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L’heure Internet ou temps Internet — en anglais Swatch Internet Time (sigle : SIT) ou plus simplement Internet Time — est un système alternatif de mesure de temps, introduit et commercialisé en 1998 par l'horloger suisse Swatch.
Si l'heure Internet présente selon ses partisans des avantages (
Dans ce système, les subdivisions habituelles (heure, minute, seconde) sont remplacées par une unique unité appelée .beat.
À l'instar des minutes décimales instaurées en France pendant la Révolution, les .beats sont au nombre de 1 000 par journée de 24 heures et équivalent donc chacun à 86,4 secondes, soit 1 minute et 26,4 secondes[1].
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La nouveauté et la facilité d'utilisation du système décimal a contribué à rendre auprès de certaines personnes l'heure Internet plus attractive que le système sexagésimal utilisé traditionnellement pour le décompte du temps (des heures de 60 minutes et des minutes de 60 secondes). En effet nous avons pris l'habitude de représenter les nombres en base 10, c'est-à-dire avec dix symboles, ce qui n'est pas très compatible avec un système en base 60 : l'heure Internet rend donc la représentation du temps beaucoup plus intuitive.
Par exemple si l'on sait qu'un événement a duré 5 500 .beats, et qu'une journée est subdivisée en 1 000 .beats, il va de soi que cette durée est équivalente à 5 jours et demi, alors que ce n'est pas aussi évident lorsque l'on parle de 132 heures : la conversion exige de résoudre un calcul, la division 132 / 24, qui n'est pas trivial. Ceci est d'autant plus vrai pour les calculs. Ainsi, effectuer l'addition 3 h 43 min 12 s + 1 h 26 min 24 s exige de la part de notre esprit un effort non négligeable pour arriver au résultat de 5 h 9 min 36 s, tandis que la même opération en .beats est immédiate : 155 + 60 = 215. |
Le point du nom .beat doit en principe être prononcé, et à l'anglaise de surcroît : dot beat. Cette désignation fait allusion aux extensions des noms de domaine sur Internet (par exemple le " point com " de google.com se prononce dot com en anglais). Mais dans la pratique, à l'oral comme à l'écrit, le point est souvent oublié, et on se contente du mot beat, qui se traduit en français par " battement ".
Par synecdoque, on parle aussi de Swatch beat pour désigner le système dans son ensemble, et non seulement l'unité.
Bien que Swatch n'ait pas spécifié d'unité plus petite que le .beat, certaines personnes extérieures à la conception de ce système en ont introduit des fractions décimales afin d'obtenir une précision accrue, une granularité d'1 minute et 26,4 secondes étant jugé trop élevée pour que la conversion soit satisfaisante.
Ainsi, en n'utilisant que des .beats entiers, une durée d'1 h 40 min devra être convertie en 69 .beats. Or ceci correspond en réalité à une valeur comprise entre 1 h 39 min 21,6 s et 1 h 40 min 48,0 s.
On perd donc beaucoup moins de précision en utilisant des :
deci-beats : | 1 h 39 min 56,16 | s ≤ 69,4 | .beats < 1 h 40 min 4,80 | s, soit une précision de 8,64 | secondes, |
centi-beats : | 1 h 39 min 59,616 | s ≤ 69,44 | .beats < 1 h 40 min 0,480 | s, soit une précision de 0,864 | seconde, |
milli-beats : | 1 h 39 min 59,961 6 | s ≤ 69,444 | .beats < 1 h 40 min 0,048 0 | s, soit une précision de 0,086 4 | seconde. |
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L'absence de définition " officielle " d'un ou plusieurs sous-multiples du .beat peut engendrer des conflits entre des mises en œuvre différentes issues de développeurs tiers. |
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L'heure Internet n'utilise aucun fuseau horaire : l'heure est partout dans le monde celle du siège de la compagnie. Une ligne rouge supposée représenter le méridien d'origine du système a même été tracée sur le bâtiment qui l'abrite, situé au numéro 94 de la rue Jakob Stämpfli à Bienne, en Suisse. La nouvelle référence temporelle ainsi créée a été baptisée BMT, sigle de Biel Mean Time : dans l'heure Internet, une journée commence donc par définition à minuit BMT.
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La manière dont est présenté le BMT est trompeuse à plusieurs égards : d'abord par son appellation, calquée sur celle du Greenwich Mean Time (GMT), mais aussi par la représentation matérielle, comme à l'Observatoire royal de Greenwich, d'un méridien censé en être la référence. Tout ceci laisse entendre que le BMT, à l'image du GMT et de son méridien zéro à Greenwich, correspond réellement à l'" heure moyenne de Bienne " (traduction littérale de Biel Mean Time), en d'autres termes que son origine est définie par l'heure solaire du méridien tracé sur la façade de Swatch. Pourtant le BMT n'est rien de tout cela : ce dont il s'agit en réalité, c'est un équivalent du Central European Time (CET), autrement dit du fuseau horaire dans lequel est située la Suisse pendant l'heure d'hiver (UTC+1). Or le méridien ayant le CET pour heure solaire ne passe pas par les locaux de la marque, puisque sa longitude est de 15° E[2] alors que Bienne est située à approximativement 7° 15’ E. |
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Ce travers consistant à présenter le quartier général de Swatch comme origine du temps, en dépit des problèmes que ce choix implique [↓], et de l'inexactitude de cette assertion, a fait dire à certains que ce nouveau concept s'apparentait moins à une véritable volonté de créer un format opérationnel, qu'à une tentative de " coup marketing " qui visait à communiquer autour de la marque. |
L'heure Internet se caractérise par sa notation, aussi simple que possible : ce qui représente l'heure courante, c'est le nombre de .beats écoulés depuis la dernière fois qu'il a été minuit dans le repère BMT. On la note donc par ce nombre écrit sur trois chiffres (compris entre 000 et 999), et devant lequel doit être placé le caractère @. Au moins deux raisons peuvent justifier ce choix :
Ainsi écrira-t-on @248 lorsque se seront écoulés 248 .beats (soit 5 h 57 min 7,2 s[3]) depuis 00:00 BMT. @248 correspond par conséquent à 05:57:07.2 BMT, soit 04:57:07.2 UTC.
Lorsque des sous-multiples du .beat [↑] sont utilisés, on fait appel à la notation britannique : c'est le point qui sert de séparateur entre les parties entière et décimale. Par exemple : @248.27.
Swatch n'a pas défini de format standard pour la date, mais c'est dans le calendrier grégorien qu'elle est exprimée sur le site Web de la marque, préfixée par la lettre d minuscule (initiale de day, " jour "), et sous la forme jj.mm.aa (où les variables jj, mm, aa remplacent respectivement le quantième, le numéro du mois et l'année).
Par exemple, pour aujourd'hui lundi 16 juillet 2007 : d16.07.2007.
Tout comme le standard UTC sur lequel elle se base, l'une des caractéristiques de l'heure Internet est qu'à un moment donné, elle est la même partout dans le monde. Par exemple, il est actuellement @754, que l'on soit à Paris ou à T?ky?.
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Cette uniformisation, alliée à une notation spécifique, permet de dater un événement sans aucune ambiguïté, tandis qu'avec le système standard, si divers points de la planète sont impliqués, une simple indication d'heure se révèle insuffisante et nécessite de préciser le fuseau horaire de référence.
L'heure Internet facilite par conséquent :
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Ainsi midi se produit-il à @419 à Helsinki et à @708 à New York ; minuit, le lever et le coucher du Soleil, ou tous les autres moments de la journée se produisent également à des heures Internet radicalement différentes suivant l'endroit où l'on se situe. Dans les cas extrêmes, même la date change selon qu'on se repère dans l'heure locale, ou l'heure Internet. Par exemple :
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Par ailleurs, le système choisi par Swatch ignore le passage à l'heure d'été : il ne correspond donc à l'heure de la Suisse qu'en hiver, celle-ci quittant le CET pendant la période estivale pour s'en décaler d'une heure, et ainsi passer au Central European Summer Time (CEST).
Durant cette partie estivale (dansl’hémisphère nord) de l'année, le BMT est donc à l'heure :
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Contrairement aux pays qui observent l'heure d'été, le décalage entre l'heure Internet et l'heure solaire est constant tout au long de l'année pour un endroit donné de la planète. |
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Le revers de cet avantage est que pour un lieu donné, l'heure Internet correspondant à une heure locale donnée (d'un point de vue légal et non solaire cette fois) n'est pas nécessairement la même toute l'année : par exemple à Paris, midi correspond à @500 à partir du dernier dimanche d'octobre et jusqu'au dernier dimanche de mars (CET = UTC+1), mais à @458 le reste de l'année (CEST = UTC+2).
Cette configuration, déroutante et contraire à l'intuition, rend la conversion laborieuse. |
Du point de vue des normes standards, l'heure Internet n'a évidemment aucune valeur, puisque c'est un organisme international appelé Organisation internationale de normalisation (ISO) qui est chargé de les définir. En l'occurrence pour la représentation de la date et de l'heure, il s'agit de la norme ISO 8601, qui s'appuie sur le méridien de Greenwich et l'UTC.
De plus l'unité de mesure du temps sur laquelle est fondé le Système international (SI) est la seconde.
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La cérémonie de lancement de l'heure Internet a eu lieu le 23 octobre 1998, en présence de Nicolas Hayek, président (et à l'époque directeur) du Groupe Swatch, son fils G. Nicolas Hayek, et Nicholas Negroponte, fondateur et directeur du Media Laboratory au MIT, qui s'est intéressé de près à la mise au point du format.
L'un des points cruciaux dans la stratégie de Swatch était de rendre caduque la conversion en permettant aux utilisateurs d'avoir accès à tout moment à l'heure Internet courante. À partir de l'année 1999, la marque a donc produit plusieurs modèles de montres affichant à la fois l'heure Internet et l'heure traditionnelle, et proposé sur son site des applications permettant d'afficher en permanence l'heure Internet sur son ordinateur ou son assistant personnel.
Au niveau légal, l'heure Internet n'a pas été brevetée, et aucune de ses dénominations n'a été déposée en tant que marque (si ce n'est swatch THE CREATOR OF INTERNET TIME, " swatch LE CRÉATEUR DE L'HEURE INTERNET ") afin de permettre à tous d'intégrer librement le format dans ses produits et donc d'en accroître la facilité d'accès.
Ainsi, des programmes (notamment des widgets : (lien)) et des sites Web (par exemple (lien)) remplissant cette fonction ont été développés indépendamment de Swatch.
La marque est même parvenue à convaincre des sites aussi influents que celui de CNN ou d'Apple d'intégrer ce nouveau format. Il a également été instauré comme référence temporelle sur ICQ, et le jeu vidéo Phantasy Star Online l'a utilisé dès son lancement en 2000 sur la Dreamcast afin de faciliter les parties intercontinentales entre les Japonais, les Américains et les Européens à qui le jeu offrait la possibilité de s'affronter sur les mêmes serveurs.
En mars 2001, Ericsson a sorti le T20e, un modèle de téléphone mobile qui offrait à l'utilisateur la possibilité d'afficher l'heure Internet ; aucun de ses successeurs n'a été à nouveau équipé de cette option.
Nicholas Negroponte n'a pas caché son enthousiasme à l'égard de ce nouveau format. Il a ainsi déclaré :
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This is just the beginning, the beginning of understanding that cyberspace has no limits, no boundaries. |
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Cyberspace has no seasons and no night and day. Internet Time is absolute time for everybody. Internet Time is not geopolitical. It is global. In the future, for many people, real time will be Internet Time. |
Pourtant, malgré une certaine période d'engouement auprès d'un public qualifié de " techno-enthousiaste " ou de geek, et une large médiatisation à ses débuts, la révolution espérée et annoncée n'a pas eu lieu : l'usage de l'heure Internet est en effet resté marginal, surtout en dehors des espaces virtuels. Peu à peu abandonnée par ceux qui ont tenté l'expérience, elle a acquis une dimension plus affective et ludique que pratique auprès de ceux qui lui sont restés fidèles.