Crise de la vache folle - Définition

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Les conséquences de la maladie pour la filière

Alimentation des animaux d'élevage

Contexte

Les aliments concentrés sont conçus à partir de diverses matières premières, dont les farines animales avant la crise de la vache folle.

L'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage n'est pas un fait nouveau. Dès la fin du XIXe siècle elles sont utilisées aux États-Unis, et arrivent en France au début du XXe siècle, mais c'est au cours de la seconde moitié du XXe siècle, et notamment dans les années 1970, que leur utilisation s'est vulgarisée. Elles ont l'avantage d'être riches en protéines, protéines peu dégradées par les micro-organismes du rumen des ruminants. Elles apportent donc des acides aminés indispensables (lysine et méthionine) qui sont un complément utile pour les vaches laitières à forte production. Elles apportent également en quantité du phosphore et du calcium. Cet intérêt nutritionnel ne suffit pas à lui tout seul à justifier l'utilisation des farines animales dans l'alimentation. En effet, des solutions alternatives existent, comme notamment les tourteaux de soja et de colza qui peuvent être tannés pour que leurs protéines ne soient pas dégradées par les micro-organismes du rumen. Les farines animales étaient également un ingrédient peu coûteux des aliments et permettaient de « recycler » certains déchets de l'activité d'élevage.

Mais le principal intérêt des farines animales pour les éleveurs européens était de compenser leur large déficit en plantes oléo-protéagineuses tels que le soja, le tournesol ou le colza, qui sont indispensables pour apporter aux animaux les quantités de protéines nécessaires à leur bon développement. Ces plantes sont peu cultivées en Europe, qui est largement dépendante des producteurs d'Amérique du Sud et des États-Unis. Cette dépendance s'est accrue dans la seconde partie du XXe siècle du fait du développement des élevages hors-sol et des accords commerciaux mondiaux qui permettaient aux Européens de soutenir financièrement leur grain en contrepartie de l'ouverture de leurs frontières aux oléo-protéagineux étrangers.

Toutefois, l'utilisation des farines dans l'alimentation du bétail doit être relativisée. Elles n'ont jamais été une source de nourriture majoritaire pour les ruminants et leur concentration n'a jamais excédé 2 à 3 % dans les mélanges industriels distribués aux ruminants, soit au final moins de 1 % de la ration totale. Elles étaient principalement destinées aux vaches laitières, et n'étaient pas utilisées par tous les producteurs d'aliment du bétail. En France, leur utilisation a pu être atténuée par l'utilisation de tourteaux tannés suivant un procédé breveté par l'INRA et dont les autres pays européens comme le Royaume-Uni ne disposaient pas

Adaptation de l'alimentation à la nouvelle règlementation

Le soja, cultivé ici en Argentine, est la principale alternative à l'utilisation des farines animales.

Suite à la crise de la vache folle, l'incorporation de farines animales (à l'exception des farines de poissons et leurs dérivés sous certaines conditions) et de la majorité des graisses animales dans l'alimentation des espèces animales a été interdite. Cela a provoqué des changements majeurs dans les pratiques d'alimentation des éleveurs européens. L'arrêt de l'utilisation des graisses animales a notamment eu des répercussions sur la qualité technologique des aliments concentrés. En effet, elles servaient de liant pour les granulés et leur absence a augmenté la friabilité de ces granulés, et modifié également d'autres caractéristiques physiques comme leur dureté ou leur couleur. Cela a eu des conséquences sur l'appétence de l'aliment et donc le comportement alimentaire des animaux.

Ces graisses animales ont généralement été remplacées par des matières grasses d'origine végétale comme l'huile de palme et l'huile de colza. Le plus souvent insaturées, elles peuvent engendrer des défauts dans la présentation des carcasses et une moins bonne conservation des produits animaux dont le gras est plus sensible à l'oxydation. De plus, ces graisses végétales s'avèrent moins efficaces pour la granulation des aliments concentrés. Pour remplacer l'apport protéique des farines, on utilise le soja, et dans une moindre mesure le colza et le gluten de maïs. Ces produits proviennent à 95 % d'Amérique du Sud et des États-Unis, et leur importation place à nouveau les pays européens dans une situation de large dépendance. De plus, ils peuvent provenir de plantes génétiquement modifiées, courantes dans ces régions du globe, ce qui alimente les controverses sur l'utilisation des OGM pour l'alimentation animale et humaine.

Le devenir des farines animales

Chaque année, la France produit environ 600 000 tonnes de farines animales, ainsi que 160 000 tonnes de farines issues des abats et plumes de volailles. Dans le monde, ce sont presque cinq millions de tonnes qui sont produits annuellement : 2,3 millions par l’Europe, et le reste par les États-Unis. Depuis l'interdiction totale de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux domestiques, des solutions de substitution doivent être trouvées pour s'en débarrasser. Dans un premier temps, elles ont été utilisées dans l'alimentation d'autres animaux d'élevage. Ainsi, en 2000, 75 % des farines françaises entraient dans la composition des aliments pour volailles, et 17 % dans ceux destinés aux porcs. Mais cette solution n'a pas été durable, l'interdiction ayant été étendue aux autres espèces. Aujourd'hui, la solution privilégiée est l'incinération. Les cimentiers devraient utiliser la majorité de ces farines pour leur production d'énergie, et les centrales d'incinération et les centrales thermiques d'Électricité de France s'occuperaient du reste.

Adaptation des abattoirs à la nouvelle réglementation

Retrait des matériaux à risques

Les abattoirs ont du s’adapter pour assurer la collecte des différents matériaux à risques. Il a notamment fallu qu’ils achètent le matériel permettant d’aspirer la moelle épinière. Les habitudes de découpe ont été modifiées par l’interdiction de vendre de la viande attenante à une partie de la colonne vertébrale, ce qui engendre de nouvelles pratiques concernant la découpe de la côte de bœuf et du T-bone steack. De plus, il devient obligatoire de trier les os destinés à la fabrication de gélatine, ceux-ci ne devant pas comprendre les vertèbres. Pour les graisses destinées à fabriquer du suif, elles doivent être retirées avant la fente de la carcasse, afin qu’aucun éclat d’os ne provenant de la colonne vertébrale ne puisse y être présent. Au final, ces matériaux sont recueillis dans des bacs étanches où ils sont dénaturés par des colorants tels que le bleu de méthylène ou la tartrazine. On les sépare des déchets valorisables, avant qu’ils ne soient collectés par le service public de l’équarrissage. Tout cela engendre des coûts supplémentaires pour traiter les carcasses ainsi qu'un manque à gagner pour les abattoirs qui ne peuvent plus valoriser certains produits.

Modifications des pratiques

La pratique du « jonchage », ou « jonglage », qui consistait à introduire une tige métallique souple (le jonc) dans le canal rachidien, par l’orifice résultant de l’utilisation du pistolet d’abattage afin de détruire le bulbe rachidien et la partie supérieure de la moelle épinière, et qui visait à protéger le personnel contre les mouvements agoniques brusques des membres des animaux abattus s’est vue interdite en 2000. L’Afssa considérait que cette technique risquait de disperser du matériel contaminant dans la carcasse.

Affaire de l'« équarri-taxe » en France

En France, l'équarrissage (y compris l'enlèvement des animaux morts, en ferme ou en sortie d'abattoir, impropres à la consommation et qu'il convient d'éliminer le plus rapidement possible afin de juguler toute source d'infection) relève du service public. Très coûteux, il constituait, depuis longtemps, un problème financier.

La crise de la vache folle fait exploser le système. Alors que jusqu'à présent il restait possible de valoriser certains produits du traitement des cadavres, il est décidé, après bien des valses-hésitations, de tout détruire, avec deux effets cumulatifs : perte de revenus directs, et hausse des volumes à détruire et donc des coûts. On estime à 130 millions de francs le coût de la destruction des stocks de farines et de graisses constitués avant la modification de la législation obligeant à retirer les cadavres, les saisies d’abattoir et le système nerveux central de la fabrication des farines animales. Par ailleurs, la non-valorisation des cadavres (250 000 tonnes par an) et des saisies d’abattoirs (50 000 tonnes par an) engendre un manque à gagner de 350 à 400 millions d’euros par an. S'y est ajouté, dans un premier temps, un problème de stock, à cause du délai entre la décision de tout détruire (et donc d'interdire l'utilisation) et la mise en place d'une solution de destruction (qui sera trouvée chez les cimentiers, dont les fours gros consommateurs d'énergie ne sont pas exigeants sur la nature du combustible).

Dans la logique de service public et du principe pollueur-payeur, ce sont les bénéficiaires (les éleveurs et les abattoirs) qui auraient dû porter le poids financier du problème (sur le modèle de la taxe sur les ordures ménagères, par exemple). Mais, dans le contexte de crise et de revenus déjà entamés, cette solution n'est pas apparue politiquement acceptable. En 1996, il a donc été décidé que ce serait la distribution de viande qui serait taxée. Les grands opérateurs ont immédiatement porté le litige au niveau de l'Union européenne, le taux de cette taxe ayant quintuplé en 2000 pour atteindre plus de 3 %. En 2003, la Cour de justice européenne a condamné cette taxe, comme faussant la concurrence en raison d'une base de taxation inadaptée. Immédiatement des brigades de contrôle du fisc ont tenté de décortiquer la comptabilité d’une poignée d’hypermarchés pour établir que le montant avait bien été répercuté sur les clients, sans succès utile (notamment parce que cette hausse des prix unitaires s'est traduit par une perte de volume vendu, et qu'il est impossible de reconstituer rétrospectivement les gains des distributeurs si la taxe n'avait pas été levée). Les sommes versées ont donc dû être remboursées aux distributeurs, avec des intérêts moratoires 11 à 12 %.

Désormais, la « taxe sur l’abattage », acquittée par les abattoirs, est la seule en vigueur car elle respecte le principe du « pollueur-payeur ».

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