Comme tout centre d’échange commercial, Troyes se soucia de l’amélioration des moyens de transport avec la capitale et les régions environnantes.
Au XIXe siècle, le transport par voie fluviale fut développé au moyen du canal de la Haute-Seine projeté dès le XVIIIe siècle mais décidé sous l’Empire. La canal fut mis en service en 1846 entre la confluence de l’Aube et de la Seine, près de Romilly-sur-Seine, et Troyes mais n’apporta pas la prospérité espérée car situé en impasse. En effet, la prolongation du canal en amont de Troyes jusqu’à Bar-sur-Seine, mais pas au-delà pour rejoindre la canal de Bourgogne, bien que réalisé sous le Second Empire ne fut pas mise en service. Cette portion du canal ne retenait pas l’eau d’où son appellation de « canal sans eau ». Pour y remédier, il aurait suffi d’appliquer un corroyage d’argile au fond de la cuvette du canal. Toutefois, la Compagnie du chemin de fer de l’Est agissait en sous main pour rendre impossible le déblocage des crédits afférents à ces travaux qui ne furent finalement pas réalisés. Sans débouché vers le sud et concurrencé tant par le canal de Bourgogne que par le chemin de fer, l’activité du canal périclita et il fut marginalisé jusqu’à être abandonné.
Avec l’émergence des chemins de fer, dans la première moitié du XIXe siècle, la desserte Troyes fut au centre de nombreux débats portant sur la direction à donner aux lignes de Paris à Strasbourg et de Paris à Lyon.
Henri Fournel, l’un des plus fervents adeptes du saint-simonisme et, comme tel, partisan, dès leurs débuts, des chemins de fer, développa très tôt, en 1828, un système de chemins de fer faisant de la région de la Haute-Marne le point de convergence des voies ferrées menant de la Manche à la Méditerranée et de l’Atlantique au Rhin. Ce système était fondé sur le principe des troncs communs entre les diverses lignes de chemins de fer à construire tout en combinant le réseau ferré aux voies navigables. Il permettait de satisfaire les intérêts industriels les plus nombreux et les plus urgents et en même temps d’attacher des embranchements vers les centres commerciaux d’importance. Dans une brochure de 1833, Fournel indiquait que la Champagne et la Lorraine possédaient à elles deux le quart des hauts-fourneaux de toute la France et que la Haute-Marne était l’un des plus importants départements en matière d’industrie sidérurgiques. Forts de ce principe, à la charnière des années 1830-1840, plusieurs projets de ligne Paris - Strasbourg et Paris - Lyon formant un tronc commun furent étudiés, notamment avec des variantes passant par Troyes.
Le principe d’un tronc commun entre plusieurs lignes de chemin de fer n’était pas partagé par l’administration des Ponts et Chaussées qui privilégiait au contraire l’indépendance de chaque ligne, agissant ainsi dans la continuité du programme routier de l’Ancien Régime qui visait à relier la capitale aux principales villes de province quitte même à doubler le réseau existant de voies navigables. Pour les ingénieurs de l’État, il importait de joindre les principaux centres économiques du pays par des lignes aussi directes que possibles. C’est dans cet esprit que furent concédées les premières lignes d’importance telles Paris à Rouen par les plateaux (qui échoua cependant au profit de la ligne par la vallée de la Seine), de Paris à Orléans et de Paris à Lille. Au surplus, la loi de 1842, que d’aucuns qualifièrent à tort de « Charte des chemins de fer », a retenu deux lignes distinctes, sans en préciser le détail du tracé, pour joindre, d'une part, Paris à la frontière d’Allemagne par Nancy et Strasbourg et, d'autre part, Paris et la Méditerranée par Lyon, Marseille et Cette (article 1er de la loi du 11 juin 1842). Dans ces conditions, la desserte ferroviaire de Troyes était ajournée.
Le projet des deux lignes est tout d’abord examiné par la commission des Ponts et Chaussées qui, réunie en juin 1843, se déclare a priori favorable au principe du tronc commun avec un passage par la vallée de la Seine, bien qu’elle estime que la population desservie est moins dense que par la vallée de la Marne s’agissant de la direction vers Strasbourg. Cependant, elle évalue que les économies escomptées du tronc commun sont sans rapport avec le tort causé aux populations concernées qui ne pourraient pas jouir des bienfaits d’un tracé direct vers Strasbourg.
Par la suite, lors de l’examen par la commission supérieure des chemins de fer, l’un de ses membres, le comte Daru, se prévaut des études de Minard pour souligner que l’intensité des transports se réalise au maximum entre les points intermédiaires d’une ligne et non entre les deux extrémités de cette même ligne. Par suite, le principe d’un tronc commun perd de son intérêt. De plus, le mouvement commercial entre Paris et Strasbourg se fait historiquement par la vallée de la Marne. Le tronc commun, faute d’intérêts industriels ou agricoles suffisants à desservir n’engendrerait donc pas les ressources justifiant la réduction du coût de construction de la ligne par le tronc commun. Enfin, la ligne Paris - Strasbourg se justifiait dans le cadre d’une circulation est-ouest et non nord-sud. Il fallait desservir ces deux directions par deux lignes distinctes comme le prévoyait la loi de 1842.
Cet avis de la commission était combattu par Teisserenc qui, contrairement à l’opinion prévalant à l’époque pour la complémentarité entre les canaux – voués au transport lent des matières à faible valeur – et les chemins de fer – voués au transport rapide des matières de grande valeur –, assurait que ces derniers étaient à la longue la ruine des premiers. L’expérience lui donnera raison. Par suite, un tracé de Paris à Lyon par Troyes, en particulier au-delà de cette ville et Dijon, ne sera pas concurrencé par la Seine et le canal de Bourgogne. De même, il était inopportun de tracer le Paris - Strasbourg par la vallée de la Marne alors que la construction du canal de la Marne au Rhin a débuté. Finalement, le tronc commun avait l’avantage, selon lui, de concentrer les trafics et donc les revenus pour couvrir plus aisément les coûts d’exploitation.
Pourtant, la doctrine des Ponts et Chaussées sur les lignes distinctes triompha, en partie toutefois, car elle dû se plier aux attentes des populations des villes intermédiaires pour les desservir sans mettre en péril toutefois l’équilibre d’une ligne aussi directe que possible, et concéda séparément les deux lignes de Paris à Strasbourg et de Paris à Lyon à deux compagnies distinctes.
La direction à retenir pour la ligne Paris - Lyon, via Dijon, laissait entrevoir des variantes pour desservir Troyes. Plusieurs projets furent étudiés :
En contrepartie de l’abandon de la desserte directe de Troyes, l’État concéda une ligne entre Montereau et Troyes comme embranchement sur la ligne Paris - Lyon. Cette solution, si elle correspondait à l’esprit de la loi du 11 juin 1842 visant à confier les lignes principales à l’État et les embranchements à l’initiative privée, se révéla en réalité par la suite conforme à la norme en vertu de l’exception inscrite dans la loi qui permettait de confier la construction de toutes les catégories de ligne à l’initiative privée. Finalement l’exception devint la règle. Les quelques tronçons de ligne construits par l’État en vertu de la loi furent confiés aux compagnies privées qui se créèrent par la suite. Moins que la vertu de la règle législative, ce sont en réalité les bons résultats financiers du Paris - Orléans ou du Paris - Saint-Germain et plus encore le succès du Paris - Rouen qui révélèrent à l’opinion et aux épargnants que le chemin de fer pouvait être une industrie génératrice de profits et source de revenus confortables.
Cet échec ferroviaire pour Troyes s’ajouta à celui du canal de la Haute-Seine. Troyes dut attendre la construction de la première partie de l’artère Paris - Mulhouse pour bénéficier d’une liaison directe avec la capitale.