En mathématiques, plus précisément en algèbre linéaire, une forme bilinéaire est un type particulier d'application qui, à deux vecteurs d'un même espace vectoriel (sur un certain corps) associe un scalaire (c'est-à-dire un élément de ce corps).
Certaines formes bilinéaires sont de plus des produits scalaires. Les produits scalaires (sur les espaces vectoriels de dimension finie ou infinie) sont très utilisés, dans toutes les branches mathématiques, pour définir une distance.
La physique classique, relativiste ou quantique utilise ce cadre formel.
Les formes bilinéaires interviennent dans de nombreux domaines distincts des mathématiques. Elles forment une vaste classe d'outils utilisés pour résoudre des questions de natures très diverses.
Le domaine natif des formes bilinéaires est celui de l'algèbre linéaire. La notion de forme bilinéaire est définie sur les espaces vectoriels et se généralise sur les modules, structures de base de l'algèbre linéaire. Ces formes sont intimement liées aux applications linéaires. Le savoir associé à ces dernières permet d'éclairer la structure d'une forme bilinéaire et réciproquement les formes bilinéaires permettent d'élucider certaines particularités d'applications linéaires, par exemple dans le cas des endomorphismes autoadjoints.
Il existe un espace vectoriel particulier, jouant un grand rôle pour les formes bilinéaires : le dual. L'espace des formes bilinéaires est une copie exacte de celui des applications linéaires d'un espace dans un dual. La connaissance de la géométrie de l'espace ainsi que celle du dual permet d'élucider celle des applications linéaire de l'un vers l'autre et par la même occasion celle des formes bilinéaires. Dans le cas de la dimension finie, cette analyse est simple, le dual est une copie plus ou moins canonique de l'espace de départ.
Il existe une méthode générique pour construire des formes bilinéaires, le produit tensoriel fournissant un outil théorique pour démontrer certaines propriétés des formes bilinéaires. Il permet aussi de construire de nouveaux espaces vectoriels possédant une géométrie particulière dont les physiciens font grand usage. Ainsi le champ magnétique vérifie des propriétés de symétrie bien représentées par un espace particulier de formes bilinéaires. En plus de la structure d'espace vectoriel leur origine bilinéaire apporte des propriétés spécifiques, pour cette raison un nouveau terme est utilisé, celui de tenseur.
L'adjonction d'une forme bilinéaire bien choisie est source de formalisations de géométries. L'exemple le plus célèbre est peut-être celui des espaces euclidiens pour les espaces vectoriels sur le corps de nombres des réels dans le cas de la dimension finie. Cette forme bilinéaire appelée produit scalaire joue alors le même rôle que la forme bilinéaire canonique entre l'espace et son dual, permettant une formalisation plus concrète et plus facile d'accès.
Il n'est pas le seul exemple, un équivalent existe pour les nombres complexes. Un autre en dimension infinie existe avec les espaces préhilbertiens comportant un cas particulier essentiel, l'espace de Hilbert. En dimension finie, le choix d'une forme bilinéaire ayant d'autres propriétés permet de construire d'autres géométries. L'espace de Minkowski est construit à l'aide d'une approche de cette nature. Il offre un cadre géométrique à la théorie de la relativité restreinte.
L'influence des formes bilinéaires dans la géométrie ne se limite pas à la formalisation de nouveaux espaces. La relation entre certaines surfaces comme les quadriques et les formes bilinéaires est profonde. L'apport des différents outils provenant de l'algèbre linéaire permet une classification générale et pour une dimension quelconque.
Il est fructueux de considérer un ensemble de fonctions issu de l'analyse, comme par exemple les fonctions du segment [0,1] à valeurs réelles et infiniment dérivable. Un ensemble de cette nature est un espace vectoriel de dimension infinie, les résultats de l'algèbre linéaire fondée sur l'utilisation de bases de cardinaux finis ne s'appliquent plus. L'étude de formes bilinéaires sur les espaces de cette nature s'avère féconde.
Un outil devient essentiel pour l'étude d'espaces vectoriels de cette nature, la topologie. Elle induit naturellement une autre topologie sur le dual. Il existe un cas particulier analogue à celui de la dimension finie, celui où le dual est une copie de l'espace des fonctions. Tel est le cas par exemple pour l'ensemble des fonctions de [0,1] à valeurs réelles qui sont de carrés intégrable. Un tel espace peut être muni d'un produit scalaire, apportant un service analogue à celui des espace euclidiens, il porte le nom d'espace de Hilbert.
Dans le cas général, le dual possède une structure différente de celle de l'espace de départ. Une autre forme bilinéaire est utilisée, celle qui à un élément du dual f et à un élément de l'espace x associe f(x). L'étude d'une telle structure est plus simple si la topologie est issue d'une norme possédant au moins une bonne propriété, la complétude. Un tel espace est appelé espace de Banach. La forme bilinéaire canonique entre le dual et l'espace prend souvent le nom de produit scalaire.
La démarche des mathématiciens ayant étudié les espaces fonctionnels consiste à retirer une hypothèse auparavant toujours utilisée, celle de la dimension finie. Elle est finalement féconde et de nombreux théorèmes en analyse fonctionnelle tirent leur origine de l'étude d'une forme bilinéaire, comme un produit scalaire analogue à celui des espaces euclidiens ou issu de la forme canonique entre un espace et son dual. Une autre hypothèse peut être retirée, celle qui garantit que tout nombre différent de zéro du corps sous-jacent à l'espace vectoriel possède un inverse pour la multiplication.
Un exemple étudié depuis longtemps est celui des équations diophantiennes. Certaines d'entre elles s'écrivent comme la recherche des racines d'une équation polynomiale à plusieurs variables et à coefficients entiers. Les solutions recherchées sont celles qui s'expriment uniquement avec des nombres entiers. Un exemple célèbre et difficile est le grand théorème de Fermat. L'équation s'écrit xn + yn = zn. Les solutions peuvent être vues comme des points d'intersection entre Z3, où Z désigne l'ensemble des entiers, et une surface d'un espace géométrique de dimension trois. Un changement de repère permet parfois de simplifier l'expression d'une équation diophantienne. Pour être pertinent, ce changement de repère doit respecter la géométrie de l'espace. Il apparait comme une isométrie, c'est-à-dire une transformation respectant les distances et les angles, pour une bonne forme bilinéaire. Cette approche amène à l'étude des formes bilinéaires sur un module de dimension finie. « Module » signifie ici un quasi espace vectoriel, les scalaires ne sont simplement plus toujours inversibles. Ils peuvent, par exemple, se réduire à l'ensemble des entiers. Un exemple de cette nature est utilisé pour la démonstration du théorème des deux carrés de Fermat par Joseph-Louis Lagrange .