Les lignes à haute tension sont les lignes principales des réseaux de transport d'électricité. Elles peuvent être aussi bien aériennes que souterraines ou sous-marines, quoique les professionnels réservent plutôt le terme aux liaisons aériennes. Elles servent au transport sur les longues distances de l'électricité produite par les diverses centrales électriques, ainsi qu'à l'interconnexion des réseaux électriques.
Le choix d'utiliser des lignes à haute tension s'impose, dès qu'il s'agit de transporter de l'énergie électrique sur des distances supérieures à quelques kilomètres. Le but est de réduire les chutes de tension en ligne, les pertes en ligne, et également d'améliorer la stabilité des réseaux.
Il est à noter que les pertes en ligne sont dues à l'effet Joule, qui ne dépend que de deux paramètres : la résistance et le courant (P = R.I2). L'utilisation de la haute tension permet, à puissance transportée équivalente, de diminuer le courant, et donc les pertes. Par ailleurs, pour diminuer la résistance, il n'y a que deux facteurs, la résistivité des matériaux utilisés pour fabriquer les câbles de transport et, de la section de ces câbles. À matériaux de fabrication et section équivalents, les pertes sont donc égales, en principe, pour les lignes aériennes et pour les lignes souterraines.
Les lignes à haute tension font partie du domaine " haute tension B " qui comprend les valeurs supérieures à 50 kV en courant alternatif. L'expression très haute tension est parfois utilisée, mais n'a pas de définition officielle. Les tensions utilisées varient d'un pays à l'autre. Schématiquement, dans un pays, on trouvera des tensions de l'ordre de 63 kV à 90 kV pour de la distribution urbaine ou régionale, de l'ordre de 110 à 220 kV pour les échanges entre régions, et de l'ordre de 345 à 500 kV pour les principales interconnexions nationales et internationales. Dans certains pays, on utilise aussi du 800 kV (comme au Canada), et dans l'ex-URSS, des essais de transport en ultra haute tension ont été effectués en 1 500 kV — mais ce type de tension ne se justifie que pour un transport sur une distance de l'ordre du millier de kilomètres, pour lequel un transport en courant continu peut être une alternative intéressante.
Dans l'immense majorité des cas, ces lignes à haute tension sont alimentées en courant alternatif triphasé ; mais dans le cadre particulier de certaines traversées sous-marines ou de lignes enterrées, le transport se fait en courant continu (HVDC) pour des raisons d'économie, d'encombrement et de fiabilité. Voici deux exemples plus détaillés :
Pour les lignes aériennes, les opérateurs de transport d'électricité, utilisent des pylônes, en général réalisés en treillis d'acier. Leur fonction est de supporter et de maintenir les conducteurs à une distance suffisante du sol et des obstacles : ceci permet de garantir la sécurité et l'isolement par rapport à la terre, les câbles étant nus (non isolés) pour en limiter le poids et le coût.
Le courant électrique est transporté dans des conducteurs. L'énergie électrique étant transportée sous forme triphasée, on trouvera au moins 3 conducteurs par ligne. Pour une phase, on peut aussi trouver un faisceau de conducteurs (de 2 à 4) à la place d'un simple conducteur afin de limiter les pertes (voir plus bas). Les conducteurs en cuivre sont de moins en moins utilisés. On utilise en général des conducteurs en aluminium, ou en alliage aluminium-acier ; on trouve aussi des conducteurs composés d'une âme centrale en acier sur laquelle sont tressés des brins d'aluminium. Les conducteurs sont nus, c'est-à-dire non revêtus d'un isolant.
L'isolation entre les conducteurs et les pylônes est assurée par des isolateurs. Ceux-ci sont réalisés en verre, en céramique, ou en matériau synthétique. Les isolateurs en verre ou céramique ont en général la forme d'une assiette. On les associe entre eux pour former des chaînes d'isolateurs. Plus la tension de la ligne est élevée, plus le nombre d'isolateurs dans la chaîne est important. Sur une ligne 400 kV (400 000V), les chaînes d'isolateurs comportent 19 assiettes. On peut alors deviner la tension des lignes avec leur nombre d'isolateurs.
Les câbles de garde ne transportent pas le courant. Ils sont situés au-dessus des conducteurs. Ils jouent un rôle de paratonnerre au-dessus de la ligne, en attirant les coups de foudre, et en évitant le foudroiement des conducteurs. Ils sont en général réalisés en almelec-acier. Au centre du câble de garde on place parfois un câble fibre optique qui sert à la communication de l'exploitant. Si on décide d'installer la fibre optique sur un câble de garde déjà existant, on utilise alors un robot qui viendra enrouler en spirale la fibre optique autour du câble de garde.
Le transport de l'électricité pose plusieurs problèmes, en particulier ceux des pertes d'énergie et des chutes de tension entre l'entrée et la sortie. Une étude à l'aide d'un modèle théorique simplifié permet de comprendre l'effet de divers paramètres sur le comportement de la ligne.
Le schéma ci-dessus représente un modèle sommaire mais simple d'emploi pour une phase d'une ligne pas trop longue : il constitue une approximation suffisante pour des longueurs de 200 à 300 km. Une ligne plus longue pourra être assimilée à une succession de cellules élémentaires de ce type.
On pourra remarquer que la ligne électrique de ce type s'apparente à un filtre passe-bas.
La résistance d'un conducteur filiforme s'écrit :
Afin de limiter les pertes par effet Joule, on souhaite que la résistance soit la plus faible possible. La longueur
Le cuivre, dont la résistivité vaut 1,72 x 10-8 Ω?m, n’est pas utilisé car trop coûteux, mais aussi trop lourd pour les lignes aériennes. On lui préfère des ensembles aluminium-acier ou des alliages aluminium, magnésium et silicium dont la résistivité est de l’ordre de 3 x 10-8 Ω?m
La section d’un conducteur aérien d'une ligne à haute tension est de l'ordre de 500 mm2 : il n’est pas avantageux d’augmenter davantage la section des conducteurs.
En effet, à la fréquence de 50 Hz (et a fortiori à une fréquence de 60 Hz), il est avantageux d'utiliser 2 conducteurs de 500 mm2 en remplacement d'un de section 1000 mm2 à cause de l'effet pelliculaire ou effet de peau.
Par ailleurs, sur des lignes de tension supérieure ou égale à 345 kV, il est nécessaire de prévoir au moins 2 conducteurs par phase pour limiter les pertes par effet couronne.
Pour une ligne de section 500 mm2 réalisée avec un matériau de résistivité 3 x 10-8 Ω?m, la résistance d’un conducteur aérien est de l’ordre de 6 x 10-2 Ω/km. Cette valeur est donnée à titre indicatif car nous avons vu que la résistance dépendait fortement de la section.
Pour les lignes à haute tension, les valeurs des résistances linéiques sont comprises entre 0,01 Ω/km (ligne 735 kV d'hydroquébec) et 0,1 Ω/km.
Malgré l'effort entrepris pour limiter la résistance, le transport de l'électricité engendre des pertes d’énergie importantes, principalement par effet Joule. À titre d'exemple, pour le réseau de transport d'électricité en France, ces pertes sont estimées en moyenne à 2,5 % de la consommation globale, soit 13 TWh par an.
Pour ne pas subir de pertes importantes, on utilise donc deux techniques :
Toutefois, la tension servie aux particuliers doit rester inchangée (230 V en France ou 120 V au Québec pour les installations domestiques) et dans le domaine de la basse tension afin de limiter les risques pour les utilisateurs. Il faut donc l'abaisser au plus près de ceux-ci. Comme on ne sait pas le faire de façon simple avec le courant continu (cf. HVDC), on a recours au courant alternatif (de fréquence 50 Hz en France ou 60 Hz au Québec et Amérique du Nord) et à des transformateurs.
Il faut également prendre en compte le risque d'arc électrique entre deux conducteurs. Ce risque est d'autant plus important que la tension est élevée. Cela impose des contraintes d'isolement plus fortes et nécessite notamment :
La résistance de la ligne est la raison principale de la valeur limite de l'intensité du courant que l'on peut transporter. Toutefois, il n'est pas économiquement intéressant d'atteindre la limite de l'échauffement supportable par le conducteur.
Rappelons tout d’abord que l'échauffement est proportionnel au carré de l'intensité du courant. Pour une ligne de 500 mm2, une densité de courant de 1,6 A par mm2 est une limite qui permet de ne pas dépasser la température de 60°C. Mais il est plus économique de réaliser deux lignes transportant la moitié du courant, car les pertes de chaque ligne sont divisées par 4 — donc le total des pertes est divisé par 2. L’économie réalisée permet d’amortir la réalisation de la deuxième ligne. De plus, on conserve la possibilité de doubler l’intensité du courant en cas de besoin (opérations de maintenance, pannes sur l’autre ligne, ...).
La densité du courant dans les lignes aériennes haute tension est d’environ 0,7 – 0,8 A/mm2
Contrairement à la résistance, les paramètres réactifs de la ligne dépendent peu de la tension et de la section mais, en revanche, ils sont très différents pour les lignes aériennes et pour les câbles posés ou enterrés.
Si l'on considère le modèle en π lorsque le courant de sortie est nul, on remarque que le condensateur de sortie est alors en série (c'est-à-dire traversé par exactement la même intensité) avec la résistance et l'inductance de ligne.
On peut écrire :
d'où l'on tire :
Pour une ligne aérienne, nous avons vu que
La f.é.m d'un alternateur est constante et égale à la somme vectorielle de la résistance interne fois le courant qui la traverse plus l'impédance interne fois le même courant plus la somme (résistance et impédance) de la ligne fois le courant plus la tension au bornes de la charge qui est en parallèle avec la capacité de la ligne.
Si l'intensité appelée I augmente les deux termes
Les lignes à haute tension sont suspectées d'effets néfastes sur l'organisme humain, en particulier à cause des champs magnétiques qu'elles émettent.
Les résultats des études épidémiologiques sont comme souvent contrastés. Cependant il ressort de l'ensemble des études réalisées qu'il n'est mis en évidence aucun sur-risque de cancer chez l'adulte en cas d'exposition résidentielle aux champs des lignes à hautre tension (en particulier pour les leucémies et tumeurs cérébrales). Pour les enfants, la question reste posée. Le British Medical Journal du 4 juin 2005 publie une étude montrant un risque relatif limité mais réel de leucémie infantile pour les enfants résidant à proximité (de 0 à 600 mètres) d'une ligne à haute tension. Aucune augmentation du risque relatif n'était mise en évidence pour les autres tumeurs (tumeurs cérébrales par exemple avec un risque relatif inférieur à 1, ce qui n'indique évidemment pas un effet protecteur). Cette étude, réalisée par un chercheur de l'université d'Oxford, précise que tout biais social a été écarté (le risque de leucémie serait plus élevé dans les familles les plus aisées). Cependant, comme pour toutes les études cas-témoins rétrospectives les risques de biais sont nombreux et difficiles à controler: par exemple seulement la moitié des cas de leucémies n'avaient pas déménagé entre la naissance et le diagnostic. Aucune explication rationnelle n'a été trouvée pour expliquer ce sur-risque. En particulier on n'a pas encore su définir avec exactitude si cela est dû aux champs magnétiques ou à d'autres causes.
Certaines études en laboratoire sur animaux ont montré que l'exposition aux champs électriques et magnétiques peuvent être associées à l'augmentation d'incidence de certains cancers (mais pas les leucémies); Les études ne montrant aucune association sont plus nombreuses. Mais les niveaux de champs nécessaires à l'apparition des phénomènes néfastes sont sans commune mesure avec ceux mesurés à proximité des lignes à haute tension. En France, le Centre international de recherche sur le cancer de Lyon classe cependant les champs magnétiques de très basse fréquence produits par les lignes à haute tension dans le goupe 2B des agents potentiellement cancérigènes, mais uniquement pour le cas particulier des leucémies de l'enfant.
Le sujet reste donc hautement polémique. Notons enfin que l'enfouissement des lignes à haute tension n'est pas forcément la solution miracle à ce problème. Le champ magnétique à l'aplomb d'un câble haute tension enterré peut parfois être supérieur à celui d'une ligne aérienne de même tension.
Les lignes dites à très haute tension, 225 ou 400 kV, sont vivement critiquées par les associations de protection de l'environnement et dans les médias, en raison de :
Les associations écologistes demandent de :
Les obstacles à l'enfouissement des lignes peuvent être soit techniques, soit économiques : une ligne 400 kV enterrée coûte environ dix fois le prix d'une ligne aérienne (¹). Mais, d'une part, cette évaluation approximative ne tient pas compte des économies d’échelle obtenues qui seraient possibles grâce à la généralisation des techniques d’enfouissement, d'autre part, les pertes en ligne pour les lignes aériennes sont supérieures à celles des câbles enterrés (¹). Enfin, les lignes aériennes sont extrêmement vulnérables en cas de tempête : en France, la tempête de 1999 a entraîné un surcoût de 30 % rien que pour la mise aux normes des lignes THT afin qu’elles résistent à des vents violents de 170 km/h.
Le surcoût théorique mis en exergue par l'opérateur du réseau français RTE occulte les bénéfices attendus d’un enfouissement tout en faisant implicitement abstraction des externalités négatives, à savoir l’impact sur le paysage, le tourisme, l’habitat, les nuisances sonores, ainsi que les conséquences sur l’avifaune.
(¹) Source : cabinet Energie Consulting