Lockheed SR-71 Blackbird - Définition

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Lockheed SR-71 Blackbird
Rôle Avion de reconnaissance ou de surveillance
Constructeur Lockheed Corporation
Équipage
2
Motorisation
Moteur Pratt & Whitney JT11D-20B
Nombre 2
Type turbo-statoréacteurs avec post-combustion
Puissance unitaire 144 kN
Dimensions
Envergure 16,94 m
Longueur 32,74 m
Hauteur 5,64 m
Surface alaire 167,2 m²
Masses
À vide 27 000 kg
Avec armement 66 000 kg
Maximale 77 100 kg
Performances
Vitesse maximale 3,3 Mach
Plafond 26 000 m
Distance franchissable 4 800 km
Armement
Interne aucun
Avionique

Le Lockheed SR-71 Blackbird est un avion espion conçu par les États-Unis d'Amérique, capable de voler à de très grandes vitesses (plus de 3500 km/h) et très haute altitude (plus de 25000 mètres)

En service de 1968 à 1998, le SR-71 (surnommé " Habu ", du nom d'un serpent noir demeurant sur certaines îles du Japon) n'est en fait que le modèle le plus connu de tout un programme de recherche et développement sur les avions à hautes performances.

Conception

Le SR-71 Blackbird fut conçu comme le successeur du Lockheed U-2 : un appareil d'observation utilisable au dessus de théâtres d'opérations hostiles. Alors que l'U-2 ne comptait que sur son altitude pour survivre, l'affaire de l'avion de Francis Gary Powers abattu par un tir de missile SAM avait montré que les menaces avaient évolué et qu'il était nécessaire pour les États-Unis de réagir.

Tout comme pour le U-2, la conception du SR-71 fut confiée au Skunks Works, le bureau d'études chargé des projets aéronautiques pour le compte de l'US Air Force et de la CIA, sous la direction de Clarence “Kelly” Johnson, et la maîtrise d'œuvre au constructeur Lockheed.

Projet typique de la guerre froide, le SR-71 est le fruit d'un cahier des charges trivial dans son énoncé, mais non dans ses implications : concevoir un appareil d'observation pouvant aller le plus vite, le plus haut et le plus loin possible, tous les autres aspects étant sacrifiés. C'est ainsi, par exemple, que les facteurs de charge que la cellule du SR-71 était capable de supporter sont demeurés extrêmement faibles.

L'appareil étant principalement destiné à opérer au-dessus de territoires sous contrôle de l'URSS, ses spécifications devaient lui permettre d'accomplir sa mission en toute sécurité, compte tenu de la connaissance que l'USAF possédait des moyens de défense ennemis (missiles SAM principalement). Cela supposait une vitesse supérieure à Mach 3 et un plafond opérationnel supérieur à 70 000 pieds, ces deux paramètres étant maintenus pour la durée de la mission.

Le fait que, aujourd'hui encore, aucun appareil n'ait atteint ces performances (du moins officiellement), montre combien ce projet, démarré à la fin des années 1950, était ambitieux.

L'existence du SR-71 ne fut officiellement révélée au public que le 28 février 1964, par le président Lyndon B. Johnson.

Développement : hautes vitesses et chaleur

Le problème majeur des hautes vitesses réside dans la dissipation des hautes températures occasionnées par les frottements aérodynamiques. Le Bell X-1 avait immortalisé l'expression " mur du son " et certains journalistes en extrapolèrent, pour désigner les phénomènes d'échauffements liés aux hautes vitesses, l'expression " mur de la chaleur ". Cette expression est toutefois impropre, l'échauffement d'un aéronef, croissant avec le carré de sa vitesse, est théoriquement sans limite et le " mur " ne peut à proprement parler être " franchi ".

Le domaine des très hautes vitesses n'était pas terra incognita pour l'industrie américaine de l'époque. Le 9 novembre 1961, le X-15, piloté par Bob White avait atteint une vitesse supérieure à Mach 6. Néanmoins, cette vitesse n'avait été maintenue que quelques dizaines de secondes. Les solutions technologiques mises en œuvre n'étaient donc pas directement transposables sur un appareil devant maintenir Mach 3+ pendant toute la durée d'une mission d'observation en environnement hostile.

L'expérience du X-15 avait toutefois permis de valider empiriquement (car l'on ne disposait alors pas de souffleries supersoniques) qu'à Mach 3, la cellule d'un aéronef était portée à une température comprise entre 350 et 400°C. Aucun des alliages couramment utilisés en aviation (aluminium, duralumin, etc.) ne sont exploitables à ces températures. En effet, la température de fusion de l'aluminium pur se situe à 650 °C, et il perd ses propriétés de rigidité au-dessus de 130 °C.

Il fut donc décidé que la structure du SR-71 ferait majoritairement appel au titane, métal dont la température de fusion est située à 1660 °C et qui possède un excellent ratio rigidité/légèreté. L'idée d'utiliser le titane dans un processus industriel était, à l'époque, extrêmement innovante et tous les procédés de façonnage durent pratiquement être créés pour l'occasion. Conséquence de ces multiples champs d'innovation : la plupart des premiers lots de pièces étaient défectueux et furent refusés. Au final, de multiples alliages à base de titane furent conçus spécifiquement pour le SR-71, le plus employé étant le Beta-120/Ti-13V-11Cr-3A1. Sur cette base, la structure du SR-71 fut donnée pour une température maximale en exploitation de 427 °C.

Motorisation

Lorsque Lockheed s'attela à la série d'appareils devant succéder à l'U-2, les solutions des principaux motoristes du moment furent alors passées en revue. Le choix se porta toutefois rapidement sur Pratt & Whitney, qui possédait alors plusieurs projets en cours dans l'étude d'un moteur trisonique.

En effet, Pratt & Whitney avait déjà réalisé un prototype devant équiper le bombardier Valkyrie et codé J-91 (ou JT-9). Toutefois, le projet XB-70 fut rapidement abandonné pour des raisons budgétaires et Pratt & Whitney décida de capitaliser sur l'expérience acquise pour développer un nouveau moteur : le JT-11 (qui sera rapidement dénommé J-58).

Le développement du JT-11 fut initié sur les fonds propres de Pratt & Whitney, mais, rapidement, le projet fut co-financé par l'US Navy, qui souhaitait développer une version poussée du North American A3-J1. Le cahier des charges stipulait que le moteur devait pouvoir fournir 12 000 kg de poussée au niveau de la mer, post-combustion allumée. Un tel niveau de puissance dépassait de façon sensible les performance des moteurs de l'époque, dont la technologie était limitée au niveau du taux de compression primaire. Pour pallier ce handicap, deux solutions technologiques furent envisagées : l'extension des solutions de post-combustion d'une part, et l'emploi de la technologie des statoréacteurs d'autre part. Finalement, les deux solutions furent intégrées dans le J-58, dont les premiers essais sur banc débutèrent en 1957.

Il est à noter que Pratt & Whitney envisageait alors deux versions du moteur : une version militaire et une version civile dont la plage d'utilisation était différente (altitude plus faible et puissance maintenue plus longtemps).

Enfin, parallèlement au développement du J-58, Pratt & Whitney étudiait un moteur fonctionnant à l'hydrogène (modèle 304) et destiné au projet CL-400 " Suntan ", projet que la CIA abandonna en faveur du programme " Blackbird " bien que les prototypes du moteur aient tourné de façon satisfaisante.

Lorsque l'équipe du Skunk Works choisit Lockheed pour le développement du prototype A-12, les prototypes du J-58 totalisaient 700 heures de fonctionnement, ce moteur était donc le choix le plus crédible pour la CIA, laquelle signa le 30 septembre 1960 un marché portant sur 12 exemplaires du nouvel appareil.

Le réacteur J58
Le réacteur J58

La collaboration entre Lockheed et Pratt & Whitney fonctionna de façon très efficace et le projet avança rapidement. De très nombreuses modifications furent rapidement apportées au moteur, parmi lesquelles :

  • Le nombre d'étages du compresseur passa de 8 à 9
  • Le circuit de post-combustion fut modifié de façon à pouvoir fonctionner en permanence et sur toute l'étendue du domaine de vol
  • De nombreuses modifications dans les veines de dérivation.

En effet, il apparut rapidement que, en raison de l'encombrement du moteur (imposé par les contraintes liées à la cellule), un véritable goulet d'étranglement serait constitué à partir d'un nombre de Mach élevé, empêchant le moteur d'utiliser l'air en provenance de la tuyère d'aspiration. Pour résoudre cette problématique, 6 veines de dérivation furent mises en place, conduisant l'air prélevé dans le 4e étage du compresseur directement aux chambres de combustion, qui sont ainsi refroidies tout en faisant bénéficier le moteur d'un accroissement de poussée.

Dans les faits, ces veines de dérivation, fixes, permettent à la partie postérieure du moteur de fonctionner comme un véritable statoréacteur.

Toutes ces modifications affectèrent le développement du moteur, lequel prit du retard par rapport au développement de la cellule. De fait, les premiers vols du A-12 furent effectués, alors que l'appareil était équipé de Pratt & Whitney J-75, pratiquement deux fois moins puissants que le J-58, mais parfaitement éprouvés.

Le J-58 ne prit l'air qu'en janvier 1963, soit neuf mois après le premier vol du A-12. Pour plus de sûreté, le vol se fit avec une motorisation mixte : le J-58 en nacelle droite et un J-75 en place gauche.

L'intégration du J-58 à la cellule du Blackbird ne se fit pas sans soucis. Le premier d'entre eux était qu'il était impossible de le démarrer. Les veines d'alimentation et l'entrée d'air principale ne pouvant fournir suffisamment d'air au moteur, celui-ci avait tendance à aspirer ce qui lui manquait par la tuyère, et donc à aspirer de l'air par où il aurait du en souffler ! L'ajout de veines additionnelles en amont du compresseur ainsi qu'une modification des entrées d'air permirent de résoudre peu à peu ce problème.

Un autre problème qui se présenta était relatif à l'ingestion de débris. L'énorme puissance d'aspiration du J-58 amena de très nombreuses pannes dues à l'absorption de débris sur les pistes, d'outils, etc. Chacun de ces incidents entraînant des réparation se chiffrant en plusieurs centaines de milliers de dollars, de très nombreuses précautions furent prises : rideaux de protections, balayage systématique de la piste et inspections avant le démarrage permirent de réduire peu à peu la survenue de ces pannes.

Enfin, la complexité du système de positionnement des entrées d'air entraîna de nombreux décrochages en vol. Schématiquement, au sol, le cône d'aspiration est positionné le plus en avant possible, et il recule proportionellement à la vitesse de l'appareil. Dans certaines phases de vol, il se trouvait que le moteur, ne pouvant aspirer suffisamment d'air, s'éteignait. Cette extinction, outre le fait de projeter la tête du pilote (casquée) sur le tableau de bord, entraînait une violente embardée de l'appareil. De plus, il apparut que l'extinction d'un moteur entraînait des conditions très favorables à l'extinction de l'autre moteur ! De fait, la procédure qui fut adoptée consistait, en cas d'extinction, à couper également l'autre moteur puis à les redémarrer successivement.

Le remplacement du système pneumatique de contrôle des entrées d'air par un système électronique plus fiable permit d'abaisser la fréquence de survenue de ce problème, qui n'a toutefois jamais totalement disparu.

Signalons également que de nombreux systèmes du moteur durent être reconsidérés afin d'obtenir une meilleure fiabilité. La puissance de calcul des ordinateurs de l'époque ne permettant pas de simuler avec précision les contraintes appliquées aux éléments dans les différentes phases de vol, des améliorations successives affectèrent notamment les arbres de transmission, les boîtiers de contrôle et le système d'alimentation en carburant.

Mise en œuvre

Un SR-71 lors d'un ravitaillement en vol
Un SR-71 lors d'un ravitaillement en vol

Le premier vol du A-12, prototype du SR-71, eut lieu le 26 avril 1962. Le pilote de ce premier vol était Louis Schalk qui tint l'air durant 40 minutes.

Le projet étant classifié, l'avion avait été transporté de nuit jusqu'au terrain d'essai choisi : Indian Springs (Nevada) et, pour maximiser la discrétion autour de cet évènement, le vol n'avait pas été annoncé et était donc non officiel. Le premier vol officiel eut lieu le 30 avril et le mur du son fut passé lors du deuxième vol officiel, le 4 mai.

Engagements

Le SR-71 a été un avion unique dans l'histoire de l'aviation. Sa seule charge utile, en dehors des 2 pilotes, était une caméra. Sa vitesse et son plafond étaient ses seules armes pour échapper à ses poursuivants.

Il a été utilisé durant la guerre froide à des fins de surveillance et d'espionnage photographique. Le détail des missions reste encore un secret militaire, même si des photos prises par le SR-71 ont été déclassifiées.

Le développement par les États-Unis de réseaux de satellites d'observation militaires de plus en plus nombreux et aux images de plus en plus précises a rendu l'avion de moins en moins compétitif. Certains prétendent que le Blackbird a été, en fait, remplacé par l'hypothétique SR-91 Aurora ou le Northrop B-2 Spirit dont les performances officielles, subsoniques, relèveraient de la désinformation.

La NASA a ensuite utilisé le SR-71 comme plate-forme d'essai. Le dernier vol d'un SR-71 aurait eu lieu en 2001.

Variantes, production & pertes

SR-71B
SR-71B
Production totale
Type Construits Perdus
A-12 15 6(*)
YF-12 3 12
SR-71A 29 1
SR-71B 2 1
SR-71C 1 0

(*) : 2 A-12 furent retirés du service actif pour être modifiés afin de servir de support pour le drone D-21

Autres caractéristiques

  • L'avion des X-Men dans la série cinématographique a une ressemblance frappante avec le SR-71 et porte d'ailleur le nom de " blackbird "
  • Dans la série G.I.JOE, l'armée Terroriste Cobra utilise un avion similaire au SR-71 nommé "Night Raven".
  • Dans le film DARYL de 1985, Daryl utilise un SR-71 pour rejoindre son ami, celui-ci saute en parachute avant que l'avion ne soit autodétruit.
  • Le SR-71 détient plusieurs records de vitesse, dont celui de la traversée de l'atlantique la plus rapide jamais réalisée, 1 heure 55 minutes entre New-York et Londres le 1er septembre 1974, soit une vitesse moyenne de 2917km/h (Ce temps est celui qu'il a fallu au Blackbird pour rallier un point au dessus de Londres, partant d'un point au dessus de New-York)
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