Université de Douai | |
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Informations | |
Fondation | 1559 : Bulle du pape Paul IV 1562 : Inauguration |
Fondateur | Philippe II d'Espagne |
Type | Université française historique |
Régime linguistique | Latinophone (1559-1795). Francophone (1808-1815). Francophone (1854-1887) |
Localisation | |
Ville | Douai |
Pays |
Pays-Bas espagnols (1562-1668) Royaume de France (1688-1791) France (1791-1887) |
Particularités | Transfert des facultés de Douai à Lille en 1887 (Université de Lille en 1896) |
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L’université de Douai est une ancienne université créée peu de temps après le transfert de suzeraineté sur le comté de Flandre du Royaume de France à l'Empire (Pays-Bas espagnols). Autorisée par une bulle papale en 1559 et comprenant cinq facultés, elle ouvrit ses portes en 1562. Elle devint française en 1688.
L'université compta jusqu’à huit collèges, dix huit refuges d’abbayes et vingt deux séminaires, associés aux facultés des arts, théologie, droit canon et droit civil, médecine. La renommée de l'université attira de nombreux professeurs et étudiants français et flamands, mais aussi anglais, écossais et irlandais. « Seconde du royaume avec 1 705 étudiants en 1744, l’université de Douai est, au XVIIIe siècle, un vecteur de la culture française ».
Centre de la Contre-Réforme catholique, l'université de Douai fut impliquée dans des controverses politico-religieuses. Elle accueillit ainsi les intellectuels catholiques anglais récusants en exil sur le continent, en particulier des professeurs de théologie d'Oxford ; c'est dans le collège anglais de Douai que fut achevée en 1609 la traduction de la Bible en anglais connue sous le nom de « Bible de Douay-Rheims », sur laquelle John Fitzgerald Kennedy prêta serment de président des États-Unis en 1961. Après avoir accueilli les adversaires de l'anglicanisme d'outre-Manche et lutté contre le luthéranisme et le calvinisme diffusés aux Pays-Bas espagnols, l'université de Douai s'opposa à la doctrine du gallicanisme promue par le français Bossuet. En 1692, la « fourberie de Douai » permit au pouvoir royal d’éloigner de l'université les professeurs partisans du jansénisme.
Sous l'influence des jésuites, l'enseignement en mathématiques et en sciences expérimentales se développa. L’université de Douai fut également un grand centre de diffusion de la littérature néo-latine à travers l’Europe.
Suite à la guerre initiée par la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies contre la France révolutionnaire, l'université de Douai fut fermée en 1793, les fonds de sa bibliothèque furent transférés à la bibliothèque municipale de Douai en 1795.
Ancienne ville au passé universitaire prestigieux, Douai fut à nouveau choisie en 1808 et 1854 pour être le siège de nouvelles facultés. Ces facultés de Douai furent transférées à Lille en 1887, où l’université de Lille fut établie en 1896.
La désignation de Douai comme site universitaire est un aboutissement à l’époque moderne d’une tradition intellectuelle qui remonte au bas Moyen Âge dans cette principauté du Royaume de France. À une dizaine de kilomètres de Douai, l’abbaye d'Anchin était déjà un important foyer culturel du XIe siècle au XIIIe siècle, produisant de nombreux manuscrits et chartes, concurrencée notamment par le scriptorium de l’abbaye de Marchiennes, l’abbaye d'Hamage et l’abbaye de Flines. À ces activités monastiques s’ajoutent des abbayes et prieurés de Douai, assurant ainsi au XVIe siècle que « près de la ville, plusieurs abbayes fort riches pouvaient fournir des locaux et des ressources à la nouvelle université ».
Cependant, les liens de vassalité du comté de Flandre envers le Royaume de France sont abolis en 1526. En effet, le comté de Flandre devient terre d'Empire par le Traité de Madrid (1526), signé par le roi François Ier et l'empereur Charles Quint, confirmé par le Traité de Cambrai (1529). C'est donc vers l'empereur que les premières démarches du magistrat de Douai s'orientent en 1531 pour créer une université à Douai. Il faut néanmoins attendre l'avènement de son fils, Philippe II, pour que l'autorisation de fondation de l'université soit vue favorablement, en raison du contexte politique et religieux.
Douai échappe à la propagande réformiste des idées de Calvin, initié à la doctrine de Luther lors de ses études de droit à l’université d'Orléans et dont les écrits de 1536 en latin et en français se propagent dans les provinces françaises et aux Pays-Bas espagnols, jusqu'à l’université de Louvain, où en 1540 cinquante personnes sont soumises à l’Inquisition et d’où le géographe Mercator s’enfuit. En outre, Louvain est une université certes où tout l’enseignement se faisait en latin mais située dans une région de langue flamande, le risque est que les étudiants francophones des Flandres (nom sous lequel on désignait usuellement par synecdoque les Pays-Bas du Sud) préfèrent étudier aux universités de Paris, d’Orléans ou ailleurs situées en territoire francophone, quoique l’enseignement donné uniquement en latin y garantissait l’universalité. Ces aléas politico-religieux favorisent le choix de Douai pour l’installation d’une nouvelle université, officiellement latinophone, mais située en Flandre gallicante, malgré les réticences de Charles Quint, protecteur de Louvain.
À l’instigation de l’évêque d’Arras Antoine Perrenot de Granvelle et du Lillois Jean Vendeville, dans le cadre d’un programme général pour consolider le catholicisme aux Pays-Bas, une université fut d’abord établie dans la ville par Philippe II entre 1559 et 1562. En un sens il s’agissait d’une université-sœur de celle qui avait été fondée à Louvain en 1426, à 170 kilomètres de Douai. La fondation fut confirmée par une bulle du pape Paul IV le 31 juillet 1559, puis confirmée encore par le pape Pie IV le 6 janvier 1560. Les lettres patentes de Philippe II, datées du 19 janvier 1561, autorisèrent cinq facultés : théologie, droit canon, droit civil, médecine et arts. L’inauguration solennelle eut lieu le 5 octobre 1562, avec une procession du Saint-Sacrement, et un sermon prêché sur la place du Marché par François Richardot, évêque d’Arras. Le premier chancelier de l’université fut l’Anglais Richard Smyth.
Des études récentes considèrent la fondation de l’université de Douai au XVIe siècle comme un important évènement de l’époque. Tout un travail se fait pour reconstruire son profil dans les différents aspects de sa vie, y compris des prosopographies de ses professeurs et de ses étudiants, en particulier pour sa période des Habsbourg.
Le premier collège créé à Douai, fondateur de l’université, fut le « collège du Roi », ouvert en 1562. Suivit un second collège en 1564 qui fut remplacé par le collège d’Anchin (1568) et celui soutenu par l’Abbaye de Marchiennes (1570). Ces collèges sont non seulement des lieux d'hébergement des étudiants mais aussi des lieux d'enseignements avec leurs propres maîtres : « les professeurs royaux ne représentent que le dixième des trois cents enseignants de la faculté. Le Collège des Jésuites à lui seul occupe 145 maîtres ; c’est le centre le plus important de la faculté ».
« Au XVIIIe siècle, l’université de Douai est la seconde du royaume, si l’on considère les effectifs répartis dans ses établissements. Avec un total oscillant entre 1 500 et 2 000, elle dépassait de beaucoup Louvain qui ne rassemblait en moyenne que 400 élèves ».
La fondation de l’université de Douai coïncida avec la présence à Douai d’un grand nombre de catholiques anglais, écossais et irlandais, initialement à la suite de l'Acte de suprématie de Henri VIII et Cromwell en 1534, puis lors de l’avènement d’Élizabeth Ire en 1558 et du rétablissement du protestantisme en Angleterre, de son extension en Écosse en 1560 et de la reconquête de l'Irlande par les Tudors achevée en 1603.
Bien que l’université eût été fondée sur le modèle de Louvain, d’où vinrent également la majorité de ses premiers professeurs, elle connut aussi une influence anglaise au cours de ses premières années, plusieurs des postes principaux étant détenus par des Anglais (intellectuels catholiques récusants en exil sur le continent), pour la plupart d’Oxford. Il y a donc lieu de croire que de nombreuses traditions catholiques d’Oxford y ont été perpétuées. Le premier chancelier de l’université fut le docteur Richard Smyth, ancien membre du Merton College à Oxford et Regius professor of Divinity à Oxford. Le professeur Regius de Droit Canon à Douai fut pendant de nombreuses années le docteur Owen Lewis, ancien fellow du New College, à Oxford, qui avait occupé le poste correspondant dans cette université. Le premier principal du collège de Marchiennes fut Richard White de Basingstoke, autre ancien fellow de New College ; William Allen, après avoir obtenu sa licence à Douai en 1560, y devint Regius professor of Divinity.
Cette présence anglaise, jointe au rôle de l’université, incita William Allen en 1569 à fonder à Douai un séminaire pour la formation de prêtres anglais dont le programme d’études était partiellement lié à celui de l’université. Le 25 mars 1575, le gouverneur espagnol des Pays Bas exigea de William Allen le déplacement du collège de Douai à Reims, cédant aux pressions des représentants de la reine anglicane Élisabeth Ire d'Angleterre exigeant la dissolution du collège catholique. En exil temporaire à Reims, les membres du collège anglais de Douai traduisirent le Nouveau Testament du latin en anglais, qui fut publié en 1582, avant de revenir s'installer à Douai en 1593. C’est dans ce collège anglais à Douai que fut achevée en 1609 la traduction de la Bible en anglais connue sous le nom de « Bible de Douay-Rheims ». Toutefois, la première Bible catholique en anglais comprenant le Nouveau Testament de Reims et l’Ancien Testament de Douai en un seul volume ne fut pas effectivement imprimée avant 1764.
Le collège des écossais fut établi en 1573 par John Lesley, évêque et historien de Marie Stuart, qui s'opposait à la Réforme écossaise et à la déstabilisation par l'Angleterre protestante de la Auld Alliance entre la France et l'Écosse. Il fut refondé en 1608. Les Écossais résidant en France disposaient automatiquement de la double nationalité française et écossaise en vertu de la Auld Alliance. Ce collège écossais accueillit les exilés partisans des Stuart, les réfugiés jacobites en France, entre 1688 et 1692. Des collections historiques y furent déposées par le roi Jacques II d'Angleterre et VII d'Écosse (dernier monarque catholique de Grande-Bretagne) et par des exilés catholiques écossais, en complément des dépôts faits au collège des Écossais de Paris.
Le collège Saint Patrick des irlandais, quant à lui, fut fondé en 1603 par Christopher Cusack, avec le soutien de Philippe III d'Espagne, allié des irlandais catholiques contre la colonisation de l'Irlande par les anglais et engagé dans une guerre anglo-espagnole (1585-1604). Hugh O'Neill, 2e duc de Tyrone, meneur de la résistance irlandaise pendant la guerre de neuf ans en Irlande, y fit un passage sur son chemin d'exil d'Irlande vers Rome en 1607. Le collège des irlandais fut rattaché à la faculté de théologie de l'université de Douai en 1610, dont le doyen était Georges Colvenère
Le collège de la congrégation bénédictine anglaise fut créé en 1610. Le collège franciscain de l' ordre des récollets frères mineurs anglais fut établi en 1615, suivi par le collège des récollets écossais en 1625.
Les collèges entretenaient la flamme des indépendantismes écossais et irlandais ; ils étaient de ce fait surveillés par des espions et agents d'influence anglais, tels ceux du réseau de Nathaniel Parker-Forth et Nicolas Madget à partir de 1776. Un arrêté du Consulat daté du 24 vendémiaire an XI (16 octobre 1802) unifie les collèges irlandais de Toulouse, Bordeaux, Nantes, Douai, Lille, Anvers, Louvain et Paris et les fusionnèrent en un seul établissement avec les collèges écossais de Paris et Douai.
Pour les cinq facultés de l’université, on compte jusqu’à huit collèges, dix huit refuges d’abbayes et vingt deux séminaires.
La ville était un centre animé de la vie catholique et les rapports avec l’université ne concernaient pas seulement le Collège anglais, mais aussi les Collèges irlandais et écossais (c’est-à-dire les séminaires), ainsi que les établissements jésuites, bénédictins et franciscains. Pendant quelque temps il y eut aussi une chartreuse.
Le collège d'Anchin fut ouvert quelques mois après le collège anglais en 1568, grâce à une dotation de l’abbé du monastère voisin d’Anchin, et confié aux Jésuites. Après l’expulsion des Jésuites du collège d'Anchin en 1764, l’arrêt du parlement de Flandres du 3 décembre 1765 « conforte l’université de Douai dans la jouissance des collèges dont elle était en possession avant le 1er janvier 1681 ».
En 1570 l’abbé de Marchiennes fonda un collège pour l’étude du droit. L’abbé de Saint-Vaast fonda un collège du même nom en 1619. En 1592, Valentin de Pardieu, seigneur de la Motte et d'Esquelbecq, fonda le collège ou séminaire de la Motte. Par la suite, outre le Collège du Roi, le Collège d’Anchin, le Collège de Marchiennes et le Collège de Saint-Vaast, nous trouvons le Collège Saint-Thomas-d’Aquin, appartenant aux dominicains, celui du Prieuré Saint-Grégoire de Douai et d’autres encore.
En 1605 les Bénédictins établirent un collège à Douai, fondé par John White, dit Augustin Bradshaw, dans des locaux qu’ils louaient au Collège d’Anchin, mais quelques années plus tard, grâce à la générosité du monastère de Saint-Vaast, ils obtinrent un terrain et construisirent un monastère, qui fut ouvert en 1611. La maison acquit une grande réputation pour l’enseignement et fut reconstruite entre 1776 et 1781 ; un grand nombre de professeurs de l’université furent à différents moments choisis parmi ses membres.
Le monastère franciscain fut fondé surtout grâce au père John Gennings, le frère du martyr Edmund Gennings. Il fut établi dans des locaux temporaires en 1618 et les étudiants suivaient provisoirement les cours dans les écoles des jésuites, mais en 1621 un monastère fut construit et tous les enseignements nécessaires y furent donnés.
Les maisons bénédictine et franciscaine à Douai étaient proches l’une de l’autre et furent toutes les deux liées dans leur histoire avec la restauration de leurs ordres respectifs en Angleterre. Le 18 février 1793, la guerre étant déclarée contre le Royaume de Grande-Bretagne et les Provinces-Unies, « des scellés sont apposés sur les établissements de la Grande-Bretagne » à Douai et, le 8 mars 1793, l’université de Douai fut fermée ; les Anglo-Bénédictins partirent pour l’exil en Angleterre. Les collégiales irlandaises et écossaises furent les seules institutions de Douai à retrouver leur ancien monastère le 16 octobre 1802, et comme la communauté de Saint-Grégoire avait alors fixé son siège de façon permanente à Downside, elle remit sa maison de Douai à la communauté de Saint-Edmond, établie auparavant à Paris. Ces Bénédictins enseignèrent à Douai jusqu’en 1903, mais refusèrent de se conformer à la loi de 1901 de Waldeck-Rousseau sur les associations et à la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, ce qui les contraignit à quitter la France. Ils retournèrent en Angleterre, et s’installèrent à Woolhampton, près de Reading, y fondant la Douai Abbey, connue pour son école - la Douai School - qui ferma en 1999.
Par son testament du 20 juin 1629, le bruxellois Henri de Bronchorst fonda une bourse d’étude d’une durée de neuf ans en faveur des membres des lignages de Bruxelles afin de faire des études à l’université de Douai, ce qui explique le nombre important des membres du magistrat de Bruxelles qui furent formés à cette université. Cette bourse existe toujours et chaque année un membre des Lignages de Bruxelles peut l’obtenir auprès de l’administration des bourses d’études de l’ancienne province de Brabant. Le montant de cette bourse est augmenté par l’Association des Descendants des Lignages de Bruxelles.
De 1559 à 1668, l'université de Douai est dépendante des Pays-Bas espagnols, tout comme l'université de Louvain. En 1616, Jean Druys (dit Drusius), théologien confident des archiducs Albert et Isabelle, est à Douai pour une inspection de l'université. « En 1617, les résultats d’une visitatio de l’université de Louvain (…) conduisit à la publication d’un règlement organique qui portait sur les deux universités. Il fut rapidement suivi de deux règlements spéciaux, pour chaque université séparément ».
En 1668, Douai et son université passent sous la juridiction du roi de France, suite au traité d'Aix-la-Chapelle. « Ce n’est qu’en 1749 que le roi adapta les statuts par la « déclaration portant règlement sur la discipline à observer dans l’université de Douay » avec son « interprétation » en 1750. Ces deux textes régirent l’université jusqu’à son abolition en 1795 ».
Pendant la Révolution française, la Convention nationale ordonne la suppression de tous les collèges et facultés de France le 15 septembre 1793 mais cette loi fut suspendue le lendemain ; les universités subsistèrent en fait jusqu’à la loi du 7 ventôse an III (25 février 1795), créant les écoles centrales. L’université de Douai fut alors progressivement démantelée et les fonds de sa bibliothèque transférés à la bibliothèque municipale.