En mathématiques, et plus précisément en théorie algébrique des nombres, un entier de Gauss est un élément de l'anneau des entiers quadratiques de l'extension quadratique des rationnels de Gauss. Il s'agit donc d'un nombre complexe dont les parties réelle et imaginaire sont des entiers relatifs.
L'ensemble des entiers de Gauss possède une structure forte. Comme tous les ensembles d'entiers algébriques, muni de l'addition et de la multiplication ordinaire des nombres complexes, il forme un anneau intègre commutatif et unitaire, généralement noté Z[i], i désigne ici l'unité imaginaire. Cet ensemble dispose en plus d'une division euclidienne, ce qui permet d'y bâtir une arithmétique très analogue à celle des entiers relatifs. De manière plus générale, cet ensemble peut être vu comme un anneau d'entiers quadratiques et à ce titre est un anneau de Dedekind.
Ils sont largement utilisés en théorie algébrique des nombres et en arithmétique modulaire, par exemple pour l'étude d'équations diophantiennes, Leur utilisation a permis à Carl Friedrich Gauss de démontrer la loi de réciprocité quadratique.
Les entiers de Gauss ont été découverts alors que Gauss recherche une solution à la question des congruences des carrés étudié dans un premier temps par Fermat. Euler formalise la notion de résidu quadratique et conjecture la solution, c'est-à-dire la loi de réciprocité quadratique. Legendre reprend le théorème et propose une preuve incomplète et insuffisante.
À l'âge de 18 ans, Gauss démontre le théorème. La démonstration est publiée trois ans plus tard. Il considère cette loi comme le joyau de l'arithmétique, l'appelant même le « théorème d'or ». Pour résoudre cette question, il découvre un ensemble : celui des entiers qui portent maintenant son nom. Ils bénéficient des mêmes propriétés arithmétique que les entiers relatifs. On y trouve la division euclidienne, l'équivalent du lemme d'Euclide, de l'identité de Bézout, des nombres premiers et du théorème fondamental de l'arithmétique. À l'aide de cette structure, il redémontre le théorème des deux carrés conjecturé par Fermat et démontré par Euler et ouvre la voie de l'arithmétique modulaire.
L'utilisation d'une structure comme celle des entiers de Gauss subit des tentatives de généralisation pour s'appliquer à des cubes ou à des puissances quelconques. Elles débouchent dans le cas des cubes (voir entier d'Eisenstein) ou des puissances cinquièmes (voir entier de Dirichlet). En 1847 Gabriel Lamé utilise une méthode d'extension brutale et pense à tort avoir démontré le grand théorème de Fermat. Sa méthode est inopérante car, à la différence des entiers de Gauss, son extension ne dispose pas de la propriété d'unicité du théorème fondamental de l'arithmétique. Kummer trouve une solution qui garantit à nouveau cette unicité. Cette méthode permet de généraliser la loi de réciprocité dans de nombreux cas, et prouve le grand théorème de Fermat dans tous les cas compris entre 3 et 100, exceptés 37, 59 et 67.
L'étude de ce type de structure est alors largement développée par des mathématiciens comme Dedekind ou Hilbert et prend le nom de théorie des anneaux.
L'ensemble des entiers de Gauss muni de l'addition et de la multiplication forme un anneau.
Ses éléments inversibles sont :
Cette propriété est générale aux entiers d'une extension de corps (voir Entier algébrique). Il est néanmoins simple de vérifier ici que l'ensemble est un sous-anneau de l'anneau des rationnels de Gauss (tout corps est aussi un anneau) :
En tant que sous-anneau du corps des rationnels de Gauss, il hérite de certaines propriétés, ainsi l'anneau est intègre et commutatif. Il est de plus unitaire et donc de caractéristique nulle.
L'ensemble peut, de plus, être muni d'une structure de Z module, comme chaque anneau d'entiers algébriques et bénéficie des propriétés inhérentes à ces anneaux. Le module est libre et de type fini. Il possède donc une base, ici la base canonique est (1,i).
Comme tout anneau d'entiers algébriques, les entiers de Gauss possède une norme. Si N est cette norme, elle est définie par :
ou encore
Elle possède une représentation grahique naturelle, la norme correspond au carré du rayon du cercle ayant pour centre l'origine et de rayon le carré du module du nombre. La figure de droite illustre ce fait, le nombre x égal à 1 + i est de norme 2 et y égal à 2 + i est de norme 5.
La norme telle que définie ici semble incohérente avec celle d'un espace euclidien, une racine carrée est manquante. Leurs origines sont différentes, les généralisations des normes euclidiennes apparaissent comme la racine carré d'une somme de carrés dans un espace de dimension quelconque, dans le cas de la théorie des entiers algébrique, elle apparaît comme une somme de puissance de n si n est la dimension de l'extension. Sous le même mot, se cache deux notions différentes, même si, dans le cas particulier des entiers de Gauss, les formes sont analogues.
Le graphique illustre cette propriété : x de norme 2 et y de norme 5 ont pour produit un entier de Gauss de norme 10.
La norme permet de démontrer simplement quelques résultats, par exemple la recherche des éléments inversibles de l'anneau. Soit x un élément inversible. Alors N(x·x−1) = 1 = N(x)·N(x−1) donc la norme de tout élément inversible est égale à 1. Réciproquement si x est de norme 1 alors son conjugué est égal à son inverse donc x est inversible. Le groupe des unités est composé des quatre éléments ayant une norme égale à un : 1, −1, i, −i.
La norme possède une propriété plus importante : elle permet de définir une division euclidienne.
Illustrons la division euclidienne par un exemple :
L'objectif est de trouver un entier de Gauss q proche de a / b. Par proche on entend que le reste de la division soit de norme plus petite que b. Une autre manière d'exprimer la division euclidienne est de dire que la distance entre a / b et q est strictement inférieure à 1.
Dans l'illustration, le carré contenant a / b est mis en valeur par un fond rouge. Les quatre sommets du carré sont alors candidats à être solution de la division euclidienne. Chaque sommet est le centre d'un cercle de rayon un, dont l'intersection du disque intérieur avec le carré rouge indique la zone où la division est possible. On remarque que tout point du carré est couvert par au moins un cercle. Plus précisément les points près du centre sont couverts par quatre cercles, une zone près de chaque sommet est couverte par trois cercles, le reste du carré, autour des côtés, par deux cercles à l'exception des sommets, couverts par un unique cercle.
En conclusion, la division euclidienne admet toujours de une à quatre solutions, la solution est unique si et seulement si a / b est un entier de Gauss. Dans notre exemple, les trois solutions acceptables sont :
L'unicité de la solution n'est pas si importante, les entiers de Gauss forment un anneau euclidien.
Considérons un entier de Gauss q tel que la norme N(a /b - q ) soit plus petite que 1/2. Il suffit de considérer un nombre q ayant une partie réelle (respectivement imaginaire) à une distance inférieure ou égale à 1/2 de la partie réelle (respectivement imaginaire) de a /b. Cette existence traduit le fait que tout disque de rayon 1 croise au moins une fois l'anneau des entiers de Gauss. Définissons r comme égal à b.(a /b - q ), alors l'égalité définissant la division euclidienne est vérifiée et :