Opéra Garnier Opéra national de Paris | |
Façade du palais Garnier | |
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Type | Opéra |
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Lieu | Paris 9e France |
Architecte(s) | Charles Garnier |
Inauguration | 5 janvier 1875 |
Capacité | 1 900 places |
Direction artistique | Nicolas Joel |
Site web | www.operadeparis.fr |
Résidence | |
Opéra national de Paris, Orchestre de l'Opéra de Paris, Ballet de l'Opéra national de Paris |
L’Opéra Garnier, ou Palais Garnier, est un des éléments structurants du 9e arrondissement de Paris et du paysage de la capitale française. Situé à l'extrémité de l'avenue de l'Opéra, près de la station de métro du même nom, l'édifice s'impose comme un monument particulièrement représentatif de l'architecture éclectique et du style historiciste de la seconde moitié du XIXe siècle et s'inscrit dans la continuité des transformations de Paris menées à bien par Napoléon III et le préfet Haussmann.
Cette construction a longtemps été considérée comme l'« Opéra de Paris », mais depuis l'ouverture de l'Opéra Bastille en 1989, on la désigne par le seul nom de son auteur : Charles Garnier. Les deux sites sont aujourd'hui regroupés au sein de l'établissement public, industriel et commercial « Opéra national de Paris ».
Cet opéra fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 16 octobre 1923. Ce site est desservi par la station de métro Opéra.
Au retour d'une série de voyages d'études en Grèce, en Turquie et de nouveau à Rome (où il fut pensionnaire de l'Académie de France en 1849), Charles Garnier va remporter un succès inattendu.
Napoléon III est visé lors d'un attentat, le 14 janvier 1858, rue Le Peletier où se situe la salle d'Opéra du moment. Des anarchistes italiens, dirigés par Felice Orsini, jettent plusieurs « machines infernales » dans le cortège et la foule qui l'entoure. Le couple impérial est miraculeusement épargné, mais se retrouve au milieu de huit morts et de près de cent cinquante blessés.
La construction d'une nouvelle salle est décidée par l'empereur, au lendemain même du drame, pour la construction de ce qui deviendra le nouveau lieu d'apparat de la haute société parisienne, puis déclare le projet comme étant d'utilité publique par arrêté impérial daté du 29 septembre 1860.
Pour certains historiens, Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc semble à l'origine de l'idée d'un concours, craignant l'attribution du projet et la direction du chantier à Charles Rohault de Fleury, architecte ordinaire de l'Opéra et donc logiquement destiné à réaliser cette nouvelle commande. Selon l'avis d'autres spécialistes, ce sont Napoléon III et surtout son épouse, l'impératrice Eugénie, qui souhaitent écarter Rohault de Fleury pour que Viollet-le-Duc, leur favori, en soit lui-même chargé.
Toujours est-il que le concours pour l'édification d'une « Académie impériale de musique et de danse », largement ouvert et international, est donc organisé et annoncé dans un second arrêté du 29 décembre de la même année 1860. L'usage voulait jusque-là que l'on fasse directement appel à un architecte désigné. Haussmann propose, en cette occasion, un site peu commode et plutôt mal adapté à ce type de programme.
Jeune architecte n'ayant pas encore fait ses preuves - ou si peu, Charles Garnier décide d'affronter ses pairs en participant au concours et de tenter de se distinguer parmi cent soixante et onze concurrents. L'événement est tel que tous les Parisiens et de nombreux provinciaux suivent de très près le déroulement de la compétition. Officiels, presse et grand public y vont de leur propre commentaire et attendent impatiemment le résultat.
Charles Garnier (1825-1898) est Premier Grand Prix de Rome en 1848. Secondé de confrères et amis de l'École des Beaux-Arts, pour partie d'entre eux également lauréats de la même distinction, il rend un projet dont les châssis portent le numéro 38 et une devise - les projets devant rester anonymes - qui résume assez bien le caractère de son auteur : « J'aspire à beaucoup, j'attends peu ».
Le jury est présidé par le prince Walewski, fils naturel de Napoléon Ier et de la comtesse Walewska. Il est confié à ce groupe d'experts la lourde charge d'examiner les nombreuses propositions déposées. Viollet-le-Duc et Rohault de Fleury sont éliminés au premier tour. Le 30 mai 1861, Charles Garnier, architecte méconnu de trente-cinq ans, est proclamé vainqueur à l'unanimité. Un budget initial de vingt-neuf millions de francs-or est adopté. Il sera, par la suite, amputé d'environ trente pour cent de son montant par le ministre des Finances.
À la surprise des grands architectes « installés » et, peut-être, de Charles Garnier lui-même, au désespoir de Viollet-le-Duc qui doit se retirer prématurément de la compétition, la construction du vaste et complexe ouvrage lui est confiée alors qu'il n'a pratiquement rien construit. Le projet surprend et séduit pourtant le plus grand nombre. Il réunit plusieurs styles harmonieusement agencés qui agrémentent aussi bien élévations et décors intérieurs.
Les principales critiques vont porter plutôt sur l'extérieur et sa succession brutale de volumes distincts qui expriment pourtant clairement les fonctions internes de l'édifice. Ainsi, les emplacements successifs du grand foyer, du grand escalier, de la salle de spectacle, de la scène et de sa cage, du foyer de la Danse et des bâtiments administratifs se devinent aisément et le tout s'enchaîne en une composition aussi érudite qu'évidente. Plans, coupes et façades sont d'une grande clarté et le rapport de grandeur inhabituel entre le volume de la salle et celui de la scène et de ses dispositifs scéniques étonne.
Le choix du site est proposé, pour la compétition, par le préfet Haussmann. Le terrain est destiné à être entouré de hauts immeubles de rapport. Ses dimensions et sa forme très particulière résultent des récents tracés voulus par l'urbaniste. D'importantes contraintes s'imposent ainsi aux différents concurrents puis à l'architecte lauréat.
La difficulté de concevoir un édifice d'une aussi grande envergure sur une surface ingrate, losange étriqué et dissymétrique, amène Garnier à demander divers aménagements et cela à plusieurs reprises. Mais Haussmann reste intraitable. L'architecte gardera malgré tout l'espoir que les bâtiments alentours soient ultérieurement rasés puis remplacés par des jardins afin que les Parisiens puissent apprécier une œuvre se suffisant à elle-même.
Les immeubles voisins font l'objet d'une entorse aux règlements que le baron a lui-même fixés et dépassent la hauteur normalement autorisée. Les façades de l'opéra risquent donc d'être plus basses que leur environnement. En réaction, le maître d'œuvre doit modifier ses dessins au dernier moment et surélever l'étage attique pour que le projet et ses élévations conservent le prestige indispensable à un palais voué à l'Art.
Garnier décide, comme il est déjà dit plus haut, de s'entourer d'amis rencontrés pendant ses études et notamment d'autres grands prix de Rome qui le seconderont dans les dessins du projet définitif (plans, coupes, façades, détails de construction et de décoration) et dans l'inspection régulière du chantier. C'est ainsi que Victor Louvet, Premier Grand Prix de Rome en 1850, devient son adjoint et bras droit.
Aidé de Louvet, le lauréat supervise le choix des entreprises et des différents artistes et artisans : peintres, sculpteurs, marbriers, staffeurs, stucateurs, mosaïstes, parqueteurs, ébénistes, ferronniers, doreurs, tapissiers et autres ornemanistes.
La commande, une fois attribuée, oblige Garnier, dépourvu de locaux assez vastes pour mener à bien ses plans d'exécution, à se construire un baraquement assez sommaire qui fera office d'agence, sur le lieu même du chantier. Cette construction provisoire comprend un rez-de-chaussée et un seul étage dont l'accès aux différentes salles de travail est permis grâce à un escalier et une coursive extérieurs.
Quelques rares photographies permettent de surprendre l'architecte entouré de ses collaborateurs munis de tables à dessin très rudimentaires, châssis ou simples planches disposés à plat sur des tréteaux. Sur les murs, sont accrochés tés, équerres, compas et autres instruments nécessaires à la réalisation des plans principaux et des détails de construction ou ayant trait à la décoration. On remarque également, à l'arrière-plan et posés sur des étagères, des modèles en plâtre ou en pierre ainsi que des échantillons de matériaux de multiples provenances. Le chauffage y est assuré par des poêles à bois ou à charbon.
On peut alors mesurer le degré d'inconfort dans lequel l'équipe est obligée de travailler, été comme hiver.
Si le début des travaux a lieu dès 1861, l'entreprise est marquée officiellement par la pose de la première pierre l'année suivante, en 1862.
Lors des fouilles et des excavations, destinées à la réalisation des massifs de fondations, les travaux doivent brusquement s'interrompre. Le niveau de la nappe phréatique est rapidement atteint et la situation oblige à la mise en place de pompes à vapeur fonctionnant jour et nuit.
Un cuvelage en béton de grandes dimensions est créé. Bientôt rempli d'eau, ce dernier permet aux infrastructures de résister à la pression des eaux d'infiltration et de mieux répartir les charges d'une partie des bâtiments dans un sous-sol de qualité médiocre. Il sert, encore aujourd'hui, de réservoir pour les pompiers en cas de sinistre. La maintenance du bassin est effectuée en barque par les techniciens responsables de l'endroit ; ces derniers nourrissent les carpes vivant dans ces eaux (indice de la qualité de l'eau).
Cette péripétie donnera naissance à la légende d'un lac souterrain alimenté par un cours d'eau portant le nom de « Grange-Batelière » : un imprévu savamment exploité et entretenu par le célèbre roman de Gaston Leroux : le Fantôme de l'Opéra. En réalité, la rivière coule un peu plus loin.
La construction s'étale sur près de quinze années, de 1861 à 1875. Celle-ci est soigneusement cachée derrière des échafaudages recouverts de planches et de verrières qui masquent, en particulier, la façade principale pour que l'effet de surprise soit total.
L'Opéra Garnier constitue le prototype et la synthèse du « style Second Empire » (ou « style Napoléon III »), qui devient le décor préféré de la bourgeoisie de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années vingt du siècle suivant.
Pendant toute la durée du chantier, le montant des finances accordées ne cesse d'évoluer au rythme d'imprévus d'ordre techniques et, surtout, au gré d'aléas entraînés par des choix de politique intérieure et de l'état des relations internationales.
Ainsi, le Conseil des bâtiments civils impose, très tôt, une forte réduction budgétaire en restreignant l'enveloppe globale de moitié : quinze millions de francs-or sont alloués au lieu des vingt-neuf annoncés initialement. Pourtant le chiffre de départ est bientôt dépassé; les comptes, remis à jour en 1864, aboutissent à une facture nettement plus élevée s'élevant à la somme de vingt-quatre millions de francs.
Le chantier est ralenti, voire interrompu à plusieurs reprises. Les crédits indispensables sont parfois réaffectés à des projets jugés prioritaires ou plus populaires, tels que l'Hôtel-Dieu à Paris. Pendant la coûteuse guerre contre la Prusse, la construction est complètement stoppée.
A l'avènement de la IIIe République, l'argent nécessaire à la reprise des travaux est attribué avec parcimonie. Ce n'est qu'à la suite de la destruction de la salle Le Peletier qu'une mobilisation des sommes indispensables à l'achèvement du gros œuvre et de la décoration intérieure a lieu. L'architecte se voit attribuer une dernière rallonge de six millions neuf cent mille francs, sous condition expresse d'achever sa mission dans un délai d'un an et demi.
La livraison de l'Opéra est effective à la date du 30 décembre 1874 et pour une dépense totale de trente-six millions de francs-or. Certains lieux restent inachevés comme la rotonde du Glacier et la galerie du Fumoir. Cette dernière ne sera jamais aménagée.
Les façades à peine dévoilées, Napoléon III demande à Haussmann d'aménager une avenue reliant le Palais des Tuileries, où il réside, au bâtiment de Garnier. Large et dotée d'un accès direct au pavillon de l'Empereur, cette artère n'a d'autre fonction que de permettre au souverain de circuler sans risque d'un nouvel attentat. Pour l'architecte de l'Opéra, réjoui de voir son œuvre mise en valeur d'une façon aussi spectaculaire, cette entreprise doit avoir l'effet « d'une trompette que l'on souffle dans la chambre d'un malade ».
Mais l'architecte s'oppose violemment à l'urbaniste sur un point à ses yeux essentiel : la plantation d'arbres. Rien ne doit venir perturber la perspective et dissimuler son œuvre. Haussmann est obligé de céder.
L'avenue de l'Opéra ne s'inscrit pas, à l'origine, dans le plan d'urbanisme devant remodeler Paris. Elle demeure comme le seul percement du baron Haussmann qui n'ait pas de réelle utilité, sinon de préserver la sécurité du prince et de permettre la réalisation d'immeubles cossus à but purement spéculatif : habitations, mais aussi, et surtout, sièges de grandes sociétés (banques et compagnies d'assurance), grands magasins et boutiques luxueuses.
Cette percée oblige à la démolition de tout un quartier. Les problèmes liés aux nombreuses expropriations gênent considérablement le bon déroulement des travaux et le respect des délais prévus. Ainsi, l'avenue de l'Opéra n'est achevée qu'en 1879, bien après la fin de l'édification du Palais Garnier et la chute du Second Empire.
Une première inauguration a lieu pour la seule façade principale, achevée jusqu'aux mascarons, guirlandes et bas-reliefs les plus délicats de la frise de l'attique. En effet, à l'occasion de l'exposition universelle de 1867 et à la demande de l'empereur, ce morceau de bravoure si attendu est inauguré en grande hâte, bien avant que le reste de l'ouvrage ne soit terminé.
C'est le moment, pour une foule impatiente, d'assister à la dépose de l'impressionnant échafaudage et de découvrir un avant-goût de ce qui constituera l'œuvre majeure de son architecte.
L'impératrice Eugénie commenta ainsi les plans : « Qu'est-ce que c'est que ce style-là ? Ce n'est pas un style !... Ce n'est ni du grec, ni du Louis XV, pas même du Louis XVI. » et Charles Garnier de répondre : « Non, ces styles-là ont fait leur temps... C'est du Napoléon III ! Et vous vous plaignez ! »
Les travaux sont donc interrompus en raison du conflit avec la Prusse et ses alliés. Les bâtiments inachevés sont réquisitionnés pour y entreposer des vivres et de la paille pour les chevaux. La défaite de Sedan, en 1870, provoque la chute de l'Empire, l'occupation militaire de la capitale et conduit à l'épisode de la Commune de Paris de 1871. L'avènement du gouvernement provisoire de Thiers, puis de la Troisième République, ne change rien à la situation. Si, dans un premier temps, les difficultés économiques de la France ne permettent pas de poursuivre les dépenses excessives engagées pour le futur Opéra, c'est ensuite et surtout pour le symbole qu'il représente et l'embarras qu'il crée au sein des nouvelles élites que l'on hésite à prendre la décision d'achever la commande d'un régime discrédité. On ne sait que faire, sinon renvoyer Garnier et continuer à utiliser la salle de la rue Le Peletier.
Un événement survient le 28 octobre 1873 : le vieil opéra de la rue Le Peletier - qui servait d'opéra provisoire à Paris depuis 1821 - est entièrement détruit dans un incendie. L'architecte est aussitôt rappelé pour reprendre et achever le chantier du nouvel opéra.
L'inauguration a lieu le mardi 5 janvier 1875 en présence du président de la République Mac Mahon, du lord-maire de Londres, du bourgmestre d'Amsterdam, de la famille royale d'Espagne et de près de deux mille invités venus de l'Europe entière et d'ailleurs. Le programme comprend :
La bonne qualité acoustique de la salle permet à des spectateurs de s'apercevoir que les livrets contiennent de nombreuses erreurs.
Charles Garnier aurait été invité (les sources divergent sur ce point). Il doit payer sa place dans une seconde loge. Cet incident, particulièrement regrettable et d'ailleurs raillé par la presse de l'époque - « une administration faisant payer à l’architecte le droit d’assister à l’inauguration de son propre monument ! » -, exprime un rejet des nouveaux gouvernants envers ceux qui, de près ou de loin, ont servi l'empereur déchu et l'habituelle ingratitude des puissants envers les artistes.
Napoléon III n'aura, quant à lui, jamais profité ni de l'Opéra ni de son avenue qu'il attendait avec tant d'impatience. Il était mort deux ans auparavant, en exil en Angleterre.
Par décision du 19 octobre 1923 de la Commission supérieure des monuments historiques, l'architecture et les décorations intérieure et extérieure font l'objet d'un classement, survenu seulement quarante-huit ans après l'inauguration de l'Opéra.