Rover lunaire - Définition

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Introduction

Eugene A. Cernan conduisant un Rover lunaire lors de la mission Apollo 17 avant son assemblage final (les caméras et antennes ne sont pas installées).

Le Rover lunaire (Lunar Roving Vehicle ou LRV en anglais) est un véhicule fabriqué à quatre exemplaires pour l'agence spatiale américaine (NASA) qui fut utilisé par les astronautes au cours des missions Apollo pour explorer la surface de la Lune. Le Rover lunaire a roulé pour la première fois le 31 juillet 1971 dans le cadre de la mission Apollo 15.

Ce petit engin tout-terrain biplace à l'allure rustique (masse à vide de 210 kg pour une longueur de 3 mètres) pouvait transporter plus de 490 kg de charge utile à la vitesse modeste de 14 km/h grâce à quatre moteurs électriques de 0,25 ch alimentés par des batteries non rechargeables. Sur le plan technique il était doté d'un système de navigation perfectionné et de roues d'une conception originale.

Le Rover fut conçu sans que les caractéristiques du sol lunaire soient connues avec précision. Il devait fonctionner dans un environnement particulièrement hostile (température élevée, absence d'atmosphère, faible gravité, terrain accidenté et meuble) difficilement reproductible sur terre. Malgré ces contraintes, le Rover lunaire a rempli sans problème majeur les objectifs qui lui étaient assignés.

Au cours des trois missions qui le mirent en œuvre (Apollo 15, Apollo 16 et Apollo 17), le rover permit aux astronautes d'accroître considérablement leur rayon d'action. Grâce au rover lunaire les astronautes purent prospecter un plus grand nombre de sites permettant d'améliorer notre compréhension de la géologie et de la formation de la Lune.

Genèse

Le rover dans les œuvres de science-fiction

Un concept récent de Rover lunaire équipé d'une cabine pressurisée

Les ouvrages de science-fiction du début du XXe siècle sont les premiers à avoir développé le concept d'un véhicule permettant de transporter des hommes sur la surface de la Lune. Le premier rover lunaire apparaît dans le roman de science-fiction A Srebyym Globie (Sur le Monde d'Argent) publié en 1901 par le polonais Jerzy Żuławski : le véhicule imaginé comporte une cabine pressurisée, est propulsé par un moteur électrique et utilise une combinaison de roues et de « jambes » bioniques. L'écrivain américain Hugo Gernsback, dans son ouvrage Les Aventures Scientifiques du baron Münschausen (1915), imagine un véhicule qui prend la forme d'une sphère de 18 mètres de diamètre qui utilise pour se mouvoir une chenille qui fait le tour de sa circonférence. L'écrivain et scientifique russe Constantin Tsiolkovski, père de l'astronautique, décrit dans son roman « Au-delà de la terre » (1918) un véhicule lunaire biplace sur roues doté d'une cabine pressurisée et propulsé par des moteurs électriques. L'engin est doté d'un système de contrôle thermique dont les principes seront repris par la suite pour certaines sondes spatiales. De petites fusées sont mises à feu pour franchir les crevasses.

Durant les années 1920 et 1930, les véhicules lunaires décrits dans les ouvrages de science-fiction relèvent plus d'une démarche humoristique que scientifique. Dans les années 1950, alors que la course à l'espace est lancée, le sujet reçoit un traitement plus sérieux. Le mathématicien et physicien britannique Arthur C. Clarke est le premier à décrire dans l'article The Exploration of Space (L'Exploration de l'Espace), un véhicule lunaire plus réaliste : « Des véhicules pressurisés équipés de grands pneumatiques qui auront les mêmes fonctions que sur Terre. Leurs moteurs seront électriques et l'énergie sera stockée dans des batteries ou fournie par une turbine, et seront propulsés par des fusées au fuel […]. ».

Du prototype au rover lunaire Apollo

Au début des années 1960, le programme Apollo qui doit conduire l'homme sur la lune est lancé. La construction d'un véhicule lunaire sort brutalement du domaine de la fiction. Mais la NASA, accaparée par la mise au point de la fusée Saturn V et des modules spatiaux, peine à définir un programme d'exploration de la lune et les moyens nécessaires. Durant cette période le Centre de vol spatial Marshall de la NASA expérimente différents prototypes de véhicule lunaire.

Les prototypes du Centre Marshall de la Nasa (1960-1969)

Les études scientifiques américaines relatives à un véhicule lunaire sont menées à compter des années 1950 : elles portent sur des véhicules de grande dimension, disposant d'une autonomie importante et prennent en compte le caractère particulièrement hostile de l'environnement lunaire.

La première étude poussée est réalisée en 1959 au sein de l'Agence pour les missiles balistiques de l'armée américaine. Cette administration, qui a en charge le développement de la fusée Redstone, souhaite définir le matériel nécessaire au fonctionnement d'une base sur la lune. L'étude porte à l'époque sur un véhicule à roues biplace pesant 900 kg et comportant une cabine pressurisée. Propulsé par des moteurs électriques alimentés par des batteries rechargeables, le véhicule a une autonomie comprise entre 80 et 240 km. En 1960, l'agence spatiale américaine NASA, qui vient tout juste d'être mise sur pied, reprend une partie de l'équipe chargée de cette étude, dont Wernher von Braun, au sein du Centre de vol spatial Marshall (Marshall Space Flight Center) et poursuit ces travaux ; à l'époque les chercheurs écartent déjà l'utilisation du pneu et préconisent un véhicule dont les quatre roues seraient mues par des moteurs électriques indépendants. Au début des années 1960 la NASA demande à plusieurs industriels des études ponctuelles sur un véhicule destiné aux missions du programme spatial qui doivent se dérouler après le débarquement sur la lune. À l'époque le scénario retenu est que ce matériel sera transporté sur la lune par une fusée dédiée, distincte de celle qui amène les astronautes : la contrainte de poids joue donc un rôle mineur dans la conception du véhicule.

En 1962, la NASA étudie avec les sociétés aérospatiales Northrop et Grumman les spécifications d'un véhicule lunaire biplace. Deux des modèles les plus représentatifs sont : un véhicule de grande taille (longueur 5,4 m et largeur 2 m) pesant 3 tonnes, pouvant accomplir des missions de 30 jours et parcourir 450 km à 14 km/h ; un véhicule de plus petite taille (longueur 3,6 m et largeur 2,5 m) pesant 1,5 tonnes pouvant accomplir des missions de 7 jours et parcourir 368 km à 7 km/h. Les deux véhicules sont dotés d'une cabine pressurisée, utilisent des roues métalliques flexibles et sont propulsés par des moteurs électriques alimentés par des piles à combustible. Le mérite de ces études est de faire un inventaire exhaustif des options techniques existantes.

En 1964, le Centre Marshall demande aux sociétés Boeing et Bendix de concevoir un véhicule, qui prend l'appellation MOLAB (Mobile Laboratory), permettant de transporter deux personnes sur une période de 14 jours. Il s'agit d'anticiper le besoin qui devrait logiquement découler du programme Apollo. Le prototype proposé par Bendix, équipé de 4 roues métalliques, pèse 3 060 kg et peut transporter en plus de l'équipage trois tonnes de matériel dans une cabine pressurisée, sur une distance de 100 km. Les dimensions du véhicule sont importantes : 9 m de long dont 3,6 m pour la cabine pressurisée et 2 m de large. Des modèles - allégés au sixième de leur poids pour simuler la gravité lunaire - les MTA (Mobility Test Article) sont construits par les deux industriels et testés pour évaluer leur comportement. En parallèle la NASA fait étudier un concept de véhicule lunaire léger, le LSSM (Local Scientific Survey Module), monoplace et sans cabine pressurisée.

La lente maturation du programme d'exploration du projet Apollo

Le 25 mai 1961, le président Kennedy, prend la décision d'envoyer des hommes sur la Lune avant la fin de la décennie, pour reprendre la suprématie aérospatiale aux russes. Le projet Apollo est lancé. Toutefois, au cours des années qui suivent, la NASA peine à définir le programme d'exploration de la Lune et les moyens nécessaires sur place (dont le véhicule lunaire) ; en effet toutes ses ressources sont mobilisées par la mise au point de la fusée Saturn V, du module de commande et du module lunaire (au moment de la déclaration du président Kennedy la NASA n'avait réussi à effectuer qu'un seul vol balistique de 15 minutes (vol Mercury III)).

En 1962, la NASA abandonne le concept d'un envoi sur la Lune en deux temps (une fusée pour l'équipage, une autre pour le matériel lourd) pour les missions Apollo programmées : la technique du rendez-vous en orbite lunaire entre module lunaire (LEM) et les modules ramenant les astronautes sur la terre permet d'effectuer la mission avec une seule fusée, grâce au gain de poids sur la masse à envoyer en orbite. Cette décision porte en germe l'abandon d'un véhicule lunaire lourd incompatible avec les capacités de la fusée Saturn V quand viendra le temps des arbitrages budgétaires.

En août 1967, la conférence de Santa-Cruz réunit la communauté scientifique et les responsables de la NASA pour définir les objectifs prioritaires du programme d'exploration de la Lune et les moyens à mettre en œuvre dans le cadre des futures missions Apollo. Le consensus se fait sur la mise à disposition d'un véhicule permettant d'élargir le rayon d'action des astronautes de 500 mètres (prévu pour les premières missions) à 10 km. La communauté scientifique demande également le développement d'un avion lunaire piloté permettant d'explorer des zones éloignées et d'un engin à roues à plus grand rayon d'action (25 km) pouvant être piloté à distance et effectuer des investigations automatiques après le départ des astronautes (le Local Scientific Survey Module ou LSSM). Ces véhicules en tout ou partie doivent être expédiés sur la lune dans une fusée dédiée (mission avec double lancement).

En 1968, la société General Motors étudie la possibilité d'envoyer un véhicule sur la Lune dans la même fusée que les astronautes et détermine qu'un engin de petit format sans cabine pressurisée et capable d'effectuer trois excursions de 20 km peut être placé dans l'étage de descente du module lunaire (LEM).

Début 1969, des études sont entreprises pour vérifier que la fusée Saturn V peut placer en orbite une charge supplémentaire, et que le module lunaire peut effectuer des missions plus longues sur la lune. Les conclusions positives (Saturn V après évolution peut satelliser 2 tonnes supplémentaires) donnent le coup d'envoi au développement du rover lunaire proposé par General Motors. Le 27 mai 1969, la NASA décide officiellement de développer un Rover lunaire léger et confie logiquement la responsabilité de sa construction au Centre Marshall qui étudie le sujet depuis près d'une décennie. Le rover doit être embarqué sur les missions Apollo à compter de 1971.

Après le succès du premier atterrissage lunaire (Apollo 11, juillet 1969), des études préliminaires sont lancées pour le développement de l'avion lunaire et du véhicule lunaire bi-mode (le LSSM).

En septembre 1970 des coupes budgétaires drastiques dans le programme Apollo, traduisant les nouvelles priorités du gouvernement Nixon, entraînent l'abandon des missions Apollo postérieures à Apollo 17. L'envoi sur la lune d'un véhicule lunaire lourd de type LSSM ou MOLAB est reporté sine die.

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