À cette vision statique de l'eau, il est nécessaire d'ajouter une vision dynamique, celle constituant le « cycle de l'eau ».
Flux annuels planétaire | ||
Évaporation | Sur les continents | 71 000 km3/an |
Sur les océans | 411 000 km3/an | |
Précipitations | Sur les continents | 111 000 km3/an |
sur les océans | 385 000 km3/an |
Depuis le XVIIIe siècle, on sait que le cycle de l'eau fonctionne par ascensum, c'est-à-dire par évapotranspiration à la surface de la Terre, circulation dans l'atmosphère (via les nuages) puis retombée à la surface (pluie). D'un point de vue global, il est faux de dire que l'évaporation sur les océans alimente les précipitations sur les continents : en réalité, l'évaporation se produit à la fois au-dessus des océans et sur les continents (par le biais notamment des végétaux).
La différence de flux (entre précipitations et évaporation) représente 40 000 km3/an. Il correspond à :
Il est généralement admis que la quantité d'eau contenue dans l'atmosphère est de 13 000 km3 et que la durée de séjour de la vapeur d'eau dans l'atmosphère est généralement d'environ huit jours.
Alors que la Convention de Barcelone de 1921 définit les règles de navigation sur les cours d'eaux internationaux, seuls des textes d'application locale traitaient au cas par cas des règles d'utilisation des ressources en eaux entre deux ou plusieurs pays, en particulier dans le cas des aménagements hydroélectriques.
Les États situés en amont sont tentés de recourir à la « doctrine Harmon », qui reconnaît à l'État l'entière souveraineté sur les ressources hydriques situées sur son territoire. Cette doctrine est due à un juge américain qui, en 1896, reconnut aux États-Unis le droit de réduire le débit d'un fleuve coulant vers le Mexique.
L'Assemblée générale des Nations unies a chargé en 1970 la Commission du droit international de préparer une codification des règles d'utilisation des voies d'eau internationales à des fins autres que la navigation. Ces travaux ont abouti à la rédaction d'une convention internationale adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 24 mai 1997. Cette convention définit la notion de bassin de drainage international en incluant les eaux de surface et les eaux souterraines. Elle réserve à chaque État d'un bassin hydrographique une part « raisonnable et équitable » dans l'utilisation des eaux du bassin de drainage international. Le calcul de cette part dépend des conditions naturelles et des besoins économiques de chaque État, ainsi que du coût des mesures d'aménagement. Un État ne peut causer des dommages à ses voisins par son utilisation d'un cours d'eau.
Cette convention n'entrera toutefois en vigueur que lorsque 35 pays l'auront ratifiée. Dans le même temps, avec par exemple le Regional and National research programmes network on Integrated Water Resource Management (IWRM-net), des approches plus internationales de la gestion des eaux douces pourraient émerger.
De nombreux facteurs engendrent à l'heure actuelle des gaspillages importants.
Le mauvais entretien des canalisations et adductions d'eau entrainent des déperditions massives. On estime qu'elles sont de l'ordre de 40 % dans les villes latino-américaines. Les pertes seraient de 40 % à 60 % à Riyad (alors que la capitale saoudienne consomme une eau produite à grand frais par ses usines de dessalement). Mais de tels gaspillages ne sont pas propres aux pays du sud. Au Royaume-Uni, les compagnies des eaux privées perdent environ 30 % de l'eau transportée.
L'irrigation la plus pratiquée est encore l'irrigation gravitaire, la plus rudimentaire et gaspilleuse : 60 % à 65 % de l'eau ainsi employée s'évapore ou s'infiltre sans nourrir les plantes.
En outre, mal pratiquée, elle peut éroder, saliniser les sols (Quand les eaux d'irrigation s'infiltrent et dépassent les capacités d'absorption des nappes sous-jacentes, il se produit des remontées d'eau par capillarité et cette eau s'évapore, mais en laissant en surface les sels qu'elle a dissous, au point de stériliser certains sols). Selon la FAO, le phénomène affecte au moins 20 % des terres irriguées dans le monde, et contribue à freiner la hausse des rendements.
Les villes riches peuvent réagir : ainsi la ville de Québec dont le réseau fuyait abondamment a pu réduire d'un tiers entre 1975 et 1998 les quantités d'eau potable qu'elle avait à produire grâce un dispositif de surveillance systématique des canalisations. New York, guettée au début des années 1990 par la pénurie, a fait de même pour éviter d'avoir à investir dans une nouvelle station de pompage. En Belgique, les permis de construire ne sont délivrés que pour des projets comprenant une citerne de récupération des eaux pluviales (sachant qu'en zone aride, l'interception de grandes quantité de pluies peut aussi contribuer au déficit d'alimentation des nappes).
Dans les pays développés, les gaspillages domestiques pourraient être limités par l'utilisation de chasses d'eau à consommation réduite, ou mieux par des toilettes sans eau, par la récupération des eaux de pluie pour différents usages, par des normes plus strictes sur les machines à laver...
Quant à l'agriculture, l'irrigation par aspersion permet, sans aucun aménagement du terroir cultivé, d'économiser 30 % à 50 % d'eau par rapport à l'irrigation gravitaire. La micro-irrigation est encore plus sobre en eau. Inventée par les Britanniques dans les années 1940, elle a été améliorée et popularisée par les Israéliens, qui l'ont systématiquement employée dans le désert du Néguev. Des procédés de récupération de la rosée ont même été développés dans les années 1990 en Israël et au Chili.
Souvent, les ressources hydriques les plus accessibles sont déjà largement surexploitées et/ou polluées, au moins localement.
Ailleurs, les ressources sont fréquemment sous-utilisées ou au contraire gaspillées (plantations de cultures très évapotranspirantes telles que le maïs en zone aride, ou piscines de luxes et golfs irrigués construits dans le désert), alors même qu'une partie de la population manque d'eau.
Au total les pays qui prélèvent plus de 75 % de toutes leurs ressources en eau douce sont très minoritaires. La très grande majorité des pays n'utilisent pas plus de 20 % de celles-ci. Dans beaucoup de pays en voie de développement, cela est dû à un manque de moyens. On estime ainsi qu'en moyenne, sur le continent africain, on ne prélève chaque année que 5 % de toutes les ressources en eau renouvelables qui pourraient être théoriquement prélevées.
En effet, alors que le nombre de barrages sur les fleuves a été multiplié par sept dans le monde depuis 1950 et que l'on en compte aujourd'hui 20 000, l'Afrique ne possède au total que de 2 % de ces équipements.
Cependant si beaucoup de nappes phréatiques sont aujourd'hui peu exploitées ou pourraient l'être davantage (sur les quelque 8 millions de km3 d'eaux souterraines, environ 12 000 km3 s'écoulent chaque année vers les océans), ce qui a incité la FAO a recommander de plus systématiquement développer les pompages, de nombreuses zones sont concernées par de graves pollution d'origine anthropique des nappes superficielles (ce qui limite les perspectives d'utilisation ou rend nécessaire de couteux systèmes d'épuration de l'eau). Le pompage des nappes peut aussi tarir les sources utilisées par la faune sauvage, le bétail et les populations locales, voire localement contribuer à des phénomènes de désertification ou de salinisation. En outre, dans les pays les plus pauvres, les moyens techniques et financiers font défaut pour exploitation les nappes et identifier celles qui pourraient l'être sans risque.
En utilisant la technique du dessalement de l'eau de mer, les ressources paraissent illimitées, cependant cette technique est gourmande en énergie et il faut se débarrasser de la saumure résiduelle. C'est pourquoi ce sont surtout les pays riches en ressources énergétiques qui l'ont développée : l'Arabie saoudite est ainsi le premier producteur mondial d'eau dessalée, avec environ un tiers de la production mondiale, cependant :
la reforestation des zones semi-arides est aussi un moyen de restaurer des écosystèmes capables de mieux capter, stocker et infiltrer l'eau. Des techniques de renaturation et génie écologique sont testées depuis quelques décennies pour faciliter la résilience écologique des milieux et leur capacité à conserver l'eau, dont une partie peut alors être utilisée par les populations locales, mais de nombreux projets n'ont pas abouti, le bétail ayant mangé les plantations, ou le sable du désert les ayant envahi.
La logique libérale a conduit à promouvoir la marchandisation de l'eau. Les États de l'ouest et du sud des États-Unis, confrontés à un climat aride et à l'épuisement de leurs réserves d'eau, lorgnent ainsi sur « l'or bleu » du Canada, qui possède 9 % des réserves d'eau douce de la planète. Déjà, dans les années 1980, la Colombie-Britannique, province canadienne, avait accordé des licences pour l'exportation d'eau vers les États-Unis.
De fortes oppositions sont apparues au Canada, surtout dès lors qu'est entré en vigueur, en 1989, l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna). En 1991, le gouvernement de Colombie-Britannique décréta d'ailleurs un moratoire sur les exportations d'eau. Et Ottawa a décidé un moratoire similaire au niveau fédéral, en 1999. Certes, un état membre de l'Aléna n'a pas le droit, en principe, de restreindre la vente hors de ses frontières d'un produit dont le commerce serait autorisé sur son propre marché. Mais les organisations hostiles au commerce de l'eau font valoir que l'Aléna concerne les produits de l'activité économique, alors que l'eau est une ressource épuisable. Par ailleurs les règles de l'Organisation mondiale du commerce autorisent les États à refuser d'exporter leur eau. Le débat sur la commercialisation de l'eau par le Canada a été ravivé en 2009 par un projet de dérivation partielle de cours d'eau nordiques via la rivière des Outaouais pour satisfaire la demande aux Etats-Unis.
Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale estiment que la fourniture d'eau aux populations, dans le monde, devrait être réalisée par des entreprises privées en situation de concurrence. Car, si en France, la distribution d'eau est essentiellement déléguée à des opérateurs privés, elle est, dans le monde, assurée à 95 % par des opérateurs publics (États ou municipalités).
Or, ces opérateurs publics, selon le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ne vont pouvoir réaliser seuls les énormes investissements indispensables dans les décennies qui viennent. Inversement, Ricardo Petrella montre que les privés privilégient les investissement rentables, au risque de renforcer les inégalités.
Il y a en tous cas consensus que, quels que soient les fournisseurs, l'eau potable sera plus chère et rare à l'avenir.