La théorie de la diffraction sur un cristal modélise l'interaction rayonnement-matière dans le cas où la matière est organisée de manière ordonnée (voir aussi Cristallographie).
Ces phénomènes interviennent essentiellement dans les méthodes d'analyse et d'observation de la matière :
On peut en avoir une approche simplifiée purement géométrique avec l'analogie avec un réseau de diffraction et la loi de Bragg.
Dans une large mesure, l'analyse est indépendante de la nature de la radiation incidente : rayonnement électromagnétique (rayons X) ou particule (électrons, neutrons). Toutefois, la nature du rayonnement intervient pour une analyse plus fine.
Le phénomène à la base de la diffraction par un cristal est la diffusion du rayonnement par les atomes. On considère exclusivement une diffusion élastique (le rayonnement ne perd pas d'énergie), il s'agit donc de diffusion Rayleigh.
Cette diffusion est anisotrope ; toutefois, pour une première approche, on peut considérer par approximation que cette diffusion est isotrope, c'est-à-dire que l'intensité diffusée par chaque atome est indépendante de la direction de l'espace.
Pour simplifier, on considère un rayonnement monochromatique. Le rayonnement de longueur d'onde λ peut être décrit par sa fonction d'onde ψ en tout point
où φ0 est la phase à l'origine spatiale et temporelle,
et ω est la pulsation
c étant la vitesse de la lumière.
On choisit arbitrairement l'origine telle que φ0 = 0.
Une maille donnée du cristal est composée de n atomes. Chaque atome j placé en
La fonction de l'onde diffusée par l'atome j est ψj et s'écrit :
où φ est le déphasage de l'onde en
Le déphasage φ est la somme de deux contributions :
Si l'on définit le vecteur de diffraction
on a alors :
On peut maintenant se placer non plus à l'échelle d'un atome, mais à l'échelle d'une maille cristalline. L'onde ψ' diffractée par la maille est la somme des ondes diffusées par chacun de ses n atomes :
On définit le facteur de structure F comme étant :
on a donc
On a considéré ici que l'onde était diffusée par un atome ponctuel. En toute rigueur, l'onde est diffusée par le nuage éléctronique, qui est une fonction continue de l'espace. Il faut donc définir en chaque point
dv étant l'élément de volume considéré autour de la position
Le cristal est composé de m mailles. La fonction ψ'l de l'onde diffractée par une maille l placée en
(ceci se montre de manière similaire à précédemment en considérant le déphasage entre la source et la maille, puis entre la maille et le point
L'onde ψ'' diffractée par l'ensemble du cristal est la somme des ondes diffractées par chaque maille, soit :
On définit le facteur de forme
on a donc
L'intensité diffractée I dans un point de l'espace
On a un effet d'atténuation en fonction de l'éloignement qui varie selon l'inverse du carré de la distance : il s'agit simplement de la " répartition " de l'énergie sur une sphère (dimunution de la densité angulaire). Si l'on corrige de ce phénomène, alors l'intensité ne dépend que de la direction de l'espace, que l'on peut donner par le vecteur de l'onde diffractée
soit
D'autres facteurs interviennent, notamment la géométrie de l'appareil de mesure, l'optique. Par exemple, l'intensité peut varier selon l'inclinaison du détecteur par rarport à l'échantillon.
Dans un diagramme de diffraction, un pic (ou un point si c'est une figure 2D) correspond à un maximum d'intensité, c'est-à-dire à un maximum local de F. Intuitivement, F est maximal lorsque les rayons diffusés par les atomes de la cellule sont tous en phase. Si l'on considère deux atomes j et l, on doit avoir
Soit
où xj, yj et zj sont des nombres positifs inférieurs ou égaux à 1.
Considérons la base de l'espace réciproque
V étant le volume de la maille
La condition (eq1) appliquée à tous les atomes de la maille deux à deux revient alors à dire que le vecteur de diffraction doit être une combinaison linéaire à facteurs entiers des vecteurs de la base réciproque :
h, k et l étant des entiers, ce sont les indices de Miller. L'équation ci-dessus est la condition de diffraction de Laue. On peut montrer qu'elle est équivalente à la condition de Bragg.
On peut ainsi indicer les vecteurs d'onde donnant des pics/points par les indices de Miller et écrire
Les lieux des extrémités des
Donc selon la condition de Laue, il y a diffraction si
donc si
Etudions uniquement le cas où le vecteur de diffraction garde toujours la même orientation par rapport au cristallite (la bissectrice entre le faisceau incident et la direction d'observation est toujours sur la même droite) ; cela signifie que les vecteurs de l'onde incidente et de l'onde diffusée sont toujours symétriques par rapport à cette direction, dans l'espace réel comme dans l'espace réciproque. Cela correspond à la géométrie de Bragg-Brentano, on place le détecteur de manière symétrique à la normale à l'échantillon passant par le centre de celui-ci.
Plaçons-nous dans le cas d'un monocristal. On voit que selon la déviation du faisceau, c'est-à-dire l'angle que fait le faisceau incident avec la direction d'observation, on est en condition de diffraction ou pas.
Supposons maintenant que l'on fasse tourner le cristallite dans tous les sens durant la mesure, ou, ce qui est équivalent, que l'échantillon soit constitué d'une multitude de cristallites orientés dans tous les sens (poudre). Alors, il faut superposer tous les réseaux réciproques pour connaître les déviations donnant un pic/point de diffraction. Cela donne des sphères concentriques ; il y a diffraction si le vecteur de diffraction rencontre une sphère.
Sphères formées par la superposition des réseaux réciproques des cristallites d'une poudre |
Considérons qu'à un instant donné, le vecteur de l'onde incidente
Les directions dans lesquelles on aura de la diffraction sont donc données par l'intersection de la sphère d'Ewald avec les sphères des
Considérons maintenant que l'on garde le réseau réciproque immobile (monocristal), mais que l'on fait tourner la sphère d'Ewald. On voit que la sphère d'Ewald va balayer une boule de centre O et dont le rayon est le diamètre de la sphère d'Ewald. Les points contenus dans cette " supersphère " correspondent aux différentes conditions de diffraction possibles ; les points à l'extérieur ne peuvent pas, dans les conditions de mesure données (c'est-à-dire pour la longueur d'onde λ donnée), donner de diffraction. Cette " supersphère " est appelée " sphère de résolution ", elle a un rayon de 2/λ.
Si λ est trop grand, la sphère de résolution ne contient que le centre du réseau réciproque, la diffraction n'est donc pas possible. C'est la raison pour laquelle il faut recourir à des rayonnement de longueur d'onde suffisamment petite (rayons X ou particules ayant une vitesse suffisamment élevée) pour pouvoir caractériser un réseau cristallin.
Si l'on se remet dans une géométrie de Bragg-Brentano (direction du vecteur de diffraction fixée), le vecteur de diffraction est obtenu en prenant l'intersection de la sphère avec l'axe de la direction imposée.
Pour les conditions de diffraction, nous n'avons considéré jusqu'ici que le facteur de structure. Les conditions de diffraction pour un monocristal se représentent comme un réseau ponctuel dans l'espace réciproque.
Ceci ne serait vrai que pour un monocristal de dimension " infinie ". Pour un cristallite de taille finie, on a une diffraction au sens diffraction de Fraunhofer ; sur un film photographique, la trace de diffraction n'est donc pas un ensemble de points infiniment petits, mais des taches d'Airy.
Voir l'article détaillé Théorie de la diffraction.
Dans l'espace réciproque, la condition de diffraction n'est pas un réseau de points, mais un réseau de taches tridimensionnelles.
La forme de ces taches dans l'espace réciproque est décrite par le facteur de forme. De manière classique en matière de diffraction, la tache du réseau réciproque est plus étendue dans la direction perpendiculaire à la dimension la plus étroite du cristallite.
Si le cristallite est sphérique mais de petite taille (inférieure au micromètre), la tache dans l'espace réciproque sera de symétrie sphérique, la densité décroissant avec le rayon (l'intensité diffractée étant proportionnelle à cette densité).
Si le cristallite est un disque (cylindre aplati dans son axe), la tache de diffraction sera une aiguille (cylindre de faible rayon mais étiré selon son axe).
Nous avons exposé ci-dessus la théorie dite " cinétique " de la diffraction. Dans la théorie cinétique, on considère que l'onde diffusée par les nœuds ne diffracte pas elle-même. Cette hypothèse est valable lorsque l'intensité diffractée est faible devant l'intensité incidente, ce qui est le cas avec les rayons X et les neutrons.
Cette hypothèse n'est en général plus valable avec les électrons, sauf dans le cas de la diffraction par une lame mince (dans un microscope électronique en transmission). On a alors recours à la théorie dite " dynamique ".