Hermann Günther Grassmann - Définition

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Introduction

Hermann Günther Grassmann (15 avril 1809 à Stettin - 26 septembre 1877 à Stettin) est un mathématicien et indianiste allemand. Polymathe, il était connu de ses contemporains en tant que linguiste. Physicien, néo-humaniste, érudit mais aussi éditeur, Hermann Grassmann est avec Niels Abel, Evariste Galois et Georg Cantor l’un des grands mathématiciens « malheureux » du XIXe siècle. Selon le mot de Lewis :

« Il semble que ce soit le destin de Grassmann d'être redécouvert à l'occasion, à chaque fois... comme s'il avait été pratiquement oublié depuis sa mort en 1879. »

Il est considéré aujourd'hui comme le fondateur du calcul tensoriel et de la théorie des espaces vectoriels.

Biographie

L'enfance

Hermann Grassmann est né en Poméranie à Stettin (ou Szczecin) sur les bords de l'Oder, à une courte distance de la mer baltique. Il est le troisième des douze enfants de Justus Günter Grassmann et de Johanne Luise Friederike Medenwald. Son père, quoique fortement marqué par des études théologiques (on le dit piétiste et on pense qu'il fut pasteur), enseigne les mathématiques et la physique au Gymnasium de Stettin en Pologne. Il a fait ses études à l'Université de Halle, et enseigné d'abord comme précepteur, puis comme directeur d'école dans la ville Pyritz. On connaît également de lui quelques travaux de cristallographie. Enfant, Hermann Günther est éduqué par sa mère. Il aime la musique et apprend à jouer du piano ; rêveur, sa mémoire est mauvaise et il souffre d'un manque de concentration. Son père juge qu'il n'a rien d'un enfant prodige, et songe pour lui à un métier de jardinier ou de bijoutier. Hermann entre néanmoins au Gymnasium où enseigne son père.

Les études supérieures

Il part à Berlin en 1827, avec son frère aîné, pour aller étudier la théologie à l'université. Il prend pendant un semestre des cours de théologie, de littérature classique, de philosophie. Ces études l'épuisent et il tombe malade. Influencé par August Neander et Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher, sa passion se porte cependant vers les mathématiques. Toutefois il ne suit pas leur enseignement, ni celui de physique ; il les découvre au travers des quelques livres rédigés par son propre père.

Friedrich Schleiermacher

En 1830, il retourne à Stettin, enseigner les mathématiques, mais il rate son examen... et ne peut exercer qu’en tant qu'assistant.

Il devient professeur assistant à l'université de Berlin en 1832. C'est vers cette période qu'il fait ses premières recherches importantes en mathématiques comme il en fera lui même confession, ultérieurement à Saint-Venant dans une de ses lettres :

« J'ai été frappé par la merveilleuse similarité de vos résultats et des découvertes que j'ai réalisées vers 1832. J'ai conçu l'idée de sommer et de faire le produit de deux ou trois lignes géométriques cette année là. Mais, occupé par d'autres travaux je n'ai pu en devlopper l'idée avant 1839 »

En 1834, Grassmann prend la succession de Jakob Steiner à l'université de Berlin. Il commence réellement à enseigner les mathématiques. Il semble avoir eu quelques contacts avec Steiner...

Mais, un an plus tard, il retourna à Stettin pour enseigner les mathématiques, la physique, l'allemand, le latin et la théologie à l'école Otto. Il passe ses examens pour enseigner la théologie (deuxième partie en 1838) et commence parallèlement l’écriture de travaux sur la cristallographie. Toutefois, il n'enseignera jamais plus au niveau universitaire.

En 1839, son travail sur les cristaux est jugé intéressant par August Ferdinand Möbius.

Afin de prouver ses compétences en mathématiques, il se lance alors vers des travaux sur les marées, et à cette occasion, il établit les fondements de la théorie des espaces vectoriels et de l’algèbre linéaire. Son rapporteur, Carl Ludwig Conrad, ayant à lire un essai remarquablement long, en bâcle la lecture en 4 jours (du 26 avril au premier mai 1840). Il rate donc complètement l'importance fondamentale de ce travail.

Les premiers travaux

En 1840, il est habilité à enseigner à tous les niveaux du lycée.

En 1844, il publie (sans succès) son ouvrage majeur : Die lineale Ausdenungslehre, ein neuer Zweig der Mathematik. La théorie de l'extension.

dans la préface, il explique les raisons qui l'ont poussé dans cette étude.

« La première impulsion est venue de considération sur la signification des nombres négatifs en géométrie. Habitué à voir AB comme une longueur, j'étais néanmoins convaincu que AB=AC+CB, quelle que soit la position de A,B,C sur une droite. »

Plus loin, il décrit comment il a prolongé cette réflexion aux rectangles, à leurs aires orientées, etc, aux parallélépipèdes et à leurs volumes. Il anticipe d'un même mouvement le calcul Barycentrique de Moebius, allant plus loin que lui dans la formalisation de la multiplication d'un scalaire par un vecteur. Cette idée, Grassmann avoue qu'il la doit à son père, Justus, dont il cite un extrait, où on retrouve les accents de l'algèbre nouvelle de Viète.

« le rectangle est réellement le vrai produit de deux longueurs... »

Il en résulte une idée neuve, qui va bien au-delà de l'addition des forces ou des complexes (dont il ignore les représentations géométriques données par Gauss en 1831), et qui fonde la théorie des espaces vectoriels et plus précisément ce qu'on appelle aujourd'hui l'algèbre extérieure.

En 1846, il donne une extension de ce travail aux courbes algébriques, mais là encore, sans écho. Il remporte un prix de la société Jablonowski (la plus ancienne société de promotion des relations scientifiques et culturelles germano-polonaises ; elle est basée à Leipzig). En 1847, il demande un poste universitaire au ministre prussien de l'éducation. Celui-ci interroge Ernst Kummer. Selon ce dernier, Grassmann a écrit des choses intéressantes, mais exprimée sous forme insuffisante. Cette note prive Grassmann de toute chance d'obtenir un poste universitaire.

La révolution de 1848

Dès 1847 des émeutes de la faim secouent les villes allemandes de Poméranie. La révolution française accélère le processus et lui donne un contenu politique. Défavorable à une révolution, Grassmann recherche une troisième voie, celle d'une monarchie respectueuse des droits des citoyens.

En 1848 et 1849, Hermann et son frère Robert Grassmann se montrent favorable à l’unification de l'Allemagne sous la férule d’une monarchie constitutionnelle. Ils éditent eux-mêmes certains des journaux (le Norddeutschen Zeitung) où ils écrivent (Vossischen Zeitung ; deutsche Wochenschrift). Mais en contradiction avec la ligne politique de ces journaux, lassé sans doute du combat militant, Grassmann s'écarte de cette voie/

La même année, le 12 avril, il se marie avec Marie Therese Knappe, fille d'un propriétaire terrien de Poméranie, de quinze ans plus jeune que lui et qui lui donnera onze enfants...

Grassmann, enseignant de lycée

En 1852, à la mort de son père, il reprend le poste de ce dernier au lycée de Stettin... publie encore quelques travaux sur la résonance et une théorie du mélange des couleurs (en 1853), qui contredit celle proposée par Helmholtz. Il en sort également un essai sur la théorie des voyelles. Vers 1853, commence une légère reconnaissance Mathématique. Elle vient d’Hamilton, qui dans son ouvrage sur les Quaternions utilise les notations de Graßmann et lui rend un hommage appuyé (que Grassmann lui même ignore).

Mais cette tardive reconnaissance (intéressée semble-t-il uniquement par le souci de savoir si Grassmann lui contestera la primauté de son invention) vient trop tard : Grassmann est aigri de ne pas être reconnu pour des travaux novateurs, révolutionnaires.

En 1861, retravaillant ses ouvrages de géométrie, Grassmann redéfinit l'addition et la multiplication des entiers de façon axiomatique (par récurrence), et ce vingt ans avant Giuseppe Peano et Georg Cantor. En 1862, il publie une seconde édition de ses travaux... elle est mieux écrite, débarrassée de ses interprétations philosophiques, mais elle ne rencontre guère plus de succès.

Succès en linguistique

Grassman se tourne alors vers la linguistique avec l’aide de Franz Bopp. Il apprend le sanscrit, le Gotique, abandonne ses recherches mathématiques et se consacre à un dictionnaire de sanskrit et une traduction complète du Rigveda (1876-1877). Il est un des premiers à formaliser la toute jeune linguistique historique. Publiée à Leipzig, sa traduction sera toutefois contestée par la suite au nom d'une simplification des lexèmes, notamment par Abel Bergaigne Néanmoins, Il devient fameux pour sa traduction  ; et, soutenu par Rudolf von Roth, il entre à l’université de Tübingen et obtient par ce biais un doctorat (honorifique).

La redécouverte tardive

Hermann Hankel

Le 24 Novembre 1866, Hermann Grassmann reçoit une lettre de Hermann Hankel, qui lui fait part de sa joie à la lecture de ses théories et demande quelques éclaircissements. Une correspondance en naît mais Hankel manque de poids et ne peut rien pour Grassmann. En 1869, c’est Felix Klein, qui, au travers de la théorie de Hankel (calculs complexes) remarque le nom de Grassmann. Il en avise son collègue Alfred Clebsch. En 1871, sur recommandation de Clebsch, Grassmann est admis à l'Académie des sciences de Göttingen en qualité de membre correspondant.

Dès lors arrive la reconnaissance. Sophus Lie vient à Stettin, se faire expliquer les espaces vectoriels ! Mais c’est par la linguistique, à laquelle il donne tout son temps, qu’il finit par recevoir la consécration : en 1876, il reçoit le titre de docteur honoris Causa de l’université de Tübingen pour ses travaux en linguistique. Ses travaux dans ce domaine sont bien mieux reconnus que ses travaux mathématiques, et il est notamment élu membre de l'American Oriental Society.

Les dernières mathématiques

Peu avant sa mort, en 1877, il entreprend toutefois une réédition du livre de 1844, épuisé ou mis au pilon, faute d’acheteurs.

Grassmann éleva sept enfants dont l'un, Hermann Ernst Grassmann, devint professeur de mathématiques à l'université de Gießen et entra en correspondance régulière avec Sophus Lie.

Postérité

Ces travaux sont reconnus par Peano, en 1888. Trente ans après leur première publication. En septembre 2009 a eu lieu, entre Stettin et Potzdam, et pour fêter le bicentenaire de sa naissance, un grand séminaire international consacré à l’importance de ses travaux mathématiques. Parmi les participants français : Paola Cantù, des Archives Poincaré, Université de Nancy a2, Nancy ; Henry Crapo, du CAMS, EHESS, Paris ; Dominique Flament, de la Maison des Sciences de l'Homme & CNRS, Charles Center Moraz & Équipe F2DS, Paris ; Norbert Schappacher, de l'Institut de Recherche Mathématique Avancée, Université de Strasbourg

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