Malgré tous ces résultats très favorables, l’efficacité et la sécurité du resvératrol n’a toujours pas été démontrée chez l’homme. Certaines contre-indications sont déjà connues : un effet sur les plaquettes sanguines qui pourraient augmenter le risque de saignement. L'augmentation de durée de vie de certains animaux traités au resveratrol a été remise en question par plusieurs laboratoires travaillant sur la levure, la drosophile et le nématode. Pour plus de détails et les références d'articles scientifiques, voir la section "Sir2/SIRT1 and resveratrol" de la page calorie restriction (en anglais), montrant que la recherche continue et qu'il n'est encore pas possible de tirer des conclusions définitives quant aux effets du resvératrol sur l'être humain.
Selon, les études du Pr Roger Corder ce sont plutôt les procyanidines contenus dans le vin qui sont responsable de la longévité des hommes du Gers et de Sardaigne.
Une production excessive de radicaux libres dans l’organisme peut provoquer des dégâts importants sur les macromolécules et les cellules de cet organisme. La dégradation des lipides par le stress oxydant provoquera des dépôts de lipides oxydés dans les vaisseaux à l’origine des plaques d’athérome, perturbera le fonctionnement des membranes cellulaires et produira des dérivés carcinogènes. Les attaques radicalaires de l’ADN seront source de mutations carcinogènes et celles des protéines inhiberont les enzymes et dérégleront les signaux cellulaires de prolifération ou de défense.
Les antioxydants peuvent agir à deux niveaux de la réaction d’oxydation :
Le resvératrol, comme tous les polyphénols, possède des groupes hydroxyles phénoliques, Ar-OH, pouvant fournir des H aux radicaux peroxyles L-OO• et par là, les neutraliser sous la forme d’hydroxydes L-OOH :
Ar-OH + L-OO• → Ar-O• + L-OOH
Le radical Ar-O• étant assez stable et moins réactif, va briser la chaîne.
Comme il n’existe pas de mesure absolue d’évaluation du potentiel antioxydant d’un composé, il faut recourir à des évaluations comparatives avec d’autres composés. De plus ces comparaisons vont dépendre de la méthode d’évaluation et en particulier du radical libre péroxyle utilisé.
Le resvératrol est capable d’inhiber l’agrégation des plaquettes sanguines. Suite à une lésion d’une paroi artérielle, les plaquettes viennent s’accrocher aux parties endommagées du vaisseau et produisent de l’ADP et du thromboxane A2. Ces composés déclenchent l’agrégation des plaquettes entre elles et le thromboxane A2 provoque de surcroît une vasoconstriction. L’accumulation d’un grand nombre de plaquettes forme une masse compacte pouvant obstruer le vaisseau.
En 1995, Pace-Asciak et ses collaborateurs ont montré que deux polyphénols du vin rouge, le quercétol et le resvératrol, pouvaient inhiber in vitro l'agrégation plaquettaire induite par l’ADP (ou par la thrombine). Ils ont aussi établi que le resvératrol était capable de bloquer la synthèse du thromboxane A2 à partir de l’arachidonate. La même équipe poursuivit l’année suivante ses travaux sur 24 sujets humains auxquels ils ont fait boire par période de 4 semaines, du vin rouge, du vin blanc, du jus de raisin et du jus de raisin additionné de 4 mg·l-1 de resvératrol. L’analyse de leurs plaquettes a montré que les groupes qui avaient consommé du vin ou du jus additionné de resvératrol accroissaient leur résistance à l’agrégation plaquettaire et diminuaient leur thromboxane. Les propriétés proprement anti-inflammatoires du resvératrol ont été mises en évidence en 1997 sur la souris. On s’est aperçu que le resvératrol pouvait réduire un œdème de la patte de la souris induit par le carraghénane, en agissant au niveau des prostaglandines. Les prostaglandines et les thromboxanes sont des médiateurs lipidiques de l’inflammation dérivés de l’acide arachidonique. L’arachidonate provient lui, en général, des phospholipides de la membrane plasmique (par action de la phospholipase A2). De ce composé dérivent ensuite par la voie de la cyclo-oxygénase (COX-1 et COX-2) les prostaglandines et les thromboxanes (voir schéma).
Plusieurs travaux ont montré que le resvératrol était en mesure d’inhiber l’enzyme cible COX-2. Les études in vitro sur les cellules épithéliales et sur les macrophages ont montré qu’il pouvait réduire la synthèse de prostaglandines en inhibant l’expression du gène de la COX-2 et en diminuant directement l’activité de la COX-2.
L’aspirine est un médicament antithrombotique très souvent prescrit bien qu’une proportion importante des patients y soit résistante. En traitant des prélèvements sanguins avec le collagène (pour provoquer l’agrégation plaquettaire), Stef et ses collaborateurs ont montré que le resvératrol pouvait réduire l’agrégation des plaquettes des patients cardiaques résistants à l’aspirine, là où l’aspirine échouait. Toutefois le mécanisme précis d’action du resvératrol n’est pas parfaitement compris.
Des travaux récentssuggèrent que l’effet cardioprotecteur du resvératrol, obtenu grâce à sa puissante inhibition de l’agrégation plaquettaire et son atténuation de l’expression d’une protéine de surface, la P-sélectine, serait lié en amont à la diminution de l’activité de la phospholipase C β (PLC β). Le thromboxane A2 active les plaquettes en se fixant sur un récepteur spécifique de celles-ci couplé à une protéine G et à la phospholipase C (PLC) qui catalyse des réactions produisant IP3 (inositol triphosphate) et DAG (diacylglycérol).
L’intérêt pour le resvératrol allait être relancé en 2003 lorsqu’Howitz et ses collaborateurs après avoir testé de nombreux polyphénols sur la longévité de la levure de bière (Saccharomyces cerevisiae) s’aperçurent que le resvératrol était le plus efficace de tous. Lorsqu’une cellule de levure se divise, on peut distinguer la cellule mère de la cellule fille qui est plus petite et compter ainsi le nombre de divisions de la cellule mère jusqu’à sa mort. Alors que la longévité moyenne de la levure sauvage est de 21 générations, celle de la levure avec du resvératrol dans son milieu de culture est 35,7 générations, soit une augmentation de durée de vie de 70%.
Les auteurs ont immédiatement essayé de voir si cet effet pouvait être rapproché d’un autre mécanisme très étudié d’allongement de vie par restriction alimentaire (restriction calorique). On sait depuis les années 30 que le moyen le plus simple et le plus efficace de rallonger la durée de vie d’un animal est de restreindre sa prise alimentaire. En diminuant sa ration alimentaire normale de 30 à 40%, on permet à l’animal de vivre en meilleure santé et plus longtemps. Cet effet de restriction calorique (RC) sans malnutrition a été observé chez des espèces aussi diverses que les mouches, les vers ou les rongeurs. Lin et collaborateurs (2000, 2002) ont montré qu’en réduisant la concentration en glucose dans le milieu de culture de 2% à 0,5%, on peut allonger la durée de vie réplicative de la levure, accroître sa respiration et activer le gène Sir2. Et inversement, en invalidant le gène Sir2, la restriction calorique (RC) ne produit plus d’extension de durée de vie. Le mécanisme d’action de la restriction calorique modérée (confirmé et précisé depuis) pouvait donc être résumé ainsi :
RC ⇒ activation des mitochondries ⇒ activation de SIR2 ⇒ allongement de vie
Peu de temps après ces travaux, Howitz et ses collaborateurs s’aperçurent que, parmi les polyphénols testés, le resvératrol non seulement allongeait le plus la durée de vie de la levure mais aussi produisait la meilleure activation de SIR2. Ils postulèrent donc que le resvératrol mimait l’effet de la restriction calorique sur l’allongement de vie. La protéine SIR2 qui appartient à la famille des protéines antivieillissement, les sirtuines, possède chez les mammifères, un orthologue, SIRT1. Les sirtuines sont des enzymes dépendantes du NAD, capables de désacétyler des protéines et d’accroître la durée de vie de la levure, du ver Caenorhabditis elegans et de la mouche Drosophile.
On comprend donc les espoirs considérables suscités par le resvératrol : voilà une molécule vraiment miraculeuse qui pourrait nous permettre d’obtenir des bénéfices subtantiels pour la santé et la longévité sans devoir se priver de nourriture !!
D’autres analyses génétiques ont montré que dans la restriction calorique sévère, avec moins de 0,05% de glucose (soit 1/10 de la RC modérée), l’allongement de vie se produisait aussi mais sans activer les mitochondries et Sir2. Il semble donc que le degré de restriction calorique et son déroulement temporel puissent influencer la relation entre mitochondries, sirtuines et longévité. Plusieurs voies métaboliques d’allongement de la vie par RC sont possibles.
Une des première études de l’effet du resvératrol sur la durée de vie des vertébrés a porté sur un petit poisson à durée de vie courte, le Nothobranchius furzei. Grâce à une supplémentation en resvératrol, ce poisson voit sa durée de vie médiane et maximum s’allonger et les effets du vieillissement sur l’activité motrice se faire moins sentir.
Deux études récentes indiquent qu’un traitement au resvératrol étend la durée de vie de la souris obèse et permet de contrecarrer les effets délétères d’un régime riche en graisse. Le groupe d’Auwerx près de Strasbourg (Lagouge et al. 2006) et le groupe de Sinclair de Boston (Baur et al., 2006) ont montré que les effets bénéfiques du resvératrol sur le niveau de glucose et d’insuline des souris obèses ouvraient des perspectives intéressantes pour le traitement du diabète de type 2. Lagouge et ses collaborateurs ont administré pendant 9 semaines un régime riche en graisse, représentatif de l’alimentation des pays occidentaux, à deux groupes de souris. Le groupe dont l’alimentation était très fortement enrichi en resvératrol a montré une prise de poids inférieure de 40%. En analysant les tissus musculaires, ils se sont aperçus qu’ils contenaient beaucoup plus de mitochondries et que celles-ci étaient très actives. En accroissant la consommation d’oxygène dans les mitochondries, le resvératrol permet d’éviter une prise de poids indue et fournit une meilleure résistance à la fatigue. Lors d'un test d’endurance, les souris ayant reçu du resvératrol pouvaient courir deux fois plus loin que les autres. L’équipe a établi que l’action du resvératrol passe par l’activation de la sirtuine SIRT1 et d’un co-activateur de transcription PGC-1α qui joue un rôle fondamental dans la biogenèse mitochondriale et l’adipogenèse.
Le groupe de Sinclair eut recours à un protocole expérimental différent de celui d’Auwerx : il utilisa des doses beaucoup plus faibles de resvératrol (1/18e de la dose d’Auwerx), durant une période plus longue (deux ans) sur les souris plus âgées. Mais même avec ce traitement à faible dose au long cours, les souris recevant une alimentation grasse additionnée de resvératrol améliorent leur sensibilité à l’insuline et accroissent leur durée de vie de manière sensible par rapport aux souris recevant seulement une nourriture grasse. Par contre, elles connaissent à peu près la même prise de poids. Les études des deux groupes montrent un accroissement de la biogenèse mitochondriale, de l’activité PGC-1α, de la protéine kinase activée par AMP et des fonctions motrices.
Pour les souris nourries normalement, ad libitum, on constate qu’elles ne vivent pas plus longtemps lorsqu’elles reçoivent du resvératrol. Mais elles manifestent une plus grande résistance aux affections liées à l’âge telle une moindre albuminurie, une diminution de l’inflammation, moins de cataractes, une plus grande coordination motrice, une perte de la densité osseuse moins importante.
Chez des lémuriens microcèbe, le resvératrol diminue la prise de poids et augmente le métabolisme dans une période d'engraissement naturel. Cet effet, non observé avec les rongeurs, serait spécifique des primates. Une étude continue sur le retardement des déficits liés à l'âge et l'augmentation de la longévité.
On ne dispose pas encore de publications portant sur les effets du resvératrol sur l’activation des sirtuines chez l’homme, mais l’étude de Civitarese et de ses collaborateurs (2007) portant sur l’effet de la restriction calorique sur l’expression de SIRT1 est assez instructive. Grâce à un petit groupe de personnes qui ont accepté de réduire de 25% la valeur calorique de leur alimentation pendant 6 mois, ces auteurs ont pu observer une plus grande expression de SIRT1, un plus grand nombre de mitochondries dans les muscles, de moindre dégâts de l’ADN et une amélioration de la fonction mitochondriale.
En raison d’une forte exposition aux espèces réactives oxygénées, l’ADN mitochondrial accumule au cours du temps des mutations qui provoquent le déclin des enzymes mitochondriales. Les dysfonctionnements des mitochondries pourraient être le facteur majeur des maladies neurodégénératives. Le resvératrol qui peut passer la barrière hémato-encéphalique pourrait avoir un rôle protecteur vis-à-vis des processus neurodégénératifs dans la maladie de Huntington, de Parkinson et d'Alzheimer.
L’effet du resvératrol a été étudié sur deux modèles animaux de la maladie d’Huntington : le ver Caenorhabditis elegans surexprimant la huntingtine mutée responsable de la maladie, sur lequel des tests in vivo ont été effectués et une souris transgénique portant le gène muté (codant la huntingtine) dont les neurones ont été analysés in vitro. Dans les deux modèles, le resvératrol supprime les effets toxiques de la huntingtine mutée. Les neurones du ver retrouvent leur réactions normales et la mort neuronale est diminuée chez la souris. L’activation de SIRT1 par le resvératrol conduit à une moindre toxicité dans les cellules neurales qui expriment une forme mutée de la huntingtine.
La destruction par un neurotoxique des neurones dopaminergiques de la substantia nigra permet de simuler chez le rat la maladie de Parkinson. Après avoir fait ingérer du resvératrol (10, 20, 40 mg·kg-1) à ces rats, Jin et ses collaborateurs ont montré qu’au bout de 2 semaines les animaux pouvaient récupérer une partie de leur fonction. Ils ont testé les réponses des rats en leur injectant de l’amphétamine : les animaux n’étant lésés que d’un côté, vont se mettre à tourner rapidement sur eux-mêmes, mais ceux qui ont ingéré du resvératrol tournent beaucoup moins.
L’effet du resvératrol a été testé sur deux modèles murins de la maladie d’Alzheimer (MA) : soit des souris transgéniques portant le gène muté de l’APP, lié à la forme familiale de la MA et développant d’importantes plaques β-amyloïdes sans perte neurale, soit des souris transgéniques surexprimant la protéine p25 qui provoque une dérégulation de la protéine tau et une dégénérescence neuronale massive. On constate que les souris p25 ont un niveau de SIRT1 qui croît au fur et à mesure de la perte neurale alors que les souris du premier type ne montrent aucune augmentation de la SIRT1. En additionnant durant 45 jours à la nourriture des souris APP du resvératrol (à raison de 300 mg·kg-1·j-1), Karuppagounder et ses collaborateurs ont pu observer une diminution importante de la surface des plaques amyloïdes dans le cortex médial, le striatum et l’hypothalamus. Par contre, aucun changement significatif n’a été trouvé dans l’hippocampe, foyer principal de la maladie d’Alzheimer. Kim et ses collaborateurs ont observé in vitro que le resvératrol via l’activation de SIRT1, diminuait de moitié la mort neurale de cellules transfectées par p25-GFP. Pour réduire in vivo la neurodégénération au niveau de l’hippocampe, ils ont dû injecter directement le resvératrol dans les ventricules du cerveau des souris p25. Ils ont alors pu observer une réduction du déficit d’apprentissage et du déclin cognitif. Le resvératrol active SIRT1 qui désacétyle la protéine p53 et l'inhibition de l'apoptose a un effet neuroprotecteur.