Un corpus de 35 météorites de Mars est aujourd'hui répertorié (d'autres sources peuvent indiquer un nombre bien plus élevé que 35), permettant de tirer quelques conclusions préliminaires sur la nature des sols martiens :
Bien que peu nombreuses et restreintes à des époques géologiques limitées, ces météorites permettent d'évaluer l'importance des roches basaltiques sur Mars. Elles soulignent les différences de composition chimique entre Mars et la Terre et témoignent de la présence d'eau liquide à la surface de la planète il y a plus de 4 milliards d'années.
Les sondes spatiales qui ont exploré la planète nous ont permis de mieux en connaître la composition chimique en surface. Dès les années 1970, les sondes Viking 1 et Viking 2 ont analysé le sol martien, révélant une nature qui pourrait correspondre à l'érosion de basaltes. Ces analyses ont montré une abondance élevée en silicium Si et en fer Fe, ainsi qu'en magnésium Mg, aluminium Al, soufre S, calcium Ca et titane Ti, avec des traces de strontium Sr, d'yttrium Y et peut-être de zirconium Zr. Le taux de soufre était près de deux fois supérieur et celui de potassium cinq fois inférieur à la moyenne de l'écorce terrestre. Le sol contenait également des composés de soufre et de chlore ressemblant aux dépôts résultant de l'évaporation de l'eau de mer. La concentration en soufre était plus élevée en surface qu'en profondeur. Les expériences destinées à déterminer la présence d'éventuels microorganismes dans le sol martien en mesurant la libération d'oxygène après adjonction de « nutriments » ont mesurée un dégagement de molécules O2 significatif, ce qui, en l'absence d'autres traces biologiques par ailleurs relevées, a été attribué à la présence d'ions superoxyde O2-.
Le spectromètre APXS de Mars Pathfinder a réalisé en automne 1997 une série de mesures exprimées en pourcentage pondéral d'oxydes et reproduites dans le tableau suivant (la colonne de droite donne la somme initiale des pourcentages obtenus avant étalonnage) :
« Terre » analysée | Na2O | MgO | Al2O3 | SiO2 | SO3 | Cl | K2O | CaO | TiO2 | FeO | Somme initiale |
Après déploiement | 2,3 ± 0,9 | 7,9 ± 1,2 | 7,4 ± 0,7 | 51,0 ± 2,5 | 4,0 ± 0,8 | 0,5 ± 0,1 | 0,2 ± 0,1 | 6,9 ± 1,0 | 1,2 ± 0,2 | 16,6 ± 1,7 | 68,6 |
Près de Yogi | 3,8 ± 1,5 | 8,3 ± 1,2 | 9,1 ± 0,9 | 48,0 ± 2,4 | 6,5 ± 1,3 | 0,6 ± 0,2 | 0,2 ± 0,1 | 5,6 ± 0,8 | 1,4 ± 0,2 | 14,4 ± 1,4 | 78,2 |
Sombre près de Yogi | 2,8 ± 1,1 | 7,5 ± 1,1 | 8,7 ± 0,9 | 47,9 ± 2,4 | 5,6 ± 1,1 | 0,6 ± 0,2 | 0,3 ± 0,1 | 6,5 ± 1,0 | 0,9 ± 0,1 | 17,3 ± 1,7 | 89,1 |
« Scooby Doo » | 2,0 ± 0,8 | 7,1 ± 1,1 | 9,1 ± 0,9 | 51,6 ± 2,6 | 5,3 ± 1,1 | 0,7 ± 0,2 | 0,5 ± 0,1 | 7,3 ± 1,1 | 1,1 ± 0,2 | 13,4 ± 1,3 | 99,2 |
Près de Lamb | 1,5 ± 0,6 | 7,9 ± 1,2 | 8,3 ± 0,8 | 48,2 ± 2,4 | 6,2 ± 1,2 | 0,7 ± 0,2 | 0,2 ± 0,1 | 6,4 ± 1,0 | 1,1 ± 0,2 | 17,4 ± 1,7 | 92,9 |
Dune de la Sirène | 1,3 ± 0,7 | 7,3 ± 1,1 | 8,4 ± 0,8 | 50,2 ± 2,5 | 5,2 ± 1,0 | 0,6 ± 0,2 | 0,5 ± 0,1 | 6,0 ± 0,9 | 1,3 ± 0,2 | 17,1 ± 1,7 | 98,9 |
Pierres & Roches | Na2O | MgO | Al2O3 | SiO2 | SO3 | Cl | K2O | CaO | TiO2 | FeO | Somme initiale |
Barnacle Bill | 3,2 ± 1,3 | 3,0 ± 0,5 | 10,8 ± 1,1 | 58,6 ± 2,9 | 2,2 ± 0,4 | 0,5 ± 0,1 | 0,7 ± 0,1 | 5,3 ± 0,8 | 0,8 ± 0,2 | 12,9 ± 1,3 | 92,7 |
Yogi | 1,7 ± 0,7 | 5,9 ± 0,9 | 9,1 ± 0,9 | 55,5 ± 2,8 | 3,9 ± 0,8 | 0,6 ± 0,2 | 0,5 ± 0,1 | 6,6 ± 1,0 | 0,9 ± 0,1 | 13,1 ± 1,3 | 85,9 |
Wedge | 3,1 ± 1,2 | 4,9 ± 0,7 | 10,0 ± 1,0 | 52,2 ± 2,6 | 2,8 ± 0,6 | 0,5 ± 0,2 | 0,7 ± 0,1 | 7,4 ± 1,1 | 1,0 ± 0,1 | 15,4 ± 1,5 | 97,1 |
Shark | 2,0 ± 0,8 | 3,0 ± 0,5 | 9,9 ± 1,0 | 61,2 ± 3,1 | 0,7 ± 0,3 | 0,3 ± 0,2 | 0,5 ± 0,1 | 7,8 ± 1,2 | 0,7 ± 0,1 | 11,9 ± 1,2 | 78,3 |
Demi Dome | 2,4 ± 1,0 | 4,9 ± 0,7 | 10,6 ± 1,1 | 55,3 ± 2,8 | 2,6 ± 0,5 | 0,6 ± 0,2 | 0,8 ± 0,1 | 6,0 ± 0,9 | 0,9 ± 0,1 | 13,9 ± 1,4 | 92,6 |
Pierres sans terre (données calculées) | 2,6 ± 1,5 | 2,0 ± 0,7 | 10,6 ± 0,7 | 62,0 ± 2,7 | 0,0 | 0,2 ± 0,2 | 0,7 ± 0,2 | 7,3 ± 1,1 | 0,7 ± 0,1 | 12,0 ± 1,3 | — |
Données recueillies en automne 1997 par le spectromètre à rayons X, protons et particules alpha (APXS) de Mars Pathfinder. |
La teinte rougeâtre de la planète provient avant tout de l'oxyde de fer(III) Fe2O3, omniprésent à sa surface. Cette hématite amorphe (l'hématite cristallisée, quant à elle, est de couleur grise) constitue une fraction importante des grains de poussière transportés par les vents qui balayent continuellement la surface de la planète, mais ne semble pas pénétrer très profondément dans le sol, à en juger par les traces laissées depuis l'hiver 2004 par les roues des rovers Spirit et Opportunity, qui montrent que la couleur rouille est celle des couches de poussières, plus épaisses et recouvertes de poussières sombres pour Opportunity, tandis que les roches elles-mêmes sont nettement plus sombres.
Par ailleurs, le sol de Mars analysé in situ par la sonde Phoenix en automne 2008 s'est révélé être alcalin (pH ≈ 7,7 ± 0,5) et contenir de nombreux sels, avec une abondance élevée de potassium K+, de chlorures Cl-, de perchlorates ClO4- et de magnésium Mg2+. La présence de perchlorates, notamment, a été abondamment commentée, car a priori assez peu compatible avec la possibilité d'une vie martienne. Ces sels ont la particularité d'abaisser sensiblement la température de fusion de la glace d'eau et pourraient expliquer les « ravines » régulièrement observées par les sondes en orbite autour de la planète, qui seraient ainsi les traces d'écoulements de saumures sur des terrains en pente.
D'une manière générale, les rochers martiens se sont révélés être principalement de nature basaltique tholéitique.
![]() |
![]() | |
Sol jonché de rochers volcaniques vu par Mars Pathfinder le 8 septembre 1999. | Autre vue du sol martien, par le rover Spirit le 13 avril 2006. |
Des sondes américaines (notamment 2001 Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter) et européenne (Mars Express) ont étudié globalement la planète pendant plusieurs années, permettant d'élargir et d'affiner notre compréhension de sa nature et de son histoire. Si elles ont confirmé la prédominance des basaltes à la surface de la planète, ces sondes ont également recueilli quelques résultats inattendus.
Ainsi, la sonde Mars Express, de l'ESA, possède un instrument appelé OMEGA — acronyme signifiant « Observatoire pour la Minéralogie, l'Eau, les Glaces et l'Activité » — de réalisation essentiellement française et sous la responsabilité de Jean-Pierre Bibring, de l'IAS à Orsay, qui mesure le spectre infrarouge (dans les longueurs d'onde comprises entre 0,35 et 5,2 µm) de la lumière solaire réfléchie par la surface martienne dans le but d'y déceler le spectre d'absorption des différents minéraux. Cette expérience a pu confirmer l'abondance des roches ignées sur la surface de Mars, notamment des olivines et des pyroxènes, mais ces derniers ont un taux de calcium plus bas dans les hautes terres cratérisées de l'hémisphère sud que dans le reste de la planète, où on le rencontre avec de l'olivine ; ainsi, les matériaux les plus anciens de l'écorce martienne se seraient formés à partir d'un manteau appauvri en aluminium et en calcium.
Olivines et pyroxènes sont les constituants principaux des péridotites, des roches plutoniques bien connues sur Terre pour être le principal constituant du manteau.
Une découverte déterminante dans la compréhension de l'histoire de la planète Mars a été l'identification par OMEGA de phyllosilicates largement répandus dans les régions les plus anciennes de la planète, révélant l'interaction prolongée des roches ignées avec l'eau liquide. L'instrument CRISM — Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars — de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter a permis de préciser la nature de ces minéraux:
Divers phyllosilicates contenant des hydroxydes de fer et de magnésium en proportions variables ont ainsi été observés, et les smectites telles que la nontronite Ca0,5(Si7Al0,8Fe0,2)(Fe3,5Al0,4Mg0,1)O20(OH)4 et la saponite (Ca0,5,Na)0,33(Mg,Fe)3(Si,Al)4O10(OH)2•4H2O sont les plus répandues, bien que des chlorites soient présentes par endroits.
Toutes ces observations sont riches d'enseignements quant à l'histoire géologique de la planète Mars, et notamment ses conditions atmosphériques au Noachien, c'est-à-dire aux débuts de son existence.
OMEGA a également permis de détecter, en de nombreux endroits de la planète, des sulfates hydratés, tels que, par exemple, de la kiesérite MgSO4•H2O dans la région de Meridiani Planum, voire, dans la région de Valles Marineris, des sulfates encore davantage hydratés dont il n'a pas été possible d'identifier la nature minéralogique, ainsi que des dépôts de gypse CaSO4•2H2O sur de la kiesérite au fond d'un lac asséché, indiquant un changement de nature saline de ce plan d'eau au cours de son asséchement, passant du sulfate de magnésium [ Mg2+ ][ SO42-] au sulfate de calcium [ Ca2+ ][ SO42- ].
De vastes étendues de sulfate de calcium hydraté, vraisemblablement du gypse, ont également été détectées en bordure de la calotte polaire boréale. La présence de ces minéraux hydratés est une indication forte de la présence passée d'étendues d'eau liquide à la surface de Mars, une eau contenant notamment des sulfates de magnésium et de calcium dissous.
La sonde 2001 Mars Odyssey a détecté également la présence de chlorures dans les hautes terres de l'hémisphère sud, résultant de l'évaporation de plans d'eau salée ne dépassant pas 25 km2 en divers endroits de ces terrains anciens remontant au Noachien voire, pour certains, au début de l'Hespérien.
L'un des résultats les plus étonnants de Mars Reconnaissance Orbiter provient de l'étude détaillée en 2008 de la région de Nili Fossae, identifiée début 2009 comme source d'importants dégagements de méthane. Le méthane a été détecté dès 2003 dans l'atmosphère de Mars, aussi bien par des sondes telles que Mars Express que depuis la Terre ; ces émissions de CH4 se concentreraient notamment en trois zones particulières de la région de Syrtis Major Planum. Or le méthane est instable dans l'atmosphère martienne, des études récentes suggérant même qu'il soit six cents fois moins stable qu'estimé initialement (on évaluait sa durée de vie moyenne à 300 ans) car le taux de méthane n'a pas le temps de s'uniformiser dans l'atmosphère et demeure concentré autour de ses zones d'émission, ce qui correspondrait à une durée de vie de quelques centaines de jours, avec une source de méthane 600 fois plus puissante qu'estimé initialement, émettant ce gaz une soixantaine de jours par année martienne, à la fin de l'été de l'hémisphère nord.
Les analyses géologiques menées en 2008 par Mars Reconnaissance Orbiter dans la région de Nili Fossae ont révélé la présence d'argiles ferromagnésiennes (smectites), d'olivine (silicate ferromagnésien (Mg,Fe)2SiO4, détectée dès 2003) et de magnésite (carbonate de magnésium MgCO3), ainsi que de serpentine. La présence simultanée de ces minéraux permet d'expliquer assez simplement la formation de méthane, car, sur Terre, du méthane CH4 se forme en présence de carbonates — tels que le MgCO3 détecté en 2008 — et d'eau liquide lors du métamorphisme hydrothermal d'oxyde de fer(III) Fe2O3 ou d'olivine (Mg,Fe)2SiO4 en serpentine (Mg,Fe)3Si2O5(OH)4, particulièrement lorsque le taux de magnésium dans l'olivine n'est pas trop élevé et lorsque la pression partielle de dioxyde de carbone CO2 est insuffisante pour conduire à la formation de talc Mg3Si4O10(OH)2 mais aboutit au contraire à la formation de serpentine et de magnétite Fe3O4, comme dans la réaction :
La probabilité de ce type de réactions dans la région de Nili Fossae est renforcée par la nature volcanique de Syrtis Major Planum et par l'étroite corrélation, observée dès 2004, entre le taux d'humidité d'une région et la concentration de méthane dans l'atmosphère.
L'olivine, découverte dans la région de Nili Fossae ainsi qu'en d'autres régions martiennes par le Thermal Emission Spectrometer (TES) de Mars Global Surveyor, est un minéral instable en milieu aqueux, donnant facilement d'autres minéraux tels que de l'iddingsite, de la goethite, de la serpentine, des chlorites, des smectites, de la maghémite et de l'hématite ; la présence d'olivine sur Mars indique donc des surfaces qui n'ont pas été exposées à l'eau liquide depuis la formation de ces minéraux, laquelle remonte à plusieurs milliards d'années, jusqu'au Noachien pour les terrains les plus anciens. Il s'agit donc d'une indication forte de l'aridité extrême du climat martien au cours de l'Amazonien, aridité qui avait semble-t-il déjà commencé, au moins localement, à la fin de l'Hespérien.
Par ailleurs, la découverte en 2004 de jarosite, un sulfate ferrique hydraté de sodium de formule NaFe(III)3(OH)6(SO4)2, par le rover martien Opportunity sur Meridiani Planum, a permis de préciser encore davantage l'enchaînement des épisodes climatiques sur Mars. Ce minéral se forme en effet, sur Terre, par l'altération de roches volcaniques en milieu aqueux oxydant acide, de sorte que sa détection sur Mars implique l'existence d'une période de climat humide permettant l'existence d'eau liquide acide. Mais ce minéral est également assez rapidement dégradé par l'humidité, pour former des oxyhydroxydes ferriques tels que la goethite α-FeO(OH), qui a par ailleurs été retrouvée en d'autres endroits de la planète (notamment par le rover Spirit dans le cratère Gusev). Par conséquent, la formation de la jarosite en climat humide a dû être rapidement suivie jusqu'à nos jours d'un climat aride afin de préserver ce minéral, nouvelle indication que l'eau liquide avait cessé d'exister à l'Amazonien mais avait été présente aux époques antérieures de l'histoire de Mars.