L'ensemble des anomalies génitales apparues chez les filles de mères ayant consommé du DES lors de leur grossesse a été décrit, dans le monde médical, sous le nom de "DES syndrome".
L'exposition au DES peut entraîner, chez le fœtus de sexe féminin, deux types d'anomalies génitales : Des anomalies de l'épithélium cervical et vaginal (bénignes ou malignes), et des malformations utérines et tubaires. La physiopathologie de ces anomalies a essentiellement été étudiée sous son aspect clinique et épidémiologique, peu de travaux ayant été consacrés à l'expérimentation animale.
Chez tous les fœtus humains (et ceci quel que soit leur « sexe génétique », c'est-à-dire leur génotype, avant la 9e semaine du DE, coexistent deux types de structures : Les canaux de Müller, en nombre pair, qui donneront naissance (chez le fœtus de génotype 46,XX) à la majeure partie des organes génitaux féminins; et les canaux de Wolff, également en nombre pair, qui donneront naissance (chez le fœtus de génotype 46,XY) à la majeure partie des organes génitaux masculins. Rappelons schématiquement l'existence de 4 phases dans le développement du tractus génital féminin :
Lors de cette première période, les canaux de Wolff (dits également canaux mésonéphrotiques) et les canaux de Müller (dits également canaux para-mésonéphrotiques) coexistent. Les canaux de Müller étant chacun divisé en trois parties :
Une première partie (formée à la 6e semaine du D.E.) supérieure (ou plus exactement « crâniale » pour utiliser le terme anatomique), verticale, s'ouvrant dans la cavité coelomique (c'est-à-dire la future cavité péritonéale).
Une seconde partie (formée à la 7e semaine du DE) horizontale, qui croise le canal de Wolff homolatéral (c'est-à-dire du même côté).
Une troisième partie (formée à la 8e semaine du DE) inférieure (ou plus exactement « caudale » pour utiliser le terme anatomique), verticale, qui est destinée à fusionner avec son homologue controlatérale (c'est-à-dire de l'autre côté) pour donner naissance au « canal utéro-vaginal ».
NB : Les deux premières parties du canal de Müller donneront naissance aux trompes, alors que le « canal utéro-vaginal » donnera l'utérus.
Les parties « caudales » (inférieures) des canaux de Müller vont fusionner (donnant ainsi naissance au « canal utéro-vaginal », encore barré, à ce stade, par la « cloison intermüllerienne » en son milieu); et les canaux de Wolff débutent leur régression.
La "cloison intermüllerienne" va se résorber, débutant ainsi la formation de l'utérus (qui se poursuivra jusqu'à la 16e semaine du D.E.). Et les canaux de Wolff poursuivent leur régression, en ne laissant finalement que deux vestiges inconstants : L'époophore (à proximité du pavillon de la trompe, et l'organe de Gärtner (dans la partie inférieure de la paroi vaginale).
Le vagin va se former. Deux théories existent sur la formation du vagin :
Une théorie « sinusale » : D'après cette théorie, le vagin se forme par évidement de la « plaque vaginale » (issue de la confluence des « bulbes sino-vaginaux », nés eux-mêmes du « sinus uro-génital »).
Une théorie « sinuso-müllerienne » : D'après cette théorie, le vagin aurait une origine double : les 4/5èmes supérieurs proviendraient du « canal utéro-vaginal » (dont on a vu qu'il provenait lui-même de la fusion des partie « caudales » (inférieures) des canaux de Müller), et le 1/5e inférieur serait issu du « sinus uro-génital ».
Quoi qu'il en soit, toute cette phase du développement embryonnaire (de la 6e à la 20e semaine du DE) est étroitement soumise à des facteurs hormonaux, et notamment à l'influence des œstrogènes.
Les animaux étudiés sont la souris, le rat, le hamster, et le macaque. Les lésions bénignes décrites dans l'espèce humaine sont retrouvées chez tous les animaux étudiés, alors que le cancer à cellules claires du vagin n'est retrouvé que chez la souris.
Les études chez l'animal confirment la fréquence de l'adénose (ce terme sera explicité plus loin dans cet article) et des autres anomalies cervicales et vaginales. Trois actions du DES ont été individualisées :
Elles sont également retrouvées chez l'animal, et restent difficiles à expliquer. Une étude menée par R. WORDINGER en 1991 montrait l'existence, chez la souris exposée au DES, d'une hypertrophie des cellules épithéliales superficielles de la cavité utérine, ainsi qu'une formation prématurée des glandes utérines pendant la première semaine de vie. Il est à noter qu'aucune étude expérimentale n'a été consacrée à l'action du DES sur la vascularisation utérine.
La toxicité du DES (et notamment son action cancérigène, qui a été démontrée in vitro) serait due à son action ou à celles de ses métabolites sur le matériel génétique des cellules cibles : Echanges de chromatine, anomalies de synthèse de l'ADN, aberrations chromosomiques... Des modifications enzymatiques ont également été mises en évidence, pouvant expliquer les anomalies fonctionnelles (incompétence cervicale, anomalies tubaires).
L'action du DES serait conjointe sur les canaux de Müller et de Wolff. Sachant que ces deux structures coexistent chez l'embryon au stade indifférencié, et sont placées dans un mésenchyme commun qui les solidarise l'une à l'autre. "Si on tient compte du fait que les canaux de Wolff sont encore habituellement trouvés chez les embryons au stade de 70 mm, c'est-à-dire entre 3 et 4 mois, on peut comprendre les modifications de l'utérus des fillettes au DES. Alors que les canaux de Müller se développent normalement (ou, peut-être même, sont-ils soumis à une certaine stimulation), la régression excessive des canaux de Wolff sous l'effet du DES oblige les canaux de Müller à subir une incurvation et à diverger horizontalement l'un par rapport à l'autre. Cette divergence horizontale serait à l'origine de l'aspect en T, tandis que l'incurvation vers l'intérieur de chacun des canaux de Müller rendrait compte du rétrécissement de la cavité corporéale visible au-dessous des cornes et éventuellement de la dilatation en forme de bulbe sus-isthmique". Cette hypothèse a le mérite d'expliquer les malformations de la cavité utérine, mais ne donne pas d'explication aux anomalies cervicales et vaginales, et notamment au déplacement de la zone de jonction (zone de rencontre entre l'épithélium malpighien et l'épithélium glandulaire sur le col de l'utérus) vers le vagin.
Cette hypothèse, contrairement à la précédente, a le mérite d'expliquer toutes les anomalies bénignes dues au DES. D'après H.N. MINH, partisan de la théorie sinusale pure de l'embryogenèse vaginale, c'est le développement exagéré de la portion caudale des canaux de Müller (qui donnera naissance au canal utéro-vaginal) qui expliquerait à la fois les anomalies cervicales et les anomalies corporéales (anomalies du corps de l'utérus). Ainsi, cette hypertrophie de la portion caudale des canaux de Müller déterminerait le blocage de la montée de la plaque vaginale (et donc le déplacement de la zone de jonction vers le vagin), et l'absence de modelage du col utérin (ce qui expliquerait les nombreuses anomalies de forme du col). Mais aussi, cette hypertrophie des portions caudales refoulerait les portions moyennes des canaux de Müller vers le haut. Or, ces portions moyennes, « retenues par le mésenchyme du mésentère postérieur et par leur attachement aux ligaments inguinaux », sont contraintes de diverger horizontalement (ce qui explique la forme en T de ces utérus, mais aussi leur petite taille (hypoplasie)).
La posologie préconisée par O.W. SMITH prévoyait une dose de 5 mg par jour à partir de 6 semaines de grossesse avec une augmentation de 5 mg par jour tous les 15 jours jusqu'à 25 mg par jour puis une augmentation de 5 mg toutes les semaines jusqu'à la 33e semaine de grossesse. Ce schéma pseudo-scientifique n'a pas toujours été suivi; certaines patientes n'ayant été « traitées » qu'au 2e trimestre de leur grossesse. Il est donc pratiquement impossible aujourd'hui de connaître les doses prises par les mères de patientes DES. Il semblerait cependant que les effets aient été les mêmes en cas de dose moindre que celle préconisée par O.W. SMITH Cependant, aucun auteur n'a actuellement pu étudier l'effet dose.
Selon que la mère ait pris du DES avant la 12e semaine de grossesse, entre 13 et 18 semaines, ou après 19 semaines, on constate un taux décroissant des anomalies dues au DES, comme l'a montré R.H. KAUFMAN, et comme le montre le tableau ci-dessous, tiré du travail du Collège national des gynécologues et obstétriciens français :
Début d'exposition | Anomalies de l'utérus | Anomalies du col | Adénose vaginale |
---|---|---|---|
Avant 12 semaines | 71% | 75% | 64% |
13 à 18 semaines | 62% | 62% | 87% |
Après 19 semaines | 40% | 40% | 20% |
En réalité, les choses sont moins simples :
- Dans le groupe exposé avant 12 semaines, KAUFMAN compare 8 patientes présentant une hystérosalpingographie normale (ces patientes ont des anomalies du col dans 2 cas et une adénose (ce terme sera expliqué plus loin dans cet exposé) dans 4 cas) et 20 patientes présentant une hystérosalpingographie anormale (il n'y a alors pas d'anomalie cervicale dans un cas et pas d'adénose dans 6 cas). KAUFMAN en conclut que les organes génitaux ne se comportent pas obligatoirement comme des organes cibles vis-à-vis du DES avant la formation définitive de l'utérus.
- 40% des malformations utérines sont observées dans le groupe exposé après 19 semaines (alors que l'utérus est formé). KAUFMAN en conclut que le DES peut agir sur le développement de l'utérus déjà formé.
En conclusion, on peut très schématiquement retenir trois types d'action du DES sur les tissus cibles :
L'adénose cervico-vaginale est définie par la présence anormale d'un épithélium glandulaire (dit "ectopique") sur l'exocol et sur le vagin, ainsi que par des anomalies de structure du col et du vagin fréquemment associées.
Elle est estimée à 30% des sujets exposés (soit environ 60.000 femmes en France), et atteindrait 60% des sujets lorsqu'il existe des symptômes liés à cette adénose. Le risque d'adénose semble lié essentiellement à la précocité du traitement par le DES, plus qu'à la durée, comme l'a montré A.L. HERBST qui trouve une action néfaste du DES lorsqu'il a été prescrit entre 6 et 17 semaines de grossesse, alors qu'il ne retrouve pas d'adénose lorsque la prescription a été faite après 18 semaines (contrairement à R.H. KAUFMAN qui trouve 20% d'adénose après 18 semaines).
Elles restent controversées, par le fait même qu'il existe encore des controverses quant à l'embryogenèse du vagin. Il semblerait que la théorie mixte sinuso-müllerienne (selon laquelle les 4/5èmes supérieurs du vagin seraient tapissés d'un épithélium glandulaire müllerien, dérivant du canal utéro-vaginal, et le 1/5e inférieur d'un épithélium malpighien sinusal, dérivant du sinus uro-génital) soit de moins en moins admise. C'est actuellement la théorie uniciste sinusale pure qui prévaut. Selon cette théorie, tout le vagin et la partie intravaginale du col sont tapissés d'un épithélium malpighien sinusal. Il existerait, sous l'influence du DES, une fluctuation de la ligne de démarcation sinuso-müllerienne. L'épithélium malpighien sinusal serait repoussé par l'épithélium glandulaire de l'endocol qui "coloniserait" alors largement l'exocol et une partie plus ou moins importante du vagin.
Clinique et colposcopique :
L'adénose ne donne généralement pas de symptômes, mais elle peut se révéler par des leucorrhées ou par des métrorragies. Elle siège sur le col et le vagin à son tiers supérieur, très rarement dans ses deux tiers inférieurs. Deux formes ont été décrites :
- Les formes glandulaires pures :
Ces formes sont rarement observées (ceci est dû à la réparation métaplasique qui débute très tôt au niveau du vagin). Ces formes siègent au niveau du col ("ectropion congénital") et du fond vaginal. En colposcopie, l'adénose se traduit par une zone rouge, étendue, d'aspect mamelonné; qui se colore en blanc après application d'acide acétique tout en gardant une bordure nette; et qui ne se colore pas par l'application d'iode concentré (Lugol).
- Les formes glandulaires remaniées :
De loin les plus fréquentes, elles constituent en fait un mode d'évolution de l'adénose. Les aspects sont variables selon la nature et la progression du processus de réparation métaplasique, qui évolue de manière centripète. Cette réparation va se traduire par une coloration blanche après application d'acide acétique, dont les contours sont parfaitement nets, réalisant une zone de "transformation atypique de grade 1" selon la dénomination colposcopique. À terme, cette zone peut se transformer en un épithélium malpighien, ou évoluer vers une kératose.
Cytologique :
La présence, au frottis, de cellules glandulaires et de cellules métaplasiques, avec ou sans goutelettes de mucus intra-cytoplasmiques, est évocatrice d'une adénose. (En excluant, bien sûr, une contamination par des cellules de l'endocol).
Histologique :
La biopsie n'est pas indispensable au diagnostic. Elle pourra parfois même être trompeuse en surévaluant la gravité des lésions. (Elle devient cependant indispensable en cas d'anomalies cytologiques et de colposcopie suspecte). Si elle est réalisée, elle confirmera aisément le diagnostic.
Régression :
C'est une évolution fréquente. Le pourcentage de régression variant, selon les auteurs, entre 29% et 75%, et ceci de 3 à 5 ans après le diagnostic initial. La disparition complète de l'adénose est également possible dans 32% des cas, 4 à 5 ans après le diagnostic initial.
Risque de dysplasie :
Les résultats des études consacrées à ce sujet sont assez discordants, mais il semblerait que les dysplasies du col de l'utérus et du vagin soient plus fréquentes chez les patientes DES. S.J. ROBBOY, en 1981, a étudié 4589 patientes par cytologie du col de l'utérus, et a retrouvé 1,8% de dysplasies (pourcentage significativement non différent de celui de la population témoin). Alors que N.C. FOWLER, la même année, étudiant 325 patientes par colposcopie et biopsie, trouve 16,2% de dysplasies. Ce qui sera confirmé par S.J. ROBBOY en 1984, dans une étude portant sur 3980 patientes (par colposcopie et histologie), où il retrouve 15,7% de dysplasies contre 7,9% chez les témoins. Ces discordances peuvent éventuellement s'expliquer par l'échantillonnage des patientes dans les différentes études, mais aussi par l'âge des patientes au moment de l'étude. De plus, l'adénose semble être un facteur prédisposant à l'infection par les Papillomavirus humains, comme l'a montré J. BORNSTEIN en 1987, qui retrouve l'HPV16 dans le génome des cellules atypiques des cinq femmes ayant développé une dysplasie du vagin alors qu'elles étaient surveillées dans le cadre de l'étude.
Risque d'adénocarcinome à cellules claires ?
L'hypothèse d'une filiation entre l'adénose et l'adénocarcinome à cellules claires du vagin a maintes fois été soulevée, notamment par S.J. ROBBOY en 1984. Aucune étude n'a, jusqu'à présent, établi un lien formel entre ces deux anomalies, et la différence de fréquence (30% pour l'adénose contre 1/1000 pour l'adénocarcinome à cellules claires) ne plaide pas en faveur de cette filiation. La question, à ce jour, reste posée...
En raison de l'évolution spontanément favorable de l'adénose, une simple surveillance annuelle, par cytologie et colposcopie, est conseillée. En gardant à l'esprit le risque accru de dysplasie (ce qui conduira à pratiquer des biopsies au moindre doute). Le traitement est essentiellement local, au cas par cas, faisant appel aux anti-infectieux et aux trophiques locaux en cas de contraception par pilule. Il faut s'abstenir de tout traitement physique (électrocoagulation, cryothérapie, LASER), qui pourrait entraîner une sclérose du col de l'utérus, voie une sténose (rétrécissement anormal), sans pour autant diminuer le risque de dysplasie.
Il s'agit d'anomalies anatomiques touchant l'aspect même du col de l'utérus ou du vagin.
Selon les auteurs, ces anomalies seraient observées chez 22 à 58% des patientes exposées, elles peuvent être associées à l'adénose, ou isolées, en cas d'exposition plus tardive à partir de 20 semaines de grossesse.
Différents aspects ont été décrits:
Ces lésions structurales ont tendance à régresser spontanément, voire à disparaître avec le temps, mais le délai serait plus long que pour l'adénose : D.A. ANTONIOLI observe un effacement partiel du "hood" dans 52,8% des cas et une disparition dans 28% des cas. Et A.L. HERBST, qui observait 56% de crêtes transversales chez 338 patientes DES, n'en retrouve que 24% quatre ans plus tard.
Quoi qu'il en soit, ces lésions ne semblent pas avoir de conséquences fâcheuses en elles-mêmes, et il n'est, en général, proposé aucun traitement.
C'est en 1970 que A.L. HERBST suggère le rôle du DES dans la genèse de l'adénocarcinome à cellules claires (ACC) du vagin, dans une étude cas-témoin portant sur 8 cas d'ACC appariés à 32 cas témoins. 7 patientes sur 8 avaient été exposées in utero au DES. Un registre des observations d'ACC est mis en place dès 1972, et les cas enregistrés ont été colligés par A.L. HERBST et son équipe. Le nombre de cas enregistrés a augmenté jusqu'en 1975, et s'est mis à décliner ensuite. Cette évolution est parallèle, avec un décalage de 20 ans, à celle des ventes de DES. L'âge moyen des patientes, en 1991, est de 20 ans, avec des extrêmes allant de 7 à 34 ans. Ce registre comprenait, en 1991, près de 600 cas dont les deux tiers sont apparus chez des patientes DES. En effet, en 1987, A.L. HERBST publie une mise à jour sur 519 patientes : Dans 60% des cas, il existait une preuve de l'exposition au DES, et dans 12% des cas, d'autres hormones avaient également été prescrites pendant la grossesse (œstrogènes et/ou progestatifs). Dans 30% des cas, aucun traitement hormonal n'avait été prescrit. D'autres études ont, depuis, conforté l'hypothèse du rôle du DES (ne fût-ce que comme co-facteur) dans la responsabilité des ACC, comme le montrent J.R. DELPERO et D. DARGENT.
Le tableau ci-dessous (d'après DELPERO) montre le nombre de malades porteuses d'un ACC (selon trois études), selon que leurs mères aient pris ou non du DES pendant leur grossesse :
Auteur | Exposées au DES | Non-exposées au DES |
---|---|---|
HERBST | 7 | 1 |
GREENWALD | 6 | 0 |
HENDERSON | 6 | 1 |
Le risque de survenue d'un ACC est estimé à 1/1000 environ chez les patientes DES. Sachant que le nombre de ces femmes est estimé à 1 700 000 aux États-Unis, 1 700 ACC sont "attendus" dans ce pays jusqu'en 2010. En France, le nombre des patientes DES est estimé à 80.000 (ce qui est probablement une sous-estimation), on "attend" donc au moins 80 ACC jusqu'en 2010 (sachant qu'en 1991, 30 cas environ avaient été répertoriés).
Il existe, sommairement, 4 types de cancers du vagin :
Les ACC peuvent, eux-mêmes, se présenter sous 4 formes différentes :
Il semblerait que le pronostic soit meilleur pour les formes tubulo-cystiques que pour les trois autres formes, et ceci de façon statistiquement significative.
Le diagnostic est évoqué devant l'apparition de métrorragies ou de leucorrhées sans caractère spécifique, parfois aussi devant l'apparition récente de dyspareunies (douleurs pendant les rapports sexuels), mais ce diagnostic est porté dans 20% des cas lors de la surveillance systématique des patientes DES. L'âge moyen au moment du diagnostic est de 20 ans. L'ACC se présente classiquement sous la forme d'une tumeur du tiers supérieur du vagin, à sa face postérieure (mais d'autres localisations sont possibles), débordant dans 50% des cas sur le col. Dans les tumeurs volumineuses, plusieurs localisations peuvent coexister (on parle alors de tumeur multifocale). La propagation des cellules tumorales sous la muqueuse du vagin est fréquente. Le volume varie de tumeurs microscopiques à des masses dépassant les 10 cm de diamètre, d'aspect polypoïde (ressemblant à un polype) et nodulaire, mais parfois plates (on parle alors de tumeurs planes) ou ulcérées. Elles peuvent dans certains cas être invisibles en colposcopie. Leur infiltration en profondeur est, généralement, limitée. Le diagnostic des ACC se fait, dans 70% des cas, à un stade débutant (stade I), contre moins de 10% à un stade avancé (stade III et IV) (Voir tableau de la classification de la Fédération Internationale des Gynécologues-Obstétriciens (FIGO) des cancers du vagin ci-dessous). Malheureusement, 15 à 20% des stades I et 30 à 50% des stades II présentent déjà des métastases dans les ganglions lymphatiques.
Stade FIGO | Description |
---|---|
0 | Carcinome pré-invasif (carcinome in situ) |
I | Tumeur limitée à la paroi du vagin |
II | Tumeur atteignant les tissus sous-vaginaux ("paravagin") mais sans s'étendre à la paroi du pelvis : Subdivisée en IIa (sans envahissement des ligaments du col utérin ("paramètre")), et IIb (avec envahissement des ligaments du col utérin ("paramètre")). |
III | Tumeur s'étendant à la paroi du pelvis. |
IVa | Tumeur s'étendant à la muqueuse de la vessie et/ou du rectum, et/ou s'étendant au-delà du pelvis. |
IVb | Dissémination dans des organes éloignés (métastases). |
Les ACC chez les patientes DES se caractérisent par un pronostic généralement favorable : 80% de rémission à 5 ans, tous stades confindus, et 90% pour les stades I. Ce bon pronostic autorise, dans la mesure du possible, un traitement visant à sauvegarder les ovaires et leur fonction, ainsi que l'utérus et la fonction de reproduction.
Longtemps exclusivement chirurgical (basé sur une ablation de l'utérus de son col, de ses ligaments, et de la partie supérieure du vagin ("colpohystérectomie élargie") associée à une ablation des ganglions lymphatiques du pelvis); le traitement des ACC a bénéficié de plus en plus des progrès de la radiothérapie.
Le protocole proposé par la FIGO, pour les stades I à III, est le suivant : Laparotomie exploratrice pour pratiquer l'évaluation des ganglions lymphatiques, et pour pratiquer une transposition ovarienne (déplacement des ovaires plus haut que le pelvis, afin d'éviter leur irradiation au moment de la radiothérapie) :
Le traitement chirurgical d'ablation utérine et/ou vaginale est réservé aux rechutes secondaires.
Bien entendu, certains cas sont encore susceptibles de relever d'un traitement chirurgical premier ou exclusif. Cette chirurgie est plus ou moins étendue selon le stade de la tumeur, avec des possibilités ultérieures de reconstruction du vagin par diverses techniques.
Les taux de survie à 5 ans, en fonction du stade, sont les suivants : 88 à 90% pour les stades I; 76% pour les stades II; 30% pour les stades III; et 20% pour les stades IV.
Les rechutes se voient essentiellement dans les trois premières années après le traitement, leur fréquence est estimée à 28%, et plus de la moitié de ces rechutes surviennent sur le vagin ou dans le pelvis.
Deux facteurs conditionnent le pronostic des ACC du vagin : Le stade de la tumeur au moment du diagnostic, et le statut des ganglions lymphatiques (envahis, ou non envahis).
Dès 1977, R.H. KAUFMAN attire l'attention sur les lésions utérines des femmes exposées au DES in utero. D'autres études parues depuis viendront conforter cette hypothèse. En 1981, A.H. DECHERNEY décrit des anomalies tubaires chez ces femmes, pouvant expliquer la survenue d'une stérilité ou d'une grossesse extra-utérine.
Leur fréquence est estimée à 70% des femmes exposées in utero au DES, selon R.H. KAUFMAN, d'après l'observation de 267 hystérographies. Il semblerait que le risque d'anomalies utérines soit lié à la précocité du traitement par le DES, et non à la dose totale absorbée par la mère, comme l'a démontré R.H. KAUFMAN qui trouve 73% d'anomalies utérines lorsque l'exposition au DES a débuté avant avant la 12e semaine de grossesse, 66% lorsque le produit a été administré entre 13 et 18 semaines, et 45% après la 19e semaine. Ces anomalies utérines sont plus fréquemment rencontrées en cas d'anomalies du col et du vagin (voir tableau ci-dessous (d'après B. BLANC)), comme l'a démontré R.H. KAUFMAN, mais 50% d'entre elles restent isolées.
Anomalies du vagin | Pas d'anomalies du vagin | Anomalies du col | Pas d'anomalies du col | |
---|---|---|---|---|
Anomalies utérines (%) | 82% | 44% | 86% | 56% |
Pour plus de clarté, ce chapitre traite séparément les anomalies de taille (hypoplasie utérine) et les anomalies de forme (malformations utérines imputables au DES), sachant qu'elles sont le plus souvent associées. "L'incompétence" du col de l'utérus sera traitée, elle, dans le chapitre concernant l'évolution des grossesses.
L'hypoplasie utérine se définit classiquement par une distance entre les deux cornes utérines inférieure à 4 cm et une inversion du rapport "longueur du corps utérin / longueur du col de l'utérus" (qui est normalement supérieur à 1). Ces deux paramètres étant mesurables par l'hystérographie, par l'échographie, ou par l'IRM. Dans les cas extrêmes, on parle d'hypotrophie de l'utérus (distance entre l'orifice interne du col de l'utérus et le fond utérin inférieure à 2,5 cm).
La fréquence de cette "petitesse" utérine due au DES est diversement appréciée par les études : 44% des femmes exposées d'après A. CABAU, et 9% seulement pour R.H. KAUFMAN, mais ses caractéristiques sont particulières. En effet, A. HANEY a montré que seule la distance "orifice interne du col - fond de la cavité utérine" était diminuée, alors que la distance entre les deux cornes utérines était égale ou supérieure à 4 cm, c'est-à-dire comparable à celle des utérus normaux (ceci pouvant s'expliquer par l'aspect de l'utérus "en T" souvent rencontré chez les femmes exposées au DES). Il en conclut que la surface totale de l'endomètre (muqueuse de l'utérus) n'est pas diminuée chez ces femmes, par rapport aux femmes ayant un utérus normal. Curieusement, une étude de P.P. HORNSBY concernant les effets du DES sur le cycle menstruel et portant sur 542 patientes montrait une durée des règles écourtée d'un jour et demi en moyenne par rapport à la population générale, ainsi qu'une abondance moyenne du flux menstruel diminuée (sans que des anomalies du cycle aient été notées). Cette diminution du flux menstruel, qui semble tout de même à mettre sur le compte d'une diminution de la surface de l'endomètre, est également retrouvée par L. COUSINS.
G.N. VISCOMI, en 1980, a été le premier à pratiquer une étude échographique des "utérus DES" chez 18 femmes exposées au DES (comparées à un groupe témoin de 20 femmes non exposées). Il a mesuré, pour chaque femme, le longueur de l'utérus (L), sa largeur (W), et son épaisseur (D); ce qui lui a permis de calculer le volume utérin global par la formule : V = 4/3π x L/2 x D/2 x W/2. Tous les paramètres mesurés (longueur, largeur, et épaisseur utérine) ainsi que le volume utérin calculé étaient significativement diminués dans le groupe des femmes exposées au DES (voir tableau ci-dessous).
Groupe "normal" (n=20) | Groupe DES (n = 18) | |
---|---|---|
Longueur utérine | 8,1 cm +/- 0,77 | 6,8 cm +/- 0,4 |
Largeur utérine | 5,1 cm +/- 2,75 | 4,6 cm +/- 1,9 |
Epaisseur utérine | 4,3 cm +/- 1,10 | 3,1 cm +/- 0,6 |
Volume utérin | 90 cm3 +/- 22 | 49,4 cm3 +/- 25,5 |
Toutes ces données amènent à certaines conclusions concernant la « petitesse » utérine due au DES : Le volume utérin global est réduit, aux dépens du corps de l'utérus (inversion du rapport "corps / col"); mais la surface de la cavité utérine ne serait pas réduite (bien que ce sujet prête encore à discussion).
Plusieurs types de malformations utérines ont été décrites dans la littérature médicale. Leur physiopathologie n'est que partiellement comprise, reposant essentiellement sur des anomalies de la fusion des canaux de Müller. Leur fréquence est diversement appréciée selon les auteurs (69% des femmes exposées, selon KAUFMAN (hypoplasie comprise)).
Les malformations les plus fréquemment retrouvées sont les suivantes :
Le plus souvent, diverses anomalies sont associées sur le même utérus. La fréquence de ces associations, diversement appréciée selon les auteurs, est rapportée ici à titre d'exemple :
DECHERNEY a décrit chez 16 femmes des anomalies de la partie distale de la trompe : Paroi amincie, hypoplasie du pavillon, phimosis. BELAÏSCH rapporte des aspects particuliers en hystérosalpingographie : Trompes "étirées" vers le bas (comme si une traction s'était effectuée pendant la vie embryonnaire). Ces anomalies pourraient être à l'origine de grossesses extra-utérines.
Une plus grande fréquence des infections génitales hautes (salpingites) chez les femmes DES a été rapportée par HERBST.
Les multiples anomalies portant sur l'appareil génital chez les femmes exposées au DES in utero vont se manifester essentiellement par leurs conséquences sur la fertilité et le déroulement des grossesses. Ce sont ces conséquences qui, le plus souvent, vont amener la femme à consulter un gynécologue.
Il est actuellement bien établi que les femmes exposées in utero au DES ont un taux de stérilité plus élevé que dans la population générale. BIBBO, en 1977, rapportait un taux de 18% de grossesses chez les femmes DES, contre 33% chez les femmes non exposées. Cette constatation est confirmée par HERBST en 1981 : 75% de grossesses chez les femmes DES contre 92% dans la population non exposée. Enfin, SENEKJIAN, en 1988, a mené une étude incluant 408 femmes exposées contre 388 femmes non exposées, en comparant les taux de stérilité primaire et secondaire. Les résultats sont résumés dans le tableau qui suit :
Exposées au DES | Non exposées au DES | |
---|---|---|
Stérilité primaire | 33% | 14% |
Stérilité secondaire | 23% | 15% |
C'est le premier facteur étudié. L'étude la plus complète sur le sujet semble avoir été celle de R.H. KAUFMAN en 1986, qui incluait 632 patientes DES : 16 de ces femmes n'avaient aucune activité sexuelle, et n'ont pas eu d'hystérosalpingographie, et 616 avaient une activité sexuelle régulière : 367 d'entre elles n'avaient aucune contraception et envisageaient une grossesse. Ces 367 femmes ont toutes eu une hystérosalpingographie et ont toutes tenté de d'obtenir une grossesse pendant au moins un an. Certaines ont été suivies pendant trois ans. Les deux tableaux qui suivent résument les résultats de cette étude.
Hystérosalpingographie NORMALE | Hystérosalpingographie ANORMALE | TOTAL | |
---|---|---|---|
Nombre de femmes (et %) | 97 (26%) | 270 (74%) | 367 (100%) |
Ont tenté une grossesse pendant un an maximum | |||
Ont obtenu une grossesse | 59 (61%)* | 167 (62%)* | 226 (62%)* |
N'ont pas obtenu de grossesse | 2 (2%)* | 5 (2%)* | 7 (2%)* |
Ont eu une difficulté à concevoir de plus d'un an | 36 (37%)* | 98 (36%)* | 134 (36%)* |
Ont obtenu une grossesse | 21 (58%)# | 55 (56%)# | 76 (57%)# |
Entre 1 et 3 ans | 16 (76%)§ | 25 (45%)§ | 41 (54%)§ |
Après 3 ans | 5 (24%)§ | 30 (55%)§ | 35 (46%)§ |
N'ont pas obtenu de grossesse | 15 (42%)# | 43 (44%)# | 58 (43%)# |
Ont essayé 1 à 3 ans | 9 (60%)° | 24 (56%)° | 33 (57%)° |
Ont essayé plus de 3 ans | 6 (40%)° | 19 (44%)° | 25 (43%)° |
(*) = Pourcentage des femmes étudiées. (#) = Pourcentage des femmes ayant eu des difficultés à concevoir (de plus d'un an). (§) = Pourcentage des femmes ayant eu des difficultés à concevoir mais ayant obtenu une grossesse. (°) = Pourcentage des femmes ayant eu des difficultés à concevoir mais n'ayant pas obtenu de grossesse.
Cette première série de résultats suggère que la présence d'une anomalie utérine n'est pas un facteur contribuant à la stérilité. Le nombre de femmes avec une hystérosalpingographie normale et avec une hystérosalpingographie anormale qui ont eu des difficultés à concevoir est le même. Et inversement, chez les femmes ayant eu des difficultés à concevoir, la fréquence des hystérosalpingographies normales et anormales est la même.
L'étude s'intéresse alors aux relations existant entre la difficulté à concevoir et les types de malformations retrouvées à l'hystérosalpingographie :
Fréquence (%) | Hystérosalpingographie | Risque relatif |
---|---|---|
Anormale (Toutes anomalies confondues) | 1,02 | |
50 | Utérus "en T" | 1,49 |
26 | Rétrécissement au-dessus de l'isthme utérin | 2,26 |
22 | Utérus « en T » avec rétrécissement au-dessus de l'isthme utérin | 2,63 |
Cette deuxième série de résultats montre que le présence d'un rétrécissement au-dessus de l'isthme utérin, ainsi que la présence d'un utérus « en T » avec rétrécissement au-dessus de l'isthme utérin, semblent liées à une plus grande fréquence de stérilités.
Ces données ont été confirmées par d'autres publications. L. BOUBLI, par exemple, rapporte une fréquence de 46% de grossesses chez les femmes avec une hystérosalpingographie anormale contre 45% chez celles ayant une hystérosalpingographie normale. Il semblerait donc que les anomalies utérines ne soient pas un facteur de stérilité chez ces femmes.
Anomalies cervico-vaginales structurales : Pour L. COUSINS, la présence d'anomalies du col utérin et du vagin n'a pas d'influence en matière de stérilité (41% de stérilité en cas d'anomalies, 46% sans anomalies, et 46% dans un groupe témoin). D'autres auteurs n'ont pas les mêmes conclusions. Ainsi, L. BOUBLI rapporte un taux de 77% de stérilité en cas d'anomalies du vagin seules, et de 61% en cas d'anomalies du col utérin et du vagin. Il semblerait, à l'heure actuelle, que les études effectuées sur ce sujet ne permettent pas d'arriver à une conclusion définitive.
Anomalies de la glaire cervicale : ROSENFELD et BRONSON ont rapporté une fréquence plus élevée de tests post-coïtaux médiocres chez les femmes DES (75%), avec des conséquences péjoratives. Cette notion est également rapportée par A. CABAU. Il n'y aurait, en tout cas, pas d'étude spécifique consacrée à ce sujet.
Ce facteur de stérilité est déjà suggéré intuitivement par les aspects rencontrés en hystérosalpingographie dès les premières publications au sujet des femmes DES : La partie des trompes dénommée "isthme" est horizontalisée, et les trompes sont étirées vers le bas. Des publications plus récentes confirment l'existence d'un facteur de stérilité lié aux trompes chez les femmes DES, soit en raison d'une obstruction des trompes, soit en raison de l'existence d'une endométriose des trompes. L. BOUBLI cite le chiffre de 42% d'anomalies des trompes chez des femmes DES suivies pour une stérilité. A notre connaissance, aucune étude spécifique consacrée à la perméabilité des trompes chez les femmes DES n'a été publiée à ce jour.
Des perturbations de la fonction hormonale de l'ovaire avaient déjà été mentionnées par M. BIBBO en 1977. Une étude de M.R. PERESS (cité par D. DARGENT va également dans ce sens : Cet auteur a étudié 32 femmes exposées et 18 non exposées (dont 9 non hirsutes et bien réglées, et 9 hirsutes et mal réglées). L'hirsutisme est retrouvé dans 72% des cas et les perturbations menstruelles dans 50% des cas chez les femmes exposées au DES (ce qui va, d'ailleurs, à l'encontre des études publiées sur le cycle menstruel de ces femmes. Le taux de testostérone, de delta-4-androstène-dione, de TBG et de LH mesurés chez les femmes exposées sont similaires à ceux des femmes non exposées hirsutes, et significativement plus élevés que ceux des femmes non exposées non hirsutes. Les taux de DHEA sont, par contre, plus bas dans le groupe des femmes exposées. Ce qui suggère que l'hyperandrogénie des femmes exposées au DES (pour peu qu'elle soit réelle !) est d'origine ovarienne. Ces données n'ont pas été confirmées par d'autres études, et il faut rester très prudent quant à la réalité des anomalies hormonales chez les femmes exposées au DES.
L. BOUBLI rapporte 38% de troubles de l'ovulation chez les femmes exposées au DES contre 56% dans un groupe témoin (non significatif). A. CABAU (cité par I. BURESI par contre insiste sur la fréquence des troubles ovulatoires. Cette notion, habituellement admise, n'a cependant jamais été démontrée scientifiquement, et les publications concernant la réponse ovarienne à des traitements de stimulation de l'ovulation (JONES) ont tendance à l'infirmer. (JONES retrouve 44,5% d'ovocytes pré-ovulatoires, 26,7% d'ovocytes immatures, et 28,7% d'ovocytes dégénératifs chez les femmes DES ayant reçu une stimulation de l'ovulation, ce qui est similaire aux chiffres retrouvés chez des patientes non exposées au DES.
J. BERGER notait (avec une significativité statistique) une fréquence plus élevée de l'endométriose chez les femmes exposées au DES (64% contre 40% dans le groupe témoin). A. CABAU insiste également sur cette fréquence. STILLMAN, cependant, retrouve une fréquence plus élevée, mais non significative (50% contre 39% dans le groupe témoin).
Depuis un peu plus d'une dizaine d'années, plusieurs auteurs, dont nous-même, ont mis en évidence des anomalies de la vascularisation utérine lors de certaines périodes du cycle menstruel, ces anomalies étant susceptibles de jouer un rôle néfaste dans l'implantation de l'oeuf fécondé au niveau de l'endomètre. L'intêret d'un traitement préventif par l'aspirine a été évoqué par plusieurs auteurs, et ce traitement fait maintenant partie de l'arsenal classique des traitements proposés aux femmes exposées au DES.
En définitive, les études scientifiques ne permettent pas de préciser clairement un ou plusieurs facteurs de stérilité ches les femmes exposées au DES. Chaque cas reste unique, et chaque couple doit bénéficier d'un bilan de stérilité "habituel" qui permettra parfois de retrouver la ou les causes de la stérilité. Certaines notions se dégagent cependant, concernant la stérilité chez les femmes exposées au DES :
- Les anomalies utérines, cervicales, ou vaginales ne semblent pas entrer en jeu.
- Les facteurs hormonal et ovulatoire ne semblent pas avoir plus d'importance que dans la population générale.
- Il faut par contre être plus attentif aux anomalies tubaires et aux anomalies de la glaire cervicale, aux anomalies de la vascularisation utérine, et savoir rechercher avec soin une endométriose.
Les femmes exposées au DES in utero, lorsqu'elles sont enceinte à leur tour, sont significativement plus exposées que la population générale à certaines complications de la grossesse.
A.L. HERBST, en 1981, dans une étude incluant 338 patientes exposées au DES in utero (dont 150 qui étaient enceinte pour la première fois ("primigestes")) comparées à un groupe témoin de 298 femmes (dont 181 "primigestes"), mettait l'accent sur une incidence accrue des avortements spontanés, des grossesses extra-utérines, et des accouchements prématurés dans le groupe des femmes DES (que ce soit chez les "primigestes" ou dans toutes les grossesses confondues). Cette importante étude est résumée dans les deux tableaux ci-dessous :
Tableau 1 : Devenir des grossesses chez les primigestes :
Patientes DES (n= 150) | Groupe témoin (n= 181) | p | |
---|---|---|---|
IVG | 32 | 43 | |
Grossesses en cours | 4 | 8 | |
Grossesses gémellaires | 0 | 2 | |
Grossesses évaluables | 114 | 128 | |
Accouchement à terme | 59 (52%) | 106 (83%) | |
Accouchement prématuré | 23 (20%) | 8 (6%) | |
Avortement spontané à moins de 15 S.A (3 mois) | 19 | 12 | |
Avortement spontané entre 16 et 28 S.A. | 5 | 2 | |
TOTAL des avortements | 21% | 11% | < 0,001 |
Grossesses extra-utérines | 8 (7%) | 0 | < 0,005 |
Tableau 2 : Devenir de toutes les grossesses :
Patientes DES | Groupe témoin | |
---|---|---|
Nombre de femmes avec des grossesses "évaluables" | 122 | 141 |
Nombre de grossesses "évaluables" | 212 | 254 |
Accouchement à terme | 110 (52%) | 205 (81%) |
Naissances vivantes (incluant naissances à terme et prématurés) | 142 (67%) | 213 (84%) |
Grossesses "perdues" (morts périnatales et avortements spontanés) | 58 (27%) | 40 (16%) |
Grossesses extra-utérines | 12 (5,7%) | 1 (0,3%) |
R.H. KAUFMAN, en 1984, étudie 676 patientes DES ayant toutes eu des hystérosalpingographies, dont 327 vont débuter une grossesse. Il démontre que l'existence d'anomalies à l'hystérosalpingographie est corrélée positivement à un "mauvais" déroulement des grossesses (avortements spontanés, prématurité, grossesses extra-utérines.
D'autres études, parues entre 1980 et 1995, vont cerner le problème des pathologies obstétricales dues à l'exposition au DES. Les principales pathologies figurent ci dessous.
Le risque d'avortements spontanés précoces (avant la 15ème semaine d'aménorrhée ou 15 S.A.) et tardifs (entre 16 et 28 S.A.) est indéniablement augmenté dans la population des femmes DES, comme le démontrent la plupart des études résumées dans le tableau ci dessous :
Taux d'avortements spontanés (en % des grossesses) chez les patientes DES :
Auteur | Patientes DES | Groupe témoin |
---|---|---|
COUSINS | 18,5 | 20,5 |
HERBST | 21,6 | 12,6 |
KAUFMAN | 22,3 | 8,2 |
BERGER | 48,4 | |
SCHMIDT | 24,2 | |
BARNES | 25,9 | 16,1 |
SANDBERG | 22,0 | 7,0 |
MANGAN | 18,3 | 8,4 |
PONS | 42,0 | 10,0 |
E.C. SANDBERG a montré, en regroupant plusieurs études, que le taux d'avortements spontanés est constant, dès la première grossesse. Il a également montré que la présence ou l'absence d'anomalies cervico-vaginales ne permet pas de déterminer une population spécifiquement menacée par les avortements (13/46, soit 28% chez les porteuses d'anomalies, contre 10/55, soit 18% chez les non porteuses).
R.H. KAUFMAN ne retrouve pas non plus d'éléments prédictifs spécifiques d'avortements dans les données des hystérographies en ce qui concerne la forme de la cavité utérine, mais il avait retrouvé une corrélation positive entre laa présence de bords irréguliers de la cavité et le taux d'avortements.
En France, depuis le décret du 2 juillet 2006, les femmes exposées in utero au DES peuvent bénéficier d'un congé maternité avant le début officiel du congé de maternité ou du congé pathologique. Les indemnités journalières versées par la sécurité sociale sont en effet plus importantes en cas de congé maternité qu'en cas d'arrêt de travail. Un formulaire spécifique doit être rempli par un médecin spécialiste en gynécologie ou gynéco-obstétrique.