L'urbanisation de la Tunisie peut être comprise de deux façons : l'organisation de l'espace tunisien par la population habitant dans les villes et le processus de croissance de la population urbaine.
En 2006, le taux de population urbaine est de 65 % alors qu'il était de 50 % en 1975 et de 40 % en 1956, ce qui représente une croissance annuelle moyenne (La moyenne est une mesure statistique caractérisant les éléments d'un ensemble de...) de 3,5 %.
La définition de la ville en Tunisie ne saurait être confondue avec celle de la « commune urbaine » ou « municipalité » même si la seconde ( Seconde est le féminin de l'adjectif second, qui vient immédiatement après le premier ou qui...) permet d'approcher la première. La première relève de la géographie (La géographie (du grec ancien γεωγραφία...) alors que la seconde relève de la politique.
En effet, officiellement, la commune urbaine correspond à une circonscription administrative créée par décret avec un périmètre (Le périmètre d'une figure plane est la longueur du bord de cette figure. Le calcul du...) et une superficie (L'aire ou la superficie est une mesure d'une surface. Par métonymie, on désigne souvent...) déterminées. Elle est en partie gérée par un conseil municipal, élu tous les cinq ans, chargé notamment de questions d'urbanisme (L’urbanisme est à la fois un champ disciplinaire et un champ professionnel recouvrant...). Il existe 264 municipalités en Tunisie (contre 75 en 1956). Les municipalités sont de tailles très diverses : la plus peuplée est Tunis avec 728 453 habitants et la moins peuplée Beni M'Tir avec 811 habitants. Surtout, on ne peut associer systématiquement une municipalité à une ville ou une agglomération urbaine. Par exemple, l'archipel (Un archipel est un ensemble d'îles relativement proches les unes des autres. La proximité...) des Kerkennah (Les Kerkennah (قرقنة), parfois orthographié Kerkenna ou Kerkena,...) est considéré comme une seule municipalité alors que le territoire (La notion de territoire a pris une importance croissante en géographie et notamment en...) est largement rural : il existe dix villages dont les territoires sont nettement séparés.
Pour la géographie, la ville est un espace plus complexe qui se caractérise par l'importance des activités non agricoles. Dans le cas de la Tunisie, où l'agriculture reste une activité (Le terme d'activité peut désigner une profession.) économique importante employant près de 18 % de la population active, on constate souvent la présence d'activités agricoles en ville, notamment dans les plus petites d'entre elles. Le seuil de 60 % d'activités non agricoles est donc retenu. Par ailleurs, la ville se caractérise aussi par la présence de services diversifiés, du commerce alimentaire à la présence d'un cabinet médical en passant par les différentes administrations. Un niveau minimal d'une vingtaine de services peut être retenu. Enfin, une ville se définit par sa fonction polarisante sur l'espace agricole environnant, que ce soit des services privés (souk) ou des services publics (bureau de poste et agence des entreprises à réseau). On retrouve dans cette catégorie les chefs-lieux de délégations. Ainsi, en combinant ces trois critères, on peut retenir un seuil de population compris entre le millier (dans les régions fortement urbanisées du cap Bon et du Sahel) et 5 000 habitants (dans les régions faiblement urbanisées de l'ouest (L’ouest est un point cardinal, opposé à l'est. C'est la direction vers laquelle se...) et du sud (Le sud est un point cardinal, opposé au nord.) du pays).
Par ailleurs, certains géographes ont réfléchi à classer les villes tunisiennes en définissant des seuils. Ainsi, Ridha Lamine, qui a étudié les villes du Sahel central, propose des seuils démographiques qu'il corrobore avec l'activité économique. Il désigne une ville de plus de 100 000 habitants comme une « métropole régionale » (à l'exception de Tunis qui est l'unique cas de métropole (Une métropole (du grec mêtêr, mère, et polis, ville) est la ville principale...) nationale) et une ville de plus de 25 000 habitants une « ville moyenne ». À partir de 10 000 habitants, il s'agit d'une « petite ville » tandis qu'elle est considérée comme un « bourg » à 5 000 habitants. D'autres tentent de dresser une typologie fonctionnelle (En mathématiques, le terme fonctionnelle se réfère à certaines fonctions....) des villes. Ainsi, Amor Belhedi propose de définir la « ville traditionnelle » lorsque l'activité économique repose sur l'agriculture et l'artisanat (L'artisanat est une technique de production artisanale, c'est-à-dire une production manuelle ou de...), la « ville moderne » lorsque dominent des activités dites modernes comme l'industrie, le tourisme (Le tourisme est le fait de quitter son domicile, pour des raisons personnelles, pour une durée...) et les mines et enfin une « ville hybride » où les « petits métiers » sont nombreux et qui a un statut de centre administratif local ou régional (une délégation ou une municipalité).
Il est encore plus délicat de définir les contours des agglomérations urbaines car elles ne sont pas un objet (De manière générale, le mot objet (du latin objectum, 1361) désigne une entité définie dans...) statistique (Une statistique est, au premier abord, un nombre calculé à propos d'un échantillon....). Le géographe doit observer les limites des zones urbaines d'une part et les liens fonctionnels réguliers qui existent entre les villes-banlieues et la ville-centre. Ainsi, en Tunisie, la ville se définit comme un pôle de rayonnement (Le rayonnement, synonyme de radiation en physique, désigne le processus d'émission ou de...) sur un espace qui peut être encore dominé par l'agriculture, un centre de décisions et un instrument de pouvoir et de contrôle (Le mot contrôle peut avoir plusieurs sens. Il peut être employé comme synonyme d'examen, de...) des autorités sur le pays (Pays vient du latin pagus qui désignait une subdivision territoriale et tribale d'étendue...).
La concentration des villes se fait sur le littoral oriental, de Bizerte au nord (Le nord est un point cardinal, opposé au sud.) à Gabès au sud en passant par la capitale (Une capitale (du latin caput, capitis, tête) est une ville où siègent les pouvoirs,...) et le Sahel, qui regroupe les plus grandes agglomérations. On peut considérer que cette région littorale regroupe 76 % de la population urbaine du pays.
Le réseau (Un réseau informatique est un ensemble d'équipements reliés entre eux pour échanger des...) urbain tunisien se caractérise par un fort indice de primatialité — une agglomération capitale très importante (21 % de la population urbaine totale) qui distance toutes les autres agglomérations (quatre fois la deuxième) —, la faiblesse des métropoles régionales et des villes moyennes et l'importance des petites villes.
Les grandes agglomérations ou aires urbaines sont :
La superficie occupée par les villes a fortement crû à mesure que la population urbaine augmentait, que les activités économiques se densifiaient et que s'opérait une différenciation du type d'habitat avec le développement des lotissements pavillonnaires. Aujourd'hui, l'espace urbain tunisien occupe environ 70 000 hectares, ce qui représente 0,43 % de la superficie du pays, et donne en moyenne à chaque habitant une surface (Une surface désigne généralement la couche superficielle d'un objet. Le terme a...) d'habitat de 100 m². Cela s'est accompagné d'une différenciation accrue au sein de l'espace urbain.
La ville se développe à partir d'un centre historique (Le centre historique est l'espace urbain le plus ancien dans une commune.) d'origine (médina puis ville coloniale) et s'étend selon des espaces de plus en plus éloignés du centre. Dans un contexte (Le contexte d'un évènement inclut les circonstances et conditions qui l'entourent; le...) d'urbanisation insuffisamment ou tardivement contrôlée se sont développées des zones d'« habitat spontané » alimentées par les populations en exode rural. Il s'agit de quartiers existant dès les années 1930 appelés gourbivilles ou rbats à Sfax. Dans l'exemple de Tunis, on retrouve la trace (TRACE est un télescope spatial de la NASA conçu pour étudier la connexion entre le...) de ces anciens bidonvilles à Mellassine, Djebel Lahmar et Saïda Manoubia construits sur des sites accidentés (pentes de collines), le long des voies d'accès à l'agglomération, et longtemps maintenus en l'état.
Pour rattraper son retard en matière (La matière est la substance qui compose tout corps ayant une réalité tangible. Ses...) d'aménagement de l'espace et faire disparaître les quartiers d'« habitat spontané », l'État crée des cités populaires de recasement toutefois largement en dessous des besoins de la population. Il s'agit, dans le cas de Tunis des cités de Kabaria I et II, d'Ezzouhour, d'Ettahrir, d'El Khadra I et II, d'Ibn Khaldoun et d'El Ouardia. Par ailleurs, les promoteurs étatiques (municipalités, Agence foncière de l'habitat ou Société nationale immobilière de Tunisie) créent des lotissements de standing pour les classes moyennes et supérieures poursuivant souvent les projets entamés avant l'indépendance : il s'agit, dans l'exemple de Tunis, de quartiers tels qu'El Menzah, El Manar ou El Mourouj (construits à partir des années 1980). Ces derniers mélangent un habitat pavillonnaire et un habitat de petits immeubles. Pourtant, la politique visant le logement des couches populaires rate (La rate (en grec ancien σπλήν (splēn), en latin lien, d'où...) son objectif du fait de l'insuffisance en nombre (La notion de nombre en linguistique est traitée à l’article « Nombre...) et surtout du prix inaccessible à de larges franges de la population. Ainsi, ces quartiers sont « détournés » par les classes moyennes.
Une deuxième couronne d'« habitat spontané » apparaît alors dans l'espace péri-urbain (sur les axes d'arrivée des migrants intérieurs et près des centres d'emplois souvent industriels). Elle est alimentée concurremment par les habitants du centre historique qui investissent cet habitat illégal mais plus spacieux. Ainsi naissent, en grande banlieue des principales villes, des villes-champignons qui échappent à la planification (La planification est la programmation d'actions et d'opérations à mener) étatique. L'illégalité dans l'appropriation du terrain et dans les normes de construction met l'État devant le fait accompli, ce dernier se déchargeant alors de son rôle social dans ces quartiers. Le phénomène prend une ampleur sans précédent puisque ces espaces constituent parmi les municipalités les plus importantes du pays. Dans le cas de Tunis, on peut citer les cas exemplaires de Ettadhamen-Mnihla et Douar Hicher dont les populations atteignent les 100 000 habitants. Dans le cas de Sousse, il faut citer les quartiers de Bir Chobbek et Oued Hallouf.
On distingue un premier centre qui correspond au noyau historique de la ville, organisé autour de la médina, et éventuellement juxtaposé depuis la protectorat français (1881-1956) avec une ville européenne. Un quartier administratif et de bureaux a été adjoint à proximité immédiate. Ce centre est polyfonctionnel et concentre notamment des fonctions de résidence (Le nom de résidence est donné à un ensemble de voies souvent qui forment une boucle ayant la...) (comprend aujourd'hui autour de 10 % de la population des villes de Tunis et Sfax) et des activités économiques (commerce et artisanat principalement). Pour ce qui est de l'espace où se concentrent les activités de commandement (économique et politique), on peut parler d'hypercentre.
Ce centre a subi de profondes mutations. Avec la pression (La pression est une notion physique fondamentale. On peut la voir comme une force rapportée...) démographique et le développement économique et administratif, il s'est dédoublé dans un premier temps (Le temps est un concept développé par l'être humain pour appréhender le...) — de l'avenue (Une avenue est une grande voie urbaine. Elle est en principe plantée d'arbres, et conduit à un...) Habib Bourguiba vers l'avenue Mohamed V pour le cas de Tunis — voire multiplié avec des centres secondaires répartis à l'intérieur de l'agglomération car bénéficiant de plus d'espaces, d'une position de nœud de communication (La communication concerne aussi bien l'homme (communication intra-psychique, interpersonnelle,...) et de la proximité de zones de peuplement plus riches, en raison des difficultés de déplacement ( En géométrie, un déplacement est une similitude qui conserve les distances et les angles...), de politiques d'aménagement, etc. Ainsi, à Tunis, les activités de services ne sont plus qu'à 25 % situées dans le centre historique. De plus, l'hypercentre peut se déplacer ou se dédoubler à son tour. Les Berges du Lac (En limnologie, un lac est une grande étendue d'eau située dans un continent où il...) (Tunis) ou El Jadida (Sfax) accueillent centre commerciaux et de loisirs, sièges sociaux d'entreprise et sièges d'ambassades.
Face au poids très important de Tunis, qui polarise l'ensemble du territoire, l'État tunisien a mis en place dès 1956 le cadre des gouvernorats et des délégations afin de déconcentrer les services administratifs et de mettre en place des métropoles régionales. Pourtant, l'agglomération tunisoise n'a cessé de se développer au point (Graphie) de totaliser 20 % de la population de la Tunisie et le tiers de la population urbaine totale. Ainsi, en étudiant les déplacements interurbains dans les villes entourant Tunis, Sousse, Sfax ou Bizerte, on constate une dissociation accrue entre les lieux d'habitation et les lieux de travail, ce qui est la marque de l'emprise de la ville-pôle sur ses banlieues et permet de définir les contours de l'aire urbaine de l'agglomération. Ainsi, les limites de l'agglomération tunisoise au nord se situeraient vers Kalâat el-Andalous, à l'ouest vers Tebourba et Djedeida et au sud vers Grombalia ou Soliman. De même, l'influence de Bizerte s'étendrait au sud-est (Le sud-est est la direction à mi-chemin entre les points cardinaux sud et est. Le sud-est est...) jusqu'à Metline pourtant distante de 28 kilomètres.