Sans utiliser les outils sophistiqués que représente la théorie de Galois, il est possible de démontrer des propriétés fortes sur les polynômes cyclotomiques. Ce sont celles présentées dans ce paragraphe. Elles ont toutes été démontrées par Gauss dans son traité de 1801.
Pour un souci d'exposition, la définition initiale du polynôme cylotomique Φn(X) utilisée ici est, avec les notations de la définition :
Les propriétés suivantes sont vérifiées:
L'identité sur les degrés fournit immédiatement :
Cette identité peut aussi s'obtenir par des considérations sur la fonction de Möbius ou par un raisonnement direct de dénombrement des éléments de l'anneau Z/n Z (lire indicatrice d'Euler).
Cette égalité fournit une expression du polynôme cyclotomique, à l'aide de la formule d'inversion de Möbius. La démonstration est proposée dans l'article Fonction de Möbius. Ici la fonction de Möbius est notée μ :
La figure de droite illustre ces propriétés. Le groupe des racines d'ordre six est décrit par quatre polynômes cyclotomiques, deux racines associées à des polynômes de degré un : un et deux, et quatre de degré deux avec les deux valeurs troisièmes et les deux valeurs sixièmes.
où le polynôme Qn(X) est le produit de tous les polynômes cyclotomiques d-ièmes avec d divisant strictement n (ie d divise n et est distinct de n). Par hypothèse de récurrence, Qn+1(X) est le produit de polynômes unitaires à coefficients entiers et donc lui-même un polynôme unitaire à coefficient entier. Divisons alors le polynôme à coefficients dans les entiers Xn-1 par Qn+1(X) dans l'anneau Z[X] des polynômes à coefficients entiers. Cela est réalisable car Q est unitaire ; on obtient alors l'identité:
Avec A(X)et B(X) élément de Z[X], et B de degré strictement inférieur à n. Réalisons maintenant la division euclidienne dans l'anneau Q[X] l'anneau des polynômes à coefficients rationnels. Il existe une unique solution avec le degré de B(X) strictement inférieur à n+1. On en déduit que les divisions euclidiennes dans Q[X] et dans Z[X] donnent exactement le même résultat. En conséquence, B(X) est égal au polynôme nul et A(X) est égal au polynôme cyclotomique. Donc le polynôme cyclotomique est à coefficients entiers.
Soit z la première des racines primitives n-ièmes. C’est-à-dire z = exp(2π.i/n). Soit M1(X) le polynôme minimal de z
z est racine du polynôme Xn - 1 est donc son polynôme minimal divise ce polynôme. Il existe donc un polynôme à coefficients entiers tel que l'égalité suivante soit vérifiée:
Où λ est choisi de telle manière à ce que le polynôme P(X) soit à coefficients entiers. La démonstration précédente a établi que dans ce contexte, λ.M1 (X) est aussi un polynôme à coefficients entiers. De plus comme Xn - 1 est unitaire, il en est de même pour M1 (X) et P(X) et λ est égal à 1.
Raisonnons par l'absurde et supposons que cela ne soit pas le cas. Soit Mp (X) le polynôme minimal de z p alors Mp (X) ne divise pas M1 (X) mais divise Xn - 1. Il divise donc le polynôme P(X). Il existe donc un polynôme Q(X) vérifiant l'égalité suivante:
Un raisonnement analogue à celui sur P(X) montre que Q(X) est unitaire à coefficients entiers. z p est racine du polynôme Mp (X) et donc z est racine du polynôme Mp [Xp]. On en déduit que Mp [Xp] est un multiple de M1 (X). Il existe donc un polynôme unitaire R(X) à coefficients entiers vérifiant:
Par passage au modulo p, en remarquant que la formule du binôme devient
Soit D(X) un diviseur irréductible de degré strictement supérieur à 1 de M1 (X) dans l'anneau quotient, alors il divise aussi Mp (X) dans l'anneau quotient puisqu'il divise sa puissance. On en déduit que son carré divise Xn - 1 et D(X) divise la dérivée formelle de Xn - 1 dans l'anneau quotient (cf l'article polynôme formel). D(X) divise donc nXn-1 dans l'anneau quotient, et ce polynôme est non nul car n et p sont premiers entre eux. On en déduit que D(X) est égal à X car il est irréductible. Or X ne divise pas Xn - 1 dans l'anneau quotient. D'où une contradiction. En conséquence nous avons montré que Mp (X) est égal à M1 (X).
Le nombre k est produit de q nombres premiers qui ne divisent pas n. Une récurrence sur q permet de conclure. Si q vaut 1, la proposition précédente permet de conclure. En supposant la propriété vraie pour le rang q-1, si z' est égal à z à la puissance le produit de q-1 nombres premiers ne divisant pas n, z' est racine de M1 (X) et le raisonnement précédent montre que z' à la puissance un nombre premier ne divisant pas n est encore racine de M1 (X), donc z à la puissance le produit de q nombres premiers ne divisant pas n est racine de M1 (X).
En conclusion, le polynôme minimal de z contient pour racine au moins toutes les racines du polynôme cyclotomique. Le polynôme cyclotomique divise donc le polynôme minimal. Comme ce dernier est irréductible, l'égalité est établie.Soit p la caractéristique du corps premier, ce corps est celui de l'arithmétique modulaire isomorphe à Z/p.Z. On peut considérer dans un tel corps un polynôme du type Xn - 1, par exemple dans F2[X] le polynôme X3 - 1. Dans le cas de
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Dans ce corps, t et 1 + t sont les deux racines supplémentaires du polynôme X3 - 1. L'étude des extensions algébriques montre que tout corps contenant les racines d'un polynôme contient un sous corps isomorphe à F4. En conséquence tout corps de caractéristique deux contenant les racines possède une copie exacte de F4. Les solutions trouvées et leur comportement algébrique sont donc toujours les mêmes. Ce résultat est général à toute extension finie et donc à tout polynôme cyclotomique.
La théorie des corps finis permet d'aller plus loin. Les seules extensions d'un corps premier Fp sont une extension de cardinal une puissance de p et il existe une et une unique extension de cardinal pm où m est un entier strictement positif. De plus, le groupe multiplicatif d'une telle extension est un groupe cyclique de cardinal pn - 1 (0 n'est pas élément du groupe multiplicatif car il n'a pas d'inverse). La figure de droite l'illustre dans le cas de F4, tout élément autre que 0 apparaît comme une racine de l'unité. La multiplication est représentée graphiquement comme on le fait pour le corps des complexes. En revanche, l'addition n'est pas représentée.
Dans le cas d'un corps fini de caractéristique p et de cardinal pd il existe un automorphisme digne d'intérêt: l'automorphisme de Frobenius. À un élément x du corps il associe xp. Cet automorphisme est un générateur du groupe de Galois et sa d-ième puissance est égale à l'identité. Pour cette raison et dans ce contexte on appelle souvent le groupe de Galois groupe de Frobenius. Cette égalité se traduit en terme polynomial par:
Et tout élément du corps différent de zéro est une racine de l'unité. Un polynôme irréductible autre de X (qui admet pour racine zéro) est un polynôme cyclotomique. La détermination des polynômes cyclotomiques correspond donc à un classement des polynômes irréductibles. On en déduit la proposition suivante:
Soit z1 une racine primitive n-ième de l'unité. La théorie de Galois démontre que son polynôme minimal admet pour racines les images de z1 par le groupe de Frobenius, car un corps fini est une extension galoisienne du corps premier. Ce qui se traduit en termes mathématiques
L'image par un automorphisme d'une racine n-ième primitive de l'unité est une racine primitive n-ième de l'unité, et:
Il reste à savoir si les deux polynômes sont égaux, c’est-à-dire si l'orbite de z1 contient toutes les racines primitives n-ième de l'unité. L'exemple donné sur F2 montre que ce n'est pas toujours le cas. La théorie de Galois permet d'affirmer que le degré du polynôme cyclotomique de z1 est la dimension δ du corps de décomposition, considéré comme un espace vectoriel sur le corps primitif. Le corps de décomposition est un ensemble de cardinal pδ. Son groupe multiplicatif est un groupe cyclique d'ordre pδ -1. L'analyse des groupes cycliques montre que ce groupe contient les racines n-ième de l'unité si et seulement si son cardinal est un multiple de n. En conséquence δ est égal à l'ordre multiplicatif de p modulo n, c’est-à-dire le plus petit entier δ tel que pδ-1 soit un multiple de n.
Le théorème d'Euler montre que:
Cependant, l'ordre multiplicatif de p modulo n est égal à φ(n) si et seulement si n - 1 n'est pas un multiple de p. Dans l'exemple précédent, p est égal à 2, n à sept, φ(n) égale six, un multiple de p. Le théorème d'Euler est bien vérifié car soixante quatre est congru à un modulo sept, mais l'ordre multiplicatif est égal à trois car huit est congru à un modulo sept.
Des exemples sont donnés dans l'article corps fini.