La théorie des poutres, ou théorie d'Euler-Bernoulli, est un modèle utilisé dans le domaine de la résistance des matériaux.
Le terme de « poutre » désigne un objet dont la longueur est grande par rapport aux dimensions transverses (section fine). Stricto sensu, une poutre est un élément de structure utilisé pour la construction dans les bâtiments, les navires et autres véhicules, et dans la fabrication de machines. Cependant, le modèle des poutres peut être utilisé pour des pièces très diverses à condition qu'elles respectent certaines conditions.
La théorie des poutres est la base de la résistance des matériaux.
La paternité de la théorie des poutres est attribuée à Galilée, mais des études récentes indiquent que Léonard de Vinci l'aurait précédé. De Vinci avait supposé que la déformation variait de manière linéaire en s'éloignant de la surface neutre, le coefficient de proportionnalité étant la courbure, mais il ne put finaliser ses calculs car il n'avait pas imaginé la loi de Hooke. De son côté, Galilée était parti sur une hypothèse incorrecte (il supposait que la contrainte était répartie uniformément en flexion), et c'est Antoine Parent qui obtint la distribution correcte.
Ce sont Leonhard Euler et Jacques Bernoulli qui émirent la première théorie utile vers 1750, tandis que Daniel Bernoulli, le neveu du précédent, écrivit l'équation différentielle pour l'analyse vibratoire. À cette époque, le génie mécanique n'était pas considéré comme une science, et l'on ne considérait pas que les travaux d'une académie des mathématiques puissent avoir des applications pratiques, et l'on continua à bâtir les ponts et les bâtiments de manière empirique. Ce n'est qu'au XIXe siècle, avec la Tour Eiffel et les grandes roues, que l'on démontra la validité de la théorie à grande échelle.
Pour étudier les poutres, on met en relation
On appelle « poutre » un solide engendré par des surfaces, appelées « sections droites », telles que :
Si le rayon de courbure est faible ou que la section varie brutalement, il faudra considérer les concentrations de contrainte.
Dans les cas les plus simples, notamment celui des poutres au sens « élément de structure » (fer, tube, …) la courbe moyenne est droite et la section droite est constante.
Mais on peut modéliser d'autres types de pièces. Par exemple, un arbre de transmission, un axe, un levier, un tuyau ou un réservoir peuvent être modélisés par une poutre ; un ressort hélicoïdal (ressort à boudin) peut être considéré comme une poutre dont la courbe moyenne est hélicoïdale, et dont la section droite est un disque.
On appelle « fibre » un volume généré par une petite portion dS de la section droite suivant une courbe parallèle à la courbe moyenne. On appelle « fibre neutre » la fibre générée par la courbe moyenne elle-même.
Pour simplifier, sauf indication contraire, nous dessinerons des poutres dont la courbe moyenne est une droite avant déformation.
La théorie des poutres est une application de la théorie de l'élasticité isotrope. Pour mener les calculs de résistance des matériaux, on considère les hypothèses suivantes :
L'hypothèse de Bernoulli permet de négliger le cisaillement dans le cas de la flexion : le risque de rupture est alors dû à l'extension des fibres situées à l'extérieur de la flexion, et la flèche est due au moment fléchissant. Cette hypothèse n'est pas valable pour les poutres courtes car ces dernières sont hors des limites de validité du modèle de poutre, à savoir que la dimension des sections doit être petite devant la longueur de la courbe moyenne. Le cisaillement est pris en compte dans le modèle de Timoshenko et Mindlin.
Le but final est de déterminer pour chaque point :
Pour cela, on définit les efforts de cohésion, ou efforts intérieurs, en chaque point de la courbe moyenne, sous la forme d'un torseur d'action appelé « torseur de cohésion » ou « torseur des efforts intérieurs ». Si l'on effectue une coupure selon une section droite (principe de la coupe), les efforts de cohésion sont les efforts qu'exerce un des tronçons sur l'autre. On a donc deux conventions :
Si l'on choisit le repère de sorte que x soit tangent à la courbe moyenne au niveau de la coupure, alors le torseur de cohésion s'obtient en écrivant le principe fondamental de la statique sur le tronçon considéré, et s'écrit de manière générale :
En deux dimensions, la simplification consiste à considérer que seul un effort tranchant, un effort de traction et un moment fléchissant est transmis de section à section, suivant le principe de la coupe. En général, on se place dans le plan (Gxy), le torseur de cohésion devient donc.
On peut représenter de manière simple la sollicitation de la poutre en traçant le diagramme des efforts transmis de section à section en fonction de la position le long de la poutre, c'est-à-dire que l'on représente N(x), Ty(x), Tz(x), Mt(x), Mfy(x) et/ou Mfz(x). Ce diagramme est parfois appelé à tort diagramme des contraintes.
On représente ces derniers comme des fonctions le long de l'axe des x en traçant des lignes.
Les efforts de cohésion sont des grandeurs macroscopiques, définies sur l'ensemble de la section. Du fait de la linéarité du problème (on reste en petites déformations), on peut considérer indépendamment chaque composante, c'est-à-dire considérer que la poutre n'est soumise à chaque fois qu'à une seule sollicitation simple.
Le principe d'équivalence établit une relation entre chaque effort de cohésion et les contraintes générées localement en chaque point de la section. Pour les sollicitations complexes, on somme les contraintes de toutes les sollicitations simples (principe de superposition).
Selon le principe de Saint-Venant, les efforts sont correctement représentés lorsqu'on s'éloigne du point d'application. Ainsi, si localement cette modélisation ne donne pas de bon résultats, on peut les considérer comme presque corrects dès que la distance au point d'application dépasse plusieurs fois le diamètre de la section. Ce principe n'est valable que pour des poutres massives, pour la plupart des autres cas il est faux. Il faut en ce sens entendre « poutre massive » lorsqu'ici est évoqué la notion de poutre.
Par la suite, la grandeur S désigne l'aire de la section droite.
L'effort normal N correspond à de la traction simple, on a donc la contrainte uniforme
Les efforts tranchants Ty et Tz causent le cisaillement, mais il faut distinguer deux cas : celui du cisaillement simple et celui de la flexion simple. Dans les deux cas, les efforts extérieurs sont appliqués parallèlement à la section droite, c'est-à-dire perpendiculairement à la courbe moyenne.
Dans le cas du cisaillement simple, les efforts sont appliqués à la même abscisse x. Hormis au droit des points d'application des efforts, les contraintes sont uniformes (principe de Barré de Saint-Venant) :
Si l'on isole un petit élément cubique de matière, on voit que la cission qu'il subit sur les sections droites devraient le faire tourner. Il subit donc également une cission sur les faces perpendiculaires à l'axe (Gy). Il y a donc également cisaillement entre les fibres adjacentes. On peut voir cela en faisant fléchir un paquet de cartes : les carte glissent les unes sur les autres ; la poutre peut se voir comme un paquet dont les cartes seraient collées, la force de l'adhérence empêchant les cartes de glisser.
Dans le cas de la flexion simple, les efforts sont appliqués à des abscisses différentes. Cette contrainte ne génère que peu de risque de rupture et est donc généralement négligée (modèle de Bernoulli). Dans ce cas-là, la répartition des contraintes n'est plus uniforme : la contrainte sur une surface libre est nécessairement dans le plan de la surface, donc la cission sur les faces extérieure est nulle. On a donc une cission qui croît lorsque l'on s'approche de la fibre neutre. La contrainte maximale vaut alors :
où S est l'aire de la section droite. On voit que sur ces exemples là, la contrainte est 1,5 à 2 fois supérieure au cas du cisaillement simple.
Les moments fléchissants Mfy et Mfz correspondent à de la flexion. Du fait de l'hypothèse de Bernoulli (les sections droites restent perpendiculaires à la courbe moyenne),
La contrainte varie de manière linéaire :
où IGz est le moment quadratique d'axe (Gz), calculé en fonction de la forme de la section droite.
Le risque de rupture se situe sur la face en extension de la poutre. Si l'on appelle V l'ordonnée du point situé sur cette face, la contrainte y vaut :
La grandeur IGz/V est appelée « module de flexion ».
Si la poutre est symétrique et de hauteur h, on a
Le moment de torsion Mt correspond à de la torsion. Dans le cas d'une poutre de section circulaire (rond ou tube) on a des contraintes de cisaillement qui varient de manière linéaire lorsque l'on s'éloigne de la fibre neutre.
Si la section n'a pas une symétrie de révolution, le problème est plus complexe. En particulier, la contrainte à une surface libre (qui n'est pas en contact avec une autre pièce) est nécessairement dans le plan tangent à cette surface, et notamment la contrainte à un angle libre est nécessairement nulle.
En décomposant la sollicitation composée en sollicitations simples, on peut déterminer le tenseur des contraintes en tout point. Il faut ensuite déterminer un effort de comparaison suivant un des critères de Tresca ou de von Mises.
Une théorie complexe, faisant appel à l'intégration et à la mécanique du solide déformable.