Le kérogène, du grec signifiant qui engendre la cire, est la substance intermédiaire entre la matière organique et les combustibles fossiles. Charbon, gaz et pétrole se sont formés à partir d'organismes vivants (algues, plancton, végétaux continentaux...) qui ont vécu au cours des temps géologiques (du Cambrien au Tertiaire).
Cette formation est l'aboutissement d'un long processus de sédimentation qui nécessite une succession de phases bien particulières.
La formation des combustibles fossiles (charbon, hydrocarbures et gaz) est donc une conséquence naturelle, à très long terme, de la sédimentation dès lors qu'il y a une fraction organique notable dans la matière de départ. Cette sédimentation produit un corps particulier : le kérogène, capable lui-même de produire (charbon ou pétrole et/ ou gaz) suivant l'évolution des différentes conditions environnementales. Mais sans des processus aussi longs (plusieurs millions d'années) que particuliers (la tectonique des plaques) permettant de « concentrer » les produits formés, à l'origine, de manière très diffuse, aucun gisement de combustible fossile n'existerait aujourd'hui.
Sur notre planète, vivent et meurent en permanence, des multitudes d'organismes, composés pour l'essentiel de carbone, hydrogène, azote et oxygène. Ils constituent la biomasse. Une faible partie de cette biomasse sédimente à sa mort (lorsqu'elle se retrouve incluse dans des couches minérales sédimentaires en formation). Le processus de sédimentation est un processus lent et permanent au fond des océans et des lacs, qui produit certes peu d'effets à l'échelle d'une vie humaine, mais est d'une importance capitale à l'échelle des temps dits « géologiques » (quelques millions à quelques milliards d'années).
Tous les sédiments formés, s'ils sont minéraux en apparence, comportent une fraction de matière organique (1 % en moyenne), qui se retrouve « piégée » dans le sédiment minéral en formation. Cette fraction organique subit une première transformation par les bactéries en début de sédimentation, et conduit à la formation d'un composé solide appelé kérogène, disséminé - vu sa faible proportion : de simples petits filets dans la partie minérale. Cette dernière s'appellera la « roche mère ».
Bien qu'il ne soit présent qu'en faibles proportions dans les sédiments en règle générale, le kérogène représente, à l'échelle de la planète, une masse totale de 10 000 000 Gt. Seulement 0,1 % de ce kérogène (c’est-à-dire un millième de la totalité de la matière organique sédimentée) forme le charbon (mais cela fait encore 10.000 Gt !), le gaz et le pétrole représentent chacun 0,003 % du kérogène total en ordre de grandeur (mais cela fait encore quelques centaines de milliards de tonnes).
La formation proprement dite du kérogène commence par la formation de la roche dite mère : il s'agit initialement de boues dans lesquelles les molécules organiques sont présentes.
- Rappel : 1 Gt = 1 milliard de tonnes.
De par la tectonique des plaques, les sédiments s'enfoncent lentement dans le sol. De par la géothermie, la température ambiante augmente alors progressivement. La vitesse d'enfouissement étant variable, la température de l'ensemble sédimentaire augmente de 0,5 à 20 °C par million d'années. À son tour, chaque petit filet de kérogène produit de l'eau qui est parfois expulsée sous l'effet de la pression des couches situées au-dessus du sédiment.
À partir de 50 à 120 °C, le kérogène subit, en anaérobie, une décomposition thermique : la pyrolyse. Dans un premier temps, cette décomposition « extrait » l'eau et le CO2 du kérogène. Ensuite, les températures croissant continuellement, le kérogène expulse des hydrocarbures liquides : le pétrole et le gaz « naturel ». Chaque petit filet de kérogène commence donc à produire des hydrocarbures. Plus le sédiment est profond (et donc plus chaud), et plus la fraction de gaz est importante du fait d'une pyrolyse plus intense (en temps comme en température), décomposant ainsi plus fortement le kérogène puis les hydrocarbures liquides eux-mêmes. Il « suffit » de quelques millions d'années pour que le kérogène se transforme partiellement, sous l'effet de la chaleur, en charbon ou pétrole, gaz, CO2 et eau.
C'est l'apparition du gaz, au fur et à mesure que le kérogène est porté à une température croissante (résultant de l'enfouissement), qui finit par stopper la pyrolyse. La pression de gaz dans les petites poches qui contenaient le kérogène initial augmente en effet dans les couches profondes (de plus en plus chaudes), et lorsque cette pression devient suffisante pour vaincre « l'imperméabilité » de la roche mère, la fraction liquide et la fraction gazeuse sont progressivement expulsées de la roche mère.
L'âge de la roche mère varie de 1 million à 1 milliard d'années au moment de la migration. Pour le pétrole, l'âge le plus fréquent se situant aux alentours de 100 millions d'années.
Il est dû à une variété particulière de kérogène, qui se forme à partir de débris de végétaux dits « supérieurs » (arbres, fougères, prêles, lycopodes ...). C'est un kérogène qui présente la caractéristique d'être dominant dans le sédiment au lieu d'y être minoritaire. Le premier stade de sédimentation conduit à la tourbe. Lors de l'enfouissement, la pyrolyse conduit ensuite à la formation de lignite, puis de houille, puis d'anthracite, qui est du carbone presque pur, débarrassé de l'essentiel de son hydrogène (et comme il s'agit d'un stade ultime de pyrolyse, l'anthracite est généralement le plus profond des charbons). Comme pour les autres kérogènes, le charbon produit du pétrole et du gaz au cours de son enfouissement, bien qu'en moindres quantités en ce qui concerne le pétrole. La formation de pétrole à partir du charbon a lieu au stade houille, et le méthane formé s'appellera le grisou.
Mais l'histoire de ce réservoir de pétrole ne s'arrête pas là : pris dans le mouvement de tectonique des plaques, il se trouve inexorablement entraîné vers les couches profondes de plus en plus chaudes. De ce fait, le pétrole peut subir une nouvelle pyrolyse, (un peu l'équivalent d'un craquage thermique en raffinerie) qui va produire du gaz et une variété particulière de bitume (le pyrobitume) en quantités croissantes avec le temps et la température.
Si le réservoir, décrit ci-dessus, est bien étanche (d'argile, de glaise, ...), cette nouvelle plongée entraîne la formation d'un gisement essentiellement gazier. Si le réservoir est insuffisamment étanche, le gaz s'échappe et il ne reste que les bitumes (ou asphaltes) dans les porosités de la roche réservoir. Cela explique pourquoi, dans les bassins sédimentaires, les réservoirs de gaz sont généralement plus profonds que les gisements pétroliers (en fait pétro-gaziers).