Programme Apollo - Définition

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Le bilan du programme Apollo

Le triomphe de l'astronautique américaine

L'objectif fixé au programme Apollo par le président Kennedy en 1961 est rempli au-delà de toute espérance. L'astronautique américaine a su développer dans un temps record un lanceur d'une puissance inimaginable dix ans auparavant, maîtriser complètement le recours à l'hydrogène pour sa propulsion et réaliser ce qui paraissait, peu de temps auparavant, relever de la science-fiction : amener l'homme sur un autre astre. Malgré le saut technologique, le taux de réussite des lancements des fusées Saturn a été de 100 % et tous les équipages ont pu être ramenés à Terre. Aux yeux du monde entier le programme Apollo est une démonstration magistrale du savoir-faire américain et de sa supériorité sur l'astronautique soviétique qui au même moment accumule les échecs. Pour beaucoup d'Américains cette victoire démontre la supériorité de la société américaine même si cette foi dans leur système est fortement ébranlée à la même époque par l'ampleur de la contestation étudiante liée à la guerre du Viêt Nam et l'agitation sociale qui touche en particulier la minorité noire dans les grandes villes liée avec le mouvement des droits civiques.

Le bilan scientifique

Une prise en compte tardive et laborieuse des enjeux scientifiques

Le « rocher de la genèse » ramené par la mission Apollo 15

Le programme Apollo, lorsqu'il est lancé, répond à des considérations de politique extérieure : l'architecture des missions et la conception des véhicules sont définies sans se soucier de leur pertinence et de leur pérennité du point de vue de la recherche scientifique. Celle-ci est intégrée dans le projet tardivement et avec beaucoup de difficultés. Absorbés par les défis techniques à relever, la NASA et le MSC — ce dernier était particulièrement concerné puisque chargé de la conception des vaisseaux habités et de l'entraînement des astronautes — ont du mal à consacrer des forces à la prise en compte des besoins scientifiques. Enfin, membres de la NASA et scientifiques (ceux-ci étant représentés notamment par le National Academy of Sciences et le Space Science Board) tâtonnèrent longtemps pour mettre au point un mode de travail constructif, chacun voulant assumer la conduite des projets. Après avoir lancé les premières études en 1962, le Space Science Board définit au cours de l'été 1965 les points clés à traiter pour les 15 prochaines années dans le domaine de la recherche lunaire. Ce document servira de cahier des charges pour la conception des expériences scientifiques à mettre en œuvre au cours des missions Apollo.

Pour mener des recherches scientifiques sur le terrain, il valait mieux disposer de scientifiques entraînés comme astronautes que de pilotes — le vivier dans lequel avait puisé jusque là la NASA — formés à la géologie. En 1965, malgré les réticences d'une partie du management, la NASA recrute 6 scientifiques. Seuls deux d'entre eux étaient des pilotes vétérans et les autres durent suivre une formation de pilote de chasseur à réaction. Début 1966, le MSC, après avoir été plusieurs fois relancé par la direction de la NASA, mit en place une structure dédiée aux expériences scientifiques permettant d'amorcer le processus de développement des instruments embarqués. Seul le géologue Schmitt aura l'occasion d'aller sur la Lune.

Une connaissance affinée de la Lune

Roches lunaires
Mission
lunaire
Masse
rapportée
Année
Apollo 11 22 kg 1969
Apollo 12 34 kg 1969
Apollo 14 43 kg 1971
Apollo 15 77 kg 1971
Apollo 16 95 kg 1972
Apollo 17 111 kg 1972
Luna 16 101 g 1970
Luna 20 55 g 1972
Luna 24 170 g 1976

Les missions Apollo ont permis de collecter en tout 380 kg de roches lunaires dans six régions différentes de notre satellite (à comparer aux 336 grammes ramenés sur Terre par les missions soviétiques robotisées du programme Luna à la même époque). De nombreuses données ont été collectées au cours du programme : mesures effectuées par les astronautes durant leur séjour sur le sol lunaire, photographies prises depuis l'orbite lunaire, relevés effectués par les instruments logés dans une des baies du module de service à partir de la mission Apollo 15. Enfin, les stations scientifiques ALSEP, comportant de 3 à 8 instruments et déposées sur le sol lunaire durant les sorties extravéhiculaires, ont transmis leurs mesures aux stations terrestres jusqu'à l'épuisement de leur source d'énergie radioactive en septembre 1977. Les réflecteurs laser qui faisaient partie des ALSEP mais n'ont pas besoin d'une source d'énergie, car complètement passifs, sont encore utilisés de nos jours pour mesurer les variations de distance entre la Terre et la Lune.

Contre toute attente les échantillons lunaires ramenés comme les observations et les mesures effectuées n'ont pas permis de trancher entre les différents scénarios de formation de la Lune : produit de la collision entre un astre vagabond et la Terre (thèse aujourd'hui privilégiée), capture d'un astre par la Terre, formation en parallèle, etc. En effet, l'interprétation de données issues d'un milieu extraterrestre s'est avérée beaucoup plus difficile que ce que les scientifiques avaient imaginé, car nécessitant entre autres, un gros effort de recherche interdisciplinaire. Les échantillons de roche collectées indiquent une géologie complexe aussi les scientifiques estiment que la Lune est, dans ce domaine, en grande partie inexplorée malgré les 6 expéditions Apollo. Les données collectées par les 4 sismomètres ont permis d'esquisser une modélisation de la structure interne de la Lune : une croûte de 60 km d'épaisseur surmontant une couche homogène et de nature différente de 1 000 km d'épaisseur avec en profondeur un cœur à moitié fondu (1 500 °C) constitué sans doute de silicates. Les altimètres laser d'Apollo 15 et 16 ont confirmé que le centre de gravité de la Lune ne coïncidait pas avec son centre géométrique. Les données géologiques et géochimiques recueillies ont été par contre beaucoup plus difficiles à interpréter et n'ont permis de tirer que des conclusions générales : les échantillons reflètent une composition chimique différente de celle de la Terre avec une proportion plus faible des éléments les plus volatiles et plus d'éléments radioactifs que la moyenne cosmique. Trois types de roche semblent prédominer : des basaltes riches en fer dans les mers, des plagioclases ou anorthosites riches en aluminium dans les zones situées en altitude et des basaltes riches en uranium et en thorium avec des concentrations importantes de potassium, terres rares et phosphore (basaltes « KREEP »). Mais pour certains scientifiques de cette époque, ces roches ne reflètent pas la composition du sol de la Lune primordiale sans doute enseveli par le bombardement constant subi par celle-ci depuis plusieurs milliards d'années.

Les retombées technologiques

La construction de l'ordinateur de bord des vaisseaux Apollo contribua à la généralisation des circuits intégrés

L'impact du programme Apollo et des programmes spatiaux américains contemporains sur l'évolution technologique est indirect et porte sur des domaines bien précis. Il est difficile de distinguer la contribution du programme de celle des projets militaires (missile balistique) qui le précèdent ou l'accompagnent. Si les technologies concernées peuvent être clairement identifiées, il est beaucoup moins facile de mesurer précisément l'incidence du programme spatial sur les progrès constatés.

L'industrie métallurgique, qui doit répondre à des exigences particulièrement sévères (allègement, absence de défaut) et aux contraintes de l'environnement spatial (vide entraînant la sublimation des métaux, vibration, chaleur), crée de nouvelles techniques de soudure, dont le soudage par explosion, pour obtenir des pièces sans défaut. Le recours à l'usinage chimique, qui deviendra plus tard un procédé essentiel pour la fabrication des composants électroniques, est fréquent. Il a fallu mettre au point de nouveaux alliages et recourir à des matériaux composites. Les instruments de mesure installés dans les engins spatiaux ont dû satisfaire des exigences de précision, fiabilité et rapidité beaucoup plus élevées que la norme. L'instrumentation biomédicale est née de la nécessité de contrôler l'état de santé des astronautes en vol. Enfin, les projets de la NASA des années 1960 ont permis d'affiner les techniques de calcul de la fiabilité et de mettre au point un grand nombre de techniques de gestion de projet : PERT, WBS, gestion de la valeur acquise, revue technique, contrôle qualité.

Le programme Apollo a contribué à l'essor de l'informatique : le développement des programmes de navigation et de pilotage des vaisseaux Apollo voit apparaître la scission entre hardware et logiciel. Les méthodes de programmation et de test sont également en partie nées des exigences de fiabilité et de la complexité des logiciels développés pour le programme. Enfin, le projet lance l'utilisation des circuits intégrés qui ont fait leur apparition en 1961. La NASA achète au début du programme 60 % de la production mondiale pour les besoins des ordinateurs des vaisseaux Apollo.

L'impact sur la société

Lorsque la fiction semble devenir réalité

L'ère spatiale débute en plein age d'or d'une science-fiction américaine inspirée par les réalisations techniques nées de la Seconde Guerre mondiale et incarnée par des écrivains comme Isaac Asimov, Robert Heinlein, Arthur C. Clarke. Leurs œuvres dressent en images saisissantes et crédibles, le portrait d'une civilisation terrestre et plus particulièrement américaine qui s'est étendue aux planètes voisines ou aux étoiles. Des ingénieurs comme le futur concepteur de la Saturn V Wernher von Braun (ce dernier à travers ses contacts avec Walt Disney) contribuent également à populariser l'idée de l'exploration de l'espace par l'homme. Lorsque le programme Apollo est lancé, la rhétorique sous-jacente de la littérature de fiction spatiale (nouvelle frontière, conquête de l'espace) est reprise dans le discours de responsables politiques et de ceux l'agence spatiale. Aiguillés par la NASA, des magazines comme Life, la télévision américaine en pleine expansion, transforment la course à l'espace et le programme Apollo en particulier, en un feuilleton haletant, suivi avec passion par les Américains et dont les astronautes sont les héros. Le film 2001 : L'Odyssée de l'espace, réalisé en collaboration étroite avec les spécialistes de l'industrie spatiale et qui sort en 1968, reflète l'idée que se font beaucoup d'un futur spatial qui semble désormais à portée de main.

La Terre comme on ne l'avait jamais vue (Apollo 8)

La Terre vue de la Lune (Apollo 8).

Lorsque les cosmonautes d'Apollo 8 effectuent le voyage initial vers la Lune, donnant à des millions de téléspectateurs pour la première fois la possibilité d'apercevoir leur planète plongée dans l'espace, ils sont sans doute nombreux à partager le sentiment qui inspire au poète Archibald MacLeish ce texte intitulé « Riders on earth together, Brothers in eternal cold » (« Passagers solidaires de la Terre, frères dans le froid éternel ») qui fut imprimé le jour de Noël à la Une du New York Times :

« To see the earth as it truly is, small blue and beautiful in that eternal
silence where it floats, is to see ourselves as riders on the earth together,
brothers on that bright loveliness in the eternal
cold—brothers who know now they are truly brothers »
« Contempler la Terre telle qu'elle est réellement, petit joyau bleu flottant dans un silence éternel,
c'est réaliser que nous sommes des passagers solidaires de la Terre,
frères pour l'éternité sur cette beauté multicolore au milieu du froid éternel,
frères qui réalisent maintenant qu'ils sont vraiment frères. ».

Les photos de la Terre prises depuis l'espace lointain par les équipages du programme Apollo frapperont les esprits à l'époque. La plus célèbre de ces photos est La Bille bleue prise par les astronautes d'Apollo 17. D'autres photos, comme celles montrant un lever de Terre au-dessus d'un sol lunaire dépourvu de couleurs ou celles mettant en évidence la minceur de la couche atmosphérique ont fait prendre conscience du caractère unique et fragile de notre planète, le vaisseau Terre. Ces images ont sans doute contribué à l'expansion des mouvements écologiques au cours des décennies suivantes.

Premiers pas sur la Lune, un événement marquant et quelques voix discordantes (Apollo 11)

« Eagle a atterri » : édition du The Washington Post parue le lendemain des premiers pas des deux premiers hommes sur la Lune.

Le 20 juillet 1969, 600 millions de téléspectateurs, soit un cinquième de la population mondiale de l'époque, assistent en direct à la télévision aux premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin. Si presque tout le monde s'accorde sur le fait qu'il s'agit d'un événement marquant, il y a toutefois des voix pour s'élever contre le gaspillage d'argent comme certains représentants de la communauté noire américaine, à l'époque en pleine ébullition. L'écrivain de science-fiction Ray Bradbury, qui participe à un débat à la télévision à Londres, durant lequel il se heurte aux critiques émanant, entre autres, de l'activiste politique irlandaise Bernadette Devlin, s'insurge « Au bout de 6 milliards d'années d'évolution, cette nuit, nous avons fait mentir la gravité. Nous avons atteint les étoiles... et vous refusez de fêter cet événement ? Allez au diable ! ».

Le mot de Neil Armstrong, « C'est un petit pas... », fut immédiatement repris et adapté tandis que l'expression « Si on a pu envoyer des hommes sur la Lune, alors on devrait pouvoir... » devint une phrase passe-partout. Mais l'intérêt pour le programme spatial faiblit rapidement. Le déroulement de la mission Apollo 12, pourtant filmé en couleurs contrairement à Apollo 11, fut beaucoup moins suivi. Les commentaires très techniques, hors de portée de l'Américain moyen, l'absence de péripéties banalisaient l'événement. Il fallut l'accident d'Apollo 13, qui replaçait l'homme au cœur de la mission, pour raviver l'intérêt du public.

Le programme Apollo au cinéma

Plusieurs films et de nombreux documentaires ont pris pour sujet le programme Apollo. On peut citer notamment Apollo 13, réalisé en 1995 par Ron Howard, qui reconstitue les péripéties du vol Apollo 13. The Dish, réalisé en 2000 par Rob Sitch, est une semi-fiction retraçant l'histoire de la construction d'une station de réception terrestre en Australie qui doit recevoir la première émission télévisuelle émise depuis la Lune par Apollo 11. In the Shadow of the Moon est un documentaire de 2008 constitué à partir de films d'actualités diffusés à l'époque, de documents internes de la NASA et d'interviews de plusieurs astronautes encore en vie.

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