Aloïs Alzheimer (1864-1915) est un médecin psychiatre et un neuropathologiste allemand du début du XXe siècle qui étudia le cerveau des personnes atteintes de démence, grâce à une nouvelle technique de coloration à l'aniline et des imprégnations argentiques.
En 1907, Aloïs Alzheimer décrivit pour la première fois les altérations anatomiques observées sur le cerveau d'une patiente de 51 ans, Auguste D. Atteinte de démence, elle présentait également des hallucinations visuelles et des troubles de l'orientation. En 1911, Alzheimer découvrait un cas identique à celui d'Auguste D.
C'est le psychiatreEmil Kraepelin (1856-1926) qui proposa que la maladie porte le nom d'Alzheimer, du nom de son découvreur.
L'après-baby-boom (ou papy-boom), la maitrise de la fécondité et le progrès médical conduisent les sociétés à devoir vivre une période où les personnes âgées seront très nombreuses. Cette maladie fait donc l'objet d'une attention particulière, dont en France avec l'observatoire national sur la recherche sur la maladie d'Alzheimer (ONRA).
En 2009, la maladie d'Alzheimer explique plus de la moitié des cas de démence de la personne âgée dans les pays riches.
Aspects cliniques et circonstances de découverte
On distingue trois stades dans la maladie d'Alzheimer : 1) le stade léger (ou premier stade) 2) le stade modéré (ou deuxième stade) 3) le stade avancé (ou troisième stade).
La maladie d'Alzheimer débute habituellement par des troubles de la mémoire. Certains patients remarquent que leur mémoire fonctionne moins bien qu'autrefois et consultent leur médecin pour cela. Chez d'autres patients, l'entourage plus que le patient lui-même remarque ses difficultés de mémoire. Les symptômes liés à la mémoire (plainte mnésique) ne sont pas spécifiques de la maladie d'Alzheimer ou d'autres démences, et peuvent être rencontrés dans diverses conditions : dépression, anxiété, surmenage, consommation de médicaments psychotropes, syndrome d'apnée du sommeil notamment.
Une étude épidémiologique française ayant porté sur 3000 sujets suivis durant 14 ans a rétrospectivement démontré l'existence de signes précurseurs 12 ans avant le diagnostic. Une autre étude portant sur 10 000 personnes suivies dans 3 villes française doit vérifier si des signes encore plus précoces peuvent être détectés.
La maladie d'Alzheimer peut aussi se manifester par des symptômes autres que ceux liés à la mémoire. Une dépression peut être un des premiers signes. Une perte d'indépendance fonctionnelle définie par la nécessité d'une aide humaine dans les gestes de la vie quotidienne est aussi une situation qui doit faire évoquer cette maladie. D'autres circonstances de découverte sont possibles : chutes répétées, amaigrissement, troubles du comportement.
À un stade plus évolué (à partir du deuxième stade), d'autres troubles cognitifs apparaissent progressivement: altération du langage, des gestes et de la motricité, altération de la communication.
Épidémiologie
On distingue deux formes de la maladie d'Alzheimer : la forme « familiale », plus précoce, qui a, au moins en partie, une origine génétique, et la forme dite « sporadique » qui est la forme la plus répandue de la maladie. Le facteur de risque pour cette dernière forme augmente fortement avec l'âge ce qui en fait, à l'échelle mondiale, la troisième cause d'invalidité pour les plus de 60 ans (après les atteintes de la moelle épinière et les cancers en phase terminale) avec une prévalence de l'ordre de 4 à 6% à cet âge. Ces chiffres proviennent essentiellement des études épidémiologiques effectuées dans les pays développés, en effet bien que cette maladie s'observe sur tous les continents, elle est bien caractérisée dans les pays en voie de développement où l'espérance de vie est souvent plus courte et les enquêtes épidémiologiques plus rares. La maladie d'Alzheimer est donc considérée comme une pandémie.
À part l'âge, les autres facteurs de risque de la maladie sont mal connus et les chercheurs se tournent de plus en plus vers la recherche de causes environnementales
En effet :
L’incidence - aux mêmes âges - est (sauf au Japon, et moindrement en Amérique Centrale et du Sud) toujours plus forte dans les pays riches qu'ailleurs.
Ceci est vrai pour les populations urbaines supposées plus exposées aux pollutions, mais aussi pour les populations rurales (qui par exemple en Inde développent 5,4 fois moins d'Alzheimer qu'en Pennsylvanie). De même les afro-américains vivant aux États-Unis sont-ils beaucoup plus touchés que les Yorubas du Nigeria. Des chercheurs ont comparé l'incidence de MA dans une population Yoruba du Nigeria et chez des afro-américains génétiquement proches: fréquence comparable (26 à 29%) et élevée d'allèles APOE4, mais le risque de MA pour ces individus est deux fois moindre au Nigeria (1,15%) qu'en Amérique du Nord (2,52%) à âge égal, ce qui plaide aussi pour une cause environnementale, au moins dans 50 % des cas. Cette maladie est plus rare en Asie (alors que la population chinoise connait aussi un vieillissement important suite à la politique de contrôle de la natalité soutenue par son gouvernement depuis les années 1960). Le Japon est une exception pour les pays industrialisés et riches. La prévalence de la maladie y est presque 10 fois plus faible qu'en France.
un Japonais vivant à Hawaï ou aux États-Unis voit son niveau de risque augmenter (5,4% pour les Japonais d’Hawaii) et se rapprocher de celui d'un américain moyen, d'un caucasien ou européen.).
De même 5,7% des japonais ayant émigré au Brésil ont après quelques décennies le même risque de développer la maladie qu'un brésilien moyen.
Au Japon, l'Alzheimer est rare, mais la démence vasculaire est - comme aux USA - très élevée, probablement en raison d'un consommation trop importante de sel. Cette maladie diminue au Japon grâce à la prévention et à une prise en charge plus efficace de l'hypertension. L'exception japonaise pourrait être expliquée par le fait que, suite à la catastrophe de Minamata et de Niigata au Japon, le mercure a été banni de nombreux usages et notamment des amalgames dentaires. Le fait que cette maladie n'ait pas progressé au Japon, alors qu'on y a aussi constaté une augmentation des caries induites par la nourriture industrielle, les sucreries et boissons gazeuses sucrées suggère que le mercure serait bien en cause, et non le sucre, ou un phénomène infectieux lié à la carie elle-même. L'espérance de vie en bonne santé y est par ailleurs parmi les meilleures au monde, ce qui n'est pas le cas en France ou Belgique par exemple. L'espérance de vie est aussi la plus élevée au monde pour les japonaises).
La recherche n'a que peu exploré la piste d'un éventuel lien entre mercure dentaire et Alzheimer, mais de nombreux indices plaident pour une relation causale.
Le mercure comme cause possible pour les cas "non-familiaux" ?
Pour les cas n'ayant pas d'origine génétique, un nombre croissant d'indices désignent le mercure comme cause possible ;
Ce mercure aurait pour principale origine les plombages dentaires : L’OMS considère que le mercure-vapeur émis par les amalgames dentaires est la 1re source d’exposition mercurielle des populations occidentales.
Les amalgames perdent environ 50 % de leur mercure (soit 1/2 gramme environ par amalgame), en 10 ans, avant stabilisation, et de nombreuses études récentes ont confirmé que le taux de mercure du cerveau est corrélé au nombre d’amalgames. Une revue (monographie) des connaissances et études récentes, faite par J. Mutter montre une grande cohérence des études disponibles, et une étude suédoise récente laisse penser que les dentistes et leurs assistant(e)s sont effectivement 2 à 3 fois plus touchés par un type de cancer du cerveau (gliome), rare et pouvant être ici relié au mercure. Boyd Haley et ses collègues (Université du Kentucky) ont récemment montré comment le mercure induit une neurodégénérescence caractéristique de la MA, suite à une exposition chronique à de faibles doses de mercure-vapeur.
Une étude (de faible puissancestatistique et portant sur des vétérans de l'US Army) avait en 1993 mis en évidence un taux 7 à 8 fois plus élevé de caries racinaires chez les victimes de maladie d'Alzheimer par rapport à un groupe témoin (apparié pour l’âge et le niveau d’éducation). Par ailleurs le nombre de plombages dentaires est bien corrélé au taux de mercure mesuré dans le cerveau et c'est le mercure inhalé qui passe le mieux et plus directement au travers des poumons et qu'il est facilement stocké dans le cerveau qu'il gagne aisément grâce à sa lipophilie partielle. Ce sont les cellules gliales qui le stockent durablement, pour des dizaines d'années, sous forme d'un complexe insoluble soufré de cations mercuriques (Hg2+), après qu'il y a été oxydé par le peroxyde d’hydrogène dans une réaction catalysée par une catalase (la peroxydase). Il peut alors exercer son activité bien connue de neurotoxique.
En 2006, une étude suédoise montrait que les suédois victimes de la maladie d'Alzheimer avaient plus souvent des problèmes dentaires que les non malades.
Chez le rat de laboratoire exposé à du mercure, on observe des processus de dégénérescence du cerveau, semblables à ceux de la maladie d'Alzheimer. Le cerveau de rats de laboratoire exposés à une dose de mercure-vapeur équivalente à celle de quelques amalgames dentaires, présente les mêmes anomalies moléculaires que celles qu'on observe à l'autopsie de 80 % des cerveaux de patients morts après une M.A. Et la gravité de l'anomalie est bien corrélée au taux de mercure mesuré dans le cerveau.
On mesure un taux de mercure plus élevé dans le cerveau des malades d'Alzheimer, et tout particulièrement dans le noyau basal de Meynert au centre de l'encéphale, là où la dégénérescence neuronale est la plus forte chez les malades.
Les malades ont presque toujours un taux de mercure sanguin anormalement élevé (2 à 3 fois plus élevé que pour l'échantillon témoin) et le taux sanguin du mercure est plus élevé chez les malades qui ont le plus de protéines β-amyloïdes se déposant dans le cerveau.
Le mercure et d'autres métaux lourds ont une affinité pour les groupements thiols, or la tubuline possède plusieurs cystéines, un acide aminé possédant une fonction soufrée thiol (indispensable à la polycondensation de cette protéine cytosolique et c'est cette polycondensation qui forme les microtubules rigides, principaux constituants du cytosquelette des neurones, nécessaire au transport axoplasmique qui nourrit le neurone. Les fonctions thiol ont une affinité très élevée pour les cations mercuriques hydrosolubles, elles interviennent d'ailleurs dans les phénomènes naturels de détoxication des métaux lourds.
In vitro, de faibles doses de mercure inorganique (Hg2+) suffisent à inhiber la production de glutathion par les neuroblastomes (cellules neuronales modifiées), Le glutathion est un tripeptide soufré normalement très présent dans le cerveau qu'il protège en tant que puissant antioxydant du milieu cellulaire. À faible dose, le mercure induit aussi (démontré expérimentalement chez le porc) une hyperphosphorylation des protéines Tau et un dépôt de protéine β-amyloïde, deux caractéristiques de la MA.
la mélatonine est une hormone essentielle, produite par la glande pinéale (ou épiphyse), synchronisant les biorythmes, mais jouant aussi un rôle antioxydant et protégeant les neurones du mercure. On connaissait l'effet cytotoxique du mercure via le stress oxydatif, mais des chercheurs ont montré dans les années 2000 qu'il augmente aussi la sécrétion de bêta-amyloïde et la phosphrylation des protéines Tau dans les cellules de neuroblastome SHSY5Y. Ils ajoutent que la mélatonine protège bien les neurones contre l’action oxydante des cations mercuriques.
In vitro, dans une culture de tissu cérébral humain, de très faibles doses de mercure inorganique suffisent à inhiber la phosphorylation de la tubuline par la guanosine-triphosphate (GTP), co-facteur nécessaire à la construction des microtubules, alors que d'autres métaux (même neurotoxiques connus comme le plomb, y compris sous leur forme ionisée) n'ont pas cet effet, pas plus que le fer ou le zinc ou l’aluminium, un temps suspectés.
Le mercure inhibe la fixation des riboses sur l’adénosine diphosphate (ADP ; co-enzyme nucléotidique de la tubuline), ce qui inhibe la polycondensation de cette protéine (30), entraînant la formation d’amas neurofibrillaires cytotoxiques.
Des neurones mis en culture dégénèrent quand ils sont exposés à de très faibles doses de mercure inorganique ionisé (Hg2+) avec, dans le même temps, formation d’amas de neurofibrilles. L'Université de médecine de Calgary a produit une vidéomicroscopie qui montre qu'une dose infime de (10-7 Mol) mercure suffit à mettre à nu une gaine de microtubules, par perte des neurofibrilles qui se dépolymérisent progressivement (Voir la vidéo). Cet effet n’est pas retrouvé avec d’autres métaux neurotoxiques : aluminium, plomb, manganèse.
Des cultures de cellules souches de neurones ont été exposées à de faibles taux de mercure inorganique : celui-ci y bloque les fonctions de la tubuline, et induit la mort des cellules, par apoptose, ainsi que la formation de protéines connues pour être chaperonnes du stress thermique.
Des chélateurs (molécules captant les métaux) associés à des antioxydants permettent une solubilisation de la protéine β-amyloïde (PbA). C'est un indice de plus en faveur d'une responsabilité du mercure dans l'accumulation de cette protéine pathogène. Un métabolisme anormal (homéostasie cellulaire perturbée) de deux autres cations métalliques (cuivre et zinc, nécessaires au fonctionnement du cerveau) serait également associé à l'apparition des plaques amyloïdes. Débarrasser le cerveau de ses excès de certains métaux pourrait être une piste thérapeutique contre la MA.
In vitro, le mercure interagit négativement avec le glutamate (neuromédiateur excitateur) dont il perturbe la synthèse et le transport. Or le glutamate est essentiel pour le cerveau et la mémoire, mais ne doit pas être présent en excès. Dans la fente synaptique, les cations mercuriques (à dose micromolaire, 10-6 Mol), freinent la capture du glutamate par les astrocytes, en se fixant sur les fonctions thiols des transporteurs protéiques du glutamate. Le glutamate s'accumule et devient hyperexcitant, au point de tuer les cellules nerveuses.
In vivo, le liquide cérébrospinal des M.A contient toujours un taux anormalement élevé de glutamine-synthétase (GS), ce qui peut être dû au fait que le mercure inorganique freine l’activité de la GS dans les astrocytes bien plus efficacement que le cation méthylmercure (...avec une relation dose-dépendante, et même à très faible dose puisque 5 μM de mercure inorganique durant 6 heures suffisent à diminuer de 74% l’activité de la GS). Le mercure, en augmentant le taux de glutamate excitotoxique peut entrainer la lyse d'astrocytes. Le taux d'adénosine triphosphate (ATP) des cellules neuronales est en outre piloté par une enzyme (la créatine kinase, ou CK), qui est également vulnérable aux cations mercuriques car possédant un grand nombre de fonctions thiols. Or on constate aussi un taux anormalement bas de cette enzyme dans les zones du cerveau les plus affectées par la MA.
L'effet toxique du mercure est aggravé chez les personnes génétiquement moins aptes à sa détoxication. Or, cette susceptibilité génétique au mercure (liée au polymorphisme du gène de l’apolipoprotéine E ou APOE) est corrélée à un risque beaucoup plus élevé de développer une MA, et de la développer plus jeune. Un trouble cognitif léger a aussi plus de valeur prédictive chez ces derniers. Ce gène APOE existe sous 3 formes (allèles APOE2, APOE3 et APO4). L'APOE 2 est plutôt protecteur, alors que l'APOE4 expose au risque maximal (y compris pour l'âge). Par exemple, un caucasien homozygote pour APOE2 a 25 fois moins de risques de MA que son homologue homozygote pour APOE4 (OR =0,6 vs 14,9). C'est un argument de plus en faveur de la responsabilité du mercure.
Épidémiologie prospective
En Europe, l’incidence des démences devrait croître en 50 ans de 1,9 million de nouveaux cas par an à 4,1 millions, selon les scenarii.
En Belgique, 5 à 10 % des plus de 65 ans sont touchés et près de 20 % des plus de 80 ans.
En France, l'étude « PAQUID » (1988-2001) a fait ressortir que 17,8 % des personnes de plus de 75 ans sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'un syndrome apparenté. D'après une évaluation ministérielle de 2004, environ 860 000 personnes seraient touchées par la maladie d’Alzheimer en France. Un chiffre qui pourrait atteindre 1,3 million en 2020 et 2,1 millions en 2040. Le nombre de nouveaux cas est d'environ 225 000 par an. La prévalence des démences chez les plus de 75 ans atteint presque 18% (maladie d’Alzheimer à 80%). Ceci représente environ 900 000 malades (et dans les années 2000 environ 220 000 nouveaux cas par an), avec des tendances et projections très alarmantes : 1 200 000 malades en 2020, et plus de 2 000 000 vers 2040.
antécédents familiaux de maladie d'Alzheimer, ou existence de mutations spécifiques (préséniline, APP),
hypertension. Un traitement contre l'hypertension limite le risque de mourir précocément, mais aussi celui d'être admis pour une longue duré dans un centre de soins (risque diminuée de 49 %), pour des raisons encore incomprises. De manière générale, l'hypertension est un facteur de risque de démence. Certains se demandent même si la MA n'est pas une maladie vasculaire plutôt que neurodégénérative, notamment liée à une hypoperfusion cérébrale et à une mauvaise irrigation du cerveau, comme dans d'autres formes de démence peut-être.
maladies cardiovasculaires relativement précoces (à partir du milieu de vie)
l'isoforme 4 de l'apolipoprotéine E (rarement recherché)
antécédents personnels de dépression, de traumatisme crânien (coups, secousses importantes..), d'exposition au mercure en particulier dentaire.
Cholestérolémie
Il a été question que l'exposition à l'aluminium soit aussi en cause, mais cette hypothèse est en déclin et a toujours été controversée,
un régime pauvre en acides gras polyinsaturés oméga-3 et riche en acides gras saturés,
la consommation modérée d'alcool aurait un facteur protecteur (effet indirect controversé),
l'alcoolisme (consommation chroniques ou ivresses passagère même légères) sont par contre un facteur de risque avéré.
personnes porteuses de trisomie 21 (Maladie de Down) [4] [5] [6]