Basilique du Sacré-C?ur de Bruxelles - Définition

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Introduction

La basilique du Sacré-Cœur

Familièrement appelée basilique de Koekelberg par les Bruxellois, la Basilique du Sacré-Cœur de Bruxelles est la jeune sœur de celle de Paris.

Comme son ainée, elle est vouée à la dévotion au Sacré-Cœur ; mais elle adopte, au lieu du style romano-byzantin, le style « Art déco ».

Elle est située à cheval sur les communes bruxelloises de Koekelberg et de Ganshoren.

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Panthéon national ou lieu de pèlerinage ?

Le plateau de Koekelberg dominant Bruxelles avait déjà attiré l'attention de Léopold Ier qui aurait envisagé d'y construire la résidence royale. Ce fut cependant Léopold II qui conçut d'y tracer une allée solennelle qui devait mener à un panthéon des Belges, ce dont attestent encore l'avenue des Gloires nationales et celle du Panthéon qui jouxtent le site. Ce projet trop laïque déplut à la bourgeoisie catholique au pouvoir et c'est — dit-on — en 1902, au retour d'une visite du chantier finissant du Sacré-Cœur à Paris que le souverain imagina de doter Bruxelles d'une basilique nationale encore plus grande.

Alors qu’il entrevoit l’opportunité de réaliser son panthéon national à la porte de Namur, Léopold II accepte que le terrain de Koekelberg soit cédé par la Compagnie immobilière de Belgique à l’Eglise catholique en vue d’y construire une basilique nationale, dédiée au Sacré-Cœur de Jésus. L’acte de donation du terrain de 3, 32 ha est signé devant notaire le 12 décembre 1902 et confirmé le 31 du même mois par un arrêté royal.

Les concepteurs veulent faire de la basilique du Sacré-Cœur un lieu de pèlerinage. En cela, ils s’inscrivent dans une tradition chrétienne ranimée par le pape Léon XIII qui voyait dans le Sacré-Cœur de Jésus un symbole et une image claire de l’amour infini qu’Il nous porte et qui nous pousse à nous aimer les uns, les autres… celle-ci a été perpétuée par ses successeurs jusqu’au concile Vatican II. Cette fonction spécifique devait aussi assurer le financement de sa construction, un problème récurrent qui se posera avec acuité tout au long de celle-ci et qui explique, en partie, la longueur inusitée du chantier et son caractère inachevé. Face au refus des représentants de la nation d’allouer le moindre centime à cette dépense, Léopold II constitue, comme à son habitude, un comité de soutien composé de riches mécènes. L’épiscopat invite, de son côté, les Oblats de Marie perchés sur la butte de Montmartre à fonder une petite communauté à Koekelberg pour assurer la promotion du saint culte, ce qu’ils feront avec un zèle exemplaire pendant quelques années, notamment par la publication de revues et l’organisation récurrente de collectes de fonds. Un bâtiment est même construit pour la loger à l’angle de l’avenue Charles Quint et inauguré quelques mois avant la pose de la première pierre de la basilique, le 12 octobre 1905. Cet élégant édifice éclectique fait aujourd’hui partie intégrante du Collège du Sacré-Cœur de Ganshoren.

Une basilique Art Déco (1925-1970)

Au lendemain de la guerre, la poursuite du chantier ne va pas de soi, et pour cause. L’idée de l’offrande et du mémorial aux héros de la guerre n’a, certes, rien perdu de sa pertinence. Mais la basilique paraît bien somptuaire eu égard aux priorités de la reconstruction. Trop coûteux et dépassé ! Un appel à projets, organisé sous la forme d’un concours en 1920, n’apporte pas de solution. Les contraintes imposées aux candidats étaient pourtant réduites au minimum : capacité de 4 à 5.000 personnes avec vue sur le maître-autel, dix chapelles en écho aux neuf provinces belges et au Congo, réutilisation des fondations existantes et budget total limité à 20 millions de francs belges.

Edifice en béton armé

Pour sortir de l’impasse, l’épiscopat choisit de faire confiance, hors concours, à un architecte gantois, Albert Van Huffel. Il a le bonheur de travailler avec un ingénieur qui a fait ses études sur les mêmes bancs que dom Sébastien Braun, un bénédictin de l’ abbaye de Maredsous avec laquelle le cardinal Mercier entretient des liens d’amitié profonds. Van Huffel présente une première esquisse qui à l’heur de faire l’unanimité autour d’elle. Adepte des techniques modernes, il fait le choix résolu de la structure en béton armé, solution nettement moins chère qui autorise des portées plus grandes sans supports intermédiaires. Cela va précisément dans le sens du renouvellement de la liturgie qui prône une plus grande participation des fidèles à la célébration. Fort de ce satisfecit, notre artiste se lance, avec la conscience et le scrupule d’un artisan des âges gothiques (Louis Vander Swaelmen), dans la définition minutieuse et détaillée de l’édifice. Méfiante et plutôt réticente, la Commission des monuments multiplie les remarques et exige la production d’une maquette. Son auteur obtiendra, grâce à elle, le grand prix d’architecture à l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes qui se tient à Paris en 1925. Nul n’est prophète en son pays…

Architecture soumise au plan intérieur

En bon apôtre de l’architecture moderniste, Van Huffel entend soumettre l’architecture de l’édifice à son organisation interne. La seule contrainte, héritée de la tradition chrétienne, est sa forme générale en croix latine. Pour concilier sa double fonction – un lieu de grandes cérémonies et de procession d’une part et une église paroissiale d’autre part – l’architecte conçoit une « église-accordéon » de plan centré, composée d’une multitude d’espaces modulables en rupture totale avec l’organisation classique d’une église. Pour les grandes cérémonies, les quatre bras convergent vers le chœur, matérialisé par le maître-autel à baldaquin placé sous la coupole, et peuvent accueillir jusqu’à 20.000 personnes. Derrière le chœur, l’abside dispose de son propre autel servant à la vie quotidienne de la paroisse. Chaque transept comprend, lui aussi, une chapelle latérale disposant de son entrée propre et de son autel. Enfin, les chapelles rayonnantes – au nombre de 10 – sont logées à l’extrémité des transepts plutôt que dans l’abside. Un déambulatoire, pratique pour les processions et la circulation de la foule, peut ainsi courir tout le long du vaisseau principal, des portes latérales jusqu’au fond de l’abside en passant par les bas-côtés de la nef.

Un chantier financé à coups de subsides et de collectes

Sur ces entrefaites, l’ASBL Les amis de la Basilique nationale du Sacré-Cœur à Koekelberg, constituée en 1921, se consacre à réunir les fonds nécessaires. Tout ce que le pays compte d’organisations catholiques sont sollicitées. Vendue avec persévérance, la petite fleur de la basilique ne suffit pas à remplir les caisses. Seules les fondations, qui ont nécessité la pose de 1438 pieux Franki totalisant près de 11 kilomètres de béton armé, sont terminées. Pour passer à la vitesse supérieure, les amis de la basilique empruntent 15 millions de francs belges en 1930. Dans la foulée, ils obtiennent une promesse de subsides de l’Etat de 6 millions, réduite au tiers en raison de la crise économique qui sévit. Qu’à cela ne tienne. La somme suffira à boucler la première face, la construction du chœur, inauguré en grandes pompes deux mois après le décès de son concepteur, en 1935.

A la manœuvre, Albert Van Huffel a laissé son plus proche collaborateur, l’ingénieur-architecte Paul Rome qui, exception faite de quelques améliorations techniques, restera fidèle jusqu’au bout aux conceptions du maître. Les courbes de la coupole sont adoucies tandis que l’éclairage zénithal par plaques de verre est abandonné au profit du cuivre katangais.

Grâce au comité de soutien, la basilique est inscrite sur la liste des bâtiments d’utilité publique et bénéfice, à ce titre, des subventions en faveur de la résorption du chômage. Mieux, dès 1946, le chantier peut reprendre grâce à l’intervention du fonds de construction des bâtiments religieux. Alors qu’elle est normalement limitée à 30 %, sa participation financière est portée à 46 % de la masse salariale ouvrières en 1949 au point de susciter l’ire des édiles socialistes, d’autant plus remontés que l’entreprise absorbe quantité de matériaux d’origine étrangère.

Terracota et béton armé, une association malheureuse

C’est que les architectes ont choisi d’utiliser la Terracota et la brique belvédère comme parement et coffrage perdu au béton armé, dont l’apparence est, en raison de ses imperfections, encore jugée inesthétique par les contemporains. Victor Horta, lui-même, a été contraint de renoncer au béton apparent dans les couloirs du Palais des beaux-arts. Seul le français Auguste Perret a pu le tenter parce qu’il assurait, avec ses frères, sa mise en œuvre.

Dès 1908, la Leeds Fireclay Company Ltd a mis le procédé de terra cota associé au béton au point et l’a utilisé pour la première fois à la Technical School et à l’hôtel Midland de Manchester. Matériau très ancien remis au goût du jour par les Anglais dans la sculpture et l’ornementation des jardins, la terracota est un argile moulé et émaillé qui, porté à très haute température, obtient une résistance et une durabilité sans égal. Lavables, imperméables et inaltérables, ses blocs ont en outre une excellente résistance au feu, ce qui explique l’emploi massif qui en a été fait pour protéger les structures en fonte d’acier des gratte-ciel américains jusque dans les années trente. Nettement moins onéreux que la pierre, la terracota est aussi bien plus facile à mettre en œuvre et se prête aux moulages les plus variés.

L’utilisation de ces blocs teintés d’ocre jaune et des briques belvédère confère une unité de ton à l’intérieur de l’édifice, mise en valeur par les jeux de volumes et les assemblages. Avec le temps, l’association du béton et de la terracota dans un environnement soumis à de fortes variations de température s’est révélé catastrophique. Leur comportement physique différent a provoqué fissures, crevasses et même décèlements dans les blocs vernissés et nécessité déjà une campagne de restauration (2003-2004). Pour éviter le report de charges du béton à la terracota plus fragile, les joints rigides entre les blocs ont été remplacés par les joints souples.

Un édifice qui prend lentement forme

Deuxième étape importante, le grand vaisseau de la nef, précédé d’un imposant narthex est terminé en 1951. La cérémonie d’inauguration dure tout un week-end pour permettre l’aspersion et la bénédiction de toutes les parties de l’édifice, jugées impures. L'arc en mitre est utilisé massivement tant au niveau des fenêtres et de la décoration intérieure de la nef que du narthex-portail. Le narthex-portail comporte un grand balcon destiné aux messes en plein air dont le parapet devait être sculpté d’un bas-relief figurant le Christ miséricordieux. Ses piliers sont prolongés par les statues des quatre Evangélistes d’ Harry Elstrom (1906-1993). Il émane de ces colosses aux traits sommaires, composés chacun de cinq blocs de pierre de trois tonnes, une expressivité et une force incontestables. De gauche à droite, on reconnaît Jean et son aigle (1955), Luc portant le taureau (1958), Marc enlacé par le lion (1958) et, enfin, Mathieu avec l’homme (1964).

Rénovateur inspiré de l’art religieux, Elstrom développe une ligne dépouillée, habitée spirituellement, aux antipodes du kitch-baroque de la sculpture religieuse de son temps. C’est lui aussi qui surmonte le ciborium de l’autel principal, coiffé d’un étrange cône en tuiles de cuivre martelé (Henri-Joseph Hollemans), d’un calvaire et de quatre anges en prière (1951). Le contraste entre la sérénité toute intérieure des visages et le mouvement quasi-dramatique des vêtements et des chevelures est émouvant. Marie et saint Jean donnent l’impression de porter la douleur du Christ en tenant la croix à bout de bras. Le programme devait être complété par les douze apôtres entourant le christ crucifié dans les niches qui garnissent le fronton du ciborium.

Tel le mythe de Sisyphe, la construction du colosse reprend avec persévérance. En 1953, l’entrée principale est flanquée de deux tours élancées de 65 mètres de hauteur, coiffées d’une coupole en réduction. Entre elles, un christ en majesté en bas-relief devait orner le fronton de pierre à rampants. Cinq ans plus tard, le transept sud, à gauche de l’entrée, est terminé tandis que l’autre bras de la croix vient équilibrer l’édifice en 1958. Ultime effort, et non des moindres, la coupole le couronne la veille de l’inauguration. C’est le 11 novembre 1970 en effet que la basilique est inaugurée à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’épiscopat du cardinal Joseph Suenens.

A la différence des édifices classiques, le dôme ne repose pas sur la croisée du transept mais constitue une construction autonome. La coupole, recouverte de plaques de cuivre, est sphérique à l’extérieur et polygonale à l’intérieur. Elle repose sur un épais tambour porté, à l’intérieur, par des piliers qui se prolongent à l’extérieur en quatre contreforts polygonaux. Ceux-ci forment une assise de plan carré et sont ainsi solidarisés entre eux par une double arcade en béton. Elle supporte quatre arcs paraboliques qui concentrent la charge du dôme sur les supports. Phare de la Foi dans la nuit terrestre, le lanternon qui la coiffe devait être éclairé lors de l’exposition du Saint Sacrement.

La basilique si mal aimée

Œuvre profondément originale et emblématique de la période Art Déco, la basilique nationale du Sacré-Cœur plonge aussi ses racines dans l’art néo-byzantin ou néo-romain autant que dans les mouvements esthétiques germaniques, Bauhaus et Deutsche Werkbund.

Même si l’on redécouvre aujourd’hui la richesse du langage plastique développé par la basilique, celle-ci reste un enfant mal aimé de la capitale. De mauvais esprits ont cependant insinué que la dédicace de cette monstrueuse architecture pâtissière eût mieux convenu à saint Honoré qu'au Sacré-Cœur. Par dérision, certains parlaient de la « Koekelique de Basilberg ».

Anachronique lors de son achèvement, elle incarne et exalte des valeurs d’un autre temps que sont le patriotisme, les pèlerinages de masse, l’adoration du Sacré-Cœur bien délaissée aujourd’hui, même pour des chrétiens fervents. Son style, en rupture totale avec la tradition, fait l’éloge de la forme et des volumes épurés et offre une ornementation dépouillée tirée du seul mélange des matériaux dont la quasi-monochromie favorise les jeux de lumière. Aussi semble-t-elle désespérément monumentale, froide et prétentieuse. Sa situation, au milieu d’un îlot central difficile d’accès, renforce encore cette impression. En pleine révolution liturgique après le concile Vatican II, la hiérarchie catholique la traite comme un héritage encombrant du passé, peu en phase avec l’esprit du temps.

Cet édifice colossal est la sixième plus grande église du monde. À 53 mètres de hauteur se trouve une plateforme d'où les visiteurs peuvent contempler le centre de la ville de Bruxelles ainsi que les campagnes du nord et de l'ouest de la ville. Par temps clair, on aperçoit fort bien la cathédrale Saint-Rombaut de Malines.

Les réalisateurs belges Guillaume Malandrin et Stéphane Malandrin lui ont rendu un vibrant hommage cinématographique dans leur thriller psychanalytique Où est la main de l'homme sans tête ; la basilique servant de décor principal à l'énigme cauchemardesque que traverse le personnage principal, Cécile de France.

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