Sadi Carnot (physicien) - Définition

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Les Réflexions sur la puissance motrice du feu

Après avoir présenté la formation et le parcours de l’auteur, et situé le contexte des sciences et techniques de l’époque dans le domaine considéré, il est maintenant possible d’étudier plus en détail le livre de Sadi Carnot.

L’ouvrage, qui comporte 118 pages et cinq figures, fut publié à compte d’auteur par A-J-E Guiraudet Saint-Amé (X 1811) avec mention de la maison Bachelier et tiré à 600 exemplaires. Malgré la clarté incontestable du style, la série de raisonnements délicats exposés par l’auteur est difficile à suivre car celui-ci a délibérément renoncé dans le texte au langage algébrique, qu’il a relégué dans quelques notes de bas de page. Si l’auteur entend introduire des conceptions nouvelles, il emploie le vocabulaire des physiciens contemporains de son époque : loi, force mouvante et n’utilise pas les termes de cycles, adiabatique ou transformation réversible même s’il fait appel aux notions qu’ils désignent. Sur le fond, il est commode de distinguer quatre parties dans le livre de Sadi Carnot et si le texte ne comporte pas de division, l’auteur suit un plan très affirmé, tout en dissimulant ses transitions par de courtes phrases de liaison, selon les usages de la rhétorique de l’époque.

Chaleur et puissance motrice

Une machine thermique (ici un moteur) est un système (σ) qui peut effectuer un nombre indéfini de cycles, échangeant, au cours d’un cycle, une quantité de chaleur Q1 avec une source chaude (σ1, à la température T1) et une quantité de chaleur Q2 avec source froide σ2 (à la température T2), et un travail W avec le milieu extérieur.

La première partie contient un exposé philosophique du domaine couvert par la science de la chaleur, envisagée d’un point de vue entièrement nouveau : la chaleur en tant qu’agent moteur. Dans son livre, Carnot ne s’occupe pas de la nature de la chaleur ; il n’est pas non plus intéressé par le réchauffement et le refroidissement de différents corps, ni par les conditions dans lesquelles la chaleur est transmise, comme l’étaient Joseph Fourier et ses disciples. Il ne se soucie pas non plus des effets chimiques et physiologiques de la chaleur.

La chaleur l’intéresse en tant que cause des grands mouvements naturels qui se produisent sur terre, le système des vents, les courants océaniques… ; sous ce rapport, il exagère d’ailleurs son importance. Néanmoins Sadi Carnot est conscient, et semble avoir été le premier à faire cette remarque, que le rendement des meilleures et des plus puissantes machines à vapeur est dérisoire comparé aux énormes effets mécaniques produits par la chaleur dans le monde naturel.

Sadi Carnot est capable d’adopter un point de vue philosophique, en recourant à la fois à sa connaissance du fonctionnement des machines à vapeur et à ses compétences en météorologie ou en géophysique. Au vu des manuels de l’époque, il semble peu probable qu’un autre ingénieur aurait pu faire cette démarche, non plus qu’un physicien : le premier ne se serait pas intéressé à une généralisation aussi abstraite tandis que le second n’aurait pas été particulièrement intéressé par la puissance motrice. Seul, Lord Rumford, quelques années plus tôt, constatant un dégagement important de chaleur lors de l’alésage des canons, conclut que le travail peut être converti en chaleur et que ces deux notions procèdent de la même essence.

Cette partie préliminaire des Réflexions contient l’idée fondamentale que partout où il y a une différence de température, il existe la possibilité d’engendrer de la puissance motrice, idée qui joue un rôle central dans la thermodynamique. Et son corollaire n’est pas moins important : il est impossible de produire de la puissance motrice à moins qu’on ne dispose à la fois d’un corps froid et d’un corps chaud. Cela peut-être considéré comme le premier énoncé de la deuxième loi de la thermodynamique également appelée principe de Carnot, même s’il revêt encore une forme inexacte.

Il est probable qu’à cette époque, Sadi Carnot était guidé par l’idée que les machines hydrauliques les plus efficaces étaient celles qui faisaient usage de la plus grande hauteur de chute d’eau : il y voyait une analogie, assortie de toutes les nuances qui font la différence avec une similitude stricte, entre cette hauteur et la différence des températures pour les moteurs thermiques. Pourtant, si l’étude des données publiées dans le Monthly Engine Reporter sur les performances des moteurs à haute pression ne confirmait pas ce raisonnement, son intuition était juste.

Le cycle idéal d’un moteur parfait

Figure illustrant le moteur de Carnot dans les Réflexions

La seconde partie définit un moteur parfait et son cycle idéal de fonctionnement. Pour ce faire, il imagine une machine idéale, appelée couramment machine de Carnot, et pouvant échanger facilement de la chaleur alternativement avec un corps chaud et un corps froid (Figure 6). Dans son étude, le moteur thermique est strictement réduit à ses éléments essentiels :

  • Un cylindre fermé, empli d’une substance agissante qui peut être de la vapeur ou un gaz
  • Un piston mobile se déplaçant sans frottements
  • Un corps chaud qui représente l’équivalent du foyer d’un moteur à vapeur réel
  • Un corps froid, équivalent du condenseur

Carnot confirme que c’est la différence de température entre le corps chaud et le corps froid, et non la différence de pression que subit la substance agissante, qui détermine le travail fourni par le moteur. Il semble qu’il soit redevable de cette idée importante à ses amis Clément et Desormes.

Le cycle idéal est soumis à cette condition : la substance qui agit dans le cylindre ne doit jamais être en contact avec un corps plus froid ou plus chaud qu’elle, afin qu’il n’y ait pas de flux de chaleur inutile. Il est intéressant de remarquer que cette condition correspond à celles que son père avait énoncées pour déterminer le rendement maximal des machines hydrauliques.

Tous les changements de températures doivent être causés par l’expansion ou la compression de la substance agissante. Comprimée au départ à haute pression, la substance agissante se dilate librement : elle pousse le piston et extrait de la chaleur au corps chaud avec lequel le cylindre est en contact (Figure 1). On éloigne alors le cylindre du corps chaud, et la substance continue à se dilater adiabatiquement, de sorte que sa température décroît jusqu’à être égale à celle du corps froid (Figure 2). Cette partie du cycle correspond à l’opération « par expansion » de la machine de James Watt ; mais c’est maintenant la température du corps froid et non la pression du condenseur qui marque le terme de l’expansion. Le cylindre est alors mis en contact avec le corps froid, et la substance agissante est comprimée, la chaleur en étant « expulsée » (Figure 3). Le cylindre est enfin séparé du corps froid ; et la compression se continue de telle sorte que la substance agissante est réchauffée adiabatiquement (Figure 4). Le cycle s’achève quand la substance agissante est ramenée à sa pression, son volume et sa température d’origine (Figure 5).
Le résultat net n’a été qu’un transfert de chaleur du corps chaud au corps froid et la production d’un travail externe ; la substance agissante est revenue à son état d’origine et il n’y a eu aucun gaspillage de chaleur.

La réversibilité du cycle de Carnot

Diagramme du cycle de Carnot en fonction de la pression et du volume tel que le formula Benoît Paul Émile Clapeyron
* Phase 1 à 2 : Détente isotherme selon figure 1
* Phase 2 à 3 : Détente adiabatique selon figure 2
* Phase 3 à 4 : Compression isotherme selon figure 3
* Phase 4 à 1 : Compression adiabatique selon figure 4
Visualiser le cycle et la machine de Carnot.

Sadi Carnot fait remarquer que le cycle est exactement réversible : le moteur peut être actionné en sens inverse et le résultat net serait alors la consommation d’un travail égal à celui produit par le fonctionnement en sens direct et le transfert de la même quantité de chaleur, mais dans ce cas du corps froid au corps chaud. La réversibilité du cycle est possible parce qu’il n’y a pas de flux de chaleur inutile en aucun point du cycle et si cela se produisait, le moteur ne serait pas réversible. Or le moteur réversible est celui qui donne le meilleur rendement possible et Carnot de conclure, comme conséquence de l’impossibilité du mouvement perpétuel, que la vapeur est au moins aussi satisfaisante que n’importe quelle autre substance agissante. Lorsqu’il affirma que cela était fondé en théorie, les ingénieurs de l’époque ne virent là qu’une confirmation abstraite de ce qu’ils avaient appris par la pratique.

Applications à la physique de gaz

Dans la troisième partie, Sadi Carnot montre que le fait que tous les moteurs thermiques idéaux aient le même rendement, quel que soit le gaz ou la vapeur qu’on utilise, a des implications fondamentales pour la physique des gaz. Carnot démontre que tous les gaz qui se dilatent ou sont comprimés d’une pression et d’un volume à une pression et à un autre volume à température constante, ou bien absorbent ou bien dégagent la même quantité de chaleur. Il peut aussi déduire des rapports entre les chaleurs spécifiques des gaz, c’est-à-dire la chaleur spécifique à pression constante et la chaleur spécifique à volume constant. Dans une note en bas de page, qui fut négligée par les premiers commentateurs, il laisse entendre que le rendement d’un moteur thermique idéal pourrait servir de base à une échelle absolue des températures.

L’intuition du moteur à air

Moteur à combustion interne V6 d’automobile

Dans la dernière partie du livre, Sadi Carnot constate que la supériorité des moteurs à vapeur à haute pression est incontestable parce qu’ils font usage d’une plus grande chute de température que les moteurs à basse pression. Carnot reconnaît que le grand avantage de l’eau en tant que source de vapeur, le fait qu’elle se dilate énormément dans un intervalle de températures très peu étendu, a précisément rendu possible la réalisation du moteur à vapeur primitif. Pourtant, il arrive à la conclusion remarquable que cet avantage ferait que l’eau conviendrait moins bien au moteur thermique du futur. En effet l’augmentation énorme de pression pour de très petites élévations de températures au-dessus de 100 °C rend quasiment impossible un fonctionnement sur la gamme entière des températures, depuis celle de la combustion du charbon jusqu’à celle de la condensation de l’eau froide.

En conséquence, Sadi Carnot prévoit que, lorsque divers problèmes techniques concernant la lubrification et la combustion auront été résolus, le moteur le plus performant sera probablement le moteur à air.

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