wing est un immense succès commercial. À sa sortie, le jeu bat le record mondial de l’époque du plus grand nombre de copies écoulées en un week-end, en se vendant à un million d’exemplaires. Il s’est écoulé à hauteur de 800 000 exemplaires au Japon, de 1 630 000 en Amérique du Nord et de 560 000 en Europe. Au total, Star Wing s’est vendu à 3 millions d’unités à travers le monde, ce qui en fait l’un des plus gros succès commerciaux de la Super Nintendo. Les recettes du jeu sont telles qu’elles suffisent à Nintendo pour ouvrir sa branche européenne, la future Nintendo of Europe.
Publication | Note |
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Famitsu | 34 sur 40 |
EGM | 8,75 sur 10 |
Nintendo Power | 4,125 / 5 |
Nintendo System | 96 % |
Super Play | 93 % |
Micro Kid's | 19 sur 20 |
Compilation de plusieurs critiques | |
Game Rankings | 86 % (basé sur 4 critiques) |
À sa sortie, Star Wing est acclamé par la presse spécialisée. Les critiques encensent tout particulièrement l’aspect technique. Micro Kid's qualifie les graphismes de « superbes », Nintendo System de « fantastiques » et « réalistes ». Ils acclament également l’animation « rapide », « fluide » et « époustouflante ». L’aspect technique du jeu constitue selon Micro Kid's « du jamais vu sur Super Nintendo », digne d’après Nintendo System d’un PC surgonflé.
L’environnement sonore est également salué, avec des effets sonores immersifs et des musiques orchestrales, dignes d’un film. La réalisation « magistrale », avec une séquence d’introduction et des scènes cinématiques clôturant chaque niveau, contribue également à l’atmosphère cinématographique du jeu.
Selon Nintendo System, le jeu est tellement impressionnant qu’il en devient particulièrement prenant. La difficulté est parfaitement dosée, avec un premier niveau assez simple, mais des niveaux avancés très difficiles, nécessitant une grande maîtrise. Les missions variées offrent un challenge permanent, et la maniabilité irréprochable contribue à la grande durée de vie du titre.
Le bilan général est extrêmement positif. Micro Kid's juge le titre comme étant « le jeu le plus marquant de l’année ». Il est considéré par Nintendo System comme « le projet le plus ambitieux et le plus abouti sur Super Nintendo », un classique aux côtés de Super Mario World et de Street Fighter II. Pour ce magazine, le jeu ouvre « une nouvelle ère pour la Super Nintendo », marque « une étape décisive pour les jeux en 3D sur console », et est amené à devenir « un standard d’excellence pour l’industrie ».
À la fin des années 1980, la société Argonaut Games décide de s’introduire sur la marché des consoles de salon. La NES, sortie en 1988 au Royaume-Uni, peine à s’implanter dans ce pays mais est extrêmement populaire dans le reste du monde. Le fondateur d’Argonaut, Jez San, décide de mener des expérimentations en graphisme 3D sur la console de Nintendo. Ils parviennent ainsi à réaliser des modèles simples en 3D fil de fer exécutés en temps réel. Jez San se procure un kit de développement pour la Game Boy, la console portable de Nintendo, qui n’est alors pas encore sortie en occident. Dylan Cuthbert, jeune programmeur chez Argonaut, développe une démo nommée Eclipse, parvenant à un rendu 3D. Début juillet 1990, Jez San présente le jeu lors du Consumer Electronics Show à divers éditeurs, dont Nintendo of America. Impressionné par cet exploit d’obtenir de tels graphismes sur Game Boy, conçue pour être une machine 2D, Tony Harman organise une rencontre avec les dirigeants de Nintendo. La rencontre a lieu à Kyōto dans les semaines qui suivent, avec notamment Shigeru Miyamoto et Hiroshi Yamauchi.
Au cours de cette réunion, Jez San fait la démonstration du moteur 3D d’Eclipse aux cadres de Nintendo. Il présente également une maquette fonctionnant sur NES, sous le nom de code NesGlider, en référence à leur précédent jeu sur ordinateur personnel 16-bit Starglider. De leur côté, les cadres de Nintendo présentent le prototype de la Super Nintendo ainsi que les maquettes des jeux prévus pour la sortie de la console, Super Mario World, F-Zero et Pilotwings. À l’issue de la rencontre, Nintendo rachète les droits d’Eclipse, rebaptisé X, et engage l’équipe d’Argonaut pour l’affecter à Nintendo Research and Development 1.
Argonaut porte sa maquette sur Super Nintendo. Jez San explique à Nintendo que le jeu dans son état actuel est au maximum du potentiel de la console. Il demande l’autorisation de créer un matériel personnalisé augmentant les capacités graphiques de la console, bien qu’ils n’aient jamais développé de tel matériel auparavant. Nintendo accepte de financer les recherches d’Argonaut à hauteur d’un million de dollars.
Jez San engage une équipe de spécialistes en création de circuit intégré de Cambridge, notamment d’anciens collaborateurs de Sinclair Research. La conception de la puce suit une démarche inédite, en se plaçant du point de vue logiciel. L’équipe commence par écrire le logiciel désiré, puis conçoit le matériel idéal pour l’exécuter. Ne disposant pas de documentation satisfaisante, Argonaut doit procéder à la rétro-ingénierie du prototype de la console et conçoit une puce capable de fonctionner directement avec la machine, qu’elle soit intégrée à la console ou à la cartouche.
Le résultat est un microprocesseur cadencé à 11 MHz conçu pour exécuter du logiciel graphique, mais capable d’effectuer d’autres applications comme du calcul mathématique. Il s’agit d’un des premiers microprocesseurs RISC, et du tout premier accélérateur graphique 3D. Le prototype se révèle ainsi quarante fois plus rapide que la bibliothèque graphique de la Super Nintendo. Sa puissance est telle que l’intégralité du jeu, graphismes, physique et même gameplay, est calculée grâce à elle, amenant les concepteurs à plaisanter que la console est juste un boîtier d’alimentation pour la puce. Celle-ci a pour nom de code MARIO Chip, pour « Mathematical, Argonaut, Rotation & Input/Output », et Nintendo la rebaptise Super FX.
La programmation du jeu se révèle très difficile. Au début du développement, l’équipe d’Argonaut utilise un assembleur fonctionnant sous DOS, avec une limite de mémoire de 640 ko. À la moitié du projet, le code source devient trop volumineux pour être compilé en une seule fois. Ils ne disposent pas non plus d’un éditeur de liens permettant de compiler plusieurs fichiers séparément. Argonaut écrit alors ses propres assembleur et éditeur de liens en deux mois, et ce quatre mois avant la fin du projet. Ces nouveaux outils permettent de faciliter et d’accélérer le développement.
Le développement de X est achevé en même temps que le prototype du Super FX, et Dylan Cuthbert prend la charge de programmeur en chef du jeu, assisté de Giles Goddard et Krister Wombell. L’équipe d’Argonaut développe le jeu dans la lignée de ses précédents titres Starglider et X. Le projet prend ainsi la forme d’une simulation offrant une liberté totale de mouvement dans un univers de vaisseaux spatiaux. L’équipe présente au producteur Shigeru Miyamoto une maquette du jeu à allure de démo technologique. Celui-ci, peu impressionné par le résultat, décide de reprendre en main le design du jeu. Durant les sept mois qui suivent, les deux équipes travaillent ensemble d’arrache-pied, allant jusqu’à des roulements de douze heures pour accomplir le travail. Le projet adopte un système de jeu plus arcade, et les mouvements sont limités à un chemin prédéfini. Ces deux caractéristiques sont inspirées des jeux d’arcade Starblade et Solvalou, publiés en 1991 par Namco et présents dans les salles d’arcade à cette époque. Shigeru Miyamoto supervise le travail durant l’essentiel du projet, et ajuste lui-même les contrôles et le système de caméras.
Vers la moitié du développement, Shigeru Miyamoto s’attelle au scénario et au design des personnages. Il esquisse l’univers fictif du jeu, et avance plusieurs noms, Star Wolf, Star Wing, Star Gunner, Star Fox, Star Sheep, Star Sparrow, Star Hawk et Lylat Wars. Il hésite cependant sur le design du héros. Il est inspiré par les statues présentes dans le Fushimi Inari-taisha représentant Inari, le dieu shintō des céréales à apparence de renard, capable de voler. Les nombreuses torii présentes dans le temple lui donnent l’idée d’un renard qui pourrait voler au travers d’arches. Le design de l’un des niveaux, incluant un passage à travers un tunnel d’arches, en est également inspiré.
Miyamoto crée les différents personnages du jeu en optant pour un style graphique kemono. Les personnages principaux représentent les développeurs japonais du projet : Fox McCloud est Shigeru Miyamoto, Slippy Toad est l’assistant réalisateur Yoichi Yamada, Peppy Hare est le réalisateur Katsuya Eguchi, et Falco Lombardi est le modélisateur Tsuyoshi Watanabe. Les noms des trois premiers personnages ont été inventés par Dylan Cuthbert, et celui de Falco par le graphiste Takaya Imamura.
Les voix de ces personnages lors de leurs interventions dans le jeu sont obtenues à partir de l’échantillonnage des voix des programmeurs, traitées pour faire croire à des voix extra-terrestres. Le jeu intègre également la voix digitalisée de Daniel Owsen, notamment dans la séquence de fin du jeu. Les effets sonores sont pris en charge par Kōji Kondō, la musique par Hajime Hirasawa et le level design par Yoichi Yamada.
Une importante campagne publicitaire est mise en place pour Star Fox, tirant parti de l’immense pouvoir marketing de Nintendo. Le jeu est présenté lors du Consumer Electronics Show, en janvier 1993. Les démonstrations ont lieu sous un dôme géant, avec un spectacle son et lumière utilisant des lasers.
La sortie du jeu s’accompagne d’une couverture par la presse, de spots publicitaires et de démonstrations dans les magasins. Une cartouche promotionnelle, intitulée Star Fox: Super Weekend (Official Competition), est spécialement réalisée pour l’occasion. Elle sert dans le cadre d’une compétition organisée par le magazine Nintendo Power. Celle-ci a lieu aux États-Unis le week-end du 30 avril au 2 mai 1993 dans environ 2 000 magasins du pays. Elle propose un jeu solo, avec une limite de temps de cinq minutes, sur les deux premiers niveaux du jeu originel (modifiés pour augmenter les possibilités de score), plus un niveau bonus inédit. En fonction des points marqués, les participants peuvent remporter des tee-shirts, des vestes, voire des voyages à l’étranger. Les cartouches sont par la suite vendues par le biais du magazine, et sont désormais des pièces de collection.
Avant sa sortie en Europe, le jeu est renommé Star Wing pour des questions de dépôt de marque. Selon Dylan Cuthbert, le titre entrait en conflit avec un produit allemand nommé Star Vox. D’après IGN, cela est dû à l’existence d’un jeu homonyme développé par Mythicon sur Atari 2600 en 1983. Sans relation avec la série, ce jeu est par ailleurs considéré comme l’un des plus mauvais développés sur Atari 2600. Bien que la société ait été dissoute la même année et que le jeu ne soit jamais sorti en Europe, le dépôt de marque est toujours en vigueur pour la sortie de Star Fox.