Le terme d'art roman a été forgé en 1818 par l'archéologue normand Charles de Gerville et est passé dans l'usage courant à partir de 1835. Il distingue, en histoire de l'art, la période qui s'étend de 1030 à la moitié du XIIe siècle, entre l'art préroman et l'art gothique.
L'art roman regroupe aussi bien l'architecture romane que la sculpture ou statuaire romane de la même époque. L'expression cache une diversité d'écoles régionales aux caractéristiques différenciées.
Il n'a pas été le produit d'une seule nationalité ou d'une seule région mais est apparu progressivement et presque simultanément en Italie, en France, en Allemagne et en Espagne. Dans chacun de ces pays il est apparu avec des caractéristiques propres, bien qu'avec une unité suffisante pour être considéré comme le premier style international, avec un cadre européen.
Pendant longtemps, les historiens de l'art ont opposé un art roman, produit d'une société soumise à un Dieu effrayant et un art gothique emprunt d'un optimisme triomphant d'une société glorifiant le Créateur. On identifiait simplement le style roman à la forme de ses arcs, à son élévation modeste et à sa voûte en berceau ; or de nombreux édifices de l'époque romane adoptent très tôt la croisée d'ogives. L’observation attentive des bâtiments dément la thèse de la rupture. Au XIIe siècle, pendant la phase expérimentale du gothique, des éléments romans subsistent dans les nouvelles cathédrales ; au sud de l'Europe, il existe bel et bien une continuité du roman qui continue d'être utilisé au XIIIe siècle : la cathédrale d'Albi offre une silhouette très massive et peu de vitraux alors que les cathédrales du nord connaissent l'élan gothique ; Colette Deremble évoque plutôt une " mutation du roman en gothique "[1]. L'art roman n'arrive qu'au XIIIe siècle en Angleterre et persistera jusqu'au XVe dans l'est de l'Europe. D'autre part, les premiers édifices gothiques apparurent vers les années 1130-1150 en Île-de-France. C'est pourquoi ce style est appelé par ses contemporains en latin francigenum opus ou "art d'origine française", "art français". Le mot " gothique " fut utilisé à la période romantique pour nommer cette architecture a posteriori, dans une acception péjorative. L'art gothique était l'art des Goths, autrement dit des " barbares " qui auraient oublié les techniques et les canons romains. Un certain nombre d'historiens de l'art réfutent aujourd'hui ce jugement et montrent que l'architecture gothique n'est pas en rupture avec l'architecture romane.
Nikolaus Pevsner distingue le premier art roman, de l'an mil à la Première Croisade vers 1100, et le roman classique, de 1100 au triomphe du gothique vers 1200. Gabrielle Demians D'Archimbaud identifie un premier âge et un deuxième âge roman, de part et d'autre du milieu du XIe siècle.
Vers l'an Mil, les conditions d'un renouveau de l'art sont réunies en Europe de l'Ouest.
La fin du Xe siècle est marquée par une série de changements qui affectent l'ensemble de la société et de l'économie occidentale : l'arrêt des incursions scandinaves et sarrasines, le mouvement de la paix de Dieu permettent de limiter la violence des seigneurs et de faire repartir les échanges commerciaux. Les grands défrichements et la diffusion progressive de nouvelles techniques améliorent lentement la vie rurale et permettent une croissance démographique. Cette augmentation de la population nécessite une multiplication ou un agrandissement des lieux de culte. La réouverture d'anciennes routes commerciales entraîne le développement des échanges et des pèlerinages. Toute l'Europe est envahie par une fièvre constructive authentique, stimulée par les progrès techniques (collier d'épaule ...) ; les lettrés sont parvenus à formuler un art capable de représenter toute la Chrétienté : l'art roman. Les rois et l'empereur ont tenu une place importante dans la diffusion de cet art.
Au Xe siècle, de nombreuses églises et monastères sont tombés dans les mains des seigneurs laïcs. Même la papauté est passée sous le contrôle de l'empereur germanique. Un grand nombre de clercs vendent les sacrements ou vivent en concubinage. Dans la définition de ce premier art européen, la réforme monacale effectuée par l'ordre clunisien fait suite à une révision en profondeur des communautés bénédictines. Le monastère de Cluny, fondé en 909 en Bourgogne par Guillaume Ier d'Aquitaine, diffuse la réforme en créant un réseau de prieurés à travers l'Europe chrétienne. L'ordre clunisien obéit à la règle bénédictine et adopte une liturgie splendide dans un lieu de culte grandiose. Les nouvelles obligations, comme la prière commune des moines ou la pénitence, imposent des changements dans l'architecture des bâtiments monastiques. Il favorise l'expansion de l'art roman. De nouveaux ordres religieux naissent à l'époque romane : ordres cistercien, érémitiques (Chartreux) et militaires (Templiers…).
L'art roman prend ses sources dans l'Antiquité tardive et s'inspire des œuvres carolingiennes et ottoniennes.
Le premier art roman est un art méridional et international. Il a débuté en Lombardie et s'est étendu aux régions voisines grâce aux maîtres d'œuvre de Côme. Ces derniers travaillent sur différents chantiers successifs et, avec leur matériel de maçon, imposent la structure d'église en forme de navire renversé (la nef) et les " bandes lombardes " ; il insufflent des bases solides pour un développement riche de l'architecture romane :
L'apogée du style de par sa qualité et sa beauté se dévoile entre 1050 et 1150. En provenance de la France, il se transmet principalement autour des chemins de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le deuxième art roman s'exporte en Terre Sainte grâce aux Croisades :
Pendant le XIIIe siècle, au fur et à mesure que les solutions architecturales sont renforcées et s'améliorent, l'art roman tardif se développe, conjointement avec un début spontané de l'art gothique.
L’ordre de Cîteaux a été fondé par Robert de Molesme et quelques moines en 1098, en Bourgogne. Ils souhaitent un retour intégral à la règle bénédictine. Ils considèrent que l'ordre clunisien s'en est fortement écarté. Ils proposent aux moines de respecter des principes radicaux : isolement du monde, travail manuel, silence et pauvreté. Avec saint Bernard, ces règles trouvent un écho dans l'art monastique :
Voir aussi : Renaissance du XIIe siècle
Elle décore d'abord les chapiteaux dans les cryptes, les cloîtres et les églises. À la fin du XIe siècle, elle prend place sur la façade des églises, à la manière des antiques arcs-de-triomphes[2]. La sculpture devient " monumentale ". Elle a une vertu pédagogique, celle d'enseigner la vie des apôtres et des saints, d'illustrer des passages de l'Ancien Testament. Elle s'inspire des bas-reliefs et des chapiteaux romains mais surtout des images placées dans les manuscrits enluminés et sur les objets d'orfèvrerie.
Les principaux sculpteurs connus de l'époque romane sont :
Sculptures romanes célèbres:
En relation avec le développement du culte des reliques, les orfèvres produisent des reliquaires et des châsses de grande qualité. À l’époque romane, le renouveau des sacrements et le culte des reliques provoquent un essor de l’orfèvrerie religieuse.
En France, la cathédrale de Verdun présente toutes les caractéristiques d'un plan roman-rhénan, à savoir :
une nef unique encadrée par deux chœurs, eux-mêmes flanqués de deux tours. De ce fait, les portails sont exclusivement latéraux.
L'art roman s'est développé en Bourgogne en relation avec l'essor des centres monastiques. Le rôle de Cluny en premier lieu explique le nombre important d'édifices romans dans cette région. Les cathédrales et les églises abbatiales ont des dimensions importantes. Les bâtiments monastiques ont des plans complexes, surtout à Cluny où l'ensemble est agrandi plusieurs fois par des ajouts successifs. L'abbatiale Cluny II (960-981) a servi de modèle à bien des édifices romans bourguignons. La décoration murale, le voûtement et la massivité des édifices témoignent d'influences méridionales.
Le développement de l'art roman en Normandie bénéficie d'un contexte favorable : le duc tient fermement sa principauté et la Normandie ne connaît pas l'anarchie féodale qui règne dans d'autres provinces. La croissance économique et démographique créent les conditions d'un essor architectural fécond et original. Les ducs eux-mêmes favorisent la construction de nouveaux édifices religieux. Ainsi, Richard Ier fait reconstruire l’église abbatiale à Fécamp. Mais c’est Richard II qui fit venir Guillaume de Volpiano pour ranimer la vie de l’abbaye, selon la règle bénédictine. Robert le Magnifique fonda Cerisy en 1032. Guillaume le Conquérant fait élever l'abbaye aux Hommes à Caen (1063-1077). Au XIe siècle, les Normands s'installent en Sicile et exportent leur art qui finit par se mêler à d'autres influences, arabes et byzantines.
Comme les autres régions, l'art normand s'enrichit d'influences diverses (art ottonien, bourguignon,...). L'Italien Guillaume de Volpiano dirige le chantier de l'abbaye de Fécamp au début du XIe siècle.
Façade de l'abbaye aux Hommes, Caen, Calvados |
Chapiteau roman de l'abbatiale Saint-Georges de Boscherville, Seine-Maritime |
Le palais des Normands, Palerme, Sicile, XIIe siècle |
Notre-Dame du Port, Clermont-Ferrand |
Chapiteau de l'abbaye de Mozac |
Abbatiale d'Issoire |
*byzantine par les differentes fresques et dans leurs dispositions *arabe traduit par les mosaiques de pierre (cloitre) ou arcs outrepassés *copte dans les détails décoratifs peints.
Les caractères du Puy se retrouvent dans de nombreux édifices religieux régionaux. Saint-Michel d'Aiguilhe en a été influencé. La porte d'entrée du Puy est très évocatrice de l'architecture musulmane de l'époque, comme la mosquée de Cordoue.
Les églises de cette région se sont développées grâce aux chemins de pèlerinage qui mènent au sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle, au nord-ouest de l'Espagne. Les moyens financiers qui affluent permettent aux abbés et aux évêques de bâtir des édifices somptueux. Le modèle architectural est la Basilique Saint-Sernin : doubles collatéraux, vaste transept, chevet à déambulatoire desservant des chapelles rayonnantes, dotées de reliques, caractérisent les grandes églises de pèlerinage.
L'Art roman ne pénètre en Angleterre qu'au XIIIe siècle.
Les chrétiens ont surtout été inspirés par les images des tombes étrusques qui dépaignaient des scènes d'horreur, des démons et des flammes… La mythologie étrusque s'est beaucoup inspirée de la mythologie grecque, et durant les premiers siècles de l'hégemonie chrétienne à Rome, elle a dû survivre en parallèle de la religion monotéïste. Il parait donc naturel que les chrétiens se soient inspirés, consciemment ou non, de ce qu'ils avaient sous les yeux, et surtout de ces dieux étrusques qui représentaient pour eux le paganisme, donc l'incarnation du mal.
Abbatiale Sainte-Foy de Conques, Aveyron, France |
Tympan du porche de la Gloire, Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle |