Histoire du vol spatial - Définition

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Introduction

L'astronaute Piers Sellers pendant la troisième sortie extravéhiculaire de la mission STS-121

L'histoire du vol spatial retrace au cours du temps l'exploration de l'univers et des objets extérieurs à la Terre, par l'envoi dans l'espace de matériel d'analyse (satellites, sondes et robots), mais aussi par l'envoi d'hommes.

L'idée d'envoyer un objet ou un homme dans l'espace a été conçue par des philosophes et des romanciers des centaines d'années avant que cela ne soit physiquement et matériellement possible. Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, avec le développement des moyens de propulsion adéquats, de l'amélioration des matériaux, l'envoi d'une mission dans l'espace ne fut plus un rêve mais une réalité.

Elle prit donc son essor à la fin de la Seconde Guerre mondiale grâce aux avancées allemandes dans le domaine des fusées, et elle fut un des grands moments de la seconde moitié du XXe siècle. Elle fut marquée, à ses débuts, par une forte concurrence entre les États-Unis et l'URSS, pour des motifs de prestige national liés à la guerre froide. Cette concurrence connut son point d'orgue lors de l'envoi des premiers hommes sur la Lune. Lors des décennies suivantes, les agences spatiales se concentrèrent sur la mise en place de moyens pérennes d'exploration, comme la navette spatiale ou les stations spatiales. A la fin du XXe siècle, seulement cinquante ans après les débuts de la conquête de l'espace, le paysage avait déjà beaucoup changé : les luttes idéologiques ont fait place à la collaboration internationale, la station spatiale internationale, et le lancement de satellite s'est largement étendu au secteur privé, grâce au pionnier arianespace. De même, bien que la conquête spatiale soit toujours largement dominée par des agences spatiales nationales ou internationales telles que l'ESA ou la NASA, plusieurs entreprises tentent aujourd'hui de développer des vols spatiaux privés. Le tourisme spatial intéresse également les entreprises à travers le partenariat avec des agences spatiales, mais également par le développement de leur propre flotte de véhicules spatiaux. Abandonnés depuis quarante ans, les projets d'envoi d'hommes, voire de colonisation sur la Lune ou Mars ont été remis à jour, sans toutefois aucune certitude quant à la volonté réelle de les mener à terme.

Les balbutiements

Les utopies

L'idée de voyager dans l'espace, d'atteindre une autre planète ou la Lune est très ancienne; les premiers rares récits à ce sujet étaient assez fantaisistes, car leur but n'était pas technique mais philosophique. Ainsi, lorsqu'en 125 environ, le syrien Lucien de Samosate écrivit en grec Une histoire vraie (Ἀληθῆ διηγήματα), un récit relatant le voyage d'Ulysse jusqu'à la Lune dans une panse de baleine, où il assiste à une guerre entre les sélénites et les habitants du Soleil, Samosate critiquait en fait la société de son époque.

Columbia, le vaisseau-obus de Jules Verne

Les premières fusées furent des armes, loin de la vision spatiale que nous en avons aujourd'hui. Elles furent inventées en Chine, aux alentours du XIIIe siècle. La première trace écrite de leur utilisation est la chronique de Dong Kang mu, en 1232, qui raconte leur utilisation par les Mongols lors de l'attaque de la ville de Kaifeng; il est d'ailleurs possible que le concept de fusée ait été propagé par eux lors de leur invasion de l'Eurasie. Les fusées sont alors des tubes de papier ou de carton contenant de la poudre, dont les tirs sont aléatoires et dangereux même pour leurs servants. Il existe en Chine le mythe de Wan Hu, fonctionnaire chinois du XVIe siècle qui aurait tenté d'attendre la Lune à l'aide d'une chaise sur laquelle étaient montées 47 fusées. Malgré les améliorations apportées petit à petit aux fusées, par l'ajout d'une baguette de guidage, ou d'ailettes de stabilisation, ou par l'utilisation de corps en fer, techniques qui les rendaient plus sures, plus stables et plus puissantes, l'artillerie finit remplacer leur fonction d'arme.

Puis, en 1648, l'évêque anglais Francis Godwin écrivit le Voyage chimérique au monde de la Lune, et en 1649, Hercule Savinien Cyrano de Bergerac décrivit huit techniques possibles pour voler jusqu'à la Lune, et quatre pour atteindre le Soleil. L'un de ces procédés consistait en plusieurs fusées à poudre allumées successivement, approche comparable aux fusées à étage modernes. Pour autant, ces textes restaient toujours à but philosophique, et non technique ou anticipatif. .

Le sujet devint plus courant et plus technique au XIXe siècle, malgré encore de nombreuses invraisemblances. Ainsi, le roman De la Terre à la Lune de Jules Verne, édité en 1865 et diffusé mondialement, raconte un voyage vers la Lune à bord d'un obus tiré par un canon géant. Si Jules Verne fit l'erreur de ne pas réaliser que les voyageurs seraient tués par l'énorme accélération due au tir, il expliqua à juste titre dans son roman que le corps du chien accompagnant les héros, largué depuis le vaisseau en déplacement dans l'espace, continuerait son mouvement sur une trajectoire parallèle au vaisseau. Ce phénomène, exact mais peu intuitif, montre l'approche scientifique du sujet faite par l'auteur. Dans Un habitant de la planète Mars écrit par Henri de Parville en 1865, de nombreuses sciences furent utilisées afin de déduire l'origine martienne d'un corps extraterrestre sur terre. Achille Eyraud imagina en 1865 dans Voyage à Vénus un vaisseau à réaction. Plus tard, en 1901, H. G. Wells publie Les 1er hommes dans la Lune, roman dans lequel le voyage dans l'espace est permis grâce à un matériau nommé 'cavorite' qui annule les effets de la pesanteur.

Les idées et les essais des pionniers

Robert Goddard posant devant sa fusée

Tous ces récits restèrent utopiques malgré les tentatives d'explications et d'inventions techniques, et très peu de gens considéraient sérieusement le voyage dans l'espace. Pour autant, les sciences et techniques de l'époque commençaient à permettre, si ce n'est de les accomplir, des essais sérieux sur le décollage et la libération de la pesanteur terrestre.

Au début du XXe siècle, en Russie, un instituteur nommé Constantin Tsiolkovski réfléchit à un « engin à réaction » pouvant atteindre une vitesse nécessaire à la mise en orbite, et permettant d'évoluer dans le vide spatial. Il imagina les fusées à étages, le concept de station spatiale, l'utilisation de combustibles liquides par mélange de comburant et carburant en remplacement de la poudre qui ne peut pas brûler dans le vide de l'espace, et qui n'était alors pas assez puissante. Il écrivit des textes compilant ses idées, mais limité par les technologies de l'époque, il ne passa pas à la pratique. Assez peu reconnu du temps de sa vie, il est rétrospectivement considéré comme un pionnier.

Quelques années après, à partir des années 1909, Robert Goddard, un enseignant d'université aux États-Unis travailla sur la réalisation de fusées à étages et à propulsion liquide, pour lesquelles il déposa des brevets. Il commença à fabriquer lui même des prototypes, puis fut financé par le Smithsonian Institute, et, lors de la 1re guerre mondiale, par l'armée américaine. Alors que Constantin Tsiolkovski était passé assez inaperçu de ses compatriotes, lui fut la cible de moqueries de la part des journalistes de l'époque. Par exemple, le 13 janvier 1920, l'éditorial du New York Times critiqua les idées de Goddard, allant même jusqu'à l'accuser d'ignorance : « [...] Of course he only seems to lack the knowledge ladled out daily in high schools » (« Il semble qu'il lui manque les connaissances du niveau du lycée »); le journal s'excusera le 17 juillet 1969 alors que l'équipage d'Apollo est en route pour la Lune (« The Times regrets the error »). Goddard vit sa première fusée à propulsion liquide, 'Nell', quitter le sol le 16 mars 1926, pour un vol de 2,5 secondes et de 13 mètres de haut. Grâce au financement du financier Daniel Guggenheim, il déménagea à Roswell, au Nouveau-Mexique. Malgré tout, la qualité de ses travaux ne fut que très peu reconnue par le public ou l'armée de son vivant.

Dans le même temps en Allemagne, Hermann Oberth travailla lui aussi sur les fusées, et publia en 1923 sa thèse La fusée dans les espaces interplanétaires (pour un doctorat qui lui sera refusé), puis le livre Le voyage dans l'espace en 1929. Ses idées furent mieux accueillies, dans une Allemagne en renaissance, où les fusées étaient même testées comme propulsion de voitures, comme la RAK-2 essayée par Fritz von Opel, qui atteignit les 230 km/h en 1928. Les essais de ces fusées restaient pourtant incertains; Oberth perdit un œil lors de l'explosion d'une fusée publicitaire pour le film Une femme dans la Lune de Fritz Lang. Il arriva tout de même à faire fonctionner un moteur fusée à carburant liquide, le 7 mai 1931.

Les sociétés astronautiques

Même si le voyage dans l'espace laissait insensibles de grandes parts de la population, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, certains passionnés se regroupèrent dans des 'sociétés d'astronautique' dans différents pays.

En 1927 fut créée à Wroclaw la Verein für Raumschiffahrt (ou VfR, pour Société pour la navigation dans l'espace) par Johannes Winkler, à laquelle adhérèrent Hermann Oberth, un étudiant du nom de Wernher von Braun, Max Valier ou Willy Ley entre autres. Winkler lança la 1re fusée à ergols liquides d'Europe en février 1931, Rudolf Nebel et Klaus Riedel testèrent leurs fusées 'Mirak' qui atteignirent plus d'un kilomètre d'altitude. L'armée Allemande proposa son aide financière, mais la VfR, après de houleux débats, refusa. Après sont accession au pouvoir, le parti nazi, méfiant face à cette association, lui fit des difficultés et interdit les essais civils de fusées. En conséquence, pour pouvoir continuer les recherches, certains membres comme von Braun rejoignirent l'armée allemande, toujours intéressé par ces technologies, sous la direction de Walter Dornberger.

La deuxième société astronautique importante fut créée en URSS en 1931: le Grouppa Izoutcheniïa Reaktivnovo Dvijeniïa (ou GIRD pour Groupe d'étude du mouvement à réaction), qui était divisé en cellules locales (d'abord à Moscou et Leningrad), et comptait comme membres Sergueï Korolev, Mikhail Tikhonravov. En novembre 1933, la GIRD-X à carburant liquide (alcool et oxygène) vola à 80 mètres. En plus de ces groupes qui se créaient en URSS, le Laboratoire de dynamique des gaz (GDL) fut créé en 1928; il rassemblait Nicolas Tikhomirov et Vladimir Artmeyev, et fut rejoint par Valentin Glouchko. Les deux principaux groupes du GIRD et le GDL furent fusionnées pour former l'institut de recherche sur la propulsion par réaction (RNII), mais ce nouvel institut fut déchiré par les querelles internes et victime de dissensions entre les anciens groupes. Plus grave pour les recherches, certains de ses membres, comme Korolev et Toukhtchevski, furent victimes des purges staliniennes.

Des sociétés astronautiques se formèrent aussi dans d'autres pays, avec la l'American Rocket Society, la British Interplanetary Society, la Société astronomique de France.

Le V2, premier missile opérationnel

Tir de V2

Soutenus par l'armée allemande, les anciens membres de la VfR conçurent la série des fusées A, fonctionnant à l'alcool éthylique et à l'oxygène liquide. La première, la A1, explosa sur le champ de tir, les A2 (surnommées 'Max' et 'Moritz') furent lancées avec succès les 19 et 20 décembre 1934 à Borkum. Ces dernières avaient la particularité d'être stabilisées par une masse en rotation qui avait l'effet d'un gyroscope, qui leur permirent d'atteindre 2000 mètres. L'armée fut intéressée par ces résultats et investit dans ces recherches; l'équipe dirigée par von Braun partit à Peenemünde. La guerre se préparant, l'Allemagne souhaita posséder un missile plus massif, et le projet de la A3 commença en 1936. Cette fusée devait être plus puissante avec 1500 kg de poussée pendant 45 secondes, et pouvoir transporter une ogive de 100 kg sur 260 km. Les essais qui eurent lieu fin 1937 démontrèrent que la technologie utilisée fonctionnait, malgré quelques défauts à corriger. Pourtant, la guerre avait depuis commencé, et les succès des armes conventionnelles de l'armée poussèrent le gouvernement à arrêter ses dépenses pour les nouvelles technologies comme la recherche en astronautique, qui ne semblaient plus être utiles. Sans crédits, le développement de la version suivante, la A4, fut donc très ralenti, alors que le projet était encore plus ambitieux que le précédent : le moteur devait développer 25 tonnes de poussée.

Les deux premiers tirs de la A4 en juin puis aout 1942 furent des échecs, les fusées s'écrasant après le décollage à cause de problèmes de guidage. Lors du troisième tir, le 3 octobre 1942, la fusée parcourut 192 km, et l'armée allemande, qui commençait à être en difficulté, s'intéressa à nouveau à cette arme, et la rebaptisa V2. Malgré l'important équipement nécessaire à son tir (une trentaine de véhicules), malgré la durée des opérations de préparation (plusieurs heures), malgré le manque de fiabilité de ses tirs avant fin 1944, le missile V2 fut le premier missile balistique opérationnel, qui plus est à rampe de lancement mobile. Il emportait 750 kg d'explosifs à 100 km de haut, à une vitesse jusqu'à 4 fois celle du son (environ 5000 km/h). Il a été estimé que les V2 furent produits à environ 6000 exemplaires, dont 3000 furent utilisés pour des lancements offensifs. Pour autant, l'effet des V2 a été jugé plus psychologique que tactique, les dégâts causés par la chute assez aléatoire des missiles restant faibles en comparaison de ceux causés par d'autres armes conventionnelles.

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