Spectrométrie de masse - Définition

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L'analyseur

Les analyseurs se différencient par leur principe de mesure du rapport m/z des ions, qui est :

  • la dispersion des ions, fondée sur leur moment ou leur énergie cinétique (instruments à secteur magnétique ou électrique)
  • la séparation dans le temps, fondée sur la vitesse des ions (TOF)
  • la transmission des ions traversant un champ électrodynamique (quadripôle)
  • le mouvement périodique dans un champ magnétique ou électrodynamique (pièges ou trappes à ions)

L'analyseur quadripolaire

Un quadripôle (ou quadrupôle) est constitué de quatre électrodes parallèles de section hyperbolique ou cylindrique. Les électrodes opposées distantes de 2r0 sont reliées entre elles et soumises au même potentiel.

Coupe d'un quadripôle

Les électrodes adjacentes sont portées à des potentiels de même valeur, mais opposés de sorte que l'écart de potentiel soit égal à φ0.


Ce potentiel φ0 résulte de la combinaison de tensions, l'une continue (U) l'autre alternative (V) de haute fréquence f : \phi_0 = U - V\cdot cos (2\pi ft)

En appliquant cette différence de potentiel entre chaque paire d'électrodes, il se crée un champ électrique quadripolaire. Un point de coordonnées (x,y,z) situé dans le champ électrique sera alors soumis au potentiel : \phi = \phi_0 \cdot \frac {x^2 - y^2}{r_0^2}

Diagramme de stabilité d'un ion dans un quadripôle

La trajectoire d'un ion pénétrant dans le quadripôle sera donc uniforme selon l'axe z et décrite par les équations de Mathieu selon les deux autres axes. Il est possible de définir en fonction des valeurs U et V des zones de stabilité telles que les coordonnées x et y de l'ion restent strictement inférieures à r0. L'une d'entre elles est exploitée en spectrométrie de masse (voir figure) (Les ions qui se trouvent dans cette zone auront donc une trajectoire stable dans le quadripole et seront détectés). En gardant constant le rapport U/V, on obtient une droite de fonctionnement de l'analyseur. Un balayage de U avec U/V constant permet l'observation successive de tous les ions dont la zone de stabilité est coupée par la droite de fonctionnement. La résolution entre ces ions est d'autant plus grande que la pente de la droite est élevée.

Schéma de la trajectoire stable d'un ion traversant le quadripôle

En l'absence de tension continue, tous les ions de rapports m/z supérieurs à celui fixé par la valeur de V appliquée auront une trajectoire stable (x et y < r0), le quadripôle est alors dit transparent et sert de focalisateur d'ions.

Les principaux avantages du spectromètre quadripolaire résident dans sa souplesse d'utilisation, sa résolution unitaire sur toute sa gamme de masse, sa vitesse de balayage satisfaisante, ainsi que son adaptabilité à différentes interfaces permettant le couplage avec la chromatographie gazeuse ou liquide.

L'analyseur octopolaire

Analyseur octopolaire

Identique à l'analyseur quadripolaire mais avec 8 électrodes, cet analyseur sert uniquement à la focalisation des ions.

Le piège ionique quadripolaire ("trappe d'ions")

Schéma de la trajectoire des ions dans un piège ionique (en vert)

C'est un piège ionique où la préparation, l'analyse et la détection des ions s'effectuent dans un même espace, suivant des séquences temporelles successives.
Le piège est constitué de trois électrodes à section hyperbolique : une électrode annulaire encadrée par deux électrodes-chapeaux (d'entrée et de sortie) qui forment les calottes supérieure et inférieure du dispositif. Une tension en radiofréquence V\cdot cos (2\pi ft) combinée ou non à une tension continue U est appliquée entre l'électrode centrale et les deux électrodes calottes. Le champ résultant est alors tridimensionnel.
Les domaines de stabilité des ions sont à nouveau déterminés par les équations de Mathieu. Celui exploité est défini tel que lorsque les ions en sortent, leur trajectoire radiale reste stable contrairement à celle selon l'axe des z. Un balayage de l'amplitude de la radiofréquence V entraînera donc l'expulsion des ions piégés selon cet axe, vers le détecteur. Les trajectoires stables des ions, au sein du champ quadripolaire résultant sont tridimensionnelles, en forme de huit.

Le temps de vol

L'analyseur à temps de vol consiste à mesurer le temps que met un ion, accéléré préalablement par une tension, à parcourir une distance donnée. Le rapport masse sur charge est directement mesurable à partir du temps de vol.

Trajectoire d'un ion dans l'analyseur à temps de vol en mode linéaire

Un analyseur à temps de vol se compose d'une zone d'accélération où est appliquée la tension accélératrice, et d'une zone appelée tube de vol, libre de champ. Les ions accélérés pénètrent dans le tube de vol libre de tout champ. La séparation des ions ne va donc dépendre que de la vitesse acquise lors de la phase d'accélération. Les ions de rapport m/z le plus petit parviendront au détecteur les premiers. Pour chaque groupe d'ions de même rapport m/z, un signal est enregistré au niveau du détecteur sous la forme d'une fonction temps/intensité.


Ce mode de détection comporte cependant certaines limitations en termes de résolution : ainsi deux ions identiques, de même vitesse initiale, mais localisés à deux points différents, entreront dans le tube de vol à des vitesses et des temps différents. Celui le plus loin du détecteur à l'origine sera accéléré plus longtemps et aura donc un temps de vol plus court, d'où une dispersion en temps et en énergie. Le mode réflectron permet de pallier ce phénomène.

Trajectoire d'un ion dans l'analyseur à temps de vol en mode réflectron

En mode réflectron, un miroir électrostatique impose un champ électrique de direction opposée à celle du champ accélérateur initial, et donc du mouvement des ions. Ces derniers voient ainsi leur trajectoire modifiée : ils pénètrent dans le réflectron et en ressortent avec une vitesse longitudinale de sens opposé à leur vitesse initiale. Les ions les plus énergétiques arrivent les premiers au niveau du réflectron et vont y pénétrer plus profondément, ils seront donc réfléchis dans un temps plus long. De cette façon, tous les ions de même rapport m/z se trouvent focalisés sur un même plan, le détecteur du réflectron étant placé sur le plan de focalisation de ces ions.En outre, le réflectron permet d'allonger la distance de vol sans pour autant augmenter la taille de l'analyseur : les ions mettent plus de temps pour atteindre le détecteur, et réduisent aussi leur dispersion en temps, la résolution s'en trouve donc grandement améliorée.

Le FT-ICR

Schéma d'une cellule cubique ICR

L’analyseur à résonance cyclotronique d’ion se compose d’une cellule ICR (de configuration cubique par exemple) qui comporte notamment six plaques sous tension, isolées les unes des autres.

L’application d’un champ magnétostatique B suivant l’axe z soumet les ions à la force de Lorentz F = ez v ^ B. Leur mouvement dans le plan (xy) est alors « cyclotronique », c’est-à-dire circulaire uniforme de fréquence f= eB/(2π.m/z). Les ions sont par ailleurs confinés suivant l’axe z par un champ électrostatique imposé par les deux plaques parallèles au plan (Oxy), résultant de l’application d’une tension faible.


Une fois piégés dans la cellule, les ions ont donc la même trajectoire mais pas la même position à un instant déterminé (a).

Etapes de la spectrométrie de masse ICR : a) ions avant excitation, b) Excitation des ions jusqu’à atteindre une certaine orbite, c) mouvement cohérent des ions de même m/z créant le courant induit

Il convient donc de donner aux ions de même m/z un mouvement d’ensemble en les mettant en phase, par résonance cyclotronique. Pour cela, les ions m/z sont excités par un champ alternatif de fréquence correspondant à leur fréquence cyclotron : pour exciter tous les ions d’une certaine gamme de m/z, une tension contenant toutes les fréquences cyclotron correspondantes est imposée. Les ions sont alors accélérés, mis en phase et voient le rayon de leur orbite augmenter (b).


Le courant induit par le mouvement cohérent des ions de même m/z sera mesuré sur les plaques de détection (c) : ce sera une sinusoïde amorti de fréquence cyclotronique. Le courant induit total mesuré sera donc la somme de sinusoïdes amorties des fréquences cyclotroniques correspondant aux ions de m/z excités par résonance. La fréquence cyclotron étant proportionnelle à 1/(m/z), l’inverse de la transformée de Fourier du courant obtenu permet d’aboutir au spectre de masse en m/z.


Cet analyseur a l’une des meilleures résolutions qui soient (Rs>100 000), dès lors le spectre MS a une plus grande capacité de pics, ce qui maximise la quantité d’informations pour l’analyse de mélanges complexes. Cependant, la largeur des pics étant proportionnelle à (m/z)², la résolution est meilleure aux m/z inférieures à 5000 Th. L’excellente précision du FT-ICR sur la mesure de masse (5-10 ppm) lève ou diminue les ambiguïtés sur l’identification des composés. La gamme de masse dépend de la valeur du champ magnétique, elle s’étend jusque 27000 Da pour un champ de 7 T. En revanche, la gamme dynamique est assez restreinte, avec 2-3 décades, car cet analyseur par confinement souffre du même défaut que le piège quadripolaire, la coexistence possible d’un nombre limité d’ions. Dès lors, les pics très minoritaires dans le spectre de masse présenteront une mesure de masse moins précise. Le FT-ICR permet l’analyse en MS/MS dans la cellule même, avec possibilités variées d’activation des ions et donc de fragmentations sélectives.

L'orbitrap

Trajectoire des ions dans un orbitrap (en rouge)

L’orbitrap se compose d’une électrode creuse, à l’intérieur de laquelle est placée coaxialement une électrode en forme de fuseau. La forme particulière de ces deux électrodes permet l’imposition d’un champ électrostatique quadro-logarithmique avec la tension : \ U (r,z) = \frac{k}{2} \cdot (z^2 - \frac{r^2}{2}) + \frac{k}{2} \cdot Rm^2 \cdot ln ( \frac{r}{Rm} ) + C .
avec Rm rayon caractéristique de l’électrode centrale, k courbure du champ, et C une constante.
Le champ est en particulier quadripolaire suivant l’axe z des électrodes. Les ions sont injectés tangentiellement à l’électrode centrale et piégés autour d’elle par la force électrostatique qui compense les forces centrifuges. Le mouvement des ions se décompose alors ainsi : un mouvement circulaire autour de l’électrode centrale dans le plan (xy) et un mouvement oscillatoire de va-et-vient selon l’axe z. En particulier, les ions d’un m/z donné seront sur la même trajectoire circulaire qui oscille axialement avec une fréquence f. f est indépendante de la vitesse ou de l’énergie des ions et s’exprime comme 1/2π√(km/z). De la même façon que pour le FT-ICR, le courant induit par ces oscillations permet par une transformée de Fourier d’accéder aux m/z.


La précision des mesures de m/z est particulièrement bonne (1-2 ppm) et la résolution (jusque 100 000) rivalise avec celle du FT-ICR, d’autant qu’étant proportionnelle à 1/√(m/z), elle diminue moins vite avec le rapport m/z que dans le cas du FT-ICR. La gamme dynamique est satisfaisante (> 3 décades). L’orbitrap est principalement utilisée en spectrométrie de masse en tandem, associée à un piège linéaire.

L'analyseur à secteur magnétique

Schéma de la structure d’un spectromètre de masse : exemple d'un spectromètre de masse à secteur magnétique associé à une source d'ionisation d'impact électronique

L'ion est éjecté dans un milieu dans lequel règne un champ magnétique uniforme perpendiculaire au plan de la trajectoire. Du fait de la force de Lorentz, la trajectoire se courbe, et le point d'impact de l'ion (donc sa déviation) permet de connaître sa masse à partir de la charge.

En effet, soit \vec B\, le champ magnétique (dirigeant \overrightarrow{Oz}) de coordonnées \begin{pmatrix} 0 \\ 0 \\ B \end{pmatrix} et \vec v_0\, la vitesse initiale orthogonale à \vec B\,, elle dirige \overrightarrow{Ox}.

On a alors: q \vec v \wedge \vec B = \begin{pmatrix} qB\dot y  \\ -qB \dot x  \\ 0 \end{pmatrix}.

D'où, en écrivant la relation fondamentale de la dynamique : \left\{\begin{matrix} m \ddot x =qB \dot y  \\ m \ddot y = -qB \dot x \end{matrix}\right..

Soit: \left\{\begin{matrix} \ddot x -\omega_0\dot y  =0 \\ \ddot y + \omega_0\dot x=0 \end{matrix}\right.\omega_0=\frac{qB}{m}.

Posons \tilde V=\dot x + i\dot y.

On a alors \dot \tilde V + i\omega_0\tilde V=0.

En résolvant, \tilde V(t) =v_0 e^{-i\omega_0t}=v_0cos(\omega_0t) - v_0isin(\omega_0t) .

Et donc: \left\{\begin{matrix} \dot x(t) =v_0cos(\omega_0t) \\ \dot y(t) =-v_0sin(\omega_0t)\end{matrix}\right. \left\{\begin{matrix} x(t) =\frac{v_0}{\omega_0}sin(\omega_0t) \\ y(t) =\frac{v_0}{\omega_0}cos(\omega_0t) -\frac{mv_0}{qB}\end{matrix}\right.  (à l'aide des conditions initiales).

Il s'agit bien de l'équation paramétrique d'un cercle de rayon R_c=\frac{mv_0}{\left|qB\right|}.

Le spectromètre mesure ensuite les distances d'impact lorsque la particule a effectué un demi-cercle. La distance au point d'origine correspond au diamètre donc au double du rayon donné par la dernière formule. La charge de la particule permet donc d'en déduire sa masse.

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