Pour passer de l'utopie à la réalité et concrétiser son projet, la fondation s'est mise en quête d'un terrain assez grand pour ses besoins. Elle a au début des années 1990 repéré un terrain d'une trentaine d'hectares non construit, en périphérie de la ville de Culemborg, enclavée entre une voie ferrée, une zone industrielle à l'Ouest et une zone de lotissements à l'Est.
Ce terrain était alors cultivé et il comprenait un verger de vieux pommiers et une peupleraie. Il avait été préservé de l'urbanisation car inconstructible en raison d'un champ captant alimentant un forage d'eau potable creusé là vers 1910. Mais ce forage ayant été au début des années 1990 approfondi (à environ 100 m de profondeur), le champ captant - hormis en son centre - est alors devenu constructible (à certaines conditions, et pour la première fois aux Pays-Bas (où les lois sur l'eau sont particulièrement strictes). L'État a donc assorti l'autorisation de construction de prescriptions et précautions obligatoires concernant la gestion de l'eau, ce qui convenait tout à fait à Marleen Kaptein et aux futurs habitants qui étaient justement soucieux de ne pas gaspiller ni polluer la ressource en eau, et même de contribuer à l'améliorer par des processus d'épuration biologiques. Le directeur de l'urbanisme de Culemborg s'est enthousiasmé pour le projet, et la ville en est devenue l'un des partenaires.
En termes de desserte et de transport en commun le terrain était par ailleurs idéalement située ; entre la gare et le centre de la ville (sachant que la gare de Culemborg est excentrée parce que le train devait autrefois prendre de l'élan pour passer en hauteur au-dessus d'une route proche).
Le projet est né dans un environnement un peu plus propice que celui des années 1980, avec une population et une administration néerlandaises de plus en plus ouvertes à l'innovation et acquise à l'environnement, suite notamment au Rapport Brundtland et à la publication d'un ouvrage intitulé Milieu : Kiezen of verliezen qui a marqué une partie du public et des décideurs néerlandais,.
Des mouvements nés dans les années 1960 tels que l'Open Building, notamment à l'université de Delft (TU Delft) promouvait déjà dans le pays une forte participation du public. S'y est greffée dans les années 1990 et l'écocitoyenneté. En 1991, un concours du VIBA intitulé « Bâtir et habiter en respectant l'homme et l'environnement » témoignait d'une volonté de rénover la construction en y intégrant l'environnement et le social.
En 1992 (année du sommet de la terre de Rio), la demande de logement était forte aux Pays-Bas ; le gouvernement néerlandais y répondait par de nouveaux « plans VINEX » (planifiant la construction de 800 000 nouveaux logements à construire en 20 ans), avec une volonté d'intégrer l'environnement dans la construction.
Des études prospectives montrant un risque de dégradation grave des services écologiques avait abouti à un premier NMP intitulé "« Se préoccuper de demain »", toutefois suivi d'un second NMP concluant à la difficulté d'impliquer le grand public et les commerçants, ce qui freinant les changements de comportements). C'est le défi que Marleen Kaptein a voulu relever avec cet écoquartier. Cette socio-éco-urbaniste particulièrement sensible au développement soutenable, avait antérieurement (en France notamment) travaillé aux moyens d'associer les futurs habitants d'HLM à la conception de leur logements. Elle venait en 1992 de suivre une formation à la permaculture qui l'a motivé pour intégrer cette approche dans un urbanisme au service de l'homme (se faisant avec la nature et non plus contre elle). Elle avait un objectif de conscientisation environnementale, qu'elle estimait nécessaire à un tissu social stable et à une plus grande autonomie. Ceci impliquait que le quartier puisse recycler localement ses déchets et contribuer à rembourser sa dette écologique par des systèmes autonomes de restauration maintien et stabilisation de l'état des sols, de l'eau, de l'air et de l'environnement (renaturation), s'appuyant sur la plasticité et la la résilience des systèmes écologiques. D’autres acteurs, intéressés par cette démarche, vont ensuite se greffer au processus.
Marleen Kaptein était convaincue que le changement de comportement nécessaire au développement soutenable et durable viendrait aussi du fait d'associer les habitants à la construction de leur maison et de leur cadre de vie dès l'avant projet d'un quartier. Elle estimait qu'il manquait les moyens et le cadre d'un travail collaboratif avec les urbanistes et architectes, au moins à l'échelle du quartier qu'ils habiteront, et avec une approche globale et heuristique.
En 1990, Marleen Kaptein estime que créer des quartiers avec les habitants est possible et nécessaire. Elle décide - sans attendre que l'État ou les promoteurs évoluent - de rassembler un groupe de gens assez nombreux et motivés pour en concevoir le projet et la réalisation. Elle pensait qu'un seuil critique de 200 à 400 maisons devait être atteint. Pour ce faire, il lui fallait donc un terrain de plus de 20 ha.
Elle a créé une fondation (« Fondation International Forum Mann and architecture ») pour promouvoir une « architecture organique » et a rassemblé autour d'elle un groupe d'amis et de connaissances (dont des scientifiques et intellectuels universitaires, désireux de pouvoir eux-mêmes et avec d'autres contribuer à créer la ville ou le quartier où ils rêveraient de vivre.
Dans la dynamique en cours du sommet de la Terre 1992, elle crée ensuite une Fondation E.V.A. qui puise dans les courants de l'écologie émergeant en Europe du Nord depuis les années 1970, avec un idéal d'autonomie et de partage, de valorisation du « génie du lieu » et de « mixité des fonctions » (habitat, travail, loisirs) que certains assimilent à la Deep ecology. De 1992 à 1994, les initiateurs du projet prévoient la construction de 250 logements, 40 000 m² de bureaux et de surfaces professionnelles, ainsi qu'une ferme urbaine écologique (assurant une production biologique et un contact avec la nature), un centre d’information, un centre de bien-être, un centre de conférences, des lieux de convivialité et d'accueil dont bars, restaurant et hôtel.
Le « projet Lanxmeer » a été lancé en 1994 par la Fondation E.V.A.
En 1995, il y a au sein d'E.V.A. consensus autour de 3 principes :
En 1996, environ 80 familles étaient réunies pour réaliser cette utopie, qu'on n'appelait pas encore à l'époque « éco-quartier », avec une écoute favorable des élus de la commune de Culemborg.
Six groupes de travail se sont constitués, animés par des spécialistes de plusieurs disciplines, sur les thèmes suivants
Un « livre des habitants » a réuni et synthétisé cette production.
C'est l'association (BEL) qui attribue les logements à ses membres (selon liste d'attente) et chaque habitant doit s'engager à respecter quelques règles communes.