À une époque où le chômage affecte 24 % de la population active américaine (1932), l'ouverture du chantier fut vécue comme une opportunité d'avoir un travail et de gagner sa vie. Les salaires étaient peu élevés (entre 4 $ et 5,60 $ par jour) mais redonnaient espoir aux sans-emploi. À la suite du Dust Bowl, des milliers d'agriculteurs ruinés partent refaire leur vie vers l'Ouest.
Pour tenir les délais imposés par le gouvernement, les équipes doivent travailler jour et nuit. Les ouvriers font les trois huit et n'ont que trois jours fériés dans l'année. La tâche la plus dangereuse (et la mieux rémunérée) était de lisser les parois du canyon ; mais la plus pénible était de creuser les tunnels de dérivation : les ouvriers travaillaient dans une chaleur suffocante et respiraient les gaz d'échappement des machines. Des brigades du froid étaient chargées d'emmener les victimes dans des couvertures remplies de glace. Mais ils décédaient souvent sur le chemin de Las Vegas. Pendant l'été 1931, on compte un mort tous les deux jours.
Un syndicaliste de l'IWW, Frank Andersen se fit embaucher et encouragea les hommes à faire grève. Les ouvriers réclament la ventilation dans les tunnels de dérivation, de l'eau potable et de meilleurs sanitaires dans leur campement. Face au refus du chef de chantier, 1 400 ouvriers entrent en grève le 8 août 1931. Le gouvernement ordonne que l'on renvoie les grévistes et la compagnie envoie des hommes pour débarrasser par la force le site. En quelques jours, la situation est maîtrisée. La fraîcheur de l'automne apaise les tensions et la construction de logements décents s'accélère à Boulder City. Au printemps 1932, la crue du fleuve envahit les tunnels de dérivation, sans faire de victime.
Mais des ouvriers portent plainte pour empoisonnement au monoxyde de carbone dans les tunnels de dérivation. Les responsables de la compagnie préféraient parler de pneumonie pour éviter de payer le dédommagement. Un ouvrier nommé Ed Kraus porta l'affaire devant la cour de justice du comté de Clark mais n'obtint pas gain de cause.
La compagnie en charge du chantier avait planifié de construire une cité pouvant héberger des centaines d'ouvriers dans une région désertique. Mais elle ne fut pas prête à temps pour accueillir la main d'œuvre. Les travailleurs et leurs familles s'entassaient dans un campement précaire connu sous le nom de « Ragtown ». Elle s'appelait officiellement « Williamsville », mais la population la surnommait plutôt Hell's Hole (le trou de l'enfer). En effet, les conditions de vie y étaient très difficiles : dépourvu d'infrastructures communes, le campement n'offrait aucun confort. Pendant l'été, les températures torrides montaient à l'intérieur des baraques de bois. Construite au plus proche du chantier, Ragtown n'avait pas d'arbres et l'ombre était rare. Aucune eau fraîche, aucun sanitaire moderne, la dysenterie et la chaleur faisaient des victimes.
Boulder City fut achevée au début de 1932 et put accueillir les ouvriers dans de meilleures conditions d'hygiène et de confort : elle accueillait 658 familles. Les loyers étaient directement prélevés sur les salaires. Ragtown n'était plus qu'un mauvais souvenir. Elle fut engloutie par les eaux du lac Mead.
Le gouvernement américain accorda le contrat de construction. Mais il exigeait que le barrage soit terminé en moins de cinq ans. C'est pourquoi Franck Crowe était souvent sur le terrain pour motiver les ouvriers, parfois à l'excès. Trois mille postes furent à pourvoir.
La forme du barrage est celle d'une arche de gravité (barrage voûte) : un mur de béton flexible retient la masse d'eau, alors que les forces de la poussée sont dirigées vers les parois du canyon.
Le premier bloc de béton est coulé en juin 1933. Aucune structure construite par le passé n'atteignait alors la taille du Boulder Canyon Dam, et bon nombre de techniques requises pour la construction étaient inédites.
Afin de procéder à l'érection du barrage, la déviation du cours de la rivière fut d'abord nécessaire. De chaque côté de la rive, quatre tunnels de dérivation furent creusés en six mois à travers le "Black Canyon". Ces galeries permettaient l'évacuation des eaux fluviales pour laisser place à un site sec, au milieu du canyon. Cette tâche titanesque avait commencé en mai 1931 et devait être terminée avant la crue du fleuve, au printemps suivant. Les tunnels mesuraient entre 17 et 20 mètres de diamètre. Ils étaient agrandis grâce à des camions jumbo-perceur : 50 travailleurs pouvaient alors creuser 15 mètres en une journée. En même temps, des hommes œuvraient à rendre lisse les parois du canyon au moyen des marteaux-piqueurs, de la dynamite et de la barre à mine : les chutes étaient assez fréquentes et mortelles.
L'étape suivante consistait à construire deux barrages temporaires en amont et en aval ; cet espace devait servir à l'édification de l'ouvrage. À partir de juin 1933, les usines crachent des milliers de tonnes de béton. Pour pallier les difficultés d'accès au chantier, un système de transport par câbles transporteurs aériens permettait d'acheminer le béton entre l'usine et le site.
Une autre difficulté inhérente à des infrastructures en béton massive est la durée de refroidissement et de solidification. Celle-ci ne doit pas être trop rapide si l'on veut éviter la surchauffe et les fissures. En effet, étant donné le volume de ce matériau utilisé, il eût fallu attendre plus de cent ans si aucun mécanisme accélérateur n'avait été employé. La structure fut pensée pour faciliter la dissipation de chaleur : au lieu de créer un barrage d'un seul bloc, on opta pour une structure en colonnes trapézoïdales imbriquées. Une usine de réfrigération d'une capacité de 1 000 tonnes/jour de liquide réfrigérant fut déployée sur place. Un réseau de tuyaux insérés dans l'édifice permettait de conduire le liquide auprès du béton. Le 7 janvier 1934, un million de tonnes de béton avait été coulées et 5 251 ouvriers travaillaient sur le chantier.
Le barrage fut finalement achevé en 1935 avec près de deux ans d'avance sur les prévisions au début du projet. On ferma les portes d'acier à l'entrée des quatre tunnels de dérivation et l'eau du Colorado s'accumula derrière le barrage, créant le lac Mead. Le président Roosevelt assista à la cérémonie d'inauguration le 30 septembre 1935. La production hydroélectrique put commencer en 1936 et crût progressivement grâce à l'adjonction de turbines supplémentaires jusqu'au début des années 1960, pour plafonner à 2 000 mégawatts.
Mais les normes de sécurité n'étant pas ce qu'elles sont aujourd'hui, près de 112 hommes trouvèrent la mort au cours des quatre années de travaux.