Edmond Marin la Meslée, né le 5 février 1912 à Valenciennes et tué au combat le 4 février 1945 à Dessenheim, est l'as de l'aviation française le plus titré de la campagne de France avec seize victoires aériennes confirmées (et quatre autres probables) remportées entre janvier et juin 1940. Roland Dorgelès le présenta comme le « Guynemer de la guerre 1939-1945 », comme lui, héros de la chasse aérienne mort avant la victoire finale.
Edmond Marin la Meslée naît le 5 février 1912 à Valenciennes. Cinquième enfant d'une famille de dix, dont trois intégreront l'armée de l'air, il est le fils d'un des « pères de l'aviation » dans le nord du pays (co-fondateur du club d'aérostation et d'aviation de Valenciennes et secrétaire général honoraire de l'Aéroclub de Lille).
Après des études au collège Notre-Dame de sa ville natale puis au collège Saint-Joseph de Lille, nouvelle résidence familiale, il obtient deux baccalauréats en 1929. Il commence alors des études à la faculté de droit pour plaire à ses parents. Pourtant, sa passion est celle du pilotage depuis que son père lui a offert un baptême de l'air. Ayant obtenu une bourse de pilotage offerte par l'État, il reçoit son brevet de pilote le 1er août 1931 à l'école Morane-Saulnier de Villacoublay.
Âgé de 19 ans, breveté pilote militaire, il devance son appel pour effectuer son service. Incorporé fin novembre 1931, il fréquente comme EOR les écoles d'Istres puis d'Avord où il est major de promotion. Nommé sous-lieutenant de réserve le 20 septembre 1932, il intègre le 2e régiment de chasse de Strasbourg. Confiné à la réserve, son contrat annuel expirant, Marin la Meslée reste toujours motivé par la carrière militaire. Il choisit donc la démission (novembre 1932) suivie par un nouvel engagement pour deux ans, mais avec le simple grade de sergent.
Voulant redevenir officier, il tente sans succès les concours d'entrée à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr puis à celle de l'école des élèves officiers d'active de Versailles (1933). Le 10 juin 1935, Marin la Meslée épouse Élisabeth Joliet, fille d'une vieille famille bourguignonne, à Perrigny-lès-Dijon. En septembre 1936, il parvient enfin à rejoindre l'établissement versaillais, alors École de l'Air. Il est promu une nouvelle fois sous-lieutenant en octobre 1937 et choisit de rejoindre la 5e escadre de chasse basée à Reims. Intégré à la SPA 67, première escadrille du groupe de chasse GC 1/5 volant sur Dewoitine 500 depuis 1936, il rencontre le capitaine Jean Accart qui en fait son second.
Le 1er octobre 1939, Marin la Meslée est nommé lieutenant d'un groupe de chasse maintenant équipé de Curtiss H.75 Hawk et qui a rejoint deux mois auparavant le terrain d'opérations de Suippes (27 août 1939). Sur ces lieux, sont alignés 23 pilotes, 27 avions, 39 mécaniciens et 200 hommes de troupe. Le jeune pilote se montre déjà pressé d'en découdre avec l'ennemi. Le 11 janvier 1940, il remporte sa première victoire en abattant un Dornier 17 (l'avion se pose en catastrophe et on ne déplore qu'un seul blessé parmi l'équipage). Puis, à partir du déclenchement de l'offensive allemande, il accumule les victoires : trois Stukas abattus le 12 mai, un Messerschmitt Bf 109 détruit le lendemain, trois Heinkel He 111 le 18 mai... Le groupe de chasse I/5 est déplacé à Saint-Dizier le 14 mai. Le 2 juin 1940, alors que la France s'apprête à bientôt déposer les armes, le lieutenant Marin la Meslée prend le commandement de l'escadrille en remplacement du capitaine Accart, grièvement blessé à la tête en combat aérien la veille. La majorité du groupe de chasse est ensuite progressivement repliée dans le sud du pays : Saint-Parres-les-Vaudes (11 juin), Avallon (12 juin), Bourges (13 juin) et Carcassonne (17 juin). Après l'armistice, le GC I/5 traverse la Méditerranée et est affecté en Algérie (Alger-Maison Blanche le 20 juin, Saint-Denis-du-Sig le 22 juin, Oran-La Sénia le 9 juillet) puis au Maroc (14 juillet).
Au total, durant cette campagne de France, le groupe de chasse I/5 du commandant Murtin s’est bien battu : il a remporté cent onze victoires (quatre-vingt-cinq de confirmées), d’où son surnom de « groupe des 111 ». Sur les dix pilotes « français » ayant abattu au moins dix avions ennemis, sept appartiennent au GC I/5 dont quatre à l’escadrille SPA 67. Il s'agit de Jean Accart, du Tchécoslovaque Frantisek Périna, de François Morel et surtout d'Edmond Marin la Meslée. En effet, celui-ci totalise à la fin de cette campagne vingt victoires, dont seize sûres, remportées au cours de cent une missions de guerre. Il est alors l'as de la chasse aérienne française le plus titré d'avant armistice. « Ce que j’ai fait ne sort pas de l’ordinaire. Beaucoup d’autres en auraient fait autant s’ils n’avaient pas été engagés, la plupart du temps, dans des attaques de chars, métier sans gloire et dangereux, ou envoyés en chasse sur des Morane 406 qui ne pouvaient même pas tirer les bombardiers, parce qu’ils allaient moins vite qu’eux… » dira Edmond Marin la Meslée quant à cette période de sa vie.
Après l'armistice, au cours de l'été 1940, son groupe de chasse est affecté au Maroc : Meknès le 14 juillet, Fès le 23 juillet et finalement Rabat le 17 août. Il doit assurer la surveillance de cette partie du Maghreb français. Marin la Meslée, nommé capitaine en décembre 1941, succède officiellement au capitaine Accart à la tête de la 1ère escadrille du GC I/5. Fidèle à Vichy, le groupe de chasse attaque un temps les Américains qui viennent de débarquer en novembre 1942. Finalement, il reprend le combat auprès de ses nouveaux alliés en 1943.
Les américains équipent le GC I/5, qui s'appelle maintenant Champagne, de Curtiss P-40 (novembre 1942) puis de Bell P-39 N Airacobra (juin 1943). Le 8 août 1943, Edmond Marin la Meslée, qui commandait la 1re escadrille, devient le second d'un groupe qui est intégré au dispositif aérien allié (BCC, ou Bône Coastal Command) et qui s’installe sur les terrains de Médiouna (1er août 1943) puis de Tafaraoui (2 septembre 1943). Ses missions sont alors la protection des convois et la surveillance des côtes oranaises. Le général de Gaulle visite l'unité de 13 avril 1944. Devenu commandant effectif d'un groupe de chasse basé à Oran-La Sénia (depuis janvier 1944), Edmond Marin la Meslée est promu au grade de commandant en juin 1944.
Le 30 septembre 1944, un mois et demi après le débarquement de Provence, ses dix-huit Bell P-39 Q se posent sur le sol français, à Salon-de-Provence (qu'ils quitteront pour Le Vallon le 11 octobre). Début novembre, les avions sont remplacés par des chasseurs-bombardiers Republic P-47 Thunderbolt. Quant aux missions, il s'agit d'appuyer au sol les troupes françaises et alliées qui pourchassent les Allemands le long de la vallée du Rhône sans oublier quelques vols sur l'Italie du nord. Le 4 décembre 1944, le GC I/5, appartenant dorénavant à la TAF (Tactical Air Force) et formant la 3e escadre de chasse avec le GC I/4 Navarre, quitte son théâtre d'opérations pour se déployer à Ambérieu-en-Bugey afin de soutenir les efforts de la 1ère Armée française engagée dans la bataille d’Alsace. Les pilotes sont alors hébergés dans un château appartenant à la famille de Saint-Exupéry. Les nouvelles missions du groupe I/5, avec ses 25 avions et ses 32 pilotes répartis en deux escadrilles (spa 67 et spa 75), sont alors l'appui direct, le bombardement et le mitraillage. Le 29 décembre 1944, cette 3e escadre de chasse, dont le groupe I/5 de Marin la Meslée réduit à seulement 13 appareils disponibles, est avancé jusqu'à la base de Tavaux, près de Dole (Jura).
Le 4 février 1945, veille de l'anniversaire de ses trente-trois ans, Edmond Marin la Meslée décolle pour sa deux cent trente-deuxième mission de guerre ("mission OA-82") à la tête d'une formation de trois patrouilles, dont l'une en couverture haute (capitaine Rouquette). Les onze chasseurs bombardiers P-47 portent chacun deux bombes de 500 livres, sept portant également des bombes explosives et quatre des bombes incendiaires. L'objectif fixé par le commandement du 1er corps aérien de Mulhouse est initialement un village allemand, Hügelsheim, au nord-est du célèbre pont de Chalampé. Il est finalement modifié par le PC aérien Remedy vers un objectif secondaire : le pont de bateaux, ou « portière », enjambant le Rhin à quelques kilomètres de Neuf-Brisach. Cette opération, qui intervient dans le cadre des combats de la poche de Colmar, est un succès : la cible est traitée sans pertes.
Au retour du bombardement, un nouvel objectif est communiqué par radio : il s'agit de mitrailler les routes à l'ouest du Rhin, entre Neuf-Brisach et Ensisheim. Le commandant Marin la Meslée repère une colonne ennemie circulant au nord de la forêt de la Hardt, sur la départementale 13 reliant Balgau à Dessenheim. Une première passe atteint le convoi mais emporte le sergent-chef Uhry, équipier gauche, qui est touché de plein fouet par la DCA et s'écrase sur une ferme. La fumée dégagée par un véhicule en flammes gêne la vision. Alors qu’il effectue un second passage sur l'objectif pour observer les résultats du straffing, l'avion du commandant est touché par un obus tiré par la flak, la défense antiaérienne allemande. Le P-47 n° 44-20384 se crashe dans un champ de seigle entre Rustenhart et Dessenheim. L'avion glisse sur le sol, se morcelle mais ne s'embrase pas. Edmond Marin la Meslée, un éclat d'obus logé dans le cervelet, est dégagé du cockpit et sa dépouille mortelle transportée par les troupes allemandes à Rustenhart. L'aviateur, à qui un peloton ennemi rend les honneurs, est laissé à l'abbé Weber qui se charge de ses funérailles. Le 10 février, le groupe GC I/5 apprend la nouvelle de la découverte du corps du pilote, la veille, par des unités alliées. Des obsèques ont lieu le 12 février à Rustenhart.
Fin février 1945, une cérémonie solennelle est célébrée en la collégiale de Dole, ville d'affectation de son unité, en présence du général commandant le 1er Corps aérien français et du général Bouscat. Celui-ci termine son hommage par ces mots : « Marin la Meslée, je ne salue pas en vous un mort. Rien ne peut mourir de ce qui demeure de vous parmi nous. L’aviation française est marquée à jamais de votre empreinte. Aussi bien sentons-nous le besoin, nous qui vivons loin de terre, d’être guidés dans le ciel par des phares bâtis sur des sommets inaccessibles. L’autre guerre nous a donné Guynemer ; l’entre-deux-guerres a vu grandir et mourir Mermoz. Cette guerre-ci restera éclairée pour toujours par votre lumineuse figure, Marin la Meslée, pur et grand soldat de l’Air ».