Surtsey - Définition

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Écosystème


Vue aérienne de Surtsey depuis l'ouest en 1999.
Coordonnées 63° 18′ 11″ Nord
       20° 36′ 8″ Ouest
/ 63.30306, -20.60222
Pays Islande  Islande
Région** Europe et Amérique du nord
Type Naturel
Critères ix
Superficie 31,9 km2
Numéro d'identification 1267
Année d’inscription 2008
Réserve naturelle de Surtsey
Catégorie IUCN Ia
Identifiant 1553
Pays Islande  Islande
Superficie 33,7 km2
Création 1965

Enjeux et protection

L'émersion d'une nouvelle île au cours d'une éruption volcanique, constituant ainsi une terre totalement vierge de vie, représente une occasion pour les biologistes d'étudier grandeur nature la formation d'un nouvel écosystème. Dans l'optique de sa préservation de toute intervention extérieure, l'île est classée réserve naturelle dès 1965 alors même que l'éruption volcanique n'est pas terminée et sa gestion est confiée à la Surtsey Research Society financée par des fonds islandais. Son accès est alors strictement interdit hormis pour quelques scientifiques qui doivent obtenir une autorisation délivrée par le muséum d'histoire naturelle de Reykjavík, ceci afin de préserver l'écosystème de l'île de toute introduction d'espèce animale ou végétale par l'homme. Seul le survol de l'île est autorisé sans restriction ce qui permet de ne pas interférer sur l'élaboration de cette succession primaire.

Surtsey est présenté en 2001 par le gouvernement islandais à l'UNESCO en vue d'être listée comme un site du patrimoine mondial. Lors de la 32e session du comité du patrimoine mondial qui s'est déroulé du 2 au 10 juillet 2008 à Québec au Canada, Surtsey obtient son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité ce qui lui permet une meilleure protection avec l'établissement d'une zone tampon maritime de 31,9 km2 autour de l'île, incluant les monts sous-marins de Surtla, Jólnir et Syrtlingur. À l'intérieur de cette zone, toute activité humaine est strictement interdite hormis l'étude de son écosystème et la pêche sauf dans le cas de l'utilisation de chalut de fond. Son inscription était espérée sur les critères viii et ix qui prennent en compte respectivement l'aspect géologique exceptionnel du site et notamment son mode de formation ainsi que des processus biologiques et écologiques terrestres, côtiers et maritimes représentatifs, mais seul le critère ix a été retenu en raison du caractère géologique trop commun et trop limité dans l'espace. De plus, l'inscription de Surtsey fait partie d'une démarche de protection de différents sites volcaniques à travers le monde dont seul le cas du Krakatoa en Indonésie est semblable à celui de Surtsey. En effet, suite à son éruption catastrophique survenue en 1883, une nouvelle île, nommée Anak Krakatoa, est née mais par le biais d'un volcan gris en climat tropical et non par le biais d'un volcan rouge en climat océanique comme c'est le cas de Surtsey. Un autre point fort de Surtsey est son étude par des scientifiques de différentes disciplines et ce, dès le début de son éruption, ce qui permet une compréhension globale des phénomènes géologiques et écologiques qui s'y sont déroulé ou qui se poursuivent encore.

Cette protection de Surtsey entreprise depuis son émersion permet aux scientifiques d'affirmer que l'île n'accueille aucune espèce animale ou végétale dont la présence pourrait être imputée à une intervention humaine. Malgré cette protection qui la préserve de tout développement humain comme le tourisme ou des constructions, l'île est soumise dans son ensemble à des menaces extérieures telles que son érosion, l'exploitation de ses ressources halieutiques, le réchauffement climatique, la pollution atmosphérique et maritime, le dépôt sur les côtes de déchets flottants mais aussi propres à l'île avec l'éventualité d'une nouvelle éruption volcanique.

Étude de la colonisation

Macareux moines sur une falaise du cap Látrabjarg en Islande le 16 juin 2007.

Surtsey ayant surgi des flots à la faveur de son éruption volcanique terminée le 5 juin 1967, elle constituait à l'époque une terre émergée totalement vierge de vie. Les scientifiques et notamment les botanistes et les zoologistes saisirent l'occasion d'étudier in situ l'établissement de la vie au cours d'une succession primaire et de l'arrivée d'animaux. Le site intéressa également les géologues car ils pouvaient étudier le devenir des roches de l'île, notamment sa transformation en sol à partir d'un substrat rocheux compact.

L'observation scientifique de Surtsey dans le but d'étudier l'arrivée de la vie a commencé pendant son éruption une fois que l'île était suffisamment grande et sûre pour que des scientifiques puissent y débarquer. Ainsi, ils détectent la première forme de vie observée sur Surtsey lorsque des Mouettes tridactyles vraisemblablement à la recherche de sites de nidification se posent sur l'île à partir du 1er décembre 1963 soit deux semaines après le début de l'éruption. Ces simples visiteurs seront suivis par de véritables occupants qui sont les insectes. Ces derniers, notamment ceux vivant dans le sol comme les collemboles, permettent l'ameublissement du substrat et sa fertilisation. Ces insectes trouvent leur nourriture chez les végétaux qui s'établissent sur l'île dans le même temps et qui sont représentés par des lichens, des mousses et des champignons. Un sol se forme alors peu à peu grâce à leur action et à celle des insectes mais aussi des conditions météorologiques.

La présence d'insectes, d'une terre vierge exempte de tout prédateur et de tout concurrent ainsi que la présence à proximité d'eaux parmi les plus poissonneuses de la région incite les oiseaux à s'y arrêter lors de leur migration ou pour s'y reproduire. Limitée à de simples missions d'observation bi-annuelles chaque printemps et automne, l'étude de l'avifaune devient plus poussée à partir de 1970 lorsque la reproduction et la nidification de ces oiseaux sur Surtsey est avérée. Une cartographie des nids et leur comptage est alors effectuée, opération renouvelée en 1990 et en 2003. De ces données recoupées avec d'autres informations pourront être tirées un certain nombre de conclusions. Ainsi, l'arrivée des oiseaux sur Surtsey et leur développement a favorisé l'arrivée et l'installation de nombreuses espèces d'invertébrés et de végétaux qui ont été transportés dans leur plumage, sur leurs pattes ou dans leur tube digestif. De plus, la constitution d'une importante colonie d'oiseaux composée majoritairement de plusieurs espèces de goélands sur le plateau de lave dans le sud de l'île a accéléré la formation d'un sol. En effet, la présence au même endroit d'oiseaux accompagnés des nombreuses espèces et individus d'invertébrés et de végétaux a concentré les facteurs favorisant la pédogenèse par la fragmentation et l'ameublissement du substrat par les végétaux et les invertébrés ainsi que sa fertilisation par la décomposition du guano des oiseaux, des excréments des insectes, des cadavres d'animaux et des débris végétaux des plantes mortes sur pied et de ceux apportés par les oiseaux pour la construction de leur nid. De plus, la forte couverture végétale de l'île au niveau de cette colonie de goélands permet le maintien du sol qui évite ainsi d'être érodé par les intempéries.

Armérie maritime en Islande en juillet 2007.

À cet endroit, la formation végétale est essentiellement composée de plantes vasculaires dont l'arrivée a été particulièrement étudiée. Bien que Cakile maritima, une espèce de la famille des brassicacées, soit le premier végétal recensé sur Surtsey avant les lichens et les mousses, les plantes vasculaires sont arrivées pour la plupart grâce aux oiseaux. Ainsi, lors des premières années de colonisation de l'île par les oiseaux, une vingtaine d'espèces de plantes vasculaires sont observées et leur nombre augmentera de deux à cinq nouvelles espèces par an, certaines s'établissant plus ou moins bien, d'autre disparaissant. Au total, après une quarantaine d'années d'émersion, une soixantaine d'espèces de plantes vasculaires ont été rencontrées sur Surtsey dont une trentaine qui sont toujours présentes au début du XXIe siècle. Les dernières espèces de plantes vasculaires découvertes sur Surtsey l'ont été en 1998 avec le premier buisson observé sur l'île, un spécimen de l'espèce Salix phylicifolia qui peut atteindre quatre mètres de hauteur, ainsi qu'en juillet 2007 avec le recensement de cinq nouvelles espèces inconnues sur Surtsey.

À partir du début des années 1990, le développement des colonies de goélands va relancer la colonisation de l'île par des végétaux, notamment des lichens, et par des invertébrés comme le lombric qui est recensé pour la première fois en 1993. En 2008, la dernière espèce d'oiseau recensée comme reproductrice sur l'île est le Macareux moine avec la présence de deux couples en 2004, installation tardive sur Surtsey au regard des dix millions d'individus qui se trouvent à quelques kilomètres sur Heimaey et qui constituent la colonie la plus importante au monde. Au début du XXIe siècle, aucun mammifère terrestre, amphibien ou reptile n'a encore été rencontré sur Surtsey.

Sous la surface de la mer, la vie s'est aussi installée sur les flancs immergés de Surtsey. Il s'agit principalement d'algues vertes mais aussi brunes et rouges dont une de type kelp qui abritent des mollusques, des crustacés, des hydrozoaires, des bryozoaires, etc. Ces espèces, pour la plupart sessiles, ont probablement été apportées par les courants marins qui ont dispersé des propagules depuis les fonds marins entourant le reste des îles Vestmann d'où sont originaires la majorité des espèces. Toutefois, les fonds marins autour de Surtsey sont plus pauvres en nombre d'espèces que leurs voisins vraisemblablement en raison de l'instabilité des pentes. La faune marine est aussi représentée par des cétacés déjà présents dans ces régions avant la formation de Surtsey comme des Orques, ces derniers étant attirés par la présence d'un groupe de Phoques gris et communs. Ces pinnipèdes ont choisi Surtsey, plus précisément la flèche littorale formant la pointe Nord de l'île, comme lieu de vie et de reproduction depuis le début des années 1980, la forte érosion maritime qui se produisait jusqu'à cette époque ne les incitant pas à y séjourner.

Grâce à ces observations, les scientifiques ont identifié trois principaux modes d'arrivée des êtres vivants :

  • par eux-mêmes lorsqu'il s'agit d'animaux volants (oiseaux, insectes ailés, etc) ou nageant (phoques) ;
  • transportés passivement par les vents ou les courants marins, le cas échéant par le biais de débris, notamment dans le cas de propagules, de graines et d'animaux invertébrés ;
  • transportés passivement par d'autres animaux notamment les oiseaux.

Surtsey étant distante de quelques dizaines de kilomètres des côtes Sud de l'Islande et de quelques kilomètres des autres îles Vestmann, la faune et la flore proviennent généralement de ces terres. Mais certaines espèces, notamment des oiseaux migrateurs, se rencontrent aussi de l'Arctique canadien à l'Europe. Le transport par des débris flottant est conforté en 1974 lorsque des scientifiques qui analysent des mottes de terre arrivées sur Surtsey y découvrent 663 individus d'invertébrés terrestres, pour la plupart des mites et des collemboles qui ont en majorité survécu à la traversée.

Étude géologique

Surtsey a constitué une possibilité jusqu'alors inédite pour les volcanologues et les géologues d'observer la formation d'un volcan sous-marin depuis le fond de la mer jusqu'à son émersion et la poursuite de son activité aérienne. Ainsi, le premier débarquement de géologues sur Surtsey s'est déroulé le 16 décembre 1964 et des photographies aériennes furent prises dès février 1964 dans le but de mieux étudier le phénomène. Une expérience visant à étudier la réaction de la lave au contact de l'eau de mer fut menée par un Islandais en 1967. Ce dernier pompa de grandes quantités d'eau de mer pendant plusieurs heures qu'il projeta sur une petit coulée de lave qui fut refroidie sur un de ses côtés et déviée de l'autre. Ce fut la première expérience de ce genre, préfigurant la tentative réussie de dévier une coulée de lave lors de l'éruption de l'Eldfell en 1973 sur l'île d'Heimaey distante de quelques kilomètres.

L'étude de la colonne éruptive de Surtsey permit d'élucider le mode de formation des éclairs qui traversent fréquemment les panaches émis au cours d'éruptions hydromagmatiques et sous-glaciaires. La fragmentation de la lave à sa sortie et sa mise en contact avec de l'eau très froide provoque sa fragmentation, sa charge négative et la charge positive de la vapeur d'eau. Le rééquilibrage des charges électriques provoque alors la formation de ces éclairs entre les panaches cypressoïdes de lave et la colonne de vapeur d'eau.

L'analyse de la nette modification chimique des laves émises par Surtsey au cours de son éruption a permis de mettre en évidence l'existence d'une chambre magmatique profondément enfouie dans la croûte terrestre et où s'est opérée une différenciation magmatique. L'analyse de la composition chimique des gaz volcaniques s'est faite pour la première fois dans des conditions où ces gaz n'ont pas été contaminés par ceux de l'atmosphère, permettant ainsi d'étudier la composition chimique exacte des gaz rejetés par un magma. Ceux de Surtsey ont montré un pourcentage d'eau très faible, de l'ordre de 0,6 % ce qui est typique des basaltes alcalins.

L'activité hydrothermale de Surtsey a été étudiée tous les trois ans depuis sa découverte. Jusqu'alors inexistante comme le confirment des photographies aériennes infrarouge de l'île réalisées en août 1966, cette anomalie thermique a été mise au jour par hasard au printemps 1967. De nouvelles vues aériennes prises dans l'infrarouge en août 1968 indiquent que cette anomalie est la plus importante au niveau du cratère Surtur. Cette anomalie thermique qui entraîne en surface une activité hydrothermale est apparemment provoquée par l'extrusion de lave sous Surtur entre décembre 1966 et janvier 1976. Toutefois, cette activité hydrothermale, de même que celle présente dans le cratère Surtungur, est de type « faible température » contrairement à la plupart des activités hydrothermales du reste de l'Islande qui sont de type « haute température ». Présente jusqu'en 1979, cette activité hydrothermale commença à décliner vraisemblablement en raison du compactage des couches de téphras. Ainsi, en 1995, les températures au niveau des ouvertures dans le sol étaient du même ordre que les températures ambiantes. Ce phénomène est confirmé par l'étude de l'évolution des températures des roches effectuée entre 1980 et 2004 grâce à un forage réalisé en 1979 dans le cratère de Surtur. Les données montrent un refroidissement général des roches de l'île inférieur à °C par an, y compris là où les températures sont les plus élevées, à 46 mètres sous le niveau de la mer, avec 130 °C en 2004. L'écart de température le plus important entre les deux dates est obtenu au niveau de la surface de l'île avec une différence de 80 °C, passant de 100 °C à 20 °C.

Cette activité hydrothermale ne fut pas sans conséquence sur les roches de l'île puisqu'elle entraîna une rapide altération des téphras. Ainsi, la cartographie de l'île effectuée entre 1968 et 1977 et permettant la comparaison entre les surfaces composées de téphras et celles composées de tuf à palagonite permit d'évaluer le taux de palagonitisation des téphras. Normalement de l'ordre de plusieurs centaines d'années, ce taux n'est que de un à deux ans au niveau des zones situées à une température de 100 °C mais il chute drastiquement en dessous de 40 °C. Ce taux fut confirmé en 2004 lorsqu'une cartographie de l'île montra que 55 % des roches de surface étaient composées de tuf à palagonite soit 85 % du volume de l'île. L'étude de la palagonitisation des téphras de Surtsey permit aux géologues de découvrir que cette altération rocheuse se produit après les éruptions volcaniques et qu'elle se déroule à des pressions et des températures relativement basses.

Les conditions géologiques et météorologiques de Surtsey, caractérisées par une forte pluviométrie et des vents violents, permirent pour la première fois d'étudier l'érosion provoquée par les intempéries. Il fut alors démontré que la perte de matériaux, principalement des téphras, due au vent était de quatre mètres en 2004 au niveau des cônes de téphra et jusqu'à dix mètres dans le centre du cratère Surtur. Ces téphras se sont majoritairement retrouvés à la base des pentes des deux cratères, mettant ainsi au jour leur cœur de tuf palagonitisé, et sur les coulées de lave. L'érosion par les pluies s'est manifestée par des phénomènes de solifluxion et de coulées de matériaux, notamment sur les flancs Nord des deux cratères. L'étude des effets de l'érosion maritime sur les côtes de Surtsey permit de mettre en évidence l'efficacité d'action des vagues sur les différents matériaux composant l'île. Ainsi, si les scientifiques s'attendaient à une rapide érosion des terrains composés de téphras, ils furent surpris par la fragilité de la couche de lave face aux vagues. Ces dernières pouvaient transformer le littoral modérément incliné en une falaise de plusieurs mètres de hauteur surplombant des plages de sable ou des amoncellements de blocs de lave arrondis en seulement quelques jours au cours de tempêtes hivernales. Ce phénomène fut particulièrement remarqué au cours de l'hiver 1963-1964 au cours duquel un retrait des côtes de quarante mètres en moyenne et de 140 mètres au maximum fut observé. L'étude comparée de la réaction des différents matériaux de l'île face à l'énergie des vagues montre que ces derniers réagissent différemment. Tandis qu'une bonne partie des téphras a été rapidement emportée, la lave a plutôt bien résisté dans un premier temps mais son érosion se poursuit à un rythme non négligeable une quarantaine d'années après la fin de l'éruption. Les sédiments côtiers tendent aussi à être emportés même si ils sont alimentés par les débris provenant des autres formations de l'île, permettant ponctuellement leur augmentation, notamment au cours des tempêtes hivernales. L'érosion des fonds marins de Surtsey est également importante, y compris pour les monts sous-marins de Surtla, Syrtlingur et Jólnir dont le sommet s'est progressivement éloigné de la surface de la mer depuis la fin de leur éruption. En extrapolant les taux d'érosion des différents matériaux composant Surtsey et sauf nouvelle éruption, l'île ne devrait plus être composée que de tuf à palagonite au début du XXIIe siècle une fois les téphras, la lave et les sédiments entièrement érodés.

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