La pollution de l'eau par les produits phytosanitaires en France fait l'objet d'une part de réseaux d'observation pour évaluer l'état des lieux, et d'autre part de mesures et de recommandations pour réduire cette contamination.
Pour une description de ces produits eux-mêmes, voyez l'article : Produit phytosanitaire.
Les données présentées ci-après sont extraites du rapport de l'Institut Français de l'Environnement (IFEN) sur " Les pesticides dans les eaux ", publié en 2004 sur l'état des lieux en 2002.
En France, plus de 200 substances actives différentes de produits phytosanitaires sont observées dans les eaux superficielles et souterraines, à des teneurs variables, sans toutefois permettre de conclure sur les tendances globales d'évolution de la pollution.
Les teneurs en pesticides mesurées par des analyses de laboratoire sont interprétées de façon différente selon l'objectif de l'évaluation :
Niveau de traitement des eaux | Substance active individuelle (y compris les produits de dégradation) |
Somme des substances actives |
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Eau pouvant être distribuée sans traitement spécifique d'élimination des pesticides |
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Eau nécessitant un traitement spécifique d'élimination des pesticides avant distribution |
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Eau ne pouvant être utilisée qu'après l'autorisation du ministère chargé de la santé, et après un traitement d'élimination des pesticides. |
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(1) sauf aldrine, dieldrine, heptachlore, heptachlore époxide : ≤ 0,03 μg/l.
Le réseau d'observation sur les cours d'eau et les plans d'eau porte sur 624 points de mesure, avec au minimum 4 prélèvements par an, donnant les résultats suivants :
Le réseau d'observation sur les eaux souterraines porte sur 1 078 points de mesure, avec au minimum 1 prélèvement par an, donnant les résultats suivants sur l'aptitude à fournir de l'eau potable :
Le réseau d'observation sur les eaux superficielles utilisées pour l'alimentation en eau potable porte sur 838 points de mesure, avec au minimum 1 prélèvement par an, donnant les résultats suivants :
Le réseau d'observation sur les eaux souterraines utilisées pour l'alimentation en eau potable porte sur 2 603 points de mesure, avec au minimum 1 prélèvement par an, donnant les résultats suivants :
Les analyses en laboratoire ont pour objectif de mesures la teneur dans l'eau des substances actives des produits phytosanitaires. Pour que la détection de la présence d'un produit soit possible, il est nécessaire que la teneur soit supérieure à la limite de détection. En deçà de cette limite, la concentration est trop faible pour que la molécule soit observée. La limite de quantification constitue un autre seuil important : en deçà de cette limite, la molécule peut éventuellement être détectée, mais sa concentration ne peut pas être déterminée. La valeur de la limite de quantification varie selon la substance active, la méthode d'analyse et le laboratoire. Par exemple, la limite de quantification pour l'atrazine varie entre 0,01 μg/L et 0,1 μg/L.
Néanmoins, ce que les analyses physico-chimiques ne permettent pas, l'étude de l'indice biologique global normalisé l'autorise : la détermination de présence et de la répartition des taxons bioindicateurs polluo-sensibles ou polluo-résistants est non seulement caractéristique d'une concentration, mais aussi d'une molécule polluante donnée.
Tous réseaux confondus, 408 substances ont été recherchées dans les eaux superficielles, et 201 (49 %) ont été détectées au moins une fois. Par ordre décroissant, les fréquences de détection dans les eaux superficielles sont les suivantes :
Les herbicides sont donc les produits phytosanitaires les plus fréquemment détectés dans les eaux superficielles. Le constat des niveaux de pollution a entraîné l'interdiction de la vente et de l'utilisation de plusieurs de ces produits.
Tous réseaux confondus, 373 substances ont été recherchées dans les eaux souterraines, et 123 (33 %) ont été détectées au moins une fois. Par ordre décroissant, les fréquences de détection dans les eaux souterraines sont les suivantes :
Les herbicides sont également les produits phytosanitaires les plus fréquemment détectés dans les eaux souterraines. Les produits de dégradation sont toutefois plus fréquents que dans les eaux superficielles, du fait de la durée de la migration de ces produits depuis la surface.
Les contaminations peuvent être :
La réduction des risques de pollution ponctuelle nécessite le respect des bonnes pratiques agricoles avant, pendant et après l'application du traitement.
Il convient d'ajouter que l'utilisation de désherbants à usages autres qu'agricoles contribue aussi à la pollution des eaux par les produits phytosanitaires : les services espaces verts des municipalités, les jardiniers amateurs, la SNCF, les DDE, les golfs, les VNF (Voies Navigables de France), les terrains de l'armée, etc. sont aussi des utilisateurs non négligeables. D'autant plus que les surfaces traitées sont soit très peu perméables, soit très drainées et en contact presque direct avec les réseaux d'eaux superficielles.
Les zones non agricoles (ZNA) représentent près de 10 % des tonnages de produits utilisés (substances actives). Les transferts de produits des zones traitées vers les eaux superficielles sont supérieurs aux transferts généralement observés en parcelles agricoles.
Les bonnes pratiques agricoles(ou BPA) constituent un ensemble de règles à respecter dans l’implantation et la conduite des cultures de façon à optimiser la production agricole, tout en réduisant le plus possible les risques liés à ces pratiques, tant vis-à-vis de l’homme que vis-à-vis de l’environnement. En matière de protection des plantes, on peut également les nommer " bonnes pratiques phytosanitaires (BPP) ".
En France, un " code national des bonnes pratiques agricoles ", d'application volontaire en dehors des zones vulnérables, a été défini en application de la directive européenne 91/676/CEE du 12 décembre 1991, dite " directive nitrates ". La transposition de la directive en droit français a été assurée par le décret n° 93-1038 du 27 août 1993. Sa rédaction a été assurée par le CORPEN (Comité d'ORientation pour des Pratiques agricoles respectueuses de l'ENvironnement).
Le code ne traite explicitement que de la pollution des eaux par les nitrates issus des activités agricoles mais s’applique également pour les produits phytosanitaires. Il s'appuie sur les bases scientifiques et techniques existantes. L'objectif de ce code est de réduire les transferts de nitrates vers les eaux souterraines et de surface. Il a fait l'objet d'un arrêté du ministère de l'Environnement en novembre 1993. Le code comprend :
La plus connue des nombreuses recommandations du Code des bonnes pratiques agricoles porte sur les périodes pendant lesquelles les épandages sont inappropriés.
Par ailleurs, les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture ont mis en place en août 2000 un programme de réduction des pollutions par les produits phytosanitaires, afin de renforcer les contrôles réalisés sur ces derniers. Celui-ci prévoit des mesures au niveau national et au niveau régional.
Échelle nationale
Échelle régionale
Le programme prévoit d’intensifier les travaux des groupes régionaux chargés de la lutte contre la pollution des eaux par les pesticides, sous l’autorité des préfets de région. Les mesures soutenues par l’État sont centrées sur des actions préventives développées sur des bassins versants prioritaires. Ces actions comprennent un diagnostic des causes de pollution par bassin, un plan d’actions comprenant de la formation et du conseil, des diagnostics des pollutions diffuses et ponctuelles au niveau des exploitations, la mise en place de zones tampons ainsi que des investissements collectifs limitant les transferts de pesticides vers les eaux. En outre, il a été décidé d’appliquer, dès le 1er janvier 2000, le principe pollueur payeur aux pollutions diffuses d’origine agricole par la création d’une “pollutaxe” sur les produits phytosanitaires dans le cadre de la taxe générale sur les activités polluantes. Cette taxe est appliquée aux quantités de substances classées dangereuses entrant dans la composition des produits commercialisés. Le niveau de la taxe varie selon la toxicité et l’écotoxicité des substances. Les produits ne contenant pas de substances classées dangereuses ne sont pas taxés. L’objectif de cette taxe est double :
L’instauration de cette taxe a donné lieu à une large information des utilisateurs sur les dangers liés aux substances entrant dans la composition des produits phytosanitaires.
Suivant les principes de phytoremédiation, l'implantation de dispositifs enherbés permanents le long des cours d'eau et dans le paysage pour réduire le risque de pollution par les pesticides, vise les objectifs suivants :
L'efficacité des dispositifs enherbés est limitée en cas de :
La mise en œuvre et l'entretien des dispositifs enherbés est destinée à obtenir une implantation homogène et une bonne pérennité du couvert. Les espèces semées privilégient les graminées (implantation rapide, densité importante) telles que la fétuque élevée et le " ray grass " anglais.
L'entretien consiste à :
L'implantation des boisements de berges ou ripisylve a pour objectifs de :
Cette implantation rencontre toutefois les difficultés suivantes :
La plantation ou l'entretien de haies avec des espèces d'arbres adaptées, vise à :
Il faut noter l'intérêt de haies perpendiculaires à la pente dans le cas de ruissellement issu de parcelles où la pente est forte.
Les fossés agricoles sont susceptibles d'assurer une certaine rétention des produits phytosanitaires, dans la mesure où ils sont suffisamment riches en substrat végétal et que le débit d'eau n'est pas trop important. Les fossés enherbés ajoutent à l'efficacité du dispositif par le rôle épurateur de l'herbe.
L'entretien des fossés nécessite de :
L'enherbement naturel des chemins permet de maintenir une certaine rugosité des surfaces et de supprimer des zones préférentielles de ruissellement.
La création de talus permet de réduire la pente en amont et, ainsi, la vitesse d'écoulement de l'eau afin de diminuer son pouvoir de vecteur des produits phytosanitaires.