Paul Geheeb (né en 1870 en Thuringe et décédé en 1961 à Hasliberg-Goldern en Suisse), est un pédagogue réformateur. Fondateur de l'Odenwaldschule et de l'École d'Humanité (de), il compte parmi les membres les plus importants du mouvement d'« éducation nouvelle », ou mouvement des internats à la campagne.
Paul Geheeb | |
Surnom(s) | Paul Freimut |
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Naissance | 10 octobre 1870 Geisa, Allemagne |
Décès | 1er mai 1961 (à 91 ans) Hasliberg-Goldern, Suisse |
Pays de résidence | Suisse |
Diplôme(s) | Professeur |
Profession(s) | Directeur d'école |
Autres activités | Pédagogue adepte de l'éducation nouvelle |
Formation | Lycée : Fulda, Eisenach ; Université : Iéna, Berlin |
Distinctions | Doctor honoris causa des universités de Tübingen et de Santiniketan |
Ascendants | Adalbert Geheeb |
Paul Geheeb est né le 10 octobre 1870 à Geisa, une petite bourgade dans l'ouest de la Thuringe. Il était le second des 5 enfants du pharmacien et botaniste spécialiste des mousses Adalbert Geheeb (1842-1909) et de sa femme Adolphine, née Calmberg (1841-1884). Son frère Reinhold Geheeb (1872-1939) est pendant 40 ans à partir de 1896 rédacteur et directeur de publication du journal satirique Simplicissimus publié par les éditions Albert Langen-Verlag de Munich. Sa sœur Anna Geheeb (1875-1960), qui a participé à la fondation de l'internat Nordeck (de) à la campagne, appartient à la première génération de femmes admises aux études de médecine en Allemagne.
Paul Geheeb alla au lycée à Fulda et à Eisenach. À 14 ans, il perdit sa mère – de façon très inattendue pour lui. À 90 ans il écrit à ce sujet :
« J'aurais cru possible la fin du monde, plutôt que le bon Père du Ciel que je priais tous les jours, fasse mourir ma mère (...). Aujourd'hui encore, il me faut considérer cette catastrophe comme la pire des nombreuses que j'ai eues à subir tout au long de ma vie. Pendant des années après, je suis tombé dans une dépression telle qu'aujourd'hui on m'enverrait dans un établissement psychiatrique, et j'ai eu maintes fois l'idée de mettre fin à mes jours. (...) Alors qu'avant la mort de ma mère, j'avais centré mes intérêts exclusivement sur des sujets scientifiques, surtout dans le domaine de la botanique, je me tournai alors vers les questions philosophiques et religieuses, et j'ai eu le premier contact avec la personnalité de Jésus de Nazareth, sous l'influence d'un remarquable professeur de religion au lycée d'Eisenach (il a depuis été nommé à l'Université de Tokyo). De là date toute ma passion pour aider la pauvre humanité souffrante à s'améliorer et à trouver le bonheur (). »
En 1889/90, Geheeb fait son service militaire comme aspirant à Giessen. Ensuite, il fait ses études aux universités de Berlin puis d'Iéna. Parmi ses professeurs, on compte notamment les théologiens Otto Pfleiderer, Richard Adelbert Lipsius et le jeune animateur de la théologie de gauche Otto Baumgarten.
De mars 1889 à octobre 1890, Geheeb a été membre des fraternités étudiantes Arminia de Giessen et Neogermania de Berlin. Dans une brochure parue en 1891, il critique sous le pseudonyme de « Paul Freimut » la stupidité de l'usage des duels, de la surconsommation d'alcool, ainsi que la camaraderie vide des fraternités, et - particulièrement en son temps - le comportement irrespectueux de la jeunesse universitaire vis-à-vis des femmes. Il ne serait pas simplement désolant, mais encore ce serait un signe de grand danger de voir « les fils allemands des Muses considérer la femme comme la plus misérable et la plus malheureuse des créatures, décrire le sexe féminin comme purement passif, et se rallier de plus en plus à la notion que la femme n'a pas de vocation plus haute que d'apaiser les désirs charnels de l'homme et de servir de machine pour la reproduction humaine (, p. 34). »
En avril 1893, Geheeb passe son premier examen théologique devant l'autorité ecclésiastique de Saxe-Weimar. À cette occasion, son interprétation libérale de la guérison de l'aveugle par Jésus est critiquée par quelques examinateurs. Cette expérience renforce ses doutes sur le sens de la carrière qu'il avait entreprise, si bien qu'il se tourne par la suite de plus en plus vers les disciplines médicales, psychologiques, pédagogiques et philologiques. Au bout de 12 semestres supplémentaires, entre Iéna et Berlin, il finit ses études de théologie en septembre 1899, et non par le deuxième examen ecclésiastique, mais par l'examen de professeur.
Comme la situation financière de sa famille ne permettait pas à Geheeb de vivre comme « étudiant à temps plein », il travaille d'avril 1893 à juin 1894 comme professeur et éducateur dans l'établissement de Johannes Trüper (de) pour enfants psychopathes à Iéna. Ensuite, il soigne pendant un semestre un jeune épileptique de famille bourgeoise d'Iéna. Pour ces activités, il entre en contact avec le directeur de la clinique psychiatrique universitaire d'Iéna, Otto Binswanger et avec son médecin-chef Theodor Ziehen, dont Friedrich Nietzsche fut alors un patient.
Pendant toute sa vie d'étudiant, Geheeb a lutté contre l'abus des boissons alcoolisées ; il était membre des Guttempler (de) (association internationale antialcoolique en:IOGT), fréquentait la « Société allemande pour la culture éthique », et le cercle de Moritz von Egidy. Pour un homme de sa génération, il est particulièrement remarquable de voir l'intérêt qu'il portait aux souhaits du mouvement féministe, avec lequel il entretenait dès les années 1890 des liens étroits, notamment par son amitié avec Minna Cauer, Anita Augspurg ou Lily Braun.
En 1892, Geheeb se lie d'amitié avec Hermann Lietz (de) (1868-1919). Ce dernier, après une profonde formation pédagogique chez Wilhelm Rein (de) à Iéna, et quelques pratiques en école (notamment un an à la New School of Abbotsholme fondée en 1889 par Cecil Reddie), avait fondé le premier internat à la campagne à Ilsenburg dans le Harz. Geheeb écrit en 1930, au sujet de cette rencontre, centrale pour son développement ultérieur :
« Entre Lietz et moi naquit bien vite une amitié intérieure et incomparablement fructueuse ; nous approfondissions ensemble la philosophie de Fichte, et développions nos idées pédagogiques. Nous avions beaucoup vécu en ville, passé une partie de notre temps d'études à Berlin, où la misère sociale de la grande ville nous avait rempli d'horreur ; et pénétrés par la conviction que le monde serait plus ou moins pourri avant cent ans, nous étions des disciples enthousiastes de Fichte, avec un sentiment aigu de l'antagonisme entre la vraie humanité et les maux de la civilisation. En fait, nous ne nous occupions pas seulement des questions qui circulaient en fleuve sur la réforme de l'école (...) Nous nous intéressions plus en l'homme dans sa globalité ; nous suivions le mouvement social-démocrate, alors toujours plus puissant, en contact avec Bebel et d'autres leaders socialistes. Mais surtout, c'était leur agitation politique partisane inextinguible qui nous empêchait de nous joindre à eux. Pour nous, il s'agissait du problème de construire l'ensemble de la vie des gens sur une base plus saine, entièrement nouvelle, et ceci au moyen d'une éducation nouvelle, comme Fichte l'avait prôné dans ses Discours à la nation allemande.() »
Bien que Lietz eût bien volontiers accueilli son ami Geheeb à Ilsenburg, ce dernier prit d'abord en 1899 une place comme professeur dans le sanatorium nouvellement ouvert par le Dr. Carl Gmelin à Wyk auf Föhr (Schleswig-Holstein). En 1902, il suivit les vœux de son ami Lietz, et alla enseigner à Haubinda, la deuxième école fondée par Lietz en 1901. Après la fondation d'un troisième internat à la campagne au château de Bieberstein près de Fulda, Geheeb prit la direction de Haubinda en 1904, mais la quitta en 1906, suite à un désaccord avec Lietz. En septembre de la même année, il ouvrit, avec Gustav Wyneken (de), Martin Luserke (de) et quelques anciens collaborateurs ou élèves de Haubinda, la communauté libre scolaire de Wickersdorf, dans le voisinage de Saalfeld, en Thuringe.
Malgré le succès de la nouvelle école, Geheeb - secoué nerveusement par l'année de frictions auprès de Lietz et par un premier mariage malheureux - quitta Wickersdorf en février 1909, car ne pouvait pas s'en sortir avec son co-directeur Wynecken, intellectuellement beaucoup plus fort.
À la recherche d'un site convenable pour établir sa propre école, Geheeb négocia notamment avec Wolf Dohrn, le directeur de la cité-jardin de Hellerau au sujet de la reprise de l'école qui y était planifiée ; il considéra brièvement avec Ludwig Gurlitt (1855-1931) la fondation en commun d'un internat à la campagne ; il demanda sans succès une concession en Bavière pour la direction d'un internat privé.
Après son divorce d'avec sa première femme Helene Merck, Geheeb épousa en octobre 1909 Edith Cassirer (de) (1885-1982), qu'il avait connue comme stagiaire à Wickersdorf. En avril 1910, ils ouvrirent l'Odenwaldschule, à Oberhambach près de Heppenheim, qui existe toujours.
L'Odenwaldschule souleva immédiatement un intérêt considérable de la part des personnes engagées en pédagogie :
À l'époque de la république de Weimar, l'école appartenait aux écoles nouvelles les mieux renommées sur le plan international. Il faut dire qu'elle avait été très largement financée par le beau-père de Geheeb, l'industriel et politicien municipal de Charlottenburg Max Cassirer. Dès 1911/12, l'école pouvait s'agrandir de quatre nouvelles maisons dessinées par l'architecte Heinrich Metzendorf. Les maisons portaient les noms des « héros » de l'école : Goethe, Fichte, Herder, Humboldt et Schiller. Ces noms situent simultanément les racines spirituelles de Geheeb.
La première Guerre mondiale et les premières années de la république de Weimar ont été des temps difficiles également pour l'Odenwaldschule. Contrairement à la majorité des intellectuels allemands, Geheeb s'opposa à la guerre dès le début. Il refusa de fêter les victoires allemandes ou l'anniversaire de l'empereur ; par contre on fêta les anniversaires des héros de l'école et d'autres personnages importants. Cette indifférence à l'égard du symbole de la puissance allemande, et ce manque public d'enthousiasme national conduisit régulièrement à des frictions avec les autorités et avec ses amis d'inclination patriotique. Au début de 1918 plana brièvement une menace de fermeture de l'école. Quoique Geheeb eût pu regretter la disparition des principautés allemandes autonomes de l'avant-guerre, avec leurs caractères propres et parfois leur grand rayonnement culturel, et qu'il ne se retrouvât pas dans les temps nouveaux, il se réconcilia bientôt avec la république de Weimar.
Au cours des années suivantes, il noua à l'occasion de sa participation à de nombreux colloques beaucoup de liens très bénéfiques pour le développement de l'école. Il s'engagea même - malgré sa grande réticence en raison des buts trop uniquement matériels de ce groupe - dans le cadre de l'Union des écoles libres et internats à la campagne d'Allemagne, où l'Odenwaldschule apparaissait parmi « l'aile gauche ». À partir de 1925, il prit part en outre régulièrement, lui et sa femme - avec un intérêt substantiellement plus grand - à la grande conférence de la Ligue internationale pour l'éducation nouvelle qui se tenait toutes les quelques années, et ils aidèrent à créer la section allemande de ce mouvement éducatif international. Dans le cercle des amis et connaissances en pédagogie des époux Geheeb on a compté parmi bien d'autres Hermann Hesse, Romain Rolland, Martin Buber, Georg Kerschensteiner, Elisabeth Rotten, Adolphe Ferrière, Pierre Bovet, Peter Petersen, Eduard Spranger (de), Alexander Neill et Beatrice Ensor.
Voir les anciens élèves célèbres de l'école.
Un sommet de la renommée internationale des Geheeb a été une visite de trois jours du politicien, poète et philosophe indien Rabindranath Tagore au début août 1930 à l'école d'Odenwald, qui comptait alors environ 200 élèves. Cette visite était aussi l'expression des rapports multiples que les Geheeb entretenaient depuis les années 1920 avec l'Inde.
Après la prise de pouvoir des national-socialistes l'Odenwaldschule fut attaquée deux fois par des groupes locaux de chemises brunes. Cela en arriva à des brutalités envers des collaborateurs juifs. Bien que Geheeb ait qualifié devant toute l'école le nouveau gouvernement de Berlin de « bande de criminels, » et qu'Edith Geheeb soit de famille juive, on laissa les Geheeb tranquilles. Contrairement à la « communauté libre d'études et de travail » de son ami Bernhard Uffrecht (de), qui fut fermée par les nazis en avril 1933, on se limita dans le cas des Geheeb - probablement en raison du grand prestige international de l'Odenwaldschule - de remplacer la plupart des collaborateurs(trices) de l'école par des débutants jeunes et politiquement fiables. En outre, les garçons et filles, qui jusque là avaient constamment cohabité dans les mêmes maisons, ont été logés dans des maisons séparées.
Après de nouveaux conflits avec les nouveaux dirigeants et des interventions répétées dans leur école, les Geheeb se résolurent finalement à fermer leur école et à émigrer en Suisse. Pour éviter des représailles envers les anciens élèves de l'Odenwaldschule et le propriétaire du domaine, le père d'Edith Geheeb Max Cassirer (de), ils déguisèrent cette fermeture en nécessité économique, en ayant suggéré à des parents d'élèves dignes de confiance d'annoncer le départ de leurs enfants au cours de l'été et de l'automne 1933. Finalement, en avril 1934, Paul et Edith Geheeb partirent pour la Suisse avec la bénédiction du pouvoir de Berlin. Avec deux ou trois collaborateurs et deux douzaines d'élèves, ils continuèrent leur œuvre à Versoix dans le canton de Genève, hébergés par l'Institut Monnier, alors quasiment en faillite. Pendant ce temps là, Werner Meier et Heinrich Sachs, deux ex-collaborateurs, ouvraient sur le terrain de la « vieille » Odenwaldschule une « communauté de l'Odenwaldschule ». Bien que Geheeb ait donné son accord explicite à cette entreprise - au moins pour préserver les intérêts de son beau-père - et bien que Meier et Sachs s'efforçassent de diriger la nouvelle école dans l'esprit de l'ancienne, Geheeb considéra dès le début la nouvelle entreprise avec une sympathie mitigée. Après la fermeture de l'école par les Américains à l'été 1945, Sachs s'efforça en vain pendant des mois de renouer ses anciens liens avec Geheeb. Geheeb refusa toute tentative d'arrangement. Sa rudesse contribua alors substantiellement à la division des personnes liées à l'Odenwaldschule en deux camps pro- et anti-Sachs, ce qui a longtemps compliqué la mise au point de l'histoire de la deuxième Odenwaldschule.
À la suite de l'ouverture de sa nouvelle école en avril 1934, Geheeb souligna qu'il ne s'agissait pas simplement de la continuation du travail entrepris jusqu'alors. Vu la situation politique, il fallait plus que jamais renforcer la solidarité entre les hommes. La nouvelle école ne devait donc pas être une école allemande, française ou suisse, mais une école internationale - une « école de l'Humanité » :
« Dans l'humble cadre de notre petite école sur le lac Léman, les cultures française, suisse, allemande et si possible bientôt anglaise doivent réagir les unes sur les autres dans une confrontation mutuelle fructueuse et enrichissante ; l'Orient et l'Occident doivent se rencontrer ; et si nous réussissons à réaliser ce que j'entrevois, nous ne serons plus dans quelques années une école ni française, ni allemande, ni anglaise, ni suisse, mais une école de l'Humanité. »
Après les succès du début, il devint néanmoins à partir de 1936/37 de plus en plus difficile de maintenir à flot l'école, qui était maintenant fréquentée en grande partie par des enfants allemands juifs ou à demi-juifs et des enfants d'Allemands émigrés. De plus en plus de parents se voyaient accorder de larges réductions de frais de pension, en raison de leur propre situation financière, et les transferts de fonds de l'étranger devenaient de plus en plus difficiles, pour les parents qui auraient pu compter dessus. À cela s'ajoutèrent des conflits avec le propriétaire de l'institut Monnier, et avec la fédération suisse des écoles privées, où compte tenu de la crise économique qui affectait ses propres écoles, on n'était pas du tout enthousiasmé par un concurrent allemand célèbre.
Après deux déménagements plus ou moins forcés, les Geheeb s'établirent en octobre 1939 avec les restes de leur école très appauvrie dans l'intervalle, au Lac Noir, petit village des Alpes fribourgeoises, où ils survécurent à la guerre dans des conditions rigoureuses.
Après que le nombre d'élèves fut tombé de 60 en 1936, à 25 en 1939 et à 7 en 1940, et que la fermeture de l'école paraissait inévitable, les Geheeb commencèrent à travailler avec les entreprises de secours suisses, qui prenaient alors de l'activité, et en particulier avec la société de secours suisse pour les enfants d'émigrants. À la fin de la guerre, l'effectif de l'École d'Humanité était remonté à une quarantaine d'élèves. Pour la plupart, il s'agissait de victimes de guerre plus ou moins traumatisées, en fuite de France ou d'autres états européens, ainsi que des orphelins échappés aux camps de concentration. Ceci s'était fait au prix d'un bouleversement de la situation sociale de l'école par comparaison avec le passé. D'un établissement de formation pour une bourgeoisie de gauche et libérale et une bohème d'artistes d'avant-garde, elle était devenue un réceptacle pour des cas sociaux de tout genre.
Après la guerre, les Geheeb furent consultés pour savoir s'ils voudraient éventuellement revenir en Allemagne pour reprendre l'Odenwaldschule et la réouvrir. Malgré leur situation difficile, ils refusèrent, et recommandèrent de confier la tâche à Minna Specht (de), l'ancienne collaboratrice de Leonard Nelson, émigrée en Angleterre, et qui avait dirigé l'internat à la campagne de Walkemühle jusqu'en 1933. Forcés de quitter leur Lac Noir, les Geheeb déménagèrent une fois de plus en mai 1946. C'était leur 5e déménagement en Suisse. Ils s'installèrent à Hasliberg-Goldern dans l'Oberland bernois, siège actuel de l'École d'Humanité. Les conditions s'avérèrent au début extrêmement difficiles là aussi, mais Geheeb n'abandonna pas l'espoir de réaliser enfin à grande échelle cette École d'Humanité associant toutes les cultures. Pendant deux, trois ans, il suscita en Suisse pour la première fois réellement un certain intérêt. Pendant un certain temps, Geheeb et Walter Robert Corti, le fondateur en 1948 du Village d'enfants Pestalozzi, évoquèrent une collaboration, et il y eut d'autres plans semblables, mais finalement l'esprit de décision, et l'argent, manquèrent pour faire plus que maîtriser le quotidien de l'école existante.
Grâce à l'énergie d'Edith Geheeb, et de quelques collaborateurs nouvellement motivés, l'école se stabilisa progressivement au courant des années 1950.
À l'occasion de son 90e anniversaire, Geheeb fut nommé Doctor honoris causa des universités de Tübingen et Visva-Bharati de Santiniketan - fondée par Tagore - et fut distingué sous toutes les formes par la conférence des ministres de la culture d'Allemagne. Puis il mourut le 1er mai 1961 dans son école.
Malgré les honneurs du monde entier, Geheeb ne semble pas avoir réussi à se rattacher aux nouvelles questions qui se posaient aux nouveaux temps d'après-guerre. La tentative de nouer un dialogue critique et autocritique entre Geheeb et l'Odenwaldschule réouverte en 1946 sous la direction de Minna Specht, que celle-ci avait tentée à l'occasion du quarantième anniversaire de l'école a fondamentalement échoué, et de toute manière, il semble que Geheeb se soit retiré progressivement du travail international après la guerre. Ses idéaux paraissaient dépassés, et son langage n'était plus compris.
Après la mort de Geheeb, ce sont Armin et Natalie Lüthi-Peterson qui prirent la direction de l'école, avec le soutien d'Edith Geheeb, qui avait atteint ses 76 ans. Edith Geheeb, la femme forte aux côtés de Geheeb, qui avait réussi la survie économique de l'école pendant toutes ces années, mourut le 29 avril 1982, presque exactement 21 ans après son mari.
Des spécialistes comme Adolphe Ferrière ou Peter Petersen, le fondateur du « Plan d'Iéna », ont décrit l'Odenwaldschule dans les années 1920 comme l'exemplaire le plus réussi du type allemand de l'internat à la campagne. Fritz Karsen, un cofondateur de l'Union des réformateurs scolaires radicaux, et d'autres pédagogues de gauche se rallient à cette opinion.
« Ici s'arrête complètement la contrainte externe à apprendre de toute science, ce qui, loin d'éveiller les forces, les réprime tout à fait. Les dispositions individuelles peuvent s'éveiller et être développées. La dispersion insensée des matières enseignées et le changement contre nature d'une matière à une autre (de cinq à six fois en une matinée) cessent. Il peut naître une concentration sensée sur des tâches à surmonter d'un élan. Et là, l'environnement sociétal aide, parce que l'individu lui doit de se garder d'un individualisme débridé et d'un égarement spirituel unilatéral (, p. 457 sq.). »
Même dans le « Dictionnaire Herder de la pédagogie moderne », qui est plutôt critique à l'égard de la pédagogie de Geheeb, en raison de son point de vue catholique, on lit en 1930 : « Il faut reconnaître à G. sa confiance dans le bon sens de notre jeunesse, le sérieux avec lequel li les prend au sérieux et son comportement courageux et cohérent, qui rend son œuvre peut-être la plus vaste et la plus courageuse des essais pédagogiques allemands, et peut-être même d'Europe, ce qui en a fait un lieu de pèlerinage pour tous ceux qui cherchent aus aller Herren Ländergeworden ist ⇔ parmi les nations civilisées (, p. 890-891) »
Dans une vaste recherche sur la théorie et la pratique de l'autodétermination chez les enfants et les adolescents, Johannes Martin Kamp arrive finalement à la conclusion que l'Odenwaldschule des Geheeb a été à bon droit tenue comme « la plus moderne, la plus en avance sur le plan pédagogique et la plus radicale des nouvelles écoles d'Allemagne » (, p. 345)
Si, contrairement au cas de Maria Montessori, Célestin Freinet ou Rudolf Steiner, on ne peut pas parler d'une pédagogie Geheeb, il y a toute une série de pédagogues qui sont passés par l'« école » de Geheeb, et ont transplanté et font vivre ses principes en d'autres lieux. D'autres fondations d'écoles directement inspirées par Geheeb peuvent également être recensées, comme en particulier le Jardin d'Enfants fondé en 1937 par deux anciens collaborateurs de Geheeb à Madras, en Inde. En plus, on comptera évidemment les écoles fondées par Paul et Edith Geheeb eux-mêmes.