Introduction à la relativité générale - Définition

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Géométrie et gravitation

En paraphrasant le doyen de la recherche états-unienne sur la relativité, John Wheeler, on peut résumer la théorie géométrique de la gravitation d'Einstein comme suit : l'espace-temps commande le mouvement des masses, et les masses commandent la courbure de l'espace-temps. Nous allons examiner ce que cela signifie dans les trois sections suivantes :

  • le mouvement de particules-test (assez légères pour n'avoir aucune influence gravitationnelle) dans un espace-temps courbé ;
  • les propriétés de la matière qui servent de source à la gravitation, et qui peuvent donc influencer la courbure de l'espace-temps ;
  • finalement les relations d'Einstein qui relient ces propriétés de la matière à la courbure de l'espace-temps.

Exploration du champ gravitationnel

Pour faire la carte des influences gravitationnelles d'un corps, il est utile de penser en termes de ce que les physiciens appellent particules test : ce sont des corps qui sont influencés comme tout par la gravitation, mais qui sont eux-mêmes si petits et légers que l'on peut négliger leurs propres effets gravitationnels. L'exemple idéal est celui de la pomme légendaire que Newton vit tomber d'un arbre, ce qui lui donna l'idée que tous les corps étaient soumis à la gravitation. Et certes, les effets gravitationnels d'une pomme sur un autre corps sont totalement négligeables par rapport à ceux qu'exerce la Terre. En l'absence de gravitation, et bien sûr d'autres forces, une particule test se déplace en ligne droite à vitesse constante. Dans le langage de l'espace-temps, ceci signifie que sa ligne d'univers est droite. En présence de gravitation, l'espace-temps est courbé, c'est-à-dire qu'il n'est plus un espace de Minkowski, qui est un analogue à 4 dimensions du plan d'Euclide, mais c'est un espace plus général, décrit par un analogue de la géométrie de Riemann. Dans ce genre d'espace courbe, on ne peut plus parler de lignes d'univers droites ! Le mieux que l'on puisse faire est de parler de géodésiques, c'est-à-dire de lignes qui sont « le moins courbes possible ».

Pour prendre une analogie, la géodésie est l'art de mesurer les distances et les formes sur la Terre. Une géodésique est le plus court chemin entre deux points à la surface de la Terre. En supposant que la Terre soit une sphère parfaite, une géodésique serait alors un arc de grand cercle, comme un méridien ou l'équateur. Évidemment, ces chemins ne sont pas droits, puisque ce sont des arcs de cercle tracés sur la sphère. Mais ce sont les lignes les plus droites possible que l'on peut tracer sur la sphère.

Les propriétés des géodésiques diffèrent de celles des lignes droites. Par exemple, sur un plan, des droites parallèles ne se rencontrent jamais, contrairement à ce qui se passe pour les géodésiques sur la Terre : deux méridiens sont parallèles entre eux au niveau de l'équateur, puisqu'ils le coupent tous deux à angle droit. Cependant, tous ces méridiens partis parallèles se rejoignent aux pôles (voir figure à droite). De la même manière, les lignes d'univers de particules test en chute libre sont, en relativité générale, des géodésiques de l'espace-temps. Mais il y a des différences cruciales entre elles et les lignes d'univers droites de la relativité restreinte. En relativité restreinte, les lignes d'univers parallèles restent parallèles (des particules test qui se déplacent à la même vitesse dans la même direction restent à la même distance). Mais en présence d'effets de marée, cela ne sera pas le cas en relativité générale en général. Si par exemple, à la même distance de la Terre, on lâche deux objets immobiles au même instant, ils vont tomber vers le centre de la Terre, et par suite vont se rapprocher l'un de l'autre (voir ).

Par comparaison avec les planètes et autres objets astronomiques, les objets de la vie quotidienne (gens, voitures, maisons, et même montagnes) ont une masse petite. Ces objets peuvent donc être considérés comme des particules test, et ils ont le même comportement par rapport à la gravitation. En particulier, pour dévier une particule test de sa trajectoire géodésique, il faut lui appliquer une force extérieure. Une personne assise sur une chaise a tendance à suivre une géodésique, c'est-à-dire à tomber en chute libre vers le centre de la Terre. Mais la chaise lui applique une force externe sous les fesses, qui l'empêche de suivre cette tendance. Ainsi, la relativité générale explique l'expérience quotidienne de la gravitation à la surface de la Terre non pas comme l'attraction par une force gravitationnelle, mais comme une force fictive d'inertie analogue à celles que nous avons . Comme toutes les forces fictives, celle-ci est proportionnelle à la masse, et il faut donc une force proportionnelle à la masse pour l'équilibrer. Cette force s'appelle le poids.

Pour les objets matériels assez massifs pour que leur propre influence gravitationnelle ne puisse pas être négligée, les lois du mouvement sont quelque peu plus compliquées que pour les particules test, bien qu'il reste vrai que ce soit la géométrie de l'espace qui régit le mouvement de la matière.

Les sources de la gravitation

Dans la description de la gravitation par Newton, il existe une attraction gravitationnelle provoquée par la matière. De façon plus précise, elle est due à une propriété bien précise des objets matériels : leur masse. Dans la théorie d'Einstein, et ses parentes, la courbure en chaque point de l'espace-temps est régie par la présence de matière. Ici, aussi, la masse est une propriété clef pour déterminer cette influence de la matière sur la géométrie de l'espace-temps, et par là sur la gravitation. Mais dans une théorie relativiste de la gravitation, la masse ne peut pas être à elle seule prise pour source de la gravitation. La relativité relie entre elles la masse, l'énergie et la quantité de mouvement.

Pour un corps immobile (quantité de mouvement nulle), la masse et l'énergie sont reliées en relativité restreinte par la relation d'équivalence masse-énergie : E = m c², relation la plus connue de la relativité restreinte, tout en n'étant pas forcément la mieux interprétée. Ici, E représente l'énergie du corps, m sa masse, et c la vitesse de la lumière (299 792 458 m/s). Comme c est très grand, on se limite dans la vie courante à considérer que les variations de m sont négligeables, et que seules comptent celles de E. Et ceci est vrai dans toute la mécanique pré-relativiste.

En relativité restreinte, l'énergie est très liée avec la quantité de mouvement, que l'on nomme encore impulsion ou moment linéaire. Exactement comme dans cette théorie, l'espace et le temps sont deux aspects différents d'un espace plus large, l'espace-temps, l'énergie et le moment sont deux aspects différents d'une quantité unifiée plus vaste, que les physiciens appellent le quadri-moment. Si donc la masse, et donc l'énergie, est la source de la gravitation, il faut, pour rester cohérent avec la relativité, que ce soit le quadri-moment, moment inclus, qui soit à la source de la gravitation. Et même, pour compléter, il faut inclure les quantités qui sont directement liées à celles-ci, c'est-à-dire la pression, tension, ou autres contraintes internes au corps. Ce sont toutes ces données qui servent à régir le comportement de l'espace-temps en fonction de la matière. Dans la formulation mathématique de la théorie, toutes ces quantités ne sont que divers aspects d'une quantité physique plus générale appelée tenseur énergie-impulsion.

Cependant, il faut bien noter qu'il ne s'agit plus ici de la masse globale d'un corps que nous évoquons, mais de la répartition locale des quantités physiques dont on a besoin, sous une forme analogue à celle de densités. Par exemple, certaines des composantes du tenseur énergie-impulsion sont les densités d'énergie et de quantité de mouvement.

Équations d'Einstein

Les équations d'Einstein sont le nœud central de la relativité générale. Elles fournissent en langage mathématique une formulation précise de la relation qui existe entre la géométrie de l'espace-temps et les propriétés de la matière. Plus concrètement, elles sont formulées en termes de géométrie de Riemann, où les propriétés d'un espace (ici, d'un espace-temps) sont décrits par une quantité nommée métrique. Cette métrique contient l'information dont on a besoin pour calculer de proche en proche les grandeurs fondamentales de distance et d'angle dans l'espace en question.

Distances correspondant à 30 degrés de différence en longitude, à différentes latitudes.

Une surface sphérique comme celle de la Terre donne un exemple simple. La position de n'importe quel point peut être décrite par deux coordonnées : la latitude et la longitude géographiques. Contrairement aux coordonnées cartésiennes sur le plan, des différences de coordonnées ne correspondent pas simplement à des distances sur la surface, comme c'est montré sur le diagramme de droite : pour quelqu'un situé à l'équateur, se déplacer de 30° de longitude ouest (ligne rose foncé) correspond à 3 333 km, tandis que pour quelqu'un situé à 49° nord (en gros la latitude de Paris), se déplacer de 30° de longitude sur un parallèle (ligne bleue), à latitude constante, ne correspond qu'à 2 187 km. Mais en fait l'itinéraire le plus court (arc de grand cercle) joignant les extrémités de cet arc de parallèle ne fait que 2 172 km, car un parallèle n'est pas une géodésique. Les simples coordonnées ne sont donc pas suffisantes pour décrire la géométrie d'une surface sphérique, ou a fortiori la géométrie d'un espace ou espace-temps plus compliqué. L'information manquante est contenue dans la métrique, qui, définie en chaque point, décrit la relation entre différence de coordonnées et distance. Toutes les autres quantités intéressantes pour la géométrie, comme la longueur d'une courbe, ou la valeur des angles, peuvent être calculées à partir de cette métrique.

La fonction métrique et son taux de variation d'un point à l'autre peuvent être utilisées pour définir une quantité appelée tenseur de courbure de Riemann, qui décrit exactement comment l'espace (ou espace-temps) est courbé en chaque point. En relativité générale, la métrique de l'espace-temps et le tenseur de courbure de Riemann sont des quantités définies en chaque point de l'espace-temps. Comme il a déjà été dit à la section précédente, le contenu en matière de l'espace-temps définit une autre quantité, le tenseur d'énergie-impulsion, T. Le principe selon lequel l'espace-temps régit le mouvement de la matière et la matière régit la courbure de l'espace implique que ces quantités doivent être liées entre elle. Einstein a formulé cette relation en utilisant le tenseur de courbure de Riemann et la métrique pour définir une autre quantité géométrique G, maintenant appelé tenseur d'Einstein, qui décrit certains aspects de la courbure de l'espace-temps. L'équation d'Einstein s'écrit alors :

\mathbf{G}=\frac{8\pi G_N}{c^4}\mathbf{T},

c'est-à-dire qu'à une constante multiplicative près, la quantité G (qui décrit certains aspects de la courbure de l'espace-temps) est égale à la quantité T (qui décrit certains aspects du contenu en matière). La constante G est la constante de gravitation introduite par Newton, c est la vitesse de la lumière, et π est la constante géométrique classique (rapport de la circonférence au diamètre d'un cercle).

On parle souvent des équations d'Einstein au pluriel, car les quantités G et T sont chacune un ensemble de dix composantes, fonctions des coordonnées dans l'espace-temps, et l'équation ci-dessus exprime l'égalité de chacune des composantes de G avec un multiple de la composante correspondante de T. Les solutions exactes de ces équations décrivent une géométrie particulière de l'espace-temps ; par exemple la solution de Schwarzschild décrit la géométrie autour d'une masse sphérique, sans rotation, comme une étoile. C'est cette solution qui a conduit à la découverte des trous noirs. Par ailleurs la solution de Kerr décrit un trou noir en rotation. D'autres solutions décrivent des ondes gravitationnelles ou, pour la métrique de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker, un univers homogène, en expansion ou en contraction. Bien sûr, la solution la plus simple est l'espace de Minkowski, sans courbure, décrit par la relativité restreinte. Comme sa courbure est nulle, les équations d'Einstein montrent qu'il ne contient pas de matière, ni même de lumière (la lumière ayant une énergie, son tenseur d'énergie-impulsion ne peut pas être nul).

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