Saturnisme - Définition

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Synonymes

  • « Imprégnation saturnine » est synonyme de saturnisme si cette imprégnation se traduit par des symptômes de la maladie ou peut les induire à terme.
  • « Coliques de plomb » désigne les symptômes abdominaux douloureux (coliques) du saturnisme aigu.
  • « Maladie des peintres » est le nom d'un symptôme constaté à l'époque où la céruse de plomb et d'autres peintures au plomb étaient très utilisées.
  • Le « pica » n'est pas un synonyme mais le nom d'un comportement qui consiste chez l'enfant à porter ce qu'il trouve à la bouche. Il est souvent associé au saturnisme chez l'enfant, et plus rarement chez l'adulte (on parle alors de pica-like). Les animaux (par exemple, les vaches dans les étables) peuvent aussi s'intoxiquer gravement, voire mortellement en léchant des peintures anciennes, probablement en raison de leur goût sucré.

Histoire

La toxicité du plomb est connue depuis l'antiquité. Des preuves de cette maladie existent pour l'antiquité depuis l'âge du bronze.
Un saturnisme aigu touchait autrefois principalement les mineurs et ouvriers de la métallurgie du plomb, ceux qui utilisaient de la vaisselle de plomb, et les ouvriers sertissant au plomb les vitraux. Mais avec l'avènement de la peinture au plomb, et l'essence plombée, le saturnisme est devenu très courant aux XIXe siècle et XXe siècle.
C'est une des six premières maladies à avoir été déclarée maladie professionnelle en octobre 1919.

Malgré l'interdiction du plomb dans les peintures et l'essence dans de nombreux pays, des cas graves de saturnisme persistent dans la plupart des grandes villes (habitat ancien où les enfants sont exposés aux peintures contenant du plomb) et régions industrielles.

Confusions possibles

Le saturnisme n'a pas de symptômes spécifiques. Il est pour cette raison mal détecté, et souvent très tardivement après avoir été confondu avec d'autres troubles bénins (intoxication alimentaire, maux de tête, fatigue, alcoolisme, anomalies congénitales, troubles de comportement..).

Une mutation génétique de l’ALAD cause une maladie assez rare (la porphyrie) qui peut être confondue avec le saturnisme (et que le film The Madness of King George a illustré), mais qui peut en être différenciée par le fait que le plomb produit une anémie, ce qui n’est pas le cas de la porphyrie.

Origine et causes de la maladie

Origine de la toxicité du plomb : Elle semble surtout venir de sa capacité à circuler dans les chaînes alimentaires et les organismes, en « mimant » le comportement d'autres métaux vitaux, dont principalement le calcium, et moindrement le fer et le zinc.
Le plomb s'y substitue dans différents organes et interagit ainsi avec la production de protéines et molécules impliquant ces trois métaux. Le plomb freine ou empêche ainsi des processus vitaux ou secondaires ; il inhibe la production de certaines enzymes et le transport de l'oxygène par le sang en particulier.
La plupart des premiers symptômes du saturnisme découlent du fait que le plomb interfère négativement avec une enzyme essentielle, Delta-aminolevulinic acid déshydratase (ALAD). L'ALAD est une protéine contenant un pont moléculaire dépendant du zinc. Elle est vitale pour la biosynthèse de l'hème, cofacteur de la production de l'hémoglobine.
Le plomb inhibe aussi une autre enzyme vitale (ferrochelatase) qui catalyse la réunion de la protoporphyrine IX et de l’ion Fe2 + qui forme l'hème.

Répartition spatiale et temporelle du saturnisme

Le saturnisme aujourd'hui

Il reste un problème de santé publique, peut-être encore sous-estimé y compris dans les pays riches où la majorité des cas graves et repérés de saturnisme concerne des enfants de moins de douze ans, vivant dans des zones exposées à du plomb d'origine industrielle ou vivant dans un habitat ancien, voire insalubre où des peintures au plomb sont accessibles. Ailleurs la situation est mal connue.

De nos jours, le saturnisme aigu est le plus fréquent chez l'enfant et souvent induit par l'ingestion de plomb sous forme de particule fines ou d'écailles de peinture au plomb (céruse ou hydroxycarbonate de plomb). L'origine de ces cas est le plus souvent une exposition dans l’habitat ancien à la céruse de plomb, peinture très utilisée jusqu’à son interdiction en 1948. La peinture est ingérée directement ou sous forme de poussières produites lors de sa dégradation au cours du temps ou à l'occasion de travaux (ravalements, grattage, brossage, ponçage...) En France, une expertise collective de l’INSERM a estimé en 1999 que 85 000 enfants de 1 à 6 ans étaient encore victimes de ce type de saturnisme.

Plus rarement, on constate des intoxications par l'eau contaminée par d'anciennes tuyauteries en plomb (notamment dans les régions où l'eau est naturellement acide).

L'inhalation est localement (à proximité des usines et de sites pollués par le plomb) un facteur très important de contamination (par exemple dans le nord de la France, la fermeture de l'usine Métaleurop Nord s'est traduite par une chute rapide de la plombémie chez les enfants des zones périphériques, sans toutefois faire disparaitre les traces d'une pollution de fond).

Certains aliments cultivés sur des sols pollués par le plomb, viandes d'animaux ayant ingéré des végétaux riches en plomb ou souillés, et certains champignons sont aussi des sources de saturnisme d'origine alimentaire. En particulier, les consommateurs de gibier d'eau tués dans certaines régions très chassées et fortement contaminées par la grenaille de plomb de chasse sont exposés à un risque élevé de saturnisme. Plus rarement, la pièce de viande située près de l'entrée de la balle dans la chair d'un grand gibier (chevreuil, cerf, sanglier…) tué par balle de plomb pourrait aussi être une source d'intoxication. Elle est en tous cas une source démontrée de saturnisme aviaire chez le condor de Californie.

Occurrence, prévalence

Hors intoxications professionnelles ou liées à l'habitat ancien, la prévalence du saturnisme reste mal connue ; Hormis dans les situations où le risque est connu, la maladie n'est en effet que rarement détectées par la médecine du travail. De même pour la médecine scolaire (quand elle existe), la médecine rurale ou de ville et la médecine d'urgence. On peut y voir plusieurs raisons :

  • non-spécificité des symptômes qui pour la plupart peuvent être confondus avec un problème mineur, banal et ponctuel,
  • la plombémie est rarement proposée en médecine préventive (Cf. coût + éventuel non-remboursement par la sécurité sociale ?)
  • symptômes d'intoxications pouvant apparaître plusieurs années, voire plusieurs décennies après l'exposition (« saturnisme de la ménopause »), qui font que le médecin n'évoque pas spontanément le plomb si le patient ne relate pas d'indices d'exposition passée.
  • absence de test simple et immédiat fiable (la plombémie ne trace qu'une exposition récente, seul l'analyse de l'os renseigne sur l'exposition sur le long terme),
  • lacunes dans la formation des médecins,
  • raisons sociopsychologiques ; parler d'un toxique susceptible d'induire des troubles mentaux n'est pas facile pour le médecin. À titre d'exemple, toutes les grandes maternités pourraient disposer d'un appareil Xray-fluorescence permettant une analyse immédiate de chaque cordon ombilical lors de chaque accouchement. Ceci permettrait de mesurer la prévalence globale du saturnisme dans la population, d'identifier les populations à risque et de prévenir les parents en cas de problème et de recommander une alimentation surveillée pour les premières années de l'enfant. Idéalement, une plombémie devrait être recommandée en début de grossesse, ce qui est très rarement le cas, certains médecins évoquant des raisons éthiques, incluant le risque de troubler la sérénité de la mère durant la grossesse en cas de plombémie élevée.

Sources principales d’empoisonnement

Les plombs de chasse, ball-trap et moindrement de pêche sont une source fréquente de saturnisme animal (Une cartouche de 30 à 35 grammes contient 200 à 300 billes de plomb toxique). En France (plus de 20 ans après les états unis) depuis 2005, les cartouches au plomb ne sont plus autorisées pour les tirs dirigés en direction d'une zone humide
Le plomb est un métal particulièrement mou (même comme c'est le cas ici quand il est durci par ajout d'arsenic ou antimoine). Il s'érode et s'oxyde facilement, et en milieu acide il devient plus contaminant pour l'environnement. Ceci explique que dans le gésier et l'estomac des oiseaux, broyés entre les petits cailloux (dits gritt) ingérés par l'oiseau, les billes de plomb avalées avec la nourriture ou confondus avec le gritt sont rapidement érodées. Le plomb passe alors dans le sang et intoxique l'animal. 12 billes de plomb de cartouche de chasse ingérés suffisent à mortellement empoisonner un cygne adulte par saturnisme aviaire.
Risque et danger...

La source originelle (le danger) peut être :

  • du plomb-métal (ex : bijou contenant du plomb, en contact direct avec la peau, grenaille de plomb ingérée et piégée dans l'appendice) ; On estime généralement que pour chaque oiseau abattu, plusieurs cartouches ont été tirées (3 à 6 cartouches selon les sources, pour le gibier d'eau). Le petit gibier contient souvent des billes de plomb, qui peuvent être avalées par mégarde.
  • du plomb moléculaire ; ex : vapeurs de plomb ; le plomb est sublimé en vapeur de plomb à une température (inhabituellement basse chez les métaux). Les grenailles de plomb ingérées par les oiseaux sont rapidement dégradées dans le gésier et l'estomac (en milieu acide) et passent dans le sang de l'animal sous forme moléculaire. Il est alors très biodisponible. On a estimé à la fin du XXème siècle qu'en France 8000 à 9000t de plomb était annuellement dispersé dans la nature via environ 250 millions de cartouches tirées an, tous tirs confondus ; 3/4 pour la chasse (soit plus de 6.000 t/an ; +/~6500t/an) ; 1/4 pour le ball-trap (plus de 2000 t/an).
    L'apport annuel diminue (avec le nombre de chasseur, mais la non biodégradabilité du plomb conduit à une accumulation croissante dans le sol où il reste longtemps accessibles aux oiseaux. Dans un sol acide le plomb peut aussi se dégrader et contaminer les végétaux, les cultures et les animaux qui les mangent.
  • des sels de plomb utilisés par l'industrie (ex. : pigments composé d'oxydes de plomb, antirouille à base de minium de plomb, etc.)

Dans tous les cas, le risque est que ce plomb soit absorbé par l'organisme, et tout particulièrement par le fœtus, embryon ou jeune enfant.

Absorption de plomb 

Elle est multiple et varie selon les pays et les contextes (époques, lieux, comportements à risque, âge..) ; Ce sont notamment :

  • inhalation d'air pollué par le plomb (pollution industrielle, vapeurs, poussière ou fumées contaminées, ponçage de peintures anciennes, essence plombée, atmosphère confinée d'un stand de tir...)
  • ingestion de nourriture ou d'eau contaminée par le plomb (eaux acides ayant corrodés des tuyaux de plomb, des soudures contenant du plomb, ou des robinets ou éléments de plomberie en laiton (contenant du plomb). Ingestion d'animaux ou plantes contaminés par un environnement pollué, aliments contaminés par des pesticides illégaux (arséniate de plomb, etc.). Quelques cas particuliers concernent des enfants ou adultes qui portent volontiers à la bouche des objets à risque (soldats de plomb ou objets de plomb, crayons d'artiste à mine de plomb). Il y a eu quelques cas de fraudes où par exemple du faux paprika avait été teint par des sels de plomb (minium)
  • pénétration percutanée, devenue rare, mais possible (cas d'onguents et khôls contaminés, de jouets ou bijoux en plomb, en matériau contenant du plomb ou peints avec des pigments au plomb)

Principales voies d'empoisonnement

Rappel préalable : Chez les mammifères, une contamination intergénérationnelle (de la mère au fœtus in utero ou via l'allaitement) est toujours posible. (Chez l'oiseau, le saturnisme aviaire de la mère peut aussi influer sur la survie et les capacités du poussin).

La première voie demeure, semble-t-il, l’ingestion directe de particules (peinture) au plomb ou de sol et poussières contaminées. Les jeunes enfants ont aussi tendance à sucer la peinture de barreaux ou de châssis de fenêtres, ou peuvent parfois être intoxiqués en portant leurs doigts à la bouche après avoir touché les plaques de plomb utilisés pour l'étanchéité de toitures, gouttières ou chéneaux autour de châssis de fenêtres (ou autres éléments accessibles d'architecture). Depuis la fin du XXe siècle, dans un nombre croissant de pays, et dans la plupart des États américains et d’Europe, les propriétaires, loueurs et/ou vendeurs de maisons anciennes doivent à leurs frais faire un diagnostic, et informer les résidents potentiels du danger.

Les enfants sont parfois contaminés par une exposition chronique à des particules de plomb involontairement rapportés à la maison par des parents travaillant dans la métallurgie du plomb, les batteries ou la plomberie (ce plomb est rapporté sur les cheveux, la peau et les vêtements et chaussures). Ainsi par exemple lors d'une étude nord américaine, 75% de 16 enfants de travailleurs exposés au plomb présentaient une plombémie nettement supérieure à celle des autres enfants de leur quartier (en moyenne 22.4µg/dL contre 9.8 µg/dL, p=.049). Une autre étude a porté sur 50 enfants âgés de 6 ans (31 enfants de parents exposés au plomb dans le secteur du bâtiment, et 19 cas-témoins, enfants de parents non exposés) ; les enfants de travailleurs exposés étaient 5 fois plus nombreux à avoir une plombémie jugée excessive (25.8% contre 5.3% pour les cas témoins). Une autre étude a porté sur 18 enfants (de moins de 7 ans) de réparateurs de radiateurs automobile (soudures contenant du plomb, et radiateurs éventuellement contaminés par le plomb de l'essence); tous les enfants dépassaient le seuil critique de 10 µg/dL.

L'enfant est plus souvent intoxiqué entre la deuxième et troisième années de sa vie (période où l'on porte souvent les doigts et objets à la bouche). Plus rarement (mais avec des effets plus graves), un empoisonnement au plomb peut survenir plus tôt (in utero, ou ensuite via le lait contaminé de la mère ou via du lait artificiel mal préparé ; par ex réchauffé dans un samovar soudé avec un étain riche en plomb (Ainsi, un nourrisson de 4-mois a atteint une plombémie veineuse de 46 mg/dl).
Des intoxications d'enfants sont également régulièrement constatées suite à utilisation de jouets en plomb, et de faux bijoux ou objets décoratifs portés sur la peau ou que les enfants peuvent porter à la bouche. Idem pour des jouets peints avec une peinture au plomb.

L’alimentation reste une source de fond d’apports en plomb, généralement faibles, mais avec certains aliments plus à risque : champignons capables de fortement bioconcentrer et bioaccumuler le plomb, comme le font aussi d'autres espèces dont les moules, huitres, autres coquillages et poissons ou mammifères carnivores. Les légumes ayant poussé sur des sols pollués, le gibier abattu par des grenailles ou balles de plomb, ou ayant vécu dans une zone humide depuis longtemps chassée, c’est-à-dire polluée par la grenaille de plomb sont d'autres sources alimentaires de plomb qui peuvent être ponctuellement facteur de saturnisme.

L’air est une source localement importante. La plombémie moyenne a nettement décliné dans la décennie qui a suivi l’interdiction du tétra-éthyle de plomb dans l’essence, mais certains pays ne l’ont interdit que tardivement ou ne l’ont pas encore interdit (Nigéria, Arabie saoudite, exceptions pour les territoires d’outre-mer pour la France..). Dans les régions industrielles, à proximité d’incinérateurs anciens et non mis aux normes, de certains sites miniers ou d’usines métallurgiques, l’inhalation de vapeurs et microparticules de plomb est une source majeure de plomb à ne pas sous-estimer.

L’eau du réseau de distribution d'eau potable, là où elle est naturellement acide ou neutre, peut apporter une quantité non négligeable de plomb. L’UE a imposé la suppression progressive de toutes les tuyauteries en plomb. Le plomb dissous dans l'eau peut provenir des tuyaux, mais aussi des soudures et d'accessoires en laiton de mauvaise qualité, riche en plomb lentement soluble dans l’eau. Dans les zones à risque, il est recommandé de faire couler l'eau qui a stagné la nuit dans les tuyaux avant de la boire ou de l'utiliser pour la cuisson.

Certains cosmétiques importés tels que les khôls traditionnels du Moyen-Orient, d'Inde, du Pakistan, et de certaines régions d'Afrique sont également source d’intoxications, notamment d'enfants (certains khôls traditionnellement réputés protéger les yeux de diverses maladies contiennent jusqu'à 83% de plomb). Une étude ayant porté sur 538 fillettes âgées de 6 à 12 ans a montré que le khôl provoquait une augmentation de la plombémie des fillettes. Une autre étude a porté sur 175 enfants pakistanais et indiens âgés de 8 mois à 6 ans vivant au Pakistan ; ceux qui ont été traités avec du kohl traditionnel présentaient des plombémie moyenne triplée et excessive (12.9 µg/dL contre 4.3 µg/dL pour les autres enfants n'ayant pas utilisé ce cosmétique).

Des poteries cuites avec des émaux au plomb, des étains de mauvaise qualité ou des théières traditionnelles soudées avec du plomb ont fréquemment été des sources avérées d’intoxication, ayant justifié diverses alertes sanitaires et retraits de vente.

L’exposition au plomb-métallique liée à l’ingestion de petits objets (grenaille de chasse, lests de pêche) est peu réputée pour conduire à une plombémie élevée, mais on connaît quelques exceptions ; quand le plomb stagne dans le tube digestif et en particulier dans l’appendice où il peut rester piégé des années, ce qui n’est pas exceptionnel chez les grands consommateurs de gibier d’eau. Chez les oiseaux, le problème est très différent, car les morceaux de plomb ingérés (grenaille de plomb, plomb de pêche) sont rapidement érodés et solubilisés dans le gésier, provoquant un saturnisme aviaire, souvent aigu, très commun chez les oiseaux d'eau dans les zones très chassées mais également plus fréquent qu'on ne l'a d'abord cru chez d'autres espèces, hors des zones humides.

De nombreux composés organiques du plomb passent facilement au travers de la peau et des barrières intestinales. C'est le cas du plomb tétraéthyl qui était ajouté à l'essence, et l'est encore dans certains pays.
Certains "remèdes" populaires dont l’« Azarcon » ou le « greta » qui contiennent jusqu'à 95% de plomb, utilisés pour "guérir", sont des sources graves d'intoxication. Ce médicament est si toxique que, s'il tue tous les microbes, il contribue aussi à empoisonner gravement l'organisme, celui des enfants en particulier.

La médecine militaire et la médecine d'urgence ont parfois à faire face à des cas particuliers d'empoisonnement saturnin liés à des plaies balistiques (par balles ou grenaille de plomb).

Le cas de la grenaille et des balles de plomb

  • Jusqu’à une période très récente presque toutes les balles et grenailles étaient composées de plomb. Le plomb étant très mou, pour que les billes ne se déforment pas trop et pénètrent mieux, il est durci par ajout de 5 à 10 % d'arsenic ou d'antimoine (deux métaux qui sont également des toxiques) dans le cas des munitions d'armes à feu. Lorsqu’une balle ou de la grenaille pénètre à grande vitesse dans un organisme, notamment s’il y a contact avec un os, des molécules et fragments de plomb peuvent être arrachés au métal et dispersé dans l’organisme via le sang et la lymphe. Exceptionnellement, il arrive que le plomb d’une balle conservée dans un organisme puisse être à l’origine d’un saturnisme mortel. Le problème est plus grave pour des balles ou grenailles piégées dans des articulations où elles risquent de se décomposer plus rapidement en libérant leur plomb.
  • Cela vaut aussi pour l’animal tué par balle de plomb à la chasse (Les bonnes pratiques de boucherie veulent que la chair située autour de la zone pénétrée par une balle soit excisée et jetée).
    Par exemple, les autorités sanitaires d'état du Dakota du Nord ont ordonné aux banques alimentaires de ne plus accepter les dons de viandes de gibier et de se séparer de tels stocks car elle peut contenir de nombreux fragments de plomb qui se dispersent autour de la trajectoire de la balle. Cette décision a été prise après que le Dr. William Cornatzer eut collecté et radiographié (Tomodensitométrie) environ 100 paquets (d'une livre chaque) de viande de cervidé provenant de garde-manger de banques alimentaires. Le ministère de la Santé du Dakota du Nord, a confirmé la présence de plomb après avoir fait ses propres tests. Dans la nature, les cadavres d'animaux non récupérés par les chasseurs, ou leurs entrailles (contenant des fragments de plomb) abandonnées su le terrain après l'éviscération sont mangés par d'autres animaux (dont oiseaux), qui à leur tour accumulent du plomb, parfois jusqu'à en mourir. Une étude faite dans la région de Yellowstone a relevé une élévation des taux de plombs des corvidés, certains rapaces (Golden Eagles, pygargues à tête blanche..) et d'autres charognards lors des saisons de chasse au cerfset wapiti, ce qui laisse penser que le saturnisme aviaire est très répandu. Au vu de ces données, les chasseurs peuvent volontairement utiliser des munitions sans plomb, pour le bénéfice des espèces qu'ils chassent mais aussi d'eux-mêmes et de leurs familles. Ce plomb est inévitablement ingérés par l'homme avec la viande
  • La grenaille ingérée par un oiseau est difficile à détecter (hormis aux rayons X), et dans un gésier elle est rapidement érodée. Dans la chair d'un oiseau tué à la chasse, elle est encore plus difficile à détecter, surtout sans détecteur de métaux. Elle est encore souvent encore présente dans la viande cuite et dans certains pâtés (gésier), voire ingérée avec la viande ; dégradée dans une viande hachée ou transformée en pâté, ou mise en contact avec un acide (citron, sauce tomate, vinaigre...), la grenaille de plomb peut libérer des quantités significatives de plomb et contaminer la viande et sa sauce (si elle est acide). Des intoxications chroniques et insoupçonnées pourraient ainsi concerner les consommateurs de certaines espèces à risque (gibiers d'eau atteints de saturnisme aviaire et/ou contaminés par de la grenaille de plomb), même si elles sont a priori rarement mortelles.

Susceptibilités individuelles et vulnérabilités particulières

Vulnérabilité de l'enfant

Le saturnisme est plus fréquent et grave chez le jeune enfant, pour au moins 4 raisons ;

  1. Le jeune enfant est plus susceptible d'ingérer des substances contaminées. (L'enfant porte naturellement les doigts et les objets à la bouche (Pica). De plus l'oxyde de plomb a un goût légèrement sucré)
  2. et parce que de 40 à 50% du plomb ingéré par un enfant passe dans son sang (contre 5 à 10% pour un adulte). Le plomb assimilé n'est que très peu et lentement éliminé naturellement.
  3. sa peau et ses muqueuses sont plus fine, et par kg de poids corporel le volume de nourriture qu'il ingère, et la quantité d'air qu'il inhale sont plus important.
  4. Il a en raison de sa croissance des besoins accrus en calcium (auquel le plomb se substitue chimiquement facilement). Le plomb passe facilement de la mère à l'enfant via le lait si elle allaite.

Un enfant est généralement considéré comme nécessitant des soins à partir d'une plombémie de 100 µg par litre de sang, mais ce seuil pourrait être revu à la baisse en raison d'effets démontrés sur le cerveau à des doses bien inférieures.

En termes d'impacts sur le cerveau, on a longtemps considéré que les enfants étaient le plus vulnérable au plomb de l'état fœtal jusqu'à l'âge de 2 ans, mais une étude récente a montré qu'à l'âge de 6 ans, les effets neurologiques, pour une exposition au plomb inférieur à celle d’un enfant de 2 ans, induisaient davantage de troubles neurologiques. Les risques de handicap mental, troubles psychomoteurs, du langage et de l’attention ou de la cognition, anémie seraient encore plus élevés à 6 ans qu'à 2 ans.

Aux USA, dans les pays où le plomb est encore très utilisé dans l'essence, autour de certaines aires industrielles ou là où il est récupéré par les enfants, les cas de saturnisme infantile sont encore nombreux. A titre d'exemple, en France en 2006, ce sont encore 437 nouveaux cas de saturnisme infantile qui ont été repérés en métropole. Il s'agissait essentiellement d'enfants de 1 à 5 ans, vivant en Île-de-France pour 56% des cas, et dans le Nord-Pas-de-Calais pour 13% (deux régions où le dépistage est beaucoup plus poussé (Cf. risques liés aux séquelles industrielles et aux peintures au plomb dans l'habitat ancien. 89% de ces enfants avaient une plombémie de moins de 250 µg/L; mais 9 enfants dépassaient les 450 µg/L, et l'un dépassait 700µg/L. l'INVS note que sur 349 cas notifiés, 20 ne l'ont été notifiés qu'à la seconde plombémie dépassant 100 μg/L (tout signalement tardif à la DDASS retarde le traitement du risque environnemental, et augmente le risque d'aggravation de l’intoxication alerte l'INVS).

Autres vulnérabilités particulières

  • L'embryon et le fœtus sont beaucoup plus sensibles au plomb que l'adulte et l'enfant. Or, le plomb sanguin de la femme enceinte passe très facilement dans le sang du fœtus, en se substituant au calcium que l'embryon pompe dans le sang qui lui arrive par le cordon ombilical.
  • Un « saturnisme féminin de la ménopause » peut exister. À cette période, la femme tend en effet à perdre du calcium (ostéoporose) et avec ce calcium, du plomb stocké par les os est brusquement libéré. Si la femme en avait stocké beaucoup, une intoxication générale peut être induite, rarement suspectée par le médecin s'il n'a pas été alerté sur une exposition antérieure au plomb (qui peut avoir eu lieu jusqu'à 20 ans plus tôt) par la patiente. De plus, la contamination par le plomb, notamment s'il y a eu contamination conjointe par le cuivre semble pouvoir aggraver l'ostéoporose en bloquant la production de cristaux d'hydroxyapatite de calcium et fragilisant l'os.
  • Saturnisme induit par une fracture : Toute fracture entraine en réponse physiologique une libération (rapide, normale et importante) de calcium osseux dans le sang ; ce calcium est utilisé pour la réparation osseuse. Ceci explique, que chez un individu ne présentant pas de plombémie anormale, mais ayant antérieurement stocké du plomb dans les os, une fracture puisse également libérer une quantité très significative de plomb dans le sang, susceptible le cas échéant d'induire un saturnisme. Ce type de saturnisme a très peu de chance d'être détecté si le médecin n'a pas été alerté sur ce risque par le patient (qui souvent n'en est pas conscient). Les symptômes sont mis sur le compte de l'effet de choc ou du traumatisme lié à l'accident.
  • Saturnisme fœtal induit par une fracture survenue lors d'une grossesse ou juste avant : Dans ce cas le plomb "osseux" brutalement libéré est capté par le fœtus ou l'embryon en même temps que le calcium qu'il utilise pour construire son squelette et son organisme. Ce risque est rarement pris en compte par les équipes soignantes lors d'une fracture de femme enceinte. Dans ce cas une carence de la mère en calcium bioassimilable et en fer aggrave fortement le problème. De plus, le fœtus « détoxiquant » ainsi l'organisme de sa mère, aucun symptôme n'apparait chez celle-ci. Et si la plombémie était suffisante pour induire des symptômes chez la mère, le risque serait grand qu'ils soient confondus avec de banals troubles liés à la grossesse.
  • Saturnisme fœtal induit par l'allaitement. Un afflux de plomb sanguin lors de l'allaitement ou en fin de grossesse (afflux provoqué par l'alimentation ou par une carence en calcium lié à l'allaitement, ou induit par une fracture récente ou subie durant l'allaitement (cf. § ci-dessus) peuvent également induire un saturnisme chez le bébé ou le jeune enfant allaité.
  • Synergies : De nombreuses synergies entre plomb et autres polluants semblent possibles. Par exemple, Gorell et al. ont montré que le plomb associé à d'autres cations dont de cuivre était impliqué dans la maladie de Parkinson. Associé à l'alcool, le plomb peut avoir des effets aggravés sur le fœtus... La présence de cadmium dans l'organisme augmenter la teneur en plomb du lait des brebis.
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