Datant de l’époque de transition, l'église a été bâtie au XIIe ou XIIIe siècle, comme il ressort avec certitude de l'examen attentif, par des personnes compétentes, du chœur actuel qui est celui de l’ancienne église. Partout il a conservé son caractère primitif, à l’exception des fenêtres qui ont été gothisées vers le XVe siècle. L'abbé Petitjean avait considéré facile de reconstituer l’ancienne église de La Neuveville telle qu’il la montrait à la dernière page de son bulletin paroissial().
Les archives des Vosges ont conservé le procès verbal de la visite faite le 15 janvier 1788 au moment de sa reconstruction. Cette église, fort délabrée, l’une des plus anciennes de la contrée, a une nef de 36 pieds de longueur et de 22 de largeur, éclairée de chaque côté par des vitraux que protègent quatre barreaux et 2 traverses de fer. Elle a un pavé sous les bancs, une tribune, un lambris. A l’extrémité de la nef et à l’entrée du chœur, se trouve la tour carrée mesurant 21 pieds à l’extérieur et 14 à l’intérieur. Suit la description du chœur et de la sacristie tels qu’ils sont encore aujourd’hui.
D’autres documents indiquent qu’un avant-toit protégeait la porte d’entrée de l’église, que la tour renfermait une horloge, qu’elle était surmontée d’une flèche. En admettant que l’horloge était de date récente, que les fenêtres ont été gothisées vers le XVe siècle, que la sacristie a été bâtie au XVIIIe, on peut se représenter l’ancienne église de La Neuveville telle qu’elle était dès l'origine.
Pour ce qui est de ses constructeurs, il existe quelque raison de croire qu’elle fut l’œuvre des Templiers, qui conclurent un « accord » avec le Duc de Lorraine pour l’établissement des marchés et foires de La Neuveville en 1306, dont les cantons des Chevaliers et du Cugnot la Baillie rappellent encore aujourd’hui le souvenir.
Mais il ne suffisait pas de bâtir une église, il fallait l’entretenir. Une ancienne ordonnance en répartit les charges.
Si le Chapitre de Poussay, nouveau décimateur, mit encore plus de lenteur à réparer l’église, ce fut au début à cause de la peste, la famine et la guerre qui ravagèrent la Lorraine : dans l'incapacité à percevoir les dîmes, il se trouva réduit lui-même à la misère. Le curé, nommé Apparu, se plaignit dans une épître curieuse de l'état de délabrement :
Les temps meilleurs revenus, l’œuvre de restauration continue. Le 21 octobre 1666, le Chapitre de Poussay abandonne par traîté à Dominique Guenel les dîmes de La Neuveville pendant 4 ans pour réparer le lambris et la toiture de l'église. Vers la même époque est réalisée la pose de deux cloches, données non plus par les décimateurs mais par les habitants et de généreux bienfaiteurs :
Si on se rappelle le pèlerinage d’actions de grâces fait en 1602 à La Neuveville, par Anne-Théodore de Ligniville, on peut conclure que sa famille avait conservé le même attachement pour l'église.
Avec le XVIIIe siècle et le règne de Léopold, commence pour la Lorraine une période de prospérité. La population de La Neuveville augmentant rapidement, de nouvelles maisons étant construites, les habitants bâtissent la sacristie actuelle, vers 1710 (date estimée en fonction de l’aspect de l’édifice et de l'examen d’anciens comptes révêlant cette année de multiples achats et en particulier de meubles pour la sacristie).
L'édifice servit alors pour les deux paroisses de La Neuveville et de Houécourt. L’église de cette dernière paroisse, située dans le parc du château à droite de l’entrée, ayant été interdite par l’évêque de Toul, les habitants de Houécourt durent se rendre à La Neuveville avec leur curé pour les baptêmes, mariages et enterrements. Et il en fut ainsi tant que dura la construction de l’église actuelle qui fut bénie le jour de Pâques, 1er avril 1725.
De grosses difficultés surgirent pour l'édifice. Le 3 mai 1741, les paroissiens donnent plein pouvoir à Nicolas Germain, leur syndic, pour les représenter au procès qu’ils intentent aux Dames de Poussay au sujet du lambris. Rappelant les traités précédents montrant qu’ils furent déchargés de tout temps de son entretien, ils rédigent de longs mémoires en décembre 1741, en avril 1742, en juin 1744. Enfin ils obtiennent gain de cause : le 18 juillet 1744, le tribunal de Mirecourt condamne les décimateurs à réparer le lambris à perpétuité et aux dépens.
La même année, le 19 août 1741, le curé leur intente un nouveau procès pour obtenir la réparation du chœur. Si les réparations incombaient au curé quand il avait le tiers de la grosse dîme, François Simonin démontre qu’elles ne peuvent être mises à sa charge :
Ce second procès dura longtemps : au bout de onze années, le 16 mai 1752, la Cour de Nancy rendit son arrêt précisant que les Dames de Poussay devaient prendre à leur charge les réparations du chœur ou les mettre au compte du curé en lui donnant au lieu de son préciput le tiers des grosses dîmes. Le 30 du même mois, l’abbesse s’engageait à entretenir dorénavant le chœur.
Ces réparations auxquelles le Chapitre était condamné furent exécutées la même année et l’année suivante. La communauté, fière de son triomphe sur les décimateurs, donna elle-même l’exemple de la générosité dans la dépense. L’intérieur de l’église fut reblanchi, les bancs furent nettoyés, le confessionnal fait à neuf, la chaire aussi, sans toutefois ressembler à celle de Longchamp comme il était convenu au devis. On fit une armoire pour les ornements, on recouvrit le toit de la sacristie, l’avant-toit qui protégeait la porte d’entrée, et la flèche, on releva à cinq pieds les murs du cimetière. Tous ces travaux adjugés le 24 juillet 1752, à Pierre-François Pinot de La Neuveville coûtèrent à la communauté la somme de 522 livres.
Le point le plus intéressant de l’histoire de l'édifice est certainement sa reconstruction qui eut lieu de 1785 à 1790.
Malgré les réparations faites en 1752, l'église était fort délabrée et s'avérait surtout insuffisante pour contenir une population qui depuis un siècle avait passé de 15 à 110 ménages, de 115 à 473 habitants. Certes, on avait placé des bancs un peu partout. Les 11 bancs à 7 places qui occupaient chaque côté de la nef, et l'ajout d'autres (un banc à une place, 6 bancs à 4 places, et un à trois places de chaque côté de l’allée près des stalles et sous la tour) étaient trop peu encore : bon nombre de paroissiens devaient assister aux offices, à l'extérieur, dans le cimetière.
Ce fut en 1785 que la communauté de La Neuveville prit sa première délibération pour la construction d'une église plus vaste. Elle l’adressa aux Dames de Poussay qui se contentèrent d’en prendre connaissance. L’année suivante, elles envoyèrent un député sur les lieux, et celui-ci dut reconnaître combien était juste la demande de la communauté.
Le Chapitre, qui souhaitait en être quitte à peu de frais, proposa alors d’élargir la nef de chaque côté. Les habitants repoussèrent ce projet qui les aurait engagés à une dépense considérable pour reconstruire la tour. De plus, l'élargissement projeté de la nef n'aurait pu suffire à contenir tous les paroissiens, d'autant que l’église, ainsi devenue aussi large que longue, aurait manqué de cachet.
Il fallut envisager alors de reconstruire à neuf toute l’église. L’autorité diocésaine intervint, naturellement : L'évêque de Toul chargea le sieur Joumar, curé de Darney-aux-Chênes et doyen rural de Châtenois, de faire une enquête sur les lieux. Ses conclusions ayant été conformes aux arguments des habitants (vétusté et petitesse du lieu), l’ordonnance du 21 juillet 1787 prescrivait de bâtir une nouvelle église le plus tôt possible, d’en faire et signer tous les devis et marchés pour le 1er décembre, et ce sous peine d’interdit. Suivant les instructions reçues, l’abbé Rellot, curé de La Neuveville, lut en chaire cette ordonnance le 29 juillet et en adressa copie aux Dames de Poussay.
Le Chapitre ne se pressant toujours pas, les paroissiens, loin de se décourager et multipliant les démarches, rédigent le 2 septembre 1787 une supplique à l’intendant de Lorraine en insistant sur la nécessité et l’urgence des travaux. De son côté, l’abbé Rellot écrit dans le même sens au subdélégué de Neufchâteau, se rend ensuite à Mirecourt chez le prévôt du Chapitre de Poussay, l’abbé de Vernet. Celui-ci n’est pas hostile à la reconstruction de l’église de La Neuveville, mais demande seulement un délai jusqu’après l’élection de la nouvelle abbesse.
Enfin, le 15 novembre, le Chapitre propose un plan. La nef aura 57 pieds de long, 35 de large, 19 de hauteur sous le lambris. On laissera un avant-chœur de 12 pieds et une allée de 5 pieds dans le milieu. Il restera de chaque côté l’emplacement nécessaire pour 18 bancs qui, contenant chacun 10 personnes, donneront ainsi place à 360 paroissiens. Le chœur actuel subsistera ; sans doute est-il petit, mais il est suffisamment agrandi par l’avant-chœur projeté.
Le 26 décembre, l’abbé Rellot fait de nouveau appel à la diligence du subdélégué Rouyer :
Sur la réponse qu’on n’a rien reçu à Neufchâteau, il s’adresse encore une fois à l’abbé de Vernet, il le supplie d’envoyer les pièces nécessaires. Celui-ci les remet enfin au subdélégué avec une lettre ainsi conçue :
Il ne semble pas que ce fut cette considération, la peur d’une charge nouvelle, mais plutôt la crainte de ne pouvoir s’entendre, qui fit céder les habitants sur la question du chœur de l’église. Désormais, ils n’imposent plus comme auparavant sa démolition. Sans doute si l’ancien chœur subsiste, il faudra renoncer à placer l’église au centre du village, à la Bouchère, comme on l’avait projeté, il faudra rebâtir sur le même emplacement. En se montrant trop exigeante, la communauté court le risque de traîner les choses en longueur à ses dépens.
L’assemblée provinciale nomma comme expert, l’architecte Caron, de Neufchâteau. Celui-ci examina le plan du Chapitre, le 8 janvier 1788, puis le 15 il se transporta à La Neuveville pour faire la visite des lieux contradictoirement avec le sieur Eigster, architecte du Chapitre, et en présence d'autres. Après un examen attentif des lieux, les deux parties intéressées admirent ce qui suit :
Toutes choses étant ainsi réglées le 16 janvier entre les deux architectes avec l’approbation des habitants, il ne manquait plus que celle du Chapitre. Elle fut donnée le 22 avec promesse de commencer les travaux au printemps de 1789. Enfin, après deux années de discussion, l’accord était obtenu.
Le subdélégué Rouyer sera alors destinataire de 2 lettres. L’une de l’abbé Vernet, datée du 23 janvier :
Celle de l’abbé Rellot est du 3 février :
Après sa visite du 15 janvier, l’architecte Caron dressa le plan de la nouvelle église. Il choisit un dôme de préférence à une flèche, parce qu’un dôme de 28 pieds « sera en proportion avec une tour de 50 pieds » tandis qu’une flèche à laquelle il faudrait donner 40 pieds « éprouverait trop de fatigue ». En même temps, il établit un devis des travaux à la charge des habitants.
Le mois suivant, 11 mars 1788 avait lieu l’adjudication des travaux. Tous les entrepreneurs de Neufchâteau étaient présents. Ce fut Nicolas Chaffaut qui resta adjudicataire à l’extinction des feux pour la somme de 13 400 livres, mais le lendemain Nicolas Flammerion devenait l’adjudicataire définitif pour 11 166 livres, 6 sols, 8 deniers, (soit 8 538 fr. valeur estimée en 1910).
Grande dut être l’impatience des gens de La Neuveville quand on songe que le devis du Chapitre ne fut fait qu’un an plus tard. Mais ils étaient prévenus que les travaux ne commenceraient qu’au printemps de 1789 ; d’autre part il fallait attendre la vente du quart de réserve qui eut lieu le 10 octobre 1788 et produisit 37 000 fr.
Enfin on se mit à l’œuvre au mois de juin 1789. Le 7 juillet, le sieur Eigster, architecte du Chapitre, visitait les fouilles de la nef et aussi celles de la tour sur la demande de la municipalité ; il reconnaissait qu’elles étaient bien creusées et que le fond était le roc bien nivelé. Le lendemain avait lieu avec les cérémonies prescrites par l’église la bénédiction de la première pierre. Le mois suivant, les murailles sortaient de terre comme l’indique l’inscription qui se trouve près des fonts de baptême :
L’hiver suspendant les travaux, on recouvrit alors les ouvrages commencés, l’ancienne tour à moitié démolie, et aussi les cloches situées au bout du cimetière considérant « qu’on ne peut les sonner par le mauvais temps ». Le syndic fut même autorisé à faire « avec le plus d’économie possible » une enceinte autour des cloches « parce que les passants les sonnent sans cesse. »
Repris au printemps, les travaux occupèrent tout le reste de cette seconde année. Il est facile d’en suivre la marche dans les dépenses du compte de 1790 et 1791, le plus intéressant des anciens comptes qui ont été conservés. C’est une vraie page d’histoire locale, concernant la construction de l’église, l’organisation de la garde nationale, le départ des premiers volontaires, les arrangements ou les procès de la commune avec les décimateurs après la suppression de la dîme et bien d’autres choses.
Ce compte mentionne, par exemple, que Pierre Poulet reçut 3 livres, 17 sols, 6 deniers parce qu’on avait, pendant les travaux, célébré les offices dans sa maison (occupée en 1909) par Justin Dorget), que Joseph Aubry remonta et recoiffa les cloches au mois de septembre, que Coutinot, charpentier, enleva en novembre les planches qui fermaient le chœur de l’église.
Tout était donc terminé pour la fin de l’année.
La réception eut lieu le 27 décembre par l’architecte Caron, en présence du sieur Fepou, délégué du Directoire de Neufchâteau, et de la municipalité de La Neuveville. L’ouvrage fut reconnu conforme au plan sauf pour :
La communauté, ayant déjà versé 8 000 livres à l’entrepreneur, paya aussitôt le reste de sa dette, soit 3 166 livres, 8 sols, 6 deniers, somme à laquelle s'ajoutèrent 930 livres, 15 sols pour imprévus.
Les murs du cimetière devaient coûter 475 livres, la dépense fut doublée, les ouvriers ayant dû creuser les fondations à 4 pieds plus bas que ne l’avait prévu le devis. Les anciens fonts de baptême devaient être reposés, mais ils furent brisés pendant les travaux et il fallut en faire des nouveaux. Au total, la dépense de la communauté pour démolir l’ancienne tour, construire la nouvelle, parer et meubler la nef, refaire les murs du cimetière, s’éleva à une somme de 12 097 livres de Lorraine, soit 9 365 livres de France ou 9 250 francs.
Après réception le 27 décembre des travaux à la charge des habitants, l’architecte Caron examina le lendemain ceux à la charge du Chapitre de Poussay. Il reconnut de même que tout était conforme au plan. Le prix de ces ouvrages dont l’entrepreneur fut Pierre Vergnat, de Belmont, s’éleva à 4 047 livres 15 sols pour la maçonnerie et la charpente de la nef, auxquelles il faut ajouter « ce qui a été fourni séparément par le Chapitre pour les sapins, ferrements, main d’œuvre, couverture et tuiles. » Le Chapitre ayant été supprimé dès le début de la Révolution, ceux qui avait pris ses biens se virent dans la nécessité de payer ses dettes. Or on voit par le compte de 1790 qu’ils n’y mirent pas beaucoup d’empressement.
Enfin, après cinq années de pénibles efforts, on put inaugurer la nouvelle église. Le curé Rellot dressa ainsi le procès verbal de sa bénédiction :
Si ce procès verbal est aussi succinct, si on ne parle pas « d’un concours de peuple », suivant le style de l’époque, s'il révèle indirectement l’absence des prêtres du voisinage et du doyen rural lui-même dans une circonstance aussi solennelle, c'est que les « mauvais jours » de la Révolution avaient sonné.
Sans doute les habitants de La Neuveville étaient-ils heureux d’avoir leur église, mais ils ne pouvaient prévoir qu’ils allaient perdre leur pasteur. La Constitution civile du clergé avait été imposée le 26 décembre 1790 ; un mois plus tard, le 23 janvier, invité à prêter le serment schismatique, l’abbé Rellot refusa, ce qui causa son départ et son long exil. Il fut remplacé en mai 1791 par un prêtre assermenté que la spoliation progressive devait chasser à son tour.
Après les terres de la cure, le bouvrot, dont le revenu depuis l'établissement de la paroisse constituait le traitement du curé, on vendit celles de la Fabrique données par des particuliers pour s'assurer des messes à perpétuité, puis ce fut le tour des objets mobiliers. Dans les premiers jours de décembre, les deux plus grosses cloches de l'église (à peine installées dans la nouvelle tour) étaient enlevées et transportées au magasin du district de Mouzon-Meuse (Neufchâteau). Le 9 du même mois, les objets en or et en argent étaient aussi déposés à Neufchâteau : un calice, une coupe de calice, deux patènes, un ciboire, un ostensoir, trois boîtes d’onction, un porte viatique. Six mois plus tard, en mai, juin et juillet 1794, les ornements sacrés, les linges d’autel, les objets en cuivre, en étain et en fer y compris l’appui de communion et la porte du cimetière, prenaient le même chemin. Après cette dévastation sacrilège, il ne restait plus rien ; l’église fut fermée.
La loi du 21 février 1795 rendit au culte quelque liberté. Puis ce furent pendant six longues années des alternatives de persécution et de paix. Les paroissiens de La Neuveville profitaient des moments de calme et du passage de quelques prêtres catholiques pour faire dans leur église des offices auxquels ils assistaient en foule. Enfin le Concordat vint rendre à la France la paix religieuse. Après douze années d'anticléricalisme, l'église ouvrait ses portes toutes grandes à son pasteur légitime, à celui qui avait tant peiné lors de sa construction, et qui allait consacrer les 22 dernières années de sa vie à réparer les ruines accumulées par la tourmente révolutionnaire.