Mary Shelley - Définition

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Thèmes littéraires et style

La vie de Mary Shelley tourne autour de la littérature. Son père l’encourage dans l’apprentissage de l’écriture par la composition de lettres et son occupation préférée de petite fille est l’écriture d’histoires. Malheureusement, tous les écrits de la jeune Mary furent perdus lors de sa fuite avec Percy en 1814 et aucun de ses manuscrits encore existants ne peut être daté d’avant cette année.

On pensa longtemps que sa première publication avait été Mounseer Nongtongpaw, des vers comiques écrits alors qu’elle avait dix ans et demi pour la Juvenile Library (Bibliothèque pour les jeunes) de William Godwin, mais dans l'édition la plus récente du recueil de ses ouvrages qui fasse autorité, ces poèmes sont attribués à un autre écrivain. Percy Shelley encourage chaleureusement Mary Shelley à écrire : « Dès le début, mon mari s’inquiétait pour que je me montre digne de ma filiation et que j’inscrive mon nom sur la page de la renommée. Il m’incitait sans cesse à obtenir une réputation littéraire ».

Romans

Éléments autobiographiques

Certaines parties des romans de Mary Shelley sont souvent interprétées comme des réécritures masquées de sa vie. La récurrence du thème père-fille en particulier conforte les critiques littéraires dans leur interprétation de ce style autobiographique. Par exemple, ils analysent souvent Mathilda (1820) comme une autobiographie, en reconnaissant dans les personnages principaux Mary Shelley, William Godwin et Percy Shelley. Mary Shelley a révélé que les personnages centraux de The Last Man sont fondés sur son cercle d’intimes, en Italie. Lord Raymond, qui quitte l’Angleterre pour se battre contre les Grecs et meurt à Constantinople, est inspiré de Lord Byron ; et Adrian, l’utopique comte de Windsor qui mène ses disciples à la recherche d’un paradis naturel et meurt lors une tempête en mer, est un portrait fictif de Percy Bysshe Shelley. Cependant, comme elle l’écrit dans sa critique du roman de Godwin Cloudesley (1830), elle ne croit pas que les auteurs « reproduisent simplement (leur) propre cœur ». William Godwin considère les personnages de sa fille comme des archétypes plutôt que comme des portraits de personnes réelles. Certains critiques modernes, comme Patricia Clemit et Jane Blumberg, partagent cette vision, se refusant à une lecture autobiographique de l’œuvre de Mary Shelley.

Styles romanesques

Mary Shelley emploie les techniques de nombreux genres romanesques, notamment ceux des romans « godwiniens », des romans historiques de Walter Scott et des romans gothiques. Le roman « godwinien » fut populaire dans les années 1790 avec des travaux comme Caleb Williams (1794) de Godwin et emploie une forme de confession à la Rousseau pour explorer les relations contradictoires entre soi-même et la société. Frankenstein présente de nombreux thèmes et procédés littéraires présents dans les romans de Godwin. Cependant, Mary Shelley critique ces idéaux des Lumières que Godwin promeut dans son œuvre. Dans Le Dernier Homme, elle utilise la forme philosophique « godwinienne » pour démontrer l’insignifiance ultime du monde. Alors que des romans « godwiniens » antérieurs montraient comment des individus rationnels pouvaient lentement améliorer la société, The Last Man et Frankenstein démontrent le manque de contrôle de l’individu sur l’histoire.

« On n’entendit plus jamais parler d’Euthanasia, même son nom disparut… Les chroniques personnelles, d’où est tiré le récit qui précède, se terminent avec la mort d’Euthanasia. C’est donc dans les annales publiques seulement que l’on trouve un compte rendu des dernières années de Castruccio. »

— Mary Shelley, Valperga

Mary Shelley utilise le roman historique pour commenter les relations entre les sexes. Valperga, par exemple, est une version féministe du genre masculin de Walter Scott. En intégrant dans l’histoire des femmes qui ne font pas partie de la réalité historique, Mary Shelley utilise le récit pour s’interroger sur les institutions théologiques et politiques établies. Elle oppose la cupidité compulsive de conquête du protagoniste masculin à une alternative féminine : raison et sensibilité. Dans Percy Warbeck, un autre de ses romans historiques, Lady Gordon représente les valeurs de l’amitié, de l’égalité et des vertus domestiques. À travers elle, Mary Shelley offre une alternative féminine à la politique masculine fondée sur la force, qui détruit les personnages masculins. Le roman propose un récit historique plus large qui remet en cause celui qui ne relate habituellement que les évènements concernant les hommes.

L'œuvre d'une femme

Avec la naissance de la critique littéraire féministe dans les années 1970, les travaux de Mary Shelley, et notamment Frankenstein, commencent à attirer plus d’attention de la part des chercheurs. C’est grâce aux critiques féministes et psychanalytiques que Mary Shelley en tant qu’écrivain est tirée de l’oubli. Ellen Moers est l’une des premières à soutenir que la perte d’un bébé a eu une influence cruciale sur l’écriture de Frankenstein. Elle pense que le roman est un « mythe de la renaissance » dans lequel Shelley se démet tant de sa culpabilité d’avoir causé la mort de sa mère que de celle d’avoir échoué en tant que parent. D’après Moers, c’est l’histoire « d’un homme qui essaie d’avoir un enfant sans une femme… Frankenstein est profondément préoccupé par l’opposition entre reproduction naturelle et artificielle ». Dans le roman, l’échec de Victor Frankenstein en tant que « parent » est traduit comme l’expression de l’anxiété qui accompagne la grossesse, l’accouchement et en particulier la maternité.

Sandra Gilbert et Susan Gubar soutiennent dans leur ouvrage capital The Madwoman in the Attic (1979) que, dans Frankenstein en particulier, Mary Shelley répond à la tradition littéraire masculine représentée par le Paradis perdu de John Milton. Selon leur interprétation, elle réaffirme cette tradition masculine, et sa misogynie inhérente, mais en même temps elle « cache des fantasmes d’égalité qui éclatent parfois dans des images monstrueuses de rage ». Mary Poovey décrypte la première édition de Frankenstein comme faisant partie d’un schéma plus large de l’œuvre de Mary Shelley, qui commence par une auto-affirmation littéraire et se termine par une féminité ordinaire. Mary Poovey suggère que les multiples récits de Frankenstein permettent à Mary Shelley de diviser sa personnalité artistique : elle peut « s’exprimer et s’effacer en même temps ». Sa crainte de l’auto-affirmation se reflète dans le destin de Frankenstein dont l’égoïsme est puni par la perte de toutes ses attaches familiales.

Les critiques féministes se concentrent souvent sur la représentation du créateur, et plus particulièrement du créateur féminin, dans et à travers les romans de Mary Shelley. Anne K. Mellor explique que celle-ci utilise le style gothique non seulement pour explorer le désir sexuel féminin refoulé mais également comme moyen « d’autocensure dans Frankenstein ». D’après Poovey et Mellor, elle ne veut pas mettre en avant sa personnalité d’auteur. Elle se sent profondément incompétente en tant qu’auteur et « cette honte contribue à sa production d’images d’anormalité, de perversion et de destruction ».

Les écrits de Mary Shelley sont centrés sur le rôle de la famille dans la société et le rôle de la femme au sein de cette famille. Elle glorifie la « compassion et l’affection féminine » associées à la famille et suggère que la société civile ferait faillite sans elles. Elle est « profondément engagée dans une éthique coopérative, de dépendance mutuelle et d’autosacrifice ». Dans Lodore, par exemple, l’histoire centrale suit le destin de la femme et de la fille du personnage-titre, Lord Lodore, qui est tué lors d'un duel à la fin du premier volume, en laissant derrière lui des obstacles juridiques, financiers et familiaux que doivent négocier les deux « héroïnes ». Le roman est politiquement et idéologiquement engagé, notamment sur l’éducation et le rôle social des femmes. Il dissèque une culture patriarcale qui sépare les sexes et oblige les femmes à être dépendantes des hommes. D’après Betty T. Bennett, spécialiste de Mary Shelley, « le roman propose des paradigmes d’éducation égalitaire pour hommes et femmes qui apporteraient la justice sociale et les moyens spirituels et intellectuels pour affronter les épreuves de la vie ». Cependant, Faulkner est le seul roman de Mary Shelley dans lequel l’héroïne triomphe. Le roman avance l'idée que lorsque les valeurs féminines l'emporteront sur la violence et la destruction masculines, les hommes seront libres d’exprimer « la compassion, l’empathie et la générosité » de leur tempérament.

Les Lumières et le romantisme

Comme de nombreux romans gothiques de la période, Frankenstein mélange un sujet viscéral et aliénant à des thèmes qui poussent à la réflexion. Au lieu de se centrer sur les tours et détours de l'intrigue, le roman met en avant les luttes mentales et morales du protagoniste, Victor Frankenstein, et Mary Shelley imprime au texte sa propre marque de Romantisme politisé, qui critique l’individualisme et l’égoïsme du Romantisme traditionnel. Victor Frankenstein est comme Satan dans Paradis perdu et comme Prométhée : il se rebelle contre la tradition, il crée sa vie et construit son propre destin. Ces traits ne sont pas décrits de manière positive. Comme l’écrit Blumberg, « son ambition sans relâche est une auto-illusion travestie en une quête de la vérité ». Il doit abandonner sa famille pour satisfaire son ambition.

 Gravure montrant un homme nu qui s'éveille sur le sol et un autre qui s'enfuit épouvanté. Un crâne et un livre se trouvent près de l'homme nu, et une fenêtre, par laquelle filtre la lumière de la lune, se situe à l'arrière-plan.
Illustration de la page de couverture du Frankenstein de 1831 par Theodor Von Holst, une des deux images du roman.

Mary Shelley croit en l’idée des Lumières que l’homme peut améliorer la société à travers l’exercice responsable du pouvoir politique, mais elle craint que l’exercice irresponsable du pouvoir ne mène au chaos. En pratique, son œuvre critique largement la manière dont les penseurs du XVIIIe siècle, comme ses parents, croyaient pouvoir amener ces changements. Ainsi par exemple, la créature de Frankenstein lit des livres de pensées radicales mais la connaissance qu’il en tire est finalement inutile. L'œuvre de Mary Shelley la montre moins optimiste que Godwin ou Mary Wollstonecraft, elle n’a pas foi en la théorie de Godwin qui postule que l’humanité peut en fin de compte être améliorée.

Kari Lokke, spécialiste de la littérature, écrit que The Last Man, plus que Frankenstein, « dans son refus de placer l’humanité au centre de l’univers, son questionnement sur notre position privilégiée par rapport à la nature […] constitue un défi profond et prophétique pour l’humanisme occidental ». Plus spécifiquement, les allusions de Mary Shelley à ce que les radicaux considèrent comme une révolution ratée en France et aux réponses qu'y apportent Godwin, Mary Wollstonecraft ou Burke constituent une remise en cause de « la foi des Lumières dans le progrès inéluctablement obtenu par l’effort collectif ». Comme dans Frankenstein, Mary Shelley « offre un commentaire profondément désenchanté sur l’âge de la révolution, qui se termine par un rejet total des idées progressistes de sa propre génération ». Elle rejette non seulement les idées politiques des Lumières mais également l'idée romantique selon laquelle l’imagination poétique ou littéraire pourrait offrir une alternative.

Opinions politiques

Jusqu’à une date récente, les critiques citaient Lodore et Falkner comme la preuve du conservatisme croissant de Mary Shelley dans ses œuvres tardives. En 1984, Mary Poovey a mis en évidence le transfert du réformisme politique de Mary Shelley vers la seule sphère domestique. Elle suggère que Mary Shelley écrivit Falkner afin de résoudre sa réaction conflictuelle à la façon dont son père mêlait un radicalisme libertaire à une bienséance sociale rigoureuse. Mellor partage cette opinion, arguant que « Mary Shelley fonde son idéologie politique alternative sur une métaphore de la famille, paisible, aimante et bourgeoise. Elle souscrit ainsi implicitement à la vision conservatrice d'une réforme et d'une évolution graduelles ». Cette vision permet aux femmes de participer à la sphère publique, mais elle hérite des inégalités inhérentes à la famille bourgeoise.

Toutefois, ces dernières années, cette vision a été contestée. Bennett, par exemple, montre que le travail de Mary Shelley est un engagement constant dans l’idéalisme romantique et dans les réformes politiques et l’étude de Jane Blumberg des premiers romans de Shelley soutient qu’il n’est pas possible de simplement diviser sa carrière en deux moitiés, l'une radicale tout d'abord, et l'autre conservatrice ensuite. Elle soutient que « Mary Shelley n’a jamais été une radicale passionnée comme son mari et le mode de vie qu'elle adopte plus tard n’est ni un tournant brusque ni une trahison. En réalité, dès son premier ouvrage, elle remettait en cause les influences politiques et littéraires de son entourage. À la lueur de cette analyse, les premières œuvres de Shelley sont interprétées comme un défi au radicalisme de Godwin et de Percy Bysshe Shelley. Le « rejet inconsidéré de la famille » de Victor Frankenstein apparaît alors comme la preuve de la préoccupation constante de Mary Shelley pour la famille.

Nouvelles

 Gravure en noir et blanc montrant une jeune femme agenouillée au sol qui, les mains jointes, regarde vers le ciel. Elle porte une robe blanche et a des bouclettes brunes. Elle semble se trouver sur un balcon, avec des nuages à l'arrière-plan.
Shelley écrit souvent des histoires accompagnant les illustrations d’almanach, comme celle-ci qui accompagne « Transformation » dans The Keepsake de 1830.

Durant les années 1820 et 1830, Mary Shelley écrit fréquemment des nouvelles pour des almanachs. Entre autres, elle écrit seize nouvelles pour The Keepsake, destiné aux femmes de la classe moyenne, relié en soie et doré sur tranche. Dans ce genre, le travail de Mary Shelley est décrit comme celui d’un « écrivain médiocre, verbeux et pédant ». Cependant, la critique Charlotte Sussman note que d’autres grands écrivains, comme les poètes romantiques William Wordsworth et Samuel Taylor Coleridge, ont tiré avantage de ce marché profitable. Elle explique que « les almanachs étaient un type de production littéraire majeur dans les années 1820 et 1830 », The Keepsake rencontrant le plus grand succès.

Beaucoup d’histoires écrites par Mary Shelley se passent dans des lieux ou à des époques bien éloignées du début du XIXe siècle, comme la Grèce ou le règne d’Henri IV. Elle s’intéresse tout particulièrement à « la fragilité de l’identité individuelle » et décrit souvent « la façon dont le rôle d’une personne dans le monde peut être modifié de manière cataclysmique par des bouleversements émotionnels internes ou par quelque évènement surnaturel qui reflète une scission interne ». Dans ses histoires, l’identité de la femme est liée à sa valeur sur le marché du mariage alors que celle de l’homme peut être améliorée et transformée par l’argent. Même si Mary Shelley a écrit vingt et une nouvelles entre les années 1823 et 1839, elle s’est toujours perçue comme une romancière avant tout. Elle écrit à Leigh Hunt, « j’écris de mauvais articles, ce qui contribue à me rendre malheureuse – mais je vais me plonger dans un roman et j’espère que ses eaux claires nettoieront la boue de ces magazines ».

Récits de voyages

Lors de leur fuite en France à l’été 1814, Mary Godwin et Percy Shelley commencent un journal commun. Ce journal plus quatre lettres basées sur leur visite de Genève en 1816 ainsi que le poème de Percy Shelley Mont Blanc sont publiés en 1817 sous le titre d ’Histoire d’un circuit de six semaines. Cette œuvre célèbre l’amour de jeunesse, l’idéalisme politique et suit l’exemple de Mary Wollstonecraft et d'autres, qui ont associé voyage et écriture. Plus qu’un récit de voyage conventionnel, le livre est philosophique et réformiste ; il aborde, en particulier, les effets de la politique et de la guerre en France. Les lettres qu’écrit le couple durant leur deuxième voyage considèrent les « grands et extraordinaires évènements » de la défaite finale de Napoléon à Waterloo après son retour des « Cent jours » en 1815. Ils analysent également le caractère sublime du lac de Genève et du Mont Blanc, ainsi que l’héritage révolutionnaire du philosophe et romancier Jean-Jacques Rousseau.

Le dernier livre de Mary Shelley, écrit sous forme de lettres et publié en 1844, est Errances en Allemagne et en Italie en 1840, 1842 et 1843, qui relate ses voyages avec son fils Percy Florence et ses camarades d’université. Dans cet ouvrage, elle suit la tradition des Lettres écrites lors d'un court séjour en Suède, en Norvège et au Danemark de Mary Wollstonecraft et de son propre Histoire d’un circuit de six semaines, en cartographiant son propre paysage personnel et politique à travers un discours fondé sur les sentiments et le sens de la solidarité. Pour Mary Shelley, nouer des liens d’amitié entre les personnes est le moyen de construire la société civile et d’augmenter le savoir : « la connaissance, pour éclairer et libérer l’esprit des préjugés – un plus large cercle d'amitiés avec nos semblables – tel est l’utilité du voyage ».

Entre l’observation des paysages, de la culture et « des personnes, plus spécifiquement du point de vue politique », elle utilise le carnet de voyage pour analyser son rôle de veuve et de mère et pour réfléchir sur le nationalisme révolutionnaire en Italie. Elle note également son « pèlerinage » en des lieux associés à Percy Shelley. Selon la critique Clarissa Orr, la posture adoptée par Mary Shelley en se posant comme figure de la maternité philosophique donne à Errances l’unité d’un poème en prose, avec « la mort et la mémoire comme thèmes centraux ». En même temps, Mary Shelley fait le procès égalitariste de la monarchie, des différences de classes, de l’esclavage et de la guerre.

Biographies

Entre 1832 et 1839, Mary Shelley écrit de nombreuses biographies d’hommes renommés italiens, espagnols, portugais et français et de quelques femmes pour les Vies des plus éminents auteurs et scientifiques de Dionysius Lardner. Elles formeront une partie du Cabinet Cyclopaedia de Lardner, une des meilleures séries de la sorte publiée durant les années 1820 et 1830 en réponse à la demande croissante de la classe moyenne pour l’auto-éducation. Jusqu’à la republication de ces essais en 2002, leur importance dans l’ensemble de son œuvre n’était pas reconnue. D’après Greg Kucich, expert en littérature, ils révèlent les « extraordinaires recherches de Mary Shelley à travers plusieurs siècles et plusieurs langues », son don pour la narration biographique et son intérêt pour « la forme émergente du féminisme historiographique ». Mary Shelley écrit dans un style biographique popularisé par Samuel Johnson, critique au XVIIIe siècle, dans son Vies des poètes (1779-1781), combinant sources secondaires, notice biographique et anecdote, et évaluation de l’auteur. Elle note les détails de la vie et du caractère de chaque écrivain, cite leurs écrits sous leur forme originale accompagnée de la traduction, et termine avec une évaluation critique de leurs réalisations.

Pour Mary Shelley, la narration biographique est supposée, et ce sont ses propres mots, « former comme si c’était une école dans laquelle étudier la philosophie de l’histoire » et enseigner des « leçons ». Le plus souvent, ces leçons consistent en une critique des institutions à domination masculine, telle que le droit d’aînesse. Mary Shelley souligne le goût de la vie domestique, le romanesque, la famille, la solidarité et la compassion dans la vie de ses sujets. Sa certitude que de telles forces peuvent améliorer la société relie son approche biographique avec celles d’autres historiennes féministes comme Mary Hays et Anna Jameson. Contrairement à ses romans, dont la plupart furent imprimés à quelques centaines d’exemplaires, chaque volume des Vies fut imprimé à 4 000 exemplaires faisant, selon Kucich, « de son usage de la biographie pour faire avancer la cause de l’historiographie féminine dans la société, l’une de ses plus influentes interventions politiques ».

Travaux d’annotations et de commentaires

« Les qualités qui frappaient toute personne qui venait d'être présentée à Shelley, étaient, tout d’abord, la douce et chaleureuse bonté qui animait ses rapports humains d’une chaude affection et d’une prévenante gentillesse. C’était ensuite l’empressement et l’ardeur avec laquelle il était attaché à la cause du bonheur humain et à son amélioration. »

— Mary Shelley, « Preface », Œuvres poétiques de Percy Bysshe Shelley.

Peu après la mort de Percy Shelley, Mary se décide à écrire sa biographie. Dans une lettre du 17 novembre 1822, elle annonce : « Je vais écrire sa vie – et m’occuper ainsi de la seule manière propre à en tirer consolation ». Cependant, son beau-père, Sir Timothy Shelley, lui interdit, avec succès, de le faire. Marie commence la promotion de la réputation poétique de Percy en 1824, avec la publication de Poèmes Posthumes. En 1839, tout en travaillant sur Lives, elle prépare une nouvelle édition de sa poésie, qui deviendra, selon les propres mots de la spécialiste littéraire Susan J. Wolfson, « l’évènement canonisateur » dans l’histoire de la renommée de son époux. L’année suivante, Mary Shelley publie un volume de lettres, d'essais, de traduction et d'extraits de son époux, et durant les années 1830, elle présente sa poésie à un public plus large en publiant des œuvres choisies dans la publication annuelle The Keepsake.

Elle réussit à esquiver l’interdiction de Sir Timothy en incluant dans ces éditions ses propres annotations et réflexions sur le travail et la vie de son mari. Elle déclare en 1824 : « Je dois justifier ses choix. Je dois le faire aimer par la postérité ». C’est cet objectif, argumente Blumberg, qui la pousse à présenter au public le travail de Percy Shelley « de la manière la plus populaire possible ». Pour adapter son travail à un public victorien, elle présente Percy Shelley comme un poète lyrique et non comme un poète politique. Comme l’écrit Mary Favret : « Percy désincarné personnifie la poésie elle-même ». Mary maquille le radicalisme politique de Percy en une forme de sentimentalisme, argumentant que son républicanisme provient d’une empathie envers ceux qui souffrent. Elle insère des anecdotes romantiques de sa bienveillance, de son attachement à la vie de famille et de son amour de la nature. Se décrivant comme la « muse pratique » de Percy, elle fait également remarquer qu’elle lui suggérait des améliorations quand il écrivait.

Malgré les émotions provoquées par cette tâche, Mary Shelley prouve sans aucun doute qu’elle est une commentatrice professionnelle et érudite. Travaillant à partir des carnets de note désordonnés et parfois illisibles de Percy, elle essaie de classer des écrits par ordre chronologique et elle inclut des poèmes comme Epipsychidion, destiné à Emilia Viviani, qu’elle aurait préféré laisser de côté. Cependant, elle fut obligée de faire plusieurs compromis et, comme le fait remarquer Blumberg, « les critiques modernes ont trouvé des fautes dans les éditions et affirment qu’elle a mal recopié, mal interprété, volontairement occulté et tenté de montrer le poète comme quelqu’un qu’il n’était pas ». D’après Wolfson, Donald Reiman, un commentateur moderne des travaux de Percy Bysshe Shelley, se réfère encore aux éditions de Mary Shelley, même s’il reconnaît que son style appartient « à une époque où l’objectif du travail de mise en forme et d'annotation n’était pas d’établir des textes précis et critiques, mais de présenter un exposé complet de la carrière de l’écrivain pour le lecteur moyen ». En principe, Mary croit dans la publication de chacun des mots de l’œuvre de son mari, mais elle doit supprimer certains passages, soit sous la pression de son éditeur, Edward Moxon, soit par respect pour les convenances. Pour la première édition, elle supprime par exemple les passages athées de Queen Mab. Après qu’elle les eut réintroduits dans la deuxième édition, Moxon est poursuivi et condamné pour diffamation blasphématoire, mais il échappera au châtiment. Les omissions de Mary Shelley provoquent des critiques, souvent des invectives, de la part des anciens proches de Percy Shelley, et les critiques l’accusent, entre autres, d’inclusions malvenues. Ses notes restent cependant une source essentielle pour l’étude des travaux de Percy Shelley. Comme l’explique Bennett, « biographes et critiques s’accordent à penser que l’engagement de Mary Shelley pour que Shelley obtienne l'attention qu’elle pense que son œuvre mérite est la force essentielle, unique, qui a établi la renommée de Shelley durant une période où il aurait certainement disparu de la vue du public ».

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