Le théorème d'Al-Kashi, en France, loi des cosinus, dans les autres pays francophones et dans d'autres langues, ou théorème de Pythagore généralisé est un théorème de géométrie du triangle couramment utilisé en trigonométrie. Il généralise le théorème de Pythagore aux triangles non rectangles : il relie le troisième côté d'un triangle aux deux premiers ainsi qu'au cosinus de l'angle formé par ces deux côtés. Le nom français du mathématicien perse (Ghiyath al-Kashi), qui a vécu entre 1380 et 1429, lui a été attribué en France dans les années 1990, les appellations théorème de Pythagore généralisé ou loi des cosinus étant utilisées jusque là.
Soit un triangle ABC, dans lequel on utilise les notations usuelles exposées sur la figure 1 : d'une part α, β et γ pour les angles et, d'autre part, a, b et c pour les côtés respectivement opposés à ces angles. Alors, le théorème d'al-Kashi s'énonce de la façon suivante :
Les Éléments d'Euclide datant du IIIe siècle av. J.-C., contenaient déjà une approche géométrique de la généralisation du théorème de Pythagore : les propositions 12 et 13 du livre II, traitent séparément le cas d'un triangle obtusangle et celui d'un triangle acutangle. La formulation de l'époque est pédestre car l'absence de fonction trigonométrique et d'algèbre oblige à raisonner en termes de différences d'aires. Aussi la proposition 12 utilise-t-elle ces termes :
« Dans les triangles obtusangles, le carré du côté qui soutient l'angle obtus est plus grand que la somme des carrés des deux autres côtés, de la quantité de deux fois le rectangle formé d'un des côtés contenant l'angle obtus, à savoir celui sur le prolongement duquel tombe la hauteur, et de la ligne prise en dehors entre [le pied de] la hauteur et l'angle obtus. »
— Euclide, Les Éléments
En notant ABC le triangle d'angle obtus A et H le pied de la hauteur issue de B (cf. Fig. 2 ci-contre), les notations modernes permettent de résumer l'énoncé ainsi :
Il fallut attendre la trigonométrie arabo-musulmane au Moyen Âge pour voir le théorème évoluer dans sa forme et dans sa portée : l'astronome et mathématicien al-Battani généralisa le résultat d'Euclide à la géométrie sphérique au début du Xe siècle, ce qui permit d'effectuer des calculs de distance angulaire entre étoiles. C'est durant la même période que se sont établies les premières tables trigonométriques, pour les fonctions sinus et cosinus. Cela permit à Ghiyath al-Kashi, mathématicien de l'école de Samarcande, de mettre le théorème sous une forme utilisable pour la triangulation au cours du XVe siècle. La propriété a été popularisée en occident par François Viète qui l'a, semble-t-il, redécouverte indépendamment
C'est au début du XIXe siècle que les notations algébriques modernes permettent d'écrire le théorème sous sa forme actuelle et qu'il prend dans de nombreuses langues le nom de loi (ou théorème) des cosinus.
Tout comme le théorème de Pythagore, le théorème d'Al-Kashi possède de nombreuses démonstrations, certaines utilisant des propriétés sur les aires comme celles d'Euclide ou d'Al-Kashi, d'autres utilisant des propriétés trigonométriques ou liées au cercle. Enfin, le théorème d'Al-Kashi peut être vu comme une application des propriétés sur le produit scalaire.
La démonstration d'Euclide par la proposition 12 (angle obtus) et 13 (angle aigu) s'appuie sur le théorème de Pythagore et fait intervenir le point H pied de la hauteur issue de B. Pour Euclide cette propriété est une propriété sur des aires. Pour l'angle obtus (proposition 12), Euclide remarque que
Il lui suffit alors d'ajouter l'aire du carré de côté HB
et d'utiliser le théorème de Pythagore
Une démonstration analogue est réalisable pour l'angle aigu.
Dans son livre Clé de l'arithmétique en 1429, Al-Kashi généralise le théorème de Pythagore et introduit dans l'égalité la trigonométrie. Pour lui aussi, cette propriété est liée aux aires. Ainsi dans un triangle aigu ABC, il mène par A et par B les hauteurs du triangle qui découpent dans les carrés s'appuyant sur CB et CA des rectangles. La somme des aires des rectangles de diagonales BF et AG correspond à l'aire du carré sous AB et les rectangles de diagonales CF et CG ont une même aire égale à CB × CA × cos(C) Ce qui donne effectivement
Une démonstration analogue est envisageable pour un triangle obtusangle en opérant par soustraction d'aires.
Un certain nombre des démonstrations du théorème font intervenir un calcul d'aires. Il convient en effet de remarquer que
La figure 6a (ci-contre) découpe un heptagone de deux manières différentes de sorte à démontrer le théorème d'Al-Kashi dans le cas d'un angle aigu. Interviennent :
L'égalité des aires de droite et de gauche donne
La figure 6b (ci-contre) découpe un hexagone de deux manières différentes de sorte à faire démontrer le théorème d'Al-Kashi dans le cas d'un angle obtus. La figure montre
L'égalité des aires à droite et à gauche donne
Une démonstration rigoureuse nécessiterait de prouver que les deux découpages sont effectivement identiques, ce qui utilise principalement les cas d'égalité des triangles.
La figure 7 (ci-contre) indique la manière de procéder pour démontrer le théorème d'Al-Kashi dans le cas d'un triangle à angles aigus en utilisant le théorème de Pythagore sur un sous-triangle rectangle formé en prenant le pied de la hauteur . Seule la dernière étape n'est pas indiquée sur la figure : le théorème de Pythagore s'applique au triangle rectangle dont le côté c est l'hypoténuse :
ce qui donne le résultat escompté, après simplification.
La méthode est en tous points similaire pour les angles obtus.
On considère le cercle de centre B et de rayon [BC] (cf. figure ci-contre). Il coupe la droite (AC) en C et K. La puissance du point A par rapport au dit cercle est :
d'où
Contrairement aux précédentes, pour cette démonstration, il n'est pas nécessaire de recourir à une étude par cas. En effet, les mesures algébriques permettent de traiter pareillement un angle aigu () et un angle obtus ().
On trouve trace de l'utilisation de la puissance d'un point par rapport à un cercle pour déterminer tous les angles d'un triangle dont les longueurs sont connues, dans l'œuvre de Nicolas Copernic, Des révolutions des sphères célestes. Il présente ainsi deux algorithmes l'un utilisant le théorème de Pythagore généralisé présent dans l'œuvre d'Euclide, l'autre utilisant la puissance d'un point par rapport à un cercle.
Ainsi dans une figure analogue à celle ci-contre, il fait remarquer que, a et c étant connu, la puissance du point A par rapport au cercle tracé est connue
Il en déduit que, puisque b est connu, AK est connu
Puisque AK est connu, alors CK est connu.
Enfin, il fait remarquer que CK étant connu, l'angle KCB est connu
Et puisque l'angle KCB est connu, il en est de même de l'angle ACB
Ne manipulant pas les mesures algébriques, Nicolas Copernic présente deux cas de figure pour l'angle obtus et l'angle aigu, travaille sur un cercle dont le rayon correspond au plus petit côté, et ne présente pas de formule mais un algorithme de calcul. Une utilisation analogue de la puissance d'un point par rapport à un cercle pour retrouver la règle du cosinus est faite par Pitiscus
En utilisant le calcul vectoriel, plus précisément le produit scalaire, il est possible de retrouver le théorème d'Al-Kashi en quelques lignes :