Pierre ROBIQUET | |
portrait vers 1825/1830 | |
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Naissance | 14 janvier 1780 RENNES (35) France |
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Décès | 29 avril 1840 PARIS (75) France |
Nationalité | Français |
Pierre Jean Robiquet, né à Rennes le 14 janvier 1780 et mort à Paris le 29 avril 1840, est un chimiste français, auteur d'avancées fondatrices dans l'identification des acides aminés, avec la reconnaissance du premier d'entre eux l'asparagine, dans l'émergence de l'industrie des colorants industriels, avec l'identification de l'alizarine, et de l'élaboration des médicaments de synthèse, avec l'identification de la codéine.
Issu d'une famille de laboureurs éduqués de la Manche (Anneville), son père quitta les terres paternelles vers 1770 pour s'établir dans les milieux de libraires et imprimeurs de Rennes, où il tenait boutique rue Royale.Ce père attentif et visiblement ambitieux s'efforçat de donner une solide éducation à ses enfants (François Guillaume, un frère aîné de Pierre Jean, devînt ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, ses sœurs épouseront l'une François Cousin-Danelle, originaire comme les Robiquet d'Anneville, qui prit vraisemblablement la succession de son beau-père comme imprimeur-libraire à Rennes, et l'autre Jean-Baptiste Marteville, un officier des armées de la Révolution originaire de Saint-Malo).
Pour Pierre, sa famille aurait eu l'ambition de le destiner à l'état d'architecte, et l'envoya fort jeune au collège de Château-Gontier, un établissement fort réputé de l'époque. Les bouleversements de la période révolutionnaire allaient en disposer tout autrement; ce collège ayant été fermé, comme la plupart des établissements sous obédience religieuse dès les troubles graves de la Révolution française de fin 1792/début 1793, le jeune Robiquet revint dans sa famille; son père et sa mère, coupables de sympathies girondines (selon la notice de l'ouvrage de L.G.Michaud, volume 36, pages 190-192) furent emprisonnés, tous leurs biens confisqués. Pierre Robiquet aurait alors trouvé un bref refuge chez un menuisier, puis, et ce fut un tournant décisif, il est placé, sans doute via des relations de famille, chez un pharmacien de Lorient du nom de Clary, chez qui il serait resté un an, du 1er prairial an II au 4 prairial an III (soit du 20-5-1794 au 25-5-1795).Il est ensuite pris quelque temps comme garçon de laboratoire dans le laboratoire de Chedeville, pharmacien de la marine à Lorient; dans cet établissement les fabrications chimiques sont conduites à une échelle significative et il accède à des éléments de formation de chimiste et aux méthodes de fabrication industrielle des produits; il a tout juste quinze ans.
Sur ces espaces nouveaux de la pharmacie et de la chimie, Pierre-Jean Robiquet allait désormais tracer le chemin qui allait le mener jusqu'à l'Académie des Sciences.
Ses parents ayant recouvré leur liberté, il revînt auprès d'eux à Rennes et reprend un cours normal de formation au sein de l'école centrale de la ville (ces structures éphémères d'enseignement secondaire, qui remplacent les collèges d’Ancien Régime désorganisés et dans leur quasi-totalité fermés au plus fort de la Révolution, avec une volonté inscrite dans les programmes de développer l'enseignement scientifique, dont la physique expérimentale et la chimie, et assurées par des professeurs ayant un statut officiel de l'État, ont été mises en place, à l'instigation de Joseph Lakanal et de Pierre Daunou, par un décret du 25 février 1795 modifié ensuite par le titre II de la loi Daunou du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) sur l'organisation de l'instruction publique; elles ont été supprimées sous l'impulsion de Jean-Antoine Chaptal par loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) et remplacées par les lycées napoléoniens).
À l'issue de ces études, il se rendit à Paris pour y perfectionner son éducation pharmaceutique, notamment en suivant le cours d'Antoine-François Fourcroy, et entra comme pensionnaire dans un établissement que celui-ci avait formé pour la fabrication de produits chimiques avec Louis-Nicolas Vauquelin, où il se lia d'amitié avec Louis Jacques Thénard, avec lequel il commence une étude sur les calculs de la vessie.
En 1799 (il a alors 19 ans), il dut se rendre à l'armée d'Italie, où il se trouva presque aussitôt enfermé dans Gênes, que défendit Masséna, et où il eut à supporter toutes les privations d'un siège. Il assista par la suite aux cours du physicien Volta et de l'anatomiste Antonio Scarpa.
De retour en France, il est employé à l'hôpital militaire de Rennes, puis fut nommé à l'hospice militaire du Val-de-Grâce à Paris. Il entra dans le laboratoire particulier de Louis-Nicolas Vauquelin, aux recherches duquel il collabore, obtenant notamment avec lui en 1806 un amino-acide extrait de l'asperge, qu'ils appellent asparagine, doté de propriétés diurétiques.
Il est reçu pharmacien le 15 juin 1808, se marie avec une cousine germaine, Laurence Robiquet, et établit une officine de pharmacie, à laquelle il ajouta une fabrique de produits chimiques.
(source: Société d'Histoire de la Pharmacie)
Le 30 août 1811, par décret de Napoléon alors au château de Compiègne, il est nommé professeur-adjoint d'histoire naturelle des médicaments de l'École de Pharmacie, en remplacement de Jacques Paul Vallée, devenu titulaire de la chaire (il succède à André Laugier).Il donna à ses leçons beaucoup d'éclat par les applications qu'il savait faire de la chimie et de la physique à l'étude des minéraux et à celle des drogues simples, applications jusque-là peu pratiquées.
Robiquet fut aussi répétiteur de chimie à l'École polytechnique - mais les différents biographes donnent des versions un peu différentes de cet épisode, les uns le font nommer à ce poste avant qu'il accède à l'École de pharmacie, les autres l'y voient succéder à Cluzel, décédé en 1813.
Vallée (1772-1814) n'occupa sa chaire à l'École de Pharmacie que peu de temps et Robiquet lui succéda une nouvelle fois, devenant professeur titulaire dès le 5 octobre 1814, avec comme adjoint à compter du 25 janvier 1815 Joseph Pelletier (nommé par Louis XVIII) (lequel conduira en parallèle des recherches de type similaires qui feront de lui, entre autres choses, le découvreur de la quinine avec Joseph Bienaimé Caventou en 1820).
Après 10 ans de professorat, sa santé le contraignit d'abandonner sa chaire de professeur titulaire .Il devient alors administrateur trésorier de l'École de Pharmacie (11 septembre 1824, par arrété ministériel), et son adjoint Joseph Pelletier lui succède (par décret de Charles X le 25 janvier 1825).
(source: Union des Pharmaciens de la région parisienne)
À partir de 1819 et jusque 1826, il est l'animateur d'une longue démarche de mise en place d'une "prévoyance" active entre les pharmaciens, qui se couronne par la mise en place en 1826 de la "Société de Prévoyance des Pharmaciens du département de la Seine":
- en 1819, il participe de la création de l'éphémère "Société des Pharmaciens de la Seine" (semble t'il sur une proposition originale de Charles-Louis Cadet de Gassicourt, dont Charles Derosne préside le premier Bureau mis en place le 24 décembre 1819; cette "Société" s'était donné comme but « de rendre à la profession pharmaceutique toute la considération qu'elle méritait et de faire disparaître les abus auxquels elle était en proie » et projetait de comprendre en outre une caisse de secours mutuels et de prévoyance),
- entre 1820 et 1824, il participe dès les premiers moments de l'animation des "Banquets de l'Union des Pharmaciens" (mis en place le 28 octobre 1820 sur une proposition originale de cinq pharmaciens : REYMOND, faubourg Saint-Honoré; DUBLANC aîné, rue du Temple; DUBLANC jeune, rue Saint-Martin ; MOUTILLARD aîné, rue de la Montagne-Sainte-Geneviéve, et MOUTILLARD cadet, rue Saint-Honoré)
- le 6 juillet 1824, lui et cinq autres membres (Benoit, Auguste Dublanc le jeune, Fée, Moutillard, Parra, Raymond) sont délégués par les participants des "Banquets d'Union" en une commission chargée de la rédaction du règlement de formation d'une Caisse de Secours et de Prévoyance entre les Pharmaciens du département de la Seine
- le 5 octobre 1824 le projet de règlement est adopté et un comité provisoire constitué, dont il est nommé président (assisté de BENOIT, vice-président; FÉE, secrétaire; Auguste DUBLANC, secrétaire adjoint; REYMOND, trésorier; Felix CADET DE GASSICOURT, CAYLUS, DELONDRE, HERNANDEZ, MARCHAND et PARRA, administrateurs); les réunions de là Commission provisoire eurent lieu chez son président, ROBIQUET, et aboutissent à la première assemblée générale (11 janvier 1826) à l'École de Pharmacie.
- Le bureau définitif, élu en 1826 se composa de ROBIQUET, président; Pelletier, vice-président; Dublanc jeune et Felix Cadet de Gassicourt, secrétaires; Delondre, trésorier; Reymond, Caylus, Hernandez, Marchand et Baget, assesseurs; la Société de Prévoyance des Pharmaciens était née...
Membre de la Société de Pharmacie, il en est Secrétaire Général en 1817 (il le sera jusqu'en 1824), puis Président en 1826, et à nouveau Secrétaire général de 1828 à sa mort en 1840.
Il devient Membre titulaire de l'Académie royale de Médecine le 27 septembre 1820, à sa création, est admis Chevalier de la Légion d'honneur en 1830, et enfin entre à Académie des sciences où il fut élu le 14 janvier 1833 dans la section de chimie, en remplacement de Jean-Antoine Chaptal.
Son étude pionnière sur la cantharidine, démontrant, dès 1810, la possibilité d'extraire le principe actif d'une matière médicamenteuse complexe, peut être considérée comme fondatrice pour les recherches de chimie appliquée et ouvrit la voie à de nombreuses recherches dès les années qui suivirent.
Suite à sa nomination à l'Académie des Sciences, il cède sa pharmacie et consacre dès lors le reste de sa vie à des recherches dans son laboratoire, renonçant à toute espèce de relation de société, même au professorat, que dans les derniers temps ses problèmes de santé allant croissant ne lui permirent plus de continuer.
L'un de ses élèves les plus brillants de l'École de Pharmacie, Théodore Nicolas Gobley, qui deviendra un pionnier de l'étude chimique des constituants du cerveau et sera Président de l'Académie Nationale de Pharmacie, devient son collaborateur, puis son gendre, en épousant Laure Robiquet une de ses deux filles (l'autre, Eugénie, épousera également un pharmacien, Adolphe Guillemette), tandis que son fils embrasse lui-même la carrière de pharmacien chercheur.
Dans les dernières années de sa vie, il eut plusieurs de ses amis pour collaborateurs, avec lesquels il publia Recherches sur les amandes amères et leur huile volatile, Recherches sur les semences de moutarde, Recherches sur la garance. Ces travaux ont enrichi la science de corps remarquables sous les points de vue théorique et pratique. Ainsi, l'amygdaline, par sa transformation en acide hydrocyunique, en hydrure de benzoyle, etc., sous l'influence de la synaptase émulsine et de l'eau, présente un fait aussi important pour l'histoire de l'affinité que pour l'analyse immédiate des matières organiques. Enfin, les principes colorants rouges de la garance, de la purpurine, et surtout de l'alizarine, ont enrichi à la fois la chimie et l'industrie.
Il vint ainsi jusqu'au mois d'avril 1840, où, frappé subitement au milieu de ses travaux d'une affection cérébrale, il fut obligé de les interrompre et y succomba après quelques jours de souffrances, âgé de 60 ans.
"Les travaux de Robiquet", a dit Eugène Chevreul, "se recommandent par le nombre, la diversité des sujets, la délicatesse des procédés d'analyse immédiate, l'exactitude des expériences, la finesse et l'originalité même des aperçus, l'intérêt des résultats, portant souvent sur la science pure aussi bien que sur l'application".